Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 32 ter

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

L’article 32 ter vise à orienter les fonds de la participation par défaut vers un plan d’épargne entreprise ou interentreprises ou un PERCO.

Une fois encore, on nous propose de renforcer la retraite par capitalisation en faisant de la participation un substitut au système de retraite par répartition.

Cet article pose deux problèmes sérieux

Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a défendu, dans la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, la promotion de la participation et de l’intéressement pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés, alors que des hausses de salaire leur étaient refusées.

Le Gouvernement avait alors proposé aux salariés d’opter pour la disponibilité immédiate des fonds placés au titre de la participation dans une logique, selon vos termes, « de pouvoir d’achat à court terme ».

Aujourd’hui, vous comptez faire de cette même participation un placement pour pallier la baisse du niveau des retraites, que votre réforme ne finance pas. Après avoir libéré les fonds, vous faites un virage à 180 degrés : vous voulez les bloquer sur une longue durée.

Voilà une politique économique d’une grande cohérence ! C’est vraiment ce qui s’appelle suivre le fil de l’eau. À moins qu’il ne s’agisse cette fois d’une opération mûrement réfléchie et concertée, dans un but de captation de l’épargne des salariés.

Par cette réforme, vous imposez donc aux salariés le choix entre une baisse immédiate de leur pouvoir d’achat ou une baisse de leur niveau de retraite. C’est toujours le problème du revenu salarial auquel le Gouvernement n’apporte aucune réponse.

Après avoir favorisé l’intéressement et la participation comme substitut de hausse de salaire, vous proposez aujourd’hui de faire de cette participation un substitut à la retraite. Or l’épargne salariale, abondée par la participation ou tout autre moyen, n’a pour vocation, comme nous l’avions dit en 2001, lors de l’examen de la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, ni de porter atteinte au principe de la retraite par répartition ni de se substituer au salaire.

Un autre problème se pose : l’affectation de la participation prévue par l’article 32 ter ne requiert pas l’accord explicite du salarié. Le versement de 50 % de la participation peut se faire par défaut, à l’issue d’un délai de cinq ans.

Ce procédé est extrêmement grave. Il y a d’abord le risque que certains salariés ne saisissent pas pleinement la portée de ce document émanant de la direction de l’entreprise, par lequel il leur sera demandé non pas ce qu’ils veulent faire, mais s’ils s’opposent au versement sur un PERCO de leur quote-part de la réserve de participation.

Une démarche expresse du salarié sera nécessaire pour obtenir le versement des sommes qui lui reviennent. C’est l’inverse qui devrait être appliqué : qu’il soit demandé au salarié s’il décide d’affecter 50 % de sa quote-part sur un PERCO.

Par ce procédé, le salarié est délesté de son choix. On décide pour lui.

La question du consentement explicite du salarié doit être clairement posée : le versement ne doit pas pouvoir être réalisé sans qu’il ait été consulté sur sa volonté de faire, et non pas seulement de laisser faire.

Ce point est d’autant plus grave que l’épargne salariale recueillie sur les PERCO est investie aux deux tiers en actions, donc sur des produits à haut risque. Les spéculateurs vont jouer à la roulette avec l’épargne confisquée aux salariés dans des conditions plus que discutables.

Cet article est donc, à plusieurs titres, inacceptable, et c’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression.

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