La France vient d’être pointée du doigt par une étude du Forum économique mondial, qui la fait chuter de vingt-huit places. Elle passe ainsi du dix-huitième rang au quarante-sixième rang dans le classement de 2010 concernant l’égalité entre les hommes et les femmes, derrière le Lesotho. Cette chute ramène notre pays à son niveau de 2007.
Après s’être fortement réduit pendant quinze ans, l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes stagne. Rien ne permet donc aujourd’hui d’être optimiste quant à un revirement de situation dans les années à venir.
La France a pourtant beaucoup légiféré. Des accords ont même été conclus, mais ces prises de conscience et ces engagements n’ont jamais été contraignants : pas d’engagement chiffré, aucun engagement déterminé dans le temps, aucune proposition de sanction en cas de non-application.
Si le Gouvernement nous propose aujourd’hui de faire un pas en avant, il réalise également trois pas en arrière. En effet, si l’objectif de la réforme est, comme il le prétend, de garantir un niveau de retraite décent pour toutes et tous, celle-ci devrait comporter des mesures de grande ampleur relatives au marché du travail, afin d’agir durablement en faveur du développement de l’emploi, de lutter contre les contrats précaires, de faire en sorte que les congés parentaux soient partagés à égalité, de rehausser les salaires des femmes, encore victimes d’importantes inégalités à responsabilités égales, et de contraindre les entreprises à appliquer les lois sur l’égalité professionnelle.
Or il n’en est rien ! L’inégalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes continuera à peser encore longtemps.
Que nous propose le Gouvernement pour réduire cette inégalité ? La seule création d’une pénalité financière pour les entreprises qui ne signeraient pas un accord relatif à l’égalité professionnelle ou qui ne mettraient pas en œuvre un plan d’action en la matière. Nous avions d’ailleurs réclamé en vain une telle pénalité financière lors de l’examen de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Quatre années se sont écoulées depuis …
Cette mesure doit, une fois encore, être relativisée. Le montant de la pénalité, contrairement à ce que certains pourraient croire, ne sera pas automatiquement de 1 % de la masse salariale. En effet, en cas d’absence d’accord ou de plan d’action, l’autorité administrative fixera le montant de la pénalité « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] ainsi que des motifs de sa défaillance ».
Il est donc nécessaire de fixer et de publier une grille d’évaluation de ces efforts et de ces motifs à la fois pour préserver l’égalité entre les entreprises et pour que le texte ne risque pas de tomber rapidement en désuétude faute de référence.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne sommes pas dupes. Cette disposition ne saurait à elle seule constituer un dispositif suffisant, complet, de nature à garantir l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Celle-ci repose sur bien d’autres facteurs : la rénovation de la négociation collective ou des mesures relatives au temps partiel, par exemple.
La volonté politique doit être forte et suivie d’effets pour que nous puissions espérer une modification des comportements. Nous ne pouvons nous satisfaire de la multiplication des recours contentieux pour régler la question de l’égalité salariale.
Si je me réjouis de l’arrêt du 6 juillet 2010 de la Cour de cassation, qui a sanctionné des pratiques consistant à justifier des écarts de salaires en raison de fonctions différentes, mais qui étaient en réalité comparables, il nous revient à nous, législateur, de mettre un terme à ces pratiques.
À la lecture de l’article 31, l’engagement du Président de la République en 2007 d’assurer une égalité salariale totale entre les hommes et les femmes en 2010 risque malheureusement de demeurer lettre morte encore longtemps. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas.