Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 14 octobre 2004 à 21h30
Simplification du droit — Article 48

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Je voudrais évoquer longuement le problème de la protection sociale des travailleurs indépendants, en commençant d'ailleurs par reprendre pour une grande part à mon compte les propos qu'a tenus tout à l'heure notre collègue Nicole Borvo.

Si la proposition de créer un interlocuteur social unique des chefs d'entreprise non salariés - commerçants, artisans, professions libérales - dont la gestion est confiée à un nouveau régime, le régime social des indépendants, issu de la fusion des trois régimes actuellement existants, a suscité l'adhésion unanime des intéressés, il n'en va pas de même, tant s'en faut, de la volonté de confier aux URSSAF le monopole de l'encaissement des cotisations correspondantes. Je ne pense pas que mon collègue Jean-Pierre Godefroy me démentira sur ce point, puisque nous avons accueilli ensemble, naguère, une délégation de commerçants et d'artisans, et qu'il est très conscient des problèmes qui se posent à ces catégories.

En tant qu'élus locaux, nous savons que si fusionner deux communes est difficile, en fusionner trois relève de l'exploit, et que bien peu d'entre nous se risqueraient à essayer d'en fusionner quatre ! Symétriquement, alors que la fusion des trois régimes existants constituait déjà un beau résultat, on veut aujourd'hui introduire une quatrième partie, à savoir l'URSSAF. Cela me paraît faire peser une hypothèque sur les chances de réussite, à terme, de cette très importante opération.

A cet instant, je voudrais exprimer trois craintes principales.

Ma première crainte tient bien sûr à l'apparition de problèmes de frontières. Il va de soi que l'objectif était d'instituer un interlocuteur unique afin de simplifier le dispositif. Les adhérents ne risquent-ils pas demain d'être renvoyés d'un interlocuteur unique à un autre, si l'on me permet ce paradoxe, entre le RSI, d'une part, et les URSSAF, d'autre part ?

Ma deuxième crainte est la suivante : ne se dirige-t-on pas inéluctablement, mécaniquement, vers le choix du système informatique des URSSAF, à savoir le SNV 2, mis en place voilà plus de quinze ans, par conséquent largement obsolète et dont la remise à niveau serait coûteuse, alors que le système dont disposent aujourd'hui l'ORGANIC, l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce, et la CANCAVA, la Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale, qui ne date que de juin 2002, semble beaucoup plus performant ?

Ma troisième crainte concerne la survenue de problèmes sociaux. En effet, attribuer aux URSSAF le monopole de l'encaissement des cotisations sociales personnelles des travailleurs indépendants engendrerait, on le sait bien, d'importantes réductions d'effectifs au sein du RSI : quelque deux mille personnes seraient concernées.

Certes, on m'objectera que toute mesure de simplification doit entraîner des économies d'échelle et des allégements de charges. Je crains toutefois que, en l'occurrence, il ne s'agisse que de déshabiller Pierre pour habiller Paul et de régler les problèmes des URSSAF aux dépens des trois régimes actuellement existants. En effet, il convient tout de même de le rappeler, des études très anciennes, confirmées encore récemment par la Cour des comptes, manifestent le caractère absolument indispensable d'une réorganisation en profondeur des URSSAF.

Quoi qu'il en soit, l'amendement que je défends est particulièrement ambitieux, puisqu'il vise à consacrer la compétence du RSI pour l'ensemble des fonctions d'affiliation et de recouvrement des cotisations, tout en ménageant une possibilité de délégation ultérieure.

Cela étant dit, mes chers collègues, la politique, c'est aussi l'art du possible, et je n'entends pas jouer les Don Quichotte et partir combattre les moulins à vent ! Par conséquent, je serais disposé à retirer mon amendement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à la condition que vous puissiez rassurer sur différents points les très nombreux membres de cette assemblée qui partagent mes inquiétudes, ainsi que l'ensemble des personnes concernées.

Premièrement, nous voudrions avoir l'assurance que l'attribution éventuelle aux URSSAF du monopole d'encaissement des cotisations ne s'apparentera pas au prélude à une disparition du système spécifique de protection sociale des travailleurs indépendants.

Deuxièmement, nous voudrions qu'un audit approfondi et comparé des deux systèmes informatiques soit réalisé, de façon que les choix soient arrêtés en fonction d'arguments techniques et de bonne gestion.

Troisièmement, nous voudrions connaître - c'est peut-être l'essentiel - les modalités du partage de responsabilité entre le RSI et l'URSSAF. On sait bien que les URSSAF ont été créées pour gérer les cotisations des salariés, privilégiant donc naturellement le travail de masse et l'utilisation de l'informatique plutôt que les relations personnelles avec les adhérents et leur écoute.

On a parfois lu - et pas sous la plume de n'importe qui, je peux vous l'assurer, car il s'agit de l'un des présidents de caisse - que le RSI risquait de se voir retirer toutes les actions de contact avec l'assuré, hormis le recouvrement contentieux.

Peut-on aujourd'hui, au contraire, nous affirmer que le rôle des URSSAF sera limité à ce qu'on appelle l'encaissement de premier niveau sans précontentieux et que les contacts avec l'adhérent seront réservés au RSI ?

Enfin, serait-il possible que ce soit bien le RSI une fois installé, et non l'instance provisoire, qui procède aux délégations au fur et à mesure de ses besoins ?

Si j'étais rassuré sur ces différents points, monsieur le ministre, je retirerai mon amendement.

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