Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, dans le court laps de temps qui m’est imparti, je me bornerai à mettre l’accent sur quelques-uns des nombreux problèmes que pose l’adoption telle qu’elle est conçue et telle qu’elle est appliquée dans notre pays.
S’agissant tout d’abord de l’adoption nationale, c’est-à-dire de l’adoption des enfants nés en France, on constate qu’en 2007, seulement 775 des 3 212 pupilles de l’État ont été placés en vue d’adoption. En effet, nombre d’enfants délaissés par leurs parents biologiques et placés sous la protection de l’aide sociale à l’enfance ne peuvent être adoptés parce qu’ils n’ont pas été légalement abandonnés au sens de l’article 350 du code civil.
Par la loi du 4 juillet 2005, on avait voulu améliorer cette situation très préoccupante en assouplissant les critères auxquels doit se référer le juge pour prononcer une déclaration d’abandon. On ne peut que déplorer que les pratiques n’aient pourtant guère évolué, les juges et surtout, semble-t-il, les services sociaux s’efforçant de maintenir, parfois au-delà du raisonnable, un lien, aussi ténu soit-il, entre l’enfant et ses parents biologiques. Certains enfants de six ans et plus, manifestement abandonnés, ne sont cependant pas considérés comme adoptables.
L’intérêt bien compris de l’enfant commande, à mon avis, qu’on cesse de privilégier par principe la filiation biologique dès lors qu’elle ne correspond à aucun attachement réel de la part de géniteurs parfois peu capables d’assumer leurs responsabilités. Cet acharnement aboutit seulement à priver les enfants de parents adoptifs qui les auraient, à l’évidence, mieux aimés.
Pour ce qui concerne l’adoption internationale, la loi du 4 juillet 2005 avait pour but de mieux encadrer les procédures et d’apporter ainsi davantage de garanties aux candidats à l’adoption comme aux enfants étrangers susceptibles d’être adoptés. C’est notamment à cette fin que le législateur avait créé l’Agence française de l’adoption.
Sans prétendre dresser ici un bilan de l’action de l’AFA, ce qui a été parfaitement fait par nos collègues Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, je voudrais évoquer quelques difficultés.
La définition d’une véritable stratégie de l’adoption internationale ne relève pas de l’AFA, mais reste de la compétence de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, l’ACAI, laquelle ne semble pas toujours s’acquitter au mieux de cette tâche, spécialement en matière de coordination de l’implantation de l’AFA et des organismes autorisés pour l’adoption, les OAA, dans les pays d’origine des enfants. Il serait souhaitable que l’AFA puisse agir dans tous les pays d’origine, que ces derniers soient signataires ou non de la convention de La Haye.
L’AFA, soumise de par son statut aux règles de la comptabilité publique, se révèle incapable d’assurer l’accompagnement financier des familles adoptantes dans les pays d’origine : on constate à regret que les OAA sont en mesure d’offrir à ces familles un accompagnement qualitativement supérieur.
J’insisterai, enfin, sur un problème qui me semble particulièrement grave, celui des candidatures multiples des familles adoptantes. Rien n’interdit, en effet, aux candidats à l’adoption d’engager tout à la fois des démarches auprès de l’AFA, des OAA et à titre individuel ; l’AFA elle-même peut d’ailleurs faire des recherches dans plusieurs pays pour le même candidat. Il s’agit évidemment, pour les candidats à l’adoption, de multiplier leurs chances d’obtenir un enfant. Mais lorsque plusieurs de ces demandes multiples aboutissent simultanément, les familles candidates se trouvent dans l’obligation de choisir entre des enfants d’origines différentes et donc, en réalité, d’en abandonner plusieurs à leur sort : ces enfants se trouvent ainsi, en quelque sorte, abandonnés deux fois, ce qui paraît non seulement contraire aux principes de la convention de La Haye, mais encore tout à fait inacceptable sur le plan humain.
Chacun aura compris quelle est ma priorité en matière d’adoption : si compréhensible et souvent nécessaire que soit la prudence des services sociaux, si légitime, si sympathique et si respectable que puisse être la démarche des candidats à l’adoption, tout doit être fait, à mon sens, d’abord dans l’intérêt bien compris des enfants susceptibles d’être adoptés, qu’il s’agisse d’enfants nés sur notre sol ou d’enfants venant du bout du monde.
Les auteurs de la proposition de loi à l’origine de la loi du 4 juillet 2005 se proposaient de faire de l’adoption l’un des piliers de la politique familiale de la France. Force est de constater qu’en dépit des excellentes intentions du législateur et du nombre croissant des candidats à l’adoption cet objectif n’a pas été pleinement atteint : c’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons que le Gouvernement ait déposé un projet de loi relatif à l’adoption.