Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 14 septembre 2010 à 14h30
Dissimulation du visage dans l'espace public — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean-Michel BayletJean-Michel Baylet :

Mais le port du voile intégral est également un défi majeur lancé à la République et à sa conception indifférenciée des individus. Cela a été dit, la montée des revendications communautaristes nous inquiète, dans la mesure où certains placent les dogmes religieux au-dessus de l’universalisme des valeurs de la République et même des lois du Parlement. Or il ne peut exister plusieurs citoyennetés et une multitude de droits.

Il y a, certes, beaucoup à dire sur les échecs de notre modèle d’intégration. Et les revendications que nous évoquons aujourd’hui sont aussi le symptôme des inégalités qui continuent à se creuser dans certains quartiers et du racisme, exprimé ou latent, qui handicape toujours la vie de nombre de nos concitoyens.

Pour autant, les radicaux de gauche ne considèrent pas que le repli sur soi puisse apporter une réponse satisfaisante. Bien au contraire, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame avec force que les citoyens, indépendamment de leurs appartenances particulières ou de leurs convictions, ont des droits, mais aussi des obligations qui obéissent au principe d’égalité. Accepter que certains s’affranchissent ostensiblement de la Nation, au seul motif qu’ils appartiennent à des communautés qui auraient des revendications et des droits spécifiques, ce serait remettre en cause l’édifice patiemment et difficilement construit depuis 1789, ce serait accepter que l’humanisme n’est pas universel.

Enfin, mes chers collègues, le port du voile intégral soulève un problème d’ordre public. Et c’est sur ce dernier point, madame le ministre d’État, qu’il nous paraît possible de fonder une loi, même si nous restons réservés sur la rédaction de l’article 4 du présent texte, lequel ne prévoit que le délit de dissimulation forcée du visage n’est constitué que si les faits sont commis en raison du sexe de la victime. Cette restriction nous paraît inutile : selon nous, tous les individus, quel que soit leur sexe, doivent circuler à visage découvert sur le territoire de la République.

Certes, dans son avis du 30 mars dernier, le Conseil d’État a estimé que l’atteinte à l’ordre public ne pouvait suffire à fonder juridiquement une interdiction générale du port du voile intégral, en raison, selon lui, de trop forts risques d’inconventionnalité et d’inconstitutionnalité.

Qu’il me soit permis ici non seulement de remercier cette auguste instance de son analyse, mais aussi de rappeler fortement qu’il appartient toujours au Parlement, représentant de la souveraineté nationale, d’exprimer la volonté générale.

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