Je doute que l’on puisse qualifier de réforme d’envergure ou de projet de long terme un texte dont l’objet essentiel est un tour de passe-passe comptable. Il faut, monsieur le ministre, que l’État s’engage réellement en faveur de l’emploi des seniors. C’est la vocation officielle d’une minuscule section du texte, ce qui en dit long sur votre souci de veiller à un réel rééquilibrage des comptes sociaux.
S’il fallait une preuve de la non-validité de votre projet de loi, cette section en constituerait la plus éloquente. Les « mesurettes » que vous proposez ne sont pas, très clairement, à la hauteur des enjeux. Elles s’avéreront aussi inutiles que coûteuses, tant socialement qu’économiquement.
Nous ne pouvons que regretter que nos collègues députés, qui ont subi le couperet du temps législatif programmé, n’aient pas eu le temps de développer ces thèmes.
Dès lors, ne vous étonnez pas que nous nous penchions sur le sujet. Vous proposez une énième incitation financière aux employeurs, après le « succès » qu’ont connu d’autres mesures du même ordre.
Les obligations pour l’employeur sont minimes. Le CDI n’est pas imposé ; il peut s’agir d’un CDD renouvelable de six mois en six mois. En d’autres termes, après avoir proposé le « contrat première embauche » pour les jeunes, avec le succès que l’on sait, vous défendez maintenant le « CPE senior », que j’appellerai « contrat dernière embauche », autorisant ainsi la précarisation et la fragilisation des plus anciens. Alors qu’ils ont déjà une vie de travail derrière eux, parfois faite de galères et de renoncements, vous ne leur proposez qu’une forme supplémentaire de difficulté.
Vous condamnez ainsi les « seniors », lesquels, comme l’a dit mon collègue Jean-Marc Todeschini, ne représentent pas une catégorie juridique bien définie, à occuper des postes au rabais, tandis que votre texte ne tente nullement d’éviter d’éventuels abus des employeurs. Alors que l’État doit protéger les catégories les plus fragiles face aux plus puissantes, vous pratiquez une politique qui affaiblit encore les plus précaires, en produisant des chômeurs de plus en plus âgés et des seniors de plus en plus pauvres.
Faire de la politique, c’est porter sur soi, ici et maintenant, le destin d’autrui. Comme pour ce qui concerne les femmes, vous repoussez en permanence les décisions à prendre. Avec cet article 32, vous vous conformez à la règle du parallélisme des formes, en appliquant aux seniors la méthode que vous avez adoptée pour les femmes à l’article 31. Dans les deux cas, il s’agit d’un semblant d’amélioration qui ne règle rien.