Selon nous, l’article 32 est vraiment révélateur de la réforme qui nous est proposée.
En effet, monsieur le ministre, vous avez fait le choix de reculer l’âge légal de départ à la retraite, alors qu’aujourd’hui six salariés sur dix sont hors emploi à l’heure de la retraite. Les salariés les plus âgés sont la première variable d’ajustement des plans de modernisation ou, autrement dit, des plans de sauvegarde de l’emploi qui, en vérité, sont des plans de suppression d’emplois !
De même, tout comme les licenciements, les ruptures conventionnelles concernent plus souvent les salariés âgés, soit un cas sur cinq. Ce phénomène a d’ailleurs été qualifié de « consensus paradoxal » par M. Xavier Gaullier, sociologue au CNRS, ou encore de « faux consensus » par Guillaume Huyez-Leva, chercheur au Centre d’études de l’emploi.
Aujourd’hui encore, pas un jour ne se passe sans que l’on annonce des licenciements et des suppressions de postes. Les quinquagénaires sont massivement touchés et restent pratiquement sans espoir de retrouver un emploi. Des dizaines de milliers de seniors continuent de se retrouver au chômage. Cette situation est dramatique non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour notre système de protection sociale.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous affirmer qu’il faut travailler plus longtemps, alors qu’on est incapable d’interdire ces licenciements sans véritable reclassement ?
Votre gouvernement a pris plusieurs mesures supposées maintenir les seniors dans l’emploi : la libéralisation du cumul emploi-retraite, l’instauration d’une surcote, mais surtout d’une décote, la taxation des préretraites, la suppression des mises à la retraite d’office.
Pourtant, force est de constater que ces mesures sont sans succès, puisque le taux d’emploi des seniors avoisinait les 39, 1 % au quatrième trimestre 2009 pour les 55-64 ans. Ce taux reste l’un des plus faibles d’Europe, la moyenne étant de 45 %.
Devant ce constat d’échec, et pour rendre crédible votre contre-réforme des retraites, vous proposez avec cet article ce qui vous semble être la panacée pour l’emploi : des exonérations de charges patronales avec, en filigrane, l’idée que les seniors coûtent trop cher aux entreprises. C’est faire fi de la corrélation positive entre ancienneté et productivité !
Non seulement ces exonérations coûtent très cher à l’État, mais, à ce jour, aucune étude d’impact n’a été réalisée sur l’ensemble des exonérations qui ont été réalisées ces dernières années.
En outre, d’après de nombreux économistes, elles sont souvent contre-productives pour l’emploi. On a pu le constater avec les exonérations sur les bas salaires, qui ont encore plus tiré les salaires vers le bas, ou encore avec les exonérations des heures supplémentaires, lesquelles ont mis en concurrence le temps de travail et l’emploi, cela, bien évidemment, au détriment de l’emploi. Et je ne parle pas des effets d’aubaine qu’elles ont générés... En fait, dans la majorité des cas, l’entreprise aurait de toute façon embauché !
Vous le savez, dans un contexte marqué par une faible croissance et un taux de chômage élevé, les exonérations de charges patronales sur une population ciblée ne sont pas efficaces et pénalisent les autres catégories de salariés. Vous ne faites donc qu’inverser le problème.
Aujourd’hui, ce dont a besoin notre pays, c’est véritablement d’une politique de l’emploi axée notamment sur la prévention, afin de rendre le travail « soutenable », selon les propos de la sociologue Anne-Marie Guillemard. C’est là toute la question de la pénibilité et du mal-être au travail évoquée à plusieurs reprises par Annie David.
L’exemple de l’entreprise Lejaby dans le Rhône est très révélateur, car six des dix ruptures conventionnelles en 2009 ont touché les plus de 50 ans, dont « des ouvrières à bout de souffle », selon une déléguée syndicale.
Ce dont a besoin notre pays pour notamment garantir et développer notre système de retraite par répartition, c’est d’une réforme profonde du marché du travail, d’une politique qui permettrait de tendre vers le plein-emploi, avec des emplois stables et rémunérateurs !
Chers collègues, vous le voyez, le débat sur le report de l’âge légal de départ en retraite avec, comme corollaire, l’augmentation de l’emploi des seniors à travers les exonérations n’a vraiment pas de sens. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG votera contre cet article.