Intervention de Michel Barnier

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Débat sur la politique agricole commune

Michel Barnier, ministre :

Nous répondrons, pour la crise viticole comme pour les autres crises, qui sont nombreuses, en utilisant tous les outils du plan de soutien à l’agriculture auxquels les entreprises viticoles ont droit.

Nous devons être vigilants et préparer sans attendre les prochaines échéances. C’est le calendrier fixé par le Président de la République, qui a raison de nous inviter, c'est-à-dire de vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à arrêter la position française sur le futur projet pour l’agriculture européenne de l’après-2013.

N’attendons pas, je le répète, que le budget commande : 2010 sera l’année pendant laquelle nous commencerons à parler des perspectives budgétaires. Je préférerais que nous commencions à parler des perspectives politiques et des raisons de construire ou de consolider tout en l’améliorant une grande politique agricole européenne.

Cette politique sera bien entendu orientée vers plus de justice et d’équité.

Il convient de sortir progressivement des références historiques. Il faut également développer de nouveaux modes de soutien pour les productions animales, à travers le soutien à l’herbe couplé à un seuil de chargement. Il s’agit encore d’introduire de la flexibilité avec de nouveaux outils de couverture des risques climatiques et sanitaires et de réfléchir à des moyens susceptibles de limiter les effets des aléas économiques. Il importe enfin de prendre en compte la diversité de nos agricultures et de lier l’attribution des soutiens à une contractualisation des débouchés.

Pour cela, nous devons aussi promouvoir les enjeux pour demain, qu’il s’agisse de la préférence communautaire, de l’organisation économique des filières ou de la gestion des marchés.

MM. de Montesquiou, Baylet, Mme Bourzai notamment ont évoqué la crise alimentaire mondiale. Nous ne pouvons pas vivre retranchés derrière nos frontières européennes, sans regarder ce qui se passe dans le monde.

Voilà pourquoi, lors du dernier G8 agricole, qui s’est tenu à Trévise dimanche dernier, je me suis réjouis que, pour la première fois, la question agricole sorte du cadre de l’OMC. Il est impossible de parler d’agriculture et d’alimentation uniquement d’un point de vue commercial : si les échanges et le commerce suffisaient à nourrir l’Afrique, cela se saurait ! Bien sûr, les échanges et le commerce sont nécessaires, mais il faut surtout développer dans ces pays – qu’il s’agisse de Haïti, des pays d’Afrique ou de ceux d’autres régions du monde – une économie agricole leur permettant d’acquérir une certaine souveraineté alimentaire.

Tous ces enjeux devront faire l’objet d’un examen attentif dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture française. Le Président de la République nous a demandé de déployer d’importants efforts dans les semaines à venir, afin que ce texte puisse vous être présenté au plus tard au début de l’année prochaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et de votre soutien. J’ai été touché par les nombreux témoignages que vous m’avez apportés dans ce moment important pour moi, puisqu’il s’agit d’un moment de transition, pendant lequel, soyez-en assurés, j’assumerai totalement mes fonctions.

Loin de constituer deux enjeux distincts, l’agriculture et l’Europe forment un débat unique, puisque la politique agricole commune constitue la première politique économique européenne depuis 1957.

Ma conviction est la suivante : derrière la question agricole, il n’y a pas que l’agriculture. J’ai dit un jour que la question agricole n’était pas seulement la question des agricultrices et des agriculteurs, mais qu’elle était également une question de société, puisqu’elle touche à l’alimentation, à l’emploi, aux territoires, à la recherche, au développement durable.

De la même manière, derrière la politique agricole européenne, il n’y a pas que la politique des agriculteurs ou de la production agricole. Il se joue une certaine idée de l’Europe, laquelle ne se résume pas à une zone de libre-échange et à un supermarché. Si l’Europe est une zone d’économie sociale de marché, elle développe aussi des politiques de solidarité, au rang desquelles il faut mettre la politique agricole commune, et des politiques de régulation, pour ne pas laisser la loi du marché l’emporter, le profit contre le travail l’emporter. Enfin, même s’il s’agit d’un autre sujet, j’espère que l’Europe aura aussi la volonté d’être une puissance politique, développant une politique étrangère et une politique de défense.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si elle doit encore évoluer – ce débat a permis d’œuvrer en ce sens –, la politique agricole commune est symbolique d’une certaine idée de l’Europe, celle des pères fondateurs. C’est cette conception qui reste la mienne.

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