Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a trois ans, j’interrogeais ici même M. Bussereau, à qui s’adresse également cette nouvelle question, sur la fermeture de 262 gares. Je lui disais avoir rencontré des chargeurs inquiets et des salariés en colère. Trois ans après, malheureusement, ces sentiments n’ont fait que croître.
La situation du fret ferroviaire s’est effectivement fortement dégradée, et le secrétaire d’État chargé des transports en porte pour une part la responsabilité.
Comment comprendre l’objectif du Grenelle de porter à 25 % la part des modes non routiers et non aériens en 2022 alors que la politique gouvernementale engendre les effets inverses.
Ne vous apprêtez-vous pas, dans votre ministère, à autoriser les 44 tonnes routiers alors qu’un rapport de l’Assemblée nationale rappelait avec force qu’il fallait « faire échec à la généralisation des camions de très grande capacité en vue de préserver le wagon isolé ».
L’objectif du Grenelle me semble très éloigné des réalités d’aujourd’hui. Entre 2004 et 2008, vous avez mis 1, 5 million de camions sur les routes. L’abandon des dessertes locales va y mettre 1, 2 million de camions supplémentaires.
Le rapport que j’ai cité précédemment souligne que la réalisation de l’objectif du Grenelle supposerait une augmentation des trafics de 45 %. Or votre politique va totalement en sens inverse, puisqu’elle réduit les volumes transportés, en baisse de 6 % depuis 2002, toutes entreprises ferroviaires confondues. Cela démontre d’ailleurs que le choix de l’ouverture à la concurrence est un échec.
En 2009, M. Bussereau déclarait « On ne demande pas à la SNCF d’abandonner le wagon isolé mais on ne le subventionne pas ; on attend les propositions de la SNCF ». Pourtant, la SNCF est toujours une entreprise publique, l’État en est toujours l’actionnaire principal et peut donc peser sur ses choix.
Le nouveau plan fret de la SNCF, intitulé « schéma directeur pour un nouveau transport écologique de marchandises », n’a d’écologique que son titre. Trois cent cinquante personnalités viennent de le dire. Ce plan confirme l’abandon de 60 % du transport par wagon isolé.
Les conséquences environnementales et sociales, avec la suppression de 8 000 emplois, seraient catastrophiques.
L’étude, tenue secrète, réalisée en septembre 2009 par le cabinet Carbone 4 et présentée au Comité stratégique fret de la SNCF le 15 janvier 2010 seulement, montre que cet abandon va provoquer des rejets supplémentaires de gaz à effet de serre de l’ordre de 300 000 tonnes d’équivalent CO2 par an. Où sont donc, madame la secrétaire d'État, les engagements du Grenelle de l’environnement ?
Les syndicats, les associations de défense de l’environnement, les associations d’usagers, les industriels, les chargeurs sont vent debout contre votre décision de supprimer le wagon isolé. Vous voulez leur faire croire qu’elle serait prise pour des raisons essentiellement financières. Le wagon isolé coûterait trop cher.
Mais alors pourquoi sept grands opérateurs ferroviaires européens, dans un projet nommé X-Rail, dans onze grands pays européens, ont-ils choisi d’unir leurs efforts pour relever le défi de la lutte contre le changement climatique et celui de l’aménagement du territoire ? Pourquoi la SNCF s’est-elle retirée de ce projet ?
L’étude du cabinet Carbone 4 suggère de « maintenir un portefeuille large d’offres de fret » et de « garder la messagerie et bénéficier d’une spécificité française du réseau maillé fin ».
Vous avez, au contraire, décidé de réduire les volumes de façon drastique, alors qu’il faudrait, par une politique commerciale dynamique, relancer l’activité. La politique de réduction des volumes menée aujourd’hui dégrade les comptes de ce secteur et le fragilise toujours plus.
En proposant de réduire l’offre de fret, vous allez à l’encontre des intérêts écologiques de notre planète, des intérêts des chargeurs, des intérêts des salariés et des intérêts de l’entreprise.
Dans la réponse à ma précédente question sur le fret, M. Bussereau faisait les louanges des opérateurs ferroviaires de proximité, que vous avez évoqués voilà quelques instants, madame la secrétaire d’État, lors de votre réponse à une autre question orale. Il déclarait, en particulier : « Je suis donc favorable à la création d’opérateurs ferroviaires de proximité, comme celui que vous avez mis en place dans la région Centre ».
Au bout du compte, quel échec puisque l’opération Proxirail n’a jamais vu le jour ! M. Bussereau m’avait pourtant invitée à m’engager aussi dans ce sens, en disant : « Il n’y a pas de raison que ne soit pas mis en place un tel opérateur local sur un site de fret ferroviaire historiquement aussi important que celui de Saint-Pierre-des-Corps ».
À ma connaissance, à ce jour, un seul opérateur ferroviaire aurait été mis en place et ferait circuler des trains de marchandises depuis le 27 juillet 2010 : il s’agit du train touristique du Pays cathare et du Fenouillèdes. Sérieusement, nous sommes loin des annonces faites, et ce n’est pas à la hauteur des besoins.
Je suis, quant à moi, convaincue que le fret ferroviaire doit rester dans le giron public et que la SNCF a les capacités pour gérer ce secteur.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, de rouvrir le site de Saint-Pierre-des-Corps en le modernisant, de revoir de fond en comble avec la SNCF le plan fret et je vous propose qu’un moratoire immédiat soit décidé pour le « wagon isolé ».
Et je ne me trompe pas d’interlocuteur en m’adressant au Gouvernement, puisque les investissements nécessaires à cette relance nécessitent son accord et pourraient être accélérés si, de plus, ils bénéficiaient d’aides financières de l’État.