Intervention de Jean-Paul Alduy

Réunion du 14 septembre 2010 à 14h30
Dissimulation du visage dans l'espace public — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean-Paul AlduyJean-Paul Alduy :

Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je vais vous donner lecture du texte de l’intervention de Melle Sophie Joissains, empêchée.

« Permettez-moi d’égrener, au sein de ce débat, les quelques convictions principales qui me poussent à voter ce projet de loi, et cela sans empiéter sur l’excellent travail, que je salue, réalisé tant par le président Jean-Jacques Hyest et la commission des lois que par notre rapporteur, François-Noël Buffet.

« D’abord, avant tout juriste, je crois sincèrement qu’une loi est nécessaire en la matière. Pourquoi ? Seul le Parlement, élu par la nation comme émanation du peuple, dispose de la légitimité nécessaire pour réglementer l’exercice d’une liberté publique. C’est bien là notre maxime : “ Par le peuple, pour le peuple et avec le peuple ”.

« Je crois que le Conseil d’État a donné une définition suffisante de l’ordre public immatériel ou sociétal, point qui a fait couler autant d’encre que de salive, pour que cette notion soit consacrée ; à nous maintenant de la légitimer par une loi.

« À ceux qui avancent l’argument numérique, prétextant que seules 2 000 personnes sont concernées, je rétorque la phrase de Montesquieu : “ Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous. ” Aucune écorchure à la face de notre République ne doit être tolérée, au risque de menacer l’édifice tout entier.

« Le premier point essentiel à mes yeux est que ce projet de loi pose le débat sur le plan sécuritaire. Ce texte interdira à tous les citoyens la dissimulation volontaire et permanente d’identité, de quelque manière que ce soit, avec les quelques exceptions nécessaires. Cette approche permet de traiter tous les citoyens de la même manière, principe d’égalité, comme l’énonce notre Constitution, puisque tous les hommes naissent libres et égaux en droit.

« Car la France se vit à visage découvert, pour tous, lorsque nous sommes dans l’espace public. Quels sont ces lieux, finalement ? Tous ceux où la société s’exprime dans son ensemble, où l’on vit ensemble ; bref, toutes les agoras où l’expression des droits liés à la vie privée ne peut être absolue.

« En un mot, la République est une et indivisible, et les lieux publics sont les lieux privilégiés d’expression de ce fondement de notre société. Aucun comportement mettant en cause notre cohésion n’y est toléré, et ce projet de loi renforce cette réalité juridique en interdisant d’y dissimuler son visage.

« Pourquoi est-ce si important de ne pas cacher son visage ?

« Parce que dans les sociétés libres et démocratiques prévaut en principe la règle, implicite mais élémentaire, selon laquelle nul échange entre les personnes, nulle vie sociale n’est possible, dans l’espace public, sans réciprocité du regard et de la visibilité : les personnes se rencontrent et entrent en relation à visage découvert.

« En France, le pacte social trouve son expression juridique fondamentale dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont l’article 4 affirme que “ la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ”. Or, comme cela a été affirmé devant la mission d’information de l’Assemblée nationale, qui cache son visage nuit à autrui “ en lui signifiant qu’il n’est pas assez digne, pur ou respectable ” pour se présenter à lui à visage découvert.

« Consécutivement, la dissimulation du visage est donc une atteinte à la dignité de la personne humaine, ce que notre Constitution condamne lorsqu’elle dispose que “ la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ”.

« Ainsi, porter un masque, une cagoule ou un voile intégral remet en cause le lien social qui unit chaque individu à la collectivité qui l’entoure. Notre société française est diverse, et riche de sa diversité, chaque personne y est différente et différenciée. Briser cette réalité en prônant une uniformisation reviendrait à condamner notre modèle républicain et notre pacte social. Ne nous y trompons pas, c’est bien de cela qu’il s’agit.

« Sécurité et égalité dans l’espace commun des lieux publics sont indispensables à la liberté et à la dignité de la personne humaine.

« J’ajouterai un mot sur la laïcité.

« J’ai été surprise d’entendre certains orateurs vouloir limiter sa portée. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur la traduction juridique de la laïcité, qui s’organise autour de trois principes : la neutralité de l’État, la protection de la liberté de conscience, notamment religieuse, et le pluralisme des cultes.

« À ceux-là, je voudrais demander de bien vouloir considérer les positions prises par le président de l’Observatoire de la laïcité, qui rappelait que, pour l’ensemble des membres de cette instance, “ la défense de la laïcité a un objet plus large que sa définition stricte, […] elle inclut les atteintes aux principes de l’égalité républicaine et la lutte contre les visées communautaires ”.

« Or c’est bien là l’objet de ce texte : défendre notre pacte républicain, scellé autour de valeurs communes qui garantissent le socle de notre République.

« C’est la raison pour laquelle je m’inscris en faux contre ceux qui voudraient faire de ce projet de loi une atteinte aux Français de référence musulmane, lesquels, comme tous les citoyens français, demandent le droit à l’indifférenciation, à être traités comme les autres, parce qu’ils sont comme les autres ! Ne faisons pas de démagogie, l’enjeu est trop important.

« En conclusion, nous avons un modèle de société, un modèle républicain, une conjugaison de nos valeurs particulières qui est unique. En cela, voter ce projet de loi à la plus large majorité de nos voix sera surtout un signal fort de soutien à toutes celles et à tous ceux qui, dans le monde, se battent pour sortir de l’autoritarisme, du communautarisme et de l’extrémisme.

« Oui, la France a des valeurs fondamentales. Elles sont inscrites dans nos textes fondateurs, et les parlementaires n’ont aucun mal à les conjuguer au xxie siècle quand il s’agit de les préserver ! C’est le cas aujourd’hui.

« Nous sommes, que nous le voulions ou non, regardés dans le monde. Alors, “ bas les masques ! ” Jouons franc jeu, tous ensemble, quand il s’agit de défendre notre modèle social et notre pacte républicain. Votons ensemble ce projet de loi qui réaffirme notre identité et notre combat pour la République. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion