Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 19 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Article 32

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Nous avons eu de nombreuses fois à le déplorer dans cette enceinte, la problématique de l’emploi est à peine effleurée dans le cadre de cette réforme – et l’article 32 du projet de loi n’y fait pas exception ! –, alors que ce sujet est au cœur de toute réflexion relative aux retraites.

Sous l’intitulé « Mesures relatives à l’emploi des seniors », on ne trouve, en tout et pour tout, qu’un dispositif visant à délivrer une aide à l’embauche des seniors demandeurs d’emploi âgés de 55 ans ou plus ! Pour un enjeu aussi déterminant, l’ambition de ce texte peut sembler médiocre.

Même vos obligés du MEDEF n’y croient pas ! Laurence Parisot a d’ailleurs déclaré : « Un allégement par cibles de personnes est assez peu efficace et même discriminatoire. » Un tel enthousiasme augure mal des effets concrets d’une telle aide !

Il est vrai que le passé a de quoi alimenter ces doutes. L’ensemble des mesures mises en œuvre après l’accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors « en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi » est demeuré pratiquement sans effet : seule une vingtaine de CDD seniors ont été mis en place !

Pourtant, la question mérite que l’on s’y intéresse. La France a un taux d’emploi des 55-64 ans des plus faibles d’Europe. Avec 38 % des seniors au travail, nous sommes bien loin des 45, 6 % de la moyenne européenne et encore plus loin de l’objectif affiché de 50 %.

Or, en éliminant les plus âgés sans aider pour autant l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi, on n’aboutit qu’à concentrer toute la productivité sur une partie de plus en plus réduite de ceux qui sont en âge de travailler. Cette situation durcit, de fait, les conditions de travail, sature les contraintes, augmente la pénibilité, multiplie la charge de travail, etc. Elle empêche aussi toute avancée sur l’organisation du travail, tout changement du regard porté sur les cycles d’âge, tout investissement sur le bien-être au travail, toute évolution sur un autre mode de gestion des carrières.

Ce gouvernement n’a cessé de nous vanter le mérite de son projet de loi. Or, dès qu’il s’agit d’aborder concrètement les questions d’emploi, le texte est si creux que cela en dit long sur les objectifs réels du Gouvernement. Après tout, il ne s’agissait que de faire passer le recul des bornes d’âge ! Dès lors, pourquoi s’encombrer de politiques actives en matière d’emploi ?

Les bonnes recettes que les Finlandais ont su mettre en œuvre, ce gouvernement ne semble même pas daigner les étudier. Pourtant, une telle situation mériterait de ne pas être balayée d’un « en relevant les bornes d’âge, on changera la donne ». Car la seule donne qui risque de changer, avec votre réforme, c’est la dignité avec laquelle on pourra sortir de l’emploi.

En effet, aujourd’hui, si l’âge effectif de sortie du marché du travail est de 58 ans, alors que celui où les salariés font valoir leurs droits à la retraite est de 61 ans, c’est parce que les gens sortent du travail non pas par la retraite, mais par le chômage, le licenciement, la maladie.

L’abaissement, au début des années quatre-vingt, de l’âge d’ouverture des droits à 60 ans n’a pas suscité, contrairement à ce que vous n’avez cessé de dire ici même, un mouvement de retrait des salariés de plus de 55 ans du monde du travail ! On observe un tel mouvement depuis le début des années soixante-dix. En revanche, cette loi a permis de faire en sorte que ces départs se fassent dans des conditions décentes. Mais, avec votre réforme, on en est loin !

Le seul résultat tangible de votre politique se traduira par la baisse drastique du revenu des seniors, niant ainsi l’esprit même de notre système, alors que vous feignez d’en respecter la lettre.

Dommage ! L’emploi des seniors méritait mieux que ces mesures sur lesquelles nous n’avons aucune illusion !

Tout comme pour l’article relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes, dont nous venons de parler si longuement, nous aurions aimé non seulement une loi forte, mais une parole forte. Or nous n’avons ni l’une ni l’autre !

Dans notre pays, l’emploi des seniors ne s’améliorera pas plus que le sort des femmes. Et si cela finit par bouger un jour, ce ne sera pas grâce à la volonté de ce gouvernement !

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