Intervention de Annie David

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 32 quater

Photo de Annie DavidAnnie David :

Si nous sommes opposés aux mécanismes de retraite par capitalisation, c’est parce que, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les défenseurs de cette dernière, dont vous êtes – des acharnés défenseurs, d’ailleurs –, ils n’accompagnent pas la retraite par répartition mais se nourrissent au contraire de son affaiblissement. Chaque euro donné à la capitalisation est un euro de moins pour la répartition – vous ne pourrez pas le contester. C’est donc un euro de plus en direction de la spéculation, et donc un euro de moins pour la solidarité. Il n’y a là rien d’idéologique, c’est seulement un constat.

Dans ce contexte, marqué par les efforts importants que devront supporter les salariés – 85 % du coût de la réforme, entre autres –, on ne peut que s’interroger sur les motifs du rapprochement qu’opèrent actuellement le secteur privé commercial de l’assurance complémentaire et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle, comme chacun le sait, est un pilier historique de la retraite par répartition.

En garantissant une partie du financement de la sécurité sociale et en gérant le Fonds de réserve pour les retraites, la Caisse des dépôts et consignations participe, jusqu’à aujourd’hui pour le moins, à assurer la solidarité et la pérennité des régimes de retraites par répartition.

Au printemps dernier, Médiapart, dont Guy Fischer nous a déjà parlé tout à l’heure, rendait public un rapport relatif au regroupement des activités de Malakoff Médéric, société dirigée par le frère du Président de la République, et de la Caisse des dépôts et consignations, rapport selon lequel, avec la dégradation prévisible de la situation, le taux de remplacement versé au moment de la liquidation des droits à la retraite et le niveau du dernier revenu brut tiré de l’activité, c’est un formidable marché qui s’ouvre pour le secteur privé. Je sais que vous en êtes convaincus.

Et le rapport de préciser : « Un complément d’épargne annuel de 40 milliards à 110 milliards d’euros en 2020 serait nécessaire pour maintenir le niveau de vie des futurs retraités. »

Là encore, il faut lire entre les lignes. Comme le souligne le journaliste Laurent Mauduit, « les régimes de retraite par répartition vont à ce point être étranglés par l’absence de nouvelles recettes que cela fera forcément les affaires d’autres opérateurs ».

Monsieur le ministre, tout cela va conduire à l’explosion des profits générés par les salariés, des produits qui, contrairement à la répartition, s’orienteront tous non vers la solidarité, mais vers l’accroissement des richesses pour une minorité, que vous connaissez bien.

D’ailleurs, la société Malakoff Médéric ne le cache pas. Selon le business plan élaboré par ses soins, il est confirmé que, pour l’activité de retraites d’entreprises, le mécanisme issu du rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations devrait aboutir sur une part de marché d’ici à dix ans de 17 % contre 9 % actuellement. À la page 7 de ce business plan, il est précisé que le chiffre d’affaires de la société commune dans cette activité devrait exploser, passant de 692 millions d’euros à 5, 2 milliards d’euros en 2020. Les encours totaux collectés connaîtraient la même explosion, passant de 9, 4 milliards en 2010 à 100, 6 milliards d’euros en 2029.

Et le journaliste de poursuivre : « C’est donc bel et bien un siphonage qui est alors conçu, avec en perspective un assèchement des régimes collectifs par répartition. Et puis aussi avec, à la clef, un formidable enrichissement des groupes privés qui se seront lancés dans l’aventure. »

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la participation de la Caisse des dépôts et consignations – et chacun sait que la nomination est de compétence élyséenne – à la construction d’un édifice qui se fait contre la retraite par répartition et pour l’enrichissement d’une minorité, fondée sur la généralisation des mécanismes de retraites par capitalisation, individuels comme collectifs, nous semble être contre nature.

C’est un détournement des missions et des finalités de la Caisse des dépôts et consignations.

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