Ce débat me rappelle un sujet que j'ai traité en passant un concours administratif : « le fonctionnaire est-il un citoyen spécial ? »
Aujourd'hui, la question qui nous est posée est celle-ci : « le militaire est-il un citoyen spécial ? »
Assurément, le militaire, comme le fonctionnaire, est un citoyen spécial ! Servitude et grandeur du métier militaire.
Madame Luc, monsieur Boulaud, le débat que vous avez engagé n'est pas médiocre. Il est, au contraire, très intéressant. C'est pourquoi je souhaite expliquer les raisons pour lesquelles je suis foncièrement hostile à votre suggestion.
Je me souviens d'un temps où un ministre de la défense, Jules Moch, avait cantonné à Versailles tous les officiers membres du parti communiste. C'était l'époque de la guerre d'Indochine.
Parmi ces officiers, se trouvait un compagnon de la Libération pour qui nous avons tous un immense respect : le colonel Rol-Tanguy
Ses camarades et lui-même ne pouvaient accepter la guerre d'Indochine. Loyalement, ils l'ont fait savoir Or, la plupart de ces officiers n'ont pu, en raison de leurs convictions politiques, effectuer une carrière normale.
On comprend d'ailleurs bien qu'ils aient été écartelés entre leurs convictions politiques et la guerre qui était menée à l'époque.
J'avancerai un argument de bon sens. Des partis politiques peuvent être pacifistes, et sont donc contre toutes les guerres. Que signifierait l'adhésion d'un officier à un parti pacifiste ? Croyez-vous vraiment que cela soit possible ?
Si les partis pacifistes existent et sont parfaitement respectables, il n'en demeure pas moins qu'un militaire est amené à porter les armes, et parfois à tuer.
Par ailleurs, vous savez qu'il existe des formations politiques, qui ne sont pas interdites, qui ont pignon sur rue, dont les chefs émettent des propos infiniment scabreux. Imaginer que des militaires en uniforme adhèrent à un parti dont le chef nie l'existence des camps de concentration ? §Que diriez-vous si des officiers se solidarisaient avec une telle formation politique ? C'est pourquoi la sagesse l'a emporté.
Monsieur Boulaud, je voudrais me référer au témoignage de Charles Hernu, que je respectais. Voilà vingt ans, lors du congrès des anciens de la gendarmerie qui se tenait à Lorient - dans mon département -, il avait rappelé qu'il était fils de gendarme, qu'il était né dans une caserne de gendarmerie et qu'il nourrissait pour la gendarmerie la plus grande affection, mais il avait ajouté : « si vous voulez que nos rapports cessent et que je devienne hostile à la gendarmerie, alors, demandez l'adhésion des gendarmes à des syndicats ». Il avait parfaitement compris que certains métiers ne peuvent pas être politisés.
Madame Luc, puisque vous avez fait allusion à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ...