Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 14 septembre 2010 à 14h30
Dissimulation du visage dans l'espace public — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Nos valeurs fondamentales doivent nous interdire de faire valoir cette contrainte, cette prison, ce signe d’aliénation, sous couvert de liberté !

Pour ces femmes, l’interdiction généralisée constituera une protection nouvelle face aux pressions sociales. Et c’est là la véritable liberté !

Je ne partage pas l’interprétation que fait le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu, de la jurisprudence européenne relative au principe d’autonomie personnelle. Ce principe correspond à l’idée selon laquelle chacun peut mener sa vie selon ses convictions et ses choix personnels, y compris en se mettant physiquement ou moralement en danger.

Cependant, ce principe doit être mis en perspective avec trois éléments majeurs : le principe de subsidiarité, qui permet aux États membres de l’Union européenne de conserver une marge d’interprétation ; le fait que ce projet de loi ne vise aucune croyance de manière spécifique, mais incrimine la dissimulation du visage en général ; le constat que d’autres pays européens envisagent la même évolution législative.

S’agissant de ce dernier point, comme cela est souligné dans l’excellent document de travail réalisé au sein de la Haute Assemblée sur le port de la burqa dans les lieux publics, en plus des interdictions de portée limitée existant d’ores et déjà en Allemagne, en Belgique, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, certains de nos voisins européens, tels que l’Italie, l’Espagne, le Danemark ou la Suisse, étudient actuellement la possibilité d’introduire une interdiction générale dans l’espace public.

Quant à la validité de ce projet de loi au regard du texte suprême, le groupe UMP est convaincu qu’il n’existe pas de risque juridique majeur, et je vais m’en expliquer.

La défense de l’ordre public ne saurait se fonder uniquement sur un ordre matériel à travers la préservation de la tranquillité, de la salubrité ou de la sécurité ; elle doit aussi être un rempart contre toutes les formes d’atteintes à l’unité de notre nation. C’est cette notion « immatérielle » qui fonde des interdictions générales telles que la prohibition de l’exhibition sexuelle dans l’ensemble des lieux publics et que nous devons promouvoir en l’espèce.

À ce titre, je tiens à souligner l’excellent travail de notre rapporteur, François-Noël Buffet, qui a su développer de manière juste les fondements juridiques de ce projet de loi, faisant de celui-ci un texte équilibré entre prévention, dissuasion et répression.

De plus, adopter un nouveau texte en la matière nous apparaît nécessaire. Il est vrai que la dissimulation du visage est déjà prohibée dans deux situations au nom du principe de laïcité : pour les agents publics dans l’exercice de leurs fonctions et dans les établissements d’enseignement public. Ces dispositions sont cependant insuffisantes et inadaptées, car elles ne répondent pas aux interrogations liées, non pas à la laïcité, mais à la dignité des personnes et à l’égalité entre les hommes et les femmes.

C’est surtout pour éviter toute forme d’amalgame que seule une interdiction générale est la solution envisageable.

D’une part, viser expressément l’interdiction du voile intégral dans l’espace public reviendrait à stigmatiser les personnes de confession musulmane, ce qui est tout sauf l’objet de ce projet de loi. D’autant plus que le Conseil français du culte musulman a condamné cette pratique par la voix de son président, Mohammed Moussaoui. Ce dernier a affirmé que le port du voile intégral « n’est pas une prescription religieuse, mais une pratique minoritaire et extrême dont nous ne souhaitons pas qu’elle s’installe sur le territoire national ».

D’autre part, privilégier des interdictions partielles dans certains espaces publics paraît inapplicable dans la pratique, a fortiori pour les maires et les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions.

M. le rapporteur fait état d’une situation dont les chiffres sont difficiles à appréhender. Toutefois, certaines statistiques sont révélatrices de ce phénomène en augmentation depuis une dizaine d’années, en France et dans d’autres pays européens.

Ainsi, près de 1 900 femmes, dans notre pays, dissimulent de manière permanente leur visage dans l’espace public à l’aide d’un voile intégral, plus de 90 % d’entre elles ayant moins de quarante ans, et certaines étant mineures. C’est d’ailleurs pourquoi les députés ont prévu de porter les peines à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende lorsque la dissimulation forcée concerne une mineure. Je m’en réjouis tout comme mes collègues du groupe UMP.

Après l’adoption à l’unanimité par le Sénat de la proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, le projet de loi présenté aujourd’hui est une nouvelle avancée vers un plus grand respect de la dignité de la femme.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le projet de loi.

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