Sur le terrain, je peux vous le dire, employeurs, syndicats, salariés et pouvoirs publics ont toujours de bonnes raisons à invoquer pour considérer les plus âgés comme première variable d’ajustement. Nous en avons tous des exemples autour de nous. On invoque, par exemple, le souhait pour les salariés de partir, car ils n’en peuvent plus. On invoque l’usure, la pénibilité du travail. Du côté des employeurs, on invoque également la paix sociale, qu’ils essaient parfois d’acheter en faisant partir les plus anciens. On invoque, enfin, les embauches que les départs anticipés pourraient favoriser.
La crise n’arrange rien, qui a vu se multiplier les licenciements ou les plans de départs volontaires ouvrant des boulevards aux seniors. Révélateur, la part des 55-64 ans au chômage – 3, 2 % à la fin de l’année 2009 – est en nette hausse. C’est du jamais-vu depuis 2003.
Un exemple, chez HP-EDS, les plus de 57 ans représentaient plus de 40 % des 651 volontaires !
Le renchérissement de la fiscalité sur les allocations de préretraite, dans le but d’en limiter l’attractivité, n’arrête pas certains grands groupes, et vous le savez très bien.
Autre brèche dans la volonté publique de réduire les départs anticipés ou leur prise en charge par l’assurance chômage : le nombre important de ruptures conventionnelles de CDI parmi les seniors. Là encore, vous devez disposer de chiffres fournis par les services du ministère. Les spécialistes tirent, depuis longtemps, la sonnette d’alarme sur le risque que cette nouvelle rupture du contrat de travail favorise les cessations anticipées et s’ajoute aux contournements connus, par exemple, le déguisement juridique d’une rupture en raison de l’âge en licenciement pour faute. Cela concerne beaucoup les seniors.
Malheureusement, les faits semblent leur donner raison, puisque chez IBM Île-de-France, par exemple, un quart des cinquante-sept ruptures conventionnelles accordées en 2009 concerne des plus de 57 ans, selon la CFDT.
Certaines directions de Pôle emploi s’en inquiètent aussi. Ainsi, comme le pointe celle de Champagne-Ardenne, en 2009, 23 % des chômeurs inscrits à l’issue d’une rupture conventionnelle étaient âgés de 50 ans et plus, alors que, « tous motifs d’inscription confondus, les seniors représentent seulement 10 % de la demande d’emploi enregistrée au cours de la même période ».
Monsieur le ministre, en dépit de vos prévisions incantatoires, je ne pense pas que ce soit une nouvelle mesure d’exonération patronale qui permettra d’augmenter le taux d’emploi des seniors. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’elle grèvera les recettes de notre protection sociale.