Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 14 septembre 2010 à 14h30
Dissimulation du visage dans l'espace public — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

J’en viens maintenant au texte qui nous est présenté.

Nous nous interrogeons, légitimement, sur sa conformité aux engagements européens et internationaux de la France, ainsi que sur son applicabilité.

Que le port de signes extérieurs soit interdit dans des circonstances particulières strictement déterminées est une chose, mais une interdiction générale et absolue dans l’espace public en est une autre, qui ne manquerait pas de soulever de réelles difficultés juridiques.

Oui, le Conseil d’État a clairement affirmé son opposition à une telle interdiction générale. Il faut donc prendre en considération cette position, tout comme il convient d’évaluer la conformité de ce dispositif à la Convention européenne des droits de l’homme.

Il est absolument erroné de considérer a priori qu’une telle interdiction est légale du point de vue de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, l’interdiction du voile intégral implique une restriction générale et absolue aux droits protégés par celle-ci. Cette convention nous impose d’évaluer la proportionnalité d’une telle interdiction à l’objectif visé par la loi. Est-elle prononcée au nom du respect d’un nouvel ordre public immatériel ? Est-ce au nom du principe de l’égalité entre l’homme et la femme ?

Le texte du projet de loi ne s’embarrasse pas d’une telle précision : l’interdiction n’est assortie d’aucun objectif légitime propre à la justifier. Or, mes chers collègues, une telle omission ne manquera pas d’entraîner une censure, tant les atteintes à la liberté individuelle doivent être strictement justifiées et proportionnées aux risques encourus.

Il convient, dès lors, de justifier juridiquement les raisons de cette interdiction : la loi ne s’accommode pas des évidences. Pis encore, elle peut, par son silence, avoir des effets pervers. En effet, si elle peut aider certaines femmes, elle peut aussi donner aux hommes un argument supplémentaire pour enfermer les leurs.

À ce titre, la question de l’égalité homme-femme aurait pu fournir une justification suffisante et pertinente. Nous devons, en effet, combattre toutes les formes de discrimination vécues par les femmes, en France comme ailleurs.

À ce propos, nous aurions souhaité que le Gouvernement fasse preuve d’autant de zèle pour lutter contre toutes les autres formes de discrimination subies par les femmes ! Il aurait pu, par exemple, abandonner son projet de loi portant réforme des retraites

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