Les citoyens corses qui, voici un an, malgré les recommandations du chef de l'Etat, celles de la majorité des partis nationaux, celles des nationalistes, ont fait connaître à la nation leur attachement à la République et leur souci de tourner la page sont aujourd'hui partagés entre le désarroi et la colère.
Que le matraquage publicitaire pour la promotion d'un film récent transforme les souffrances d'une région française en divertissement dérisoire, qu'il puisse suggérer, par contraste, que les bombes et les assassinats auraient disparu, tout cela en dit long sur l'état de notre délitement.
Ne doutez point de ce désarroi.
L'extrême banalisation de la violence, ce cancer de l'île, rendra le rétablissement républicain plus difficile et plus douloureux. Craignez que, par des glissements successifs, vous ne puissiez plus, demain, mettre un terme aux désordres.
Aux attentats contre les services publics, les gendarmeries, les particuliers, répondent, comme en écho, des condamnations impuissantes des élus, mais aussi le silence assourdissant de l'Etat.
Un groupe de nationalistes force la clôture, tenaille en main, du terrain militaire d'Aspretto sous l'oeil de la caméra de France 3 appelée pour la circonstance, y tient conférence de presse. Aucun communiqué du parquet n'apprendra à l'opinion l'ouverture d'une information, comme si l'on doutait déjà de l'absence de résultat.
Deux douzaines de personnes empêchent les navires d'une société appartenant à l'Etat de naviguer. Faute d'évacuer les personnels qui réclament la « corsisation » des emplois, voilà le Premier ministre contraint de rendre un arbitrage pour mettre un terme à la cacophonie.
On pourrait multiplier les exemples de cette vacuité.
Je ne le ferai pas, car je sais que, dans ces dossiers difficiles, l'intérêt national commande de dépasser les clivages partisans.
Nous avons apprécié la sobriété - cela nous a changé de la période précédente -, qu'a manifestée le ministre de l'intérieur, tout comme sa ferme volonté de réduire les auteurs et les actes de violence.
Nous savons qu'il n'y a pas dans ce domaine d'obligation de résultat, mais qu'il est indispensable, quand bien même le rétablissement sera difficile, que l'Etat soit présent.
L'opinion est désabusée.
Evitez de laisser le champ libre à la surenchère séparatiste. Réaffirmez au sommet de l'Etat les grandes lignes de votre politique.
Le moment est venu : dites quelque chose, parlez, monsieur le garde des sceaux, les Corses vous en sauront gré.