Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la conférence des présidents d'avoir accepté l'inscription de cette question à l'ordre du jour réservé de notre assemblée. Cela nous permet - c'est une première dont je me plais à souligner l'importance - de débattre en séance publique des suites d'un rapport de l'OPECST, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sous la forme d'une question orale scientifique, comme il existe déjà des questions orales européennes.
Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour percevoir à quel point les questions scientifiques et technologiques sont au premier rang des préoccupations de nos concitoyens.
La création de l'OPECST, voilà vingt ans, a certes déjà permis d'apaiser partiellement certaines de ces préoccupations, mais le débat en séance publique marque une autre étape, un autre progrès, une autre consécration, si je puis dire. Je suis heureux que cette confrontation publique des idées trouve sa place au Sénat, ce qui - nous le savons bien - n'est pas un hasard compte tenu de l'attachement du président Christian Poncelet à faire entrer la science et la technologie au Palais du Luxembourg.
Sachez enfin, mes chers collègues, que, sur l'initiative de notre collègue député M. Claude Birraux, nous avons réuni hier soir, pour un dîner-débat - ce fut aussi une première - des représentants de toutes les académies scientifiques, et je puis vous faire part de leur unanime satisfaction de voir le Parlement, au travers de ses commissions comme de ses groupes politiques et de l'OPECST, s'investir chaque jour davantage dans les questions cruciales de la science et de la technologie.
Ma question orale s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie et porte sur les suites qui vont être données à la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, souvent intitulée « loi Bataille », du nom de son rapporteur à l'Assemblée nationale, et dont j'étais le rapporteur au Sénat.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a récemment adopté un rapport sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches dans ce domaine, présenté par MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés dont je salue, après M. le président, l'amicale présence dans nos tribunes. Leur travail personnel sur les questions nucléaires - déchets radioactifs, sûreté des installations nucléaires, durée de vie des réacteurs, réacteur de troisième génération EPR et réacteur de quatrième génération - est, depuis 1990, constant et d'une grande importance.
Parce qu'elle conditionne l'avenir du nucléaire, qui fournit plus de 75 % de notre consommation d'électricité, la gestion des déchets radioactifs est, de fait, au coeur de l'avenir énergétique de notre pays.
Bien entendu, des solutions de stockage définitif existent déjà à Soulaines, dans l'Aube, pour les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte, et à Morvilliers, dans l'Aube également, pour les déchets de très faible activité, qui représentent les volumes les plus importants, à savoir 90 % du volume total des déchets radioactifs produits depuis l'origine du nucléaire.
Bien entendu, les déchets issus du retraitement, c'est-à-dire les déchets vitrifiés de haute activité à vie longue et les déchets de moyenne activité, sont conditionnés et entreposés dans des entreposages industriels présentant un excellent niveau de sûreté et une longévité d'environ cinquante années.
Toutefois, il s'agit aujourd'hui de mettre en place des solutions opérationnelles dans la très longue durée pour ces déchets de haute ou moyenne activité, qui représentent 99 % de la radioactivité, dans des volumes très réduits grâce au retraitement-recyclage.
La loi du 30 décembre 1991 a fixé à 2006 le rendez-vous pour une évaluation globale des recherches effectuées depuis cette date dans les trois axes de la séparation-transmutation, du stockage réversible ou irréversible en formation géologique profonde et de l'entreposage de longue durée.
C'est aussi la date fixée pour l'examen par le Parlement d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.
C'est dans cette perspective que, sur la proposition de nos collègues députés MM. Christian Bataille et Claude Birraux, qui ont mené à bien un énorme travail d'enquête sur le terrain et qui ont organisé de nombreuses rencontres en France et dans six pays - l'Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis, la Finlande, la Suède et la Suisse -, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté des recommandations précises et complètes à l'issue de trois journées complètes d'auditions publiques à l'Assemblée nationale, journées qui ont rencontré un très large succès grâce à la présence des plus grands spécialistes internationaux et de plusieurs prix Nobel.
Ces recommandations pourraient, de notre point de vue, former l'ossature d'un futur projet de loi dont les dispositions non seulement répondraient aux objectifs de la loi du 30 décembre 1991, mais aussi les dépasseraient en fixant les principes d'une gestion durable de l'ensemble des déchets radioactifs.
Je rappellerai rapidement l'essentiel des ces propositions.
Elles prévoient, notamment, l'amélioration de l'information en ce qui concerne les résultats des recherches en matière de gestion des déchets radioactifs, préalable indispensable à la discussion, mais aussi la poursuite des recherches autour des trois axes de la loi de 1991, leur impulsion et le contrôle de leur bon déroulement par le Parlement.
Elles prévoient également la valorisation scientifique, universitaire et industrielle des recherches effectuées sur les déchets radioactifs, en organisant d'une manière volontariste le transfert de connaissances au plan national et au plan local.
Elles prévoient le vote par le Parlement, en 2006, de trois décisions de principe : la construction, pour 2016, d'un entreposage de longue durée - de cent à trois cents ans - qui donnera une flexibilité au système de gestion à très long terme ; le recours au stockage géologique, qui est indispensable dans tous les cas et dont l'entrée en service interviendrait entre 2020 et 2025 ; enfin, le recours à la séparation-transmutation comme objectif de long terme de la gestion des déchets de haute activité et la poursuite des recherches pour leur mise en service à l'échelle industrielle vers 2040.