Séance en hémicycle du 13 avril 2005 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Discussion d'une question orale avec débat

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 14.

M. Henri Revol attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la nécessité pour la France de déterminer maintenant sa politique à long terme en matière de gestion des déchets nucléaires radioactifs, en application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, qui a prévu que des décisions en la matière devaient être prises en 2006, au terme d'un délai de quinze ans.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques vient d'adopter un rapport sur les perspectives des recherches sur la gestion de ces déchets.

Il lui demande donc d'exposer les suites que le Gouvernement entend réserver aux recommandations contenues dans ce rapport demandé à l'Office par les présidents des quatre groupes politiques de l'Assemblée nationale.

Avant de donner la parole à M. Henri Revol, auteur de la question, je tiens à saluer, dans les tribunes du public, MM. Christian Bataille et Claude Birraux, éminents collègues de l'Assemblée nationale, qui s'intéressent particulièrement à la question qui nous occupe cet après-midi et qui honorent le Sénat de leur présence.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je tiens également à faire part à notre collègue Henri Revol de toute la peine que nous avons ressentie à l'annonce de l'assassinat d'une personne de sa famille ces derniers jours. Qu'il soit assuré de notre amitié la plus grande !

La parole est à M. Henri Revol, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Revol

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la conférence des présidents d'avoir accepté l'inscription de cette question à l'ordre du jour réservé de notre assemblée. Cela nous permet - c'est une première dont je me plais à souligner l'importance - de débattre en séance publique des suites d'un rapport de l'OPECST, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sous la forme d'une question orale scientifique, comme il existe déjà des questions orales européennes.

Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour percevoir à quel point les questions scientifiques et technologiques sont au premier rang des préoccupations de nos concitoyens.

La création de l'OPECST, voilà vingt ans, a certes déjà permis d'apaiser partiellement certaines de ces préoccupations, mais le débat en séance publique marque une autre étape, un autre progrès, une autre consécration, si je puis dire. Je suis heureux que cette confrontation publique des idées trouve sa place au Sénat, ce qui - nous le savons bien - n'est pas un hasard compte tenu de l'attachement du président Christian Poncelet à faire entrer la science et la technologie au Palais du Luxembourg.

Sachez enfin, mes chers collègues, que, sur l'initiative de notre collègue député M. Claude Birraux, nous avons réuni hier soir, pour un dîner-débat - ce fut aussi une première - des représentants de toutes les académies scientifiques, et je puis vous faire part de leur unanime satisfaction de voir le Parlement, au travers de ses commissions comme de ses groupes politiques et de l'OPECST, s'investir chaque jour davantage dans les questions cruciales de la science et de la technologie.

Ma question orale s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie et porte sur les suites qui vont être données à la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, souvent intitulée « loi Bataille », du nom de son rapporteur à l'Assemblée nationale, et dont j'étais le rapporteur au Sénat.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a récemment adopté un rapport sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches dans ce domaine, présenté par MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés dont je salue, après M. le président, l'amicale présence dans nos tribunes. Leur travail personnel sur les questions nucléaires - déchets radioactifs, sûreté des installations nucléaires, durée de vie des réacteurs, réacteur de troisième génération EPR et réacteur de quatrième génération - est, depuis 1990, constant et d'une grande importance.

Parce qu'elle conditionne l'avenir du nucléaire, qui fournit plus de 75 % de notre consommation d'électricité, la gestion des déchets radioactifs est, de fait, au coeur de l'avenir énergétique de notre pays.

Bien entendu, des solutions de stockage définitif existent déjà à Soulaines, dans l'Aube, pour les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte, et à Morvilliers, dans l'Aube également, pour les déchets de très faible activité, qui représentent les volumes les plus importants, à savoir 90 % du volume total des déchets radioactifs produits depuis l'origine du nucléaire.

Bien entendu, les déchets issus du retraitement, c'est-à-dire les déchets vitrifiés de haute activité à vie longue et les déchets de moyenne activité, sont conditionnés et entreposés dans des entreposages industriels présentant un excellent niveau de sûreté et une longévité d'environ cinquante années.

Toutefois, il s'agit aujourd'hui de mettre en place des solutions opérationnelles dans la très longue durée pour ces déchets de haute ou moyenne activité, qui représentent 99 % de la radioactivité, dans des volumes très réduits grâce au retraitement-recyclage.

La loi du 30 décembre 1991 a fixé à 2006 le rendez-vous pour une évaluation globale des recherches effectuées depuis cette date dans les trois axes de la séparation-transmutation, du stockage réversible ou irréversible en formation géologique profonde et de l'entreposage de longue durée.

C'est aussi la date fixée pour l'examen par le Parlement d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

C'est dans cette perspective que, sur la proposition de nos collègues députés MM. Christian Bataille et Claude Birraux, qui ont mené à bien un énorme travail d'enquête sur le terrain et qui ont organisé de nombreuses rencontres en France et dans six pays - l'Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis, la Finlande, la Suède et la Suisse -, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté des recommandations précises et complètes à l'issue de trois journées complètes d'auditions publiques à l'Assemblée nationale, journées qui ont rencontré un très large succès grâce à la présence des plus grands spécialistes internationaux et de plusieurs prix Nobel.

Ces recommandations pourraient, de notre point de vue, former l'ossature d'un futur projet de loi dont les dispositions non seulement répondraient aux objectifs de la loi du 30 décembre 1991, mais aussi les dépasseraient en fixant les principes d'une gestion durable de l'ensemble des déchets radioactifs.

Je rappellerai rapidement l'essentiel des ces propositions.

Elles prévoient, notamment, l'amélioration de l'information en ce qui concerne les résultats des recherches en matière de gestion des déchets radioactifs, préalable indispensable à la discussion, mais aussi la poursuite des recherches autour des trois axes de la loi de 1991, leur impulsion et le contrôle de leur bon déroulement par le Parlement.

Elles prévoient également la valorisation scientifique, universitaire et industrielle des recherches effectuées sur les déchets radioactifs, en organisant d'une manière volontariste le transfert de connaissances au plan national et au plan local.

Elles prévoient le vote par le Parlement, en 2006, de trois décisions de principe : la construction, pour 2016, d'un entreposage de longue durée - de cent à trois cents ans - qui donnera une flexibilité au système de gestion à très long terme ; le recours au stockage géologique, qui est indispensable dans tous les cas et dont l'entrée en service interviendrait entre 2020 et 2025 ; enfin, le recours à la séparation-transmutation comme objectif de long terme de la gestion des déchets de haute activité et la poursuite des recherches pour leur mise en service à l'échelle industrielle vers 2040.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Revol

Elles prévoient aussi la mise en place, validée par la loi, du Plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables, recommandé dès 2000 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et qui permettra d'assurer l'exhaustivité et la cohérence de la gestion.

Elles prévoient, enfin, la création d'un fonds dédié, placé sous la responsabilité de l'Etat et alimenté par les producteurs de déchets, pour garantir dans la longue durée à la fois le financement des recherches et la gestion industrielle des déchets radioactifs, ainsi que le renforcement concomitant de l'Agence nationale pour les déchets radioactifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Revol

Monsieur le ministre, quelles suites comptez-vous donner à ces recommandations, dont j'ai le plaisir de vous indiquer qu'elles ont rencontré un large assentiment tant au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques que de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, à qui les rapporteurs ont présenté leur travail, ainsi qu'à l'extérieur du Parlement, notamment, semble-t-il, auprès des élus des collectivités territoriales les plus concernées ?

Vous conviendrez aisément avec moi que nous sommes aujourd'hui à un moment charnière de la politique énergétique de notre pays : le projet de loi d'orientation sur l'énergie, que nous allons bientôt examiner en deuxième lecture, représente une étape essentielle dans la préparation de l'avenir en ce qu'il comporte des mesures relatives à la maîtrise de l'énergie, au développement des énergies renouvelables, à la qualité des réseaux électriques.

Il prévoit également l'approbation de la construction du réacteur EPR, de conception européenne, tête de série d'une future filière capable de remplacer, le moment venu, notre parc nucléaire actuel.

II appartient à notre génération de régler la question des déchets radioactifs. Les solutions techniques existent...

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Revol

... et le calendrier de leur mise en service opérationnel est désormais clair.

De son côté, le Parlement, qui a pris toute sa part des difficultés en votant la loi de 1991, a commencé ses réflexions avec le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et sera prêt, j'en suis sûr, à examiner d'une manière sereine et rigoureuse les solutions que nous nous devons de mettre en place pour assumer nos responsabilités vis-à-vis des générations futures.

Monsieur le ministre, inscrivons dans les faits les réponses que la science a données à la recherche sur la gestion des déchets radioactifs. L'énergie nucléaire civile, qui représente un facteur essentiel de la compétitivité de nos entreprises et du niveau de vie des Français, apparaîtra alors enfin pour ce qu'elle est aussi en termes d'environnement, à savoir un atout essentiel dans la lutte contre l'effet de serre.

Une fois réglée la question des déchets radioactifs et notre pays bénéficiant, de ce fait, d'une énergie nucléaire acceptée par nos concitoyens - ce qui constitue un atout décisif dans la mondialisation -, nous pourrons alors nous attaquer, pour notre plus grand bien et celui de nos partenaires économiques, à l'épineuse question des transports, qui accaparent le tiers de notre consommation d'énergie finale et émargent déjà pour 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit là, cependant, d'une autre histoire, que nous aborderons en temps utile.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes ;

Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Longuet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le ministre, fort de ma double expérience d'ancien ministre de l'industrie qui a eu à mettre en oeuvre la loi Bataille et d'élu de l'un des deux départements qui, avec celui de la Haute-Marne - je salue au passage mon collègue M. Bruno Sido - ont accepté l'implantation d'un laboratoire d'études pour le stockage souterrain des déchets nucléaires, je puis témoigner que nous avons avec vous, depuis que vous exercez les responsabilités qui sont les vôtres aujourd'hui, un dialogue constant, fructueux et transparent.

Cela étant, je souscris totalement aux observations de M. Henri Revol, qui s'est exprimé avec toute son autorité de technicien, de scientifique, mai aussi avec toute la passion qui est la sienne, pour apporter à la filière électronucléaire française une réponse à ce qui restait jusqu'à présent son maillon faible : la fin de cycle des déchets radioactifs.

En effet, lorsque, en 1991, le Parlement a voté le texte du député Christian Bataille, la France était dans une situation paradoxale. Elle avait fait le choix du nucléaire, sous l'autorité du président Georges Pompidou - choix qu'avait confirmé Valéry Giscard d'Estaing -, si bien que, aujourd'hui, l'indépendance énergétique de la France la place dans une position forte, notamment, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, au regard des exigences en matière de rejets de gaz carbonique

M. le ministre de l'écologie et du développement durable fait un signe d'approbation

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Il a fallu attendre le texte de décembre 1991, soit près de vingt ans après le lancement du programme nucléaire français, pour que, enfin, un engagement politique national très largement cautionné, dépassant les divisions politiques, permette d'envisager le début d'une solution responsable afin de fortifier ce qui, je le répète, était le maillon faible du cycle nucléaire.

Je m'exprime en cet instant en ma qualité d'élu de la Meuse et au nom des collectivités qui croient au nucléaire, qui en acceptent la responsabilité, qui en partagent les risques, mais qui ne voudraient pas en assumer seules le fardeau. Mon collègue Claude Biwer, qui interviendra dans quelques instants, soutiendra cette attitude, comme l'auraient soutenue mes collègues haut-marnais ici présents.

Nous avons, en réalité, trois exigences, qui constituent, au fond, trois questions.

La première, c'est que soient respectées les règles d'acceptation du laboratoire souterrain, c'est-à-dire celles qui ont conduit, en 1995, le conseil général de la Meuse à voter à l'unanimité un tel accueil.

Vos différentes interventions à cet égard, monsieur le ministre, nous rassurent, et nous aimerions que vous confirmiez ces règles.

Nous souhaiterions en effet que soit effectuée une véritable étude sur la possibilité de stocker des déchets radioactifs dans la couche d'argile profonde de l'ensemble haut-marnais et meusien. Or, comme l'a évoqué à l'instant Henri Revol, compte tenu du retard pris dans les travaux, il est vraisemblable que, même si nous votions la loi en 2006, nous n'aurions pas alors résolu toutes les questions ni levé toutes les incertitudes relatives à la nature du sous-sol argileux de cet ensemble. Or la loi prévoit que ce laboratoire sera opérationnel en 2020 !

Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quel sera le calendrier des décisions entre 2006, date du vote de la loi - soit moins de deux ans après la mise en service définitive du laboratoire -, et le compte à rebours 2020-2025, période à laquelle le site de stockage géologique profond sera opérationnel ?

Par ailleurs, qu'en est-il du deuxième laboratoire ? La loi de 1991 prévoyait en effet la construction de deux laboratoires, dans du granite ou dans d'autres couches. Or, pour l'instant, il n'y a pas de deuxième laboratoire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Quoi qu'il en soit, je puis vous dire que les populations concernées sont très attentives à ce que la loi de la « plus grande gueule » - pardonnez-moi d'être en l'occurrence un peu vulgaire - ne commande pas la République.

La « mission granite » a échoué sur le front des manifestations. Or le nucléaire doit être une affaire française, il doit mobiliser la solidarité nationale, car il s'agit d'un grand projet. Je comprends très bien qu'il y ait des manifestants, je comprends très bien que le nucléaire suscite des inquiétudes, mais je ne comprends pas, en revanche, que l'autorité de la République soit proportionnelle à la longueur des cortèges...

Enfin - et vous nous avez déjà, sur ce sujet, monsieur le ministre, apporté des réponses à l'occasion d'autres débats -, qu'en est-il de la poursuite parallèle des recherches sur les deux autres formes de traitement des déchets, l'entreposage en sub-surface et la transmutation ?

Je poserai sur ce sujet une question précise sur les couches géologiques profondes et sur la réversibilité.

La réversibilité est un problème technique, elle a un coût. Est-elle cependant une nécessité ? J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous nous donniez votre point de vue sur ce sujet. Peut-être d'ailleurs nous direz-vous, ce que je comprendrais parfaitement, qu'à ce stade des études la question de la réversibilité ne peut être tranchée. Mais l'on en reviendrait alors à la question précédente, que je répète : comment utiliser au mieux les années allant de 2006 - date du vote de la loi - à 2020-2025, lorsque le site de stockage géologique profond sera opérationnel ?

J'en viens à ma deuxième exigence, celle d'un nécessaire débat national.

Je souhaite rendre hommage au courage et à l'obstination de Claude Birraux et de Christian Bataille, que je salue. Ils ont en effet contribué à dépassionner le débat sur les déchets nucléaires et à élever le niveau des échanges sur ce sujet. Si, dans ce domaine, nous avons toujours des conflits et des opinions différentes - et il est normal qu'il en soit ainsi -, le degré de technicité et d'argumentation des uns et des autres a néanmoins utilement contribué à élever et à dépassionner le débat.

C'est la raison pour laquelle nous aimerions que ce débat, qui est aujourd'hui cantonné soit aux populations concernées, que nous représentons, soit aux esprits passionnés, - lesquels sont, reconnaissons-le, minoritaires -, puisse se dérouler à l'échelon national. Nous aimerions que les Français, qui bénéficient de la remarquable ressource de l'électronucléaire, puissent débattre, par civisme, avec beaucoup de sérénité et de solidité, dans la transparence et dans un esprit de responsabilité, des questions liées à la fin de cycle dans le domaine nucléaire. Ces questions ne sont pas plus difficiles à évoquer que d'autres ! Elles gagnent en tout cas à être débattues publiquement.

Par ailleurs, nous souhaiterions que les grands acteurs concernés s'engagent et qu'ils ne donnent pas parfois le sentiment qu'ils « refilent le bébé » au plus faible d'entre eux. Il est évident que l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs - même si elle n'est pas la principale bénéficiaire du traitement des déchets -, que le CEA, dans le cadre de ses recherches, que AREVA, du fait de son activité industrielle dans la fabrication de combustibles et de sa participation dans Framatome, ou encore que EDF, par exemple, ont un intérêt à ce que l'électronucléaire soit un succès.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Il serait donc bon qu'ils s'engagent, qu'ils disent ce qu'ils apportent et ce qu'ils sont prêts à faire, notamment dans le temps.

J'en viens à ma troisième exigence, et je terminerai sur ce point : qu'en est-il de l'effet économique de la gestion du fin de cycle pour les territoires qui, aujourd'hui, ont accepté cette responsabilité ?

Monsieur le ministre, nous devons passer d'une situation exceptionnelle à une situation banale. C'est d'ailleurs ce qui avait été sagement prévu dans la loi de 1991. Il y est en effet indiqué que, le laboratoire étant l'un des éléments du cycle nucléaire, il doit être traité comme tel et avoir, pour les populations qui en ont accepté l'hébergement, un effet comparable à celui d'une centrale nucléaire à deux tranches.

Malheureusement, la participation financière de l'Etat en la matière, qui est de droit commun et qui est comparable quantitativement à celle dont bénéficient les vingt-cinq ou vingt-six sites nucléaires français, a été trop souvent présentée par des esprits malicieux ou malveillants comme une sorte de chèque destiné à acheter le silence des populations marnaises et meusiennes, alors qu'il s'agissait simplement que ces dernières soient aussi bien traitées que celles de Nogent-sur-Seine, de Cattenom ou de Flamanville.

Nous voulons une solution de droit commun. Le soutien financier de l'Etat doit être très clairement à l'image de celui dont bénéficient les territoires qui ont accueilli d'autres chaînons du cycle électronucléaire - je pense aux centrales - et il ne doit pas être exceptionnel. Cela aurait d'ailleurs l'immense mérite de dissiper la crainte de certaines populations de voir ce soutien disparaître si l'intérêt de l'opinion publique pour cette question faiblissait...

Par ailleurs, les conditions qui autorisent l'accueil d'un laboratoire sont en général antinomiques avec celles qui permettent le développement économique des territoires qui l'hébergent. En effet, si le sous-sol lorrain ou le sous-sol barrois - je vous rappelle que la Haute-Marne est en partie terre barroise - permet d'accueillir un tel laboratoire, c'est justement parce qu'il s'y prête, mais aussi, reconnaissons-le, parce que la densité de population y est faible. Et c'est justement parce que la densité de population y est faible, parce qu'il n'y a ni grandes villes, ni centres universitaires, ni grandes activités industrielles organisés en un réseau dense permettant de faire émerger une activité nouvelle, que l'impact économique du laboratoire est, à ce jour, bien modeste, et - pourquoi ne pas le dire ? - décevant pour les populations qui attendaient plus de ce nouvel arrivé.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez parfaitement conscience de l'effort que consentent les populations pour accueillir ce laboratoire. Vous avez, me semble-t-il, l'idée des mesures qui pourraient être proposées, notamment aux grands acteurs industriels et économiques de la filière électronucléaire.

Nous souhaiterions d'ailleurs, monsieur le ministre, en savoir davantage sur la solidarité de cette filière avec les territoires qui ont accepté d'accueillir le chaînon manquant du nucléaire, celui qu'il est peut-être le plus difficile à accepter.

Nous sommes en train de gagner la bataille de l'acceptation de ce chaînon. Mais ce n'est pas parce que nous sommes en train de convaincre que cet effort est nécessaire qu'il faut diminuer notre action en matière de communication et être moins exigeant s'agissant du partenariat et des retombées économiques.

Tel est le sens, messieurs les ministres, de la question que le sénateur de la Meuse, qui s'exprime également au nom de son collègue de la Haute-Marne, vous pose publiquement du haut de cette tribune !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si 100 % des sénateurs meusiens - Gérard Longuet et moi-même ! -, s'expriment, c'est probablement parce qu'ils espèrent, même s'ils ont quelques inquiétudes, que le problème de la gestion des déchets nucléaires s'organisera de la meilleure manière qui soit.

Je remercie Henri Revol d'avoir bien voulu provoquer le débat que nous avons aujourd'hui sur la politique de gestion des déchets nucléaires, et vous ne serez sans doute pas surpris que, en ma qualité d'élu du département de la Meuse, je me préoccupe d'une manière particulière du devenir du laboratoire expérimental de Bure.

Comme cela vient d'être rappelé à l'instant, dans la loi dite « Bataille » de 1991, trois axes de recherche avaient été envisagés afin de trouver les solutions les mieux adaptées au traitement des déchets nucléaires les plus nocifs : la séparation-transmutation, dont les spécialistes nous indiquent que, dans le meilleur des cas, les applications ne pourront intervenir qu'à partir de 2040 ; le stockage en couches géologiques profondes, qui suppose que des laboratoires souterrains soient préalablement construits afin d'étudier in situ le comportement de ces couches ; enfin, le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface ou en sub-surface, qui pourraient être mis en service opérationnel d'ici à 2015.

S'agissant du stockage profond, alors que, dans un premier temps, trois sites avaient été envisagés, l'un à caractère granitique et les autres à caractère argileux, un seul site a finalement été retenu, à savoir le site argileux de Bure, dans la Meuse. Je partage à ce sujet les propos de Gérard Longuet, sur lesquels je n'insisterai pas.

Les élus départementaux et locaux de la Meuse et de la Haute-Marne, qui ont accepté à l'unanimité ce principe, se sont beaucoup impliqués dans ce processus et, de façon très courageuse et réfléchie, ils ont fait acte de solidarité nationale en acceptant l'implantation du laboratoire de Bure.

On peut toutefois déplorer qu'un certain attentisme ait prévalu au cours de la période 1998-2000. Ce n'est en effet que le 6 août 1999 qu'est paru le décret autorisant la création d'un laboratoire souterrain de recherche à Bure, dont la mise en oeuvre a également connu quelque retard.

Je pense que, du fait de ce retard, il conviendra de laisser le temps nécessaire à l'aboutissement des recherches entamées à Bure.

Il conviendra également de bien préciser le caractère réversible de l'éventuel stockage souterrain : s'il nous appartient d'adopter la solution la moins mauvaise possible pour la gestion des déchets, un stockage réversible présente l'avantage, pour les générations futures, de disposer d'un outil flexible pour traiter sur le long terme la question des déchets et offre la possibilité, compte tenu d'éventuels progrès de la science, de prendre, le cas échéant, d'autres décisions.

S'agissant du coût du stockage profond, un récent rapport de la Cour des comptes a mis en évidence les nombreuses incertitudes qui semblent peser en la matière, dans la mesure où de nombreuses options restent à prendre en ce qui concerne tant les méthodes de stockage et la conception technique des installations que le volume des futurs déchets à entreposer.

La Cour suggère ainsi que soient résolues les divergences apparues entre l'ANDRA et les producteurs de déchets concernant le coût supposé du stockage profond, divergences susceptibles de peser sur la pertinence des provisions constituées à cet effet par AREVA, le CEA et EDF.

Je souhaite également évoquer le dispositif d'accompagnement financier inhérent à la création du laboratoire souterrain de Bure.

La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs prévoit qu'il peut être créé un groupement d'intérêt public, un GIP, en vue de mener des actions d'accompagnement, la dotation financière de l'Etat étant fixée à l'époque à 60 millions de francs, soit 9, 1 millions d'euros par laboratoire souterrain.

Un tel GIP a été créé en Meuse et en Haute-Marne pour la mise en oeuvre de ce dispositif. Conformément à sa convention constitutive et à sa charte de développement, approuvées par un arrêté du 25 mai 2000, l'objet de ce groupement était de mener des actions d'accompagnement économique, notamment pour favoriser et faciliter l'installation et l'exploitation du laboratoire souterrain de Bure.

Ses actions se déclinaient autour de quatre axes : promouvoir le développement économique et l'emploi, soutenir le développement local, structurer l'espace départemental, soutenir le développement touristique et la notoriété des départements.

Depuis sa création au moi de juin 2000 et jusqu'à la fin de l'année 2004, le GIP a perçu un montant global de 44, 7 millions d'euros, utilisés conformément aux axes que je viens de décrire. Pour 2005 et 2006, ses recettes devraient être engagées sur des projets structurants du territoire, comme le financement de la gare TGV.

Cependant, le conseil général de la Meuse a eu maintes fois l'occasion de regretter à quel point le modèle juridique d'un GIP était lourd dans sa gestion administrative et comptable. Il a aussi déploré que les règles communautaires inhérentes à l'addition des subventions publiques en aient limité l'efficacité dans l'aide apportée aux entreprises. Enfin, si les fonds d'accompagnement ont effectivement permis de répondre à la préoccupation relative à l'insertion du laboratoire souterrain dans son environnement, ils ont eu un effet par trop limité en matière de développement économique et de création d'emplois durables.

Pour l'avenir, il conviendrait de mieux impliquer les industriels de la filière électronucléaire dans le développement économique des territoires. En effet, messieurs les ministres, la création d'emplois et de richesse sera un facteur déterminant de l'acceptation locale.

J'insiste également sur la nécessité de poursuivre l'accompagnement financier bien au-delà de 2006, et ce durant de longues années, non seulement parce que les efforts de recherche se poursuivront très vraisemblablement après cette date, mais également et surtout parce qu'un laboratoire souterrain ne versera en tant que tel qu'une fiscalité résiduelle aux collectivités concernées, sans commune mesure avec les investissements réalisés.

A cet égard, je ne peux que saluer les conclusions concordantes de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques figurant dans le récent rapport présenté par MM. Birraux et Bataille relatif à l'état d'avancement et aux perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

Dans leur rapport, nos collègues députés précisent qu'en France un développement économique volontariste doit être impulsé par les acteurs de la filière dans les départements concernés par la gestion des déchets radioactifs.

S'agissant de la valorisation des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, ils ajoutent que les méthodes avancées mises au point au laboratoire de Bure en géophysique, en géochimie ou en ingénierie devraient entraîner la création des développements scientifiques, technologiques et industriels proposés par les deux départements concernés.

Enfin, au-delà des données scientifiques et économiques de ce problème, doit aussi et surtout être prise en compte la sécurité de nos concitoyens, notamment la sécurité de ceux qui sont situés dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, directement concernés par l'implantation du laboratoire de Bure.

De ce point de vue, je crois pouvoir dire que le processus de concertation qui a prévalu au cours des années quatre-vingt-dix a été à la fois volontariste et exemplaire : la qualité de l'information, son objectivité, l'association des élus locaux et des populations concernées ont permis à ce projet de recevoir un soutien réitéré au niveau local, départemental et régional.

Cet effort de concertation devra nécessairement être poursuivi, dans la plus grande transparence. Les résultats des recherches sur l'éventuelle faisabilité d'un stockage dans le laboratoire de Bure, que ces recherches soient positives ou négatives, devront être rendus publics.

Il faut que la communauté scientifique et celle des décideurs en charge de ce dossier assument leur devoir d'écoute, d'information et de dialogue objectif avec les habitants et les élus concernés ; il faudra ensuite que le fonctionnement démocratique et le rôle du Parlement, éclairé par les études et rapports particulièrement pertinents réalisés par l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, soient parfaitement respectés.

Nous sommes, en effet, en présence d'une installation pour laquelle nous ne disposons d'aucun recul : la communauté scientifique mérite notre confiance, mais le passé nous indique qu'elle peut quelquefois se tromper. Or les décideurs politiques que nous sommes n'ont pas le droit à l'erreur. Il y va de l'avenir des générations futures.

Nous resterons donc attentifs à ce dossier, qui préoccupe certes notre région, mais également notre pays tout entier.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons, avec cette question orale posée par M. Revol, un élément incontournable de la politique énergétique de la France : la gestion des déchets nucléaires.

Cette question se pose dans le cadre plus global des choix énergétiques de la France pour répondre aux impératifs de sécurité d'approvisionnement, de sûreté des installations, de préservation de l'environnement, mais aussi - et peut-être est-ce plus important encore - de la mise en oeuvre d'une réponse énergétique adaptée aux besoins croissants et des technologies à développer pour y parvenir.

Avant d'aborder les conclusions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont on ne peut que saluer l'excellente qualité des travaux, je voudrais revenir sur la question centrale de la propriété des moyens de production dans le domaine de l'énergie. En effet, il y a quelques incohérences dans le discours de la majorité gouvernementale.

D'un côté - et je vous en félicite -, vous semblez préoccupés par des considérations écologiques de préservation de l'environnement et de développement durable, dans le respect des accords de Kyoto. Mais, d'un autre côté, vous avez, il n'y a pas si longtemps, privatisé l'entreprise publique de production et de distribution d'énergie qu'est EDF, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

... et, plus surprenant encore, vous avez ouvert aux investisseurs privés le capital d'AREVA, entreprise du nucléaire civil.

Ce double discours révèle des conflits d'intérêts majeurs entre la promotion du développement durable et les intérêts économiques des grandes sociétés, notamment des entreprises pétrolières.

Cependant, comment peut-on imaginer que la libéralisation à tout crin que l'Union européenne propose et que notre gouvernement met en oeuvre avec zèle puisse aboutir à une meilleure prise en compte de l'intérêt général et de la nécessité de préserver le patrimoine public ? Le marché ne peut pas prendre en compte l'intérêt général, et encore moins oeuvrer en ce sens.

La soumission des entreprises aux règles de gestion privée induit nécessairement la recherche de la rentabilité maximale. L'utilité humaine, sociale, environnementale n'intéresse pas les actionnaires, car elle n'est pas source de profit.

Ainsi, les catastrophes écologiques et les menaces climatiques qui pèsent sur notre planète ne peuvent être évaluées indépendamment du système économique et social dans lequel elles ont lieu. Il faut en tenir compte, et s'attaquer aux causes plutôt qu'aux effets.

Au moment même où vous nous proposez de graver dans le marbre ces principes de soumission de toutes les activités humaines à la loi du marché par le traité établissant une Constitution pour l'Europe, il faudrait débattre avec le sérieux que cela mérite de la question fondamentale de la gestion des déchets radioactifs, alors même que certains commissaires européens souhaiteraient que les déchets soient considérés comme de simples marchandises.

Cette question tient particulièrement au coeur des membres du groupe communiste républicain et citoyen, mais rien ne sert d'en débattre si nous ne remettons pas en cause les comportements des multinationales et les orientations des politiques publiques qui exploitent sans limite les ressources de notre planète au lieu de les préserver.

La question du devenir énergétique de la planète est pourtant au coeur des grands défis sociaux, scientifiques et politiques. Celle du devenir même de l'humanité est posée à l'horizon du siècle qui s'ouvre. En effet, l'augmentation de la production d'énergie dans les prochaines décennies est une nécessité politique, mais aussi une réalité démographique. La population mondiale atteindra très vraisemblablement plus de 9 milliards de personnes en 2050, et la maintenir à ce seul niveau suppose des avancées politiques considérables sur tous les continents.

Par ailleurs, la consommation actuelle d'énergie est très inégale dans le monde : elle s'élève à huit tonnes d'équivalent pétrole par habitant et par an aux Etats-Unis, à quatre tonnes d'équivalent pétrole en Europe et au Japon, et à moins d'une tonne d'équivalent pétrole dans le reste du monde, en Chine, en Inde, en Afrique. De plus, 40 % de l'humanité n'a pas accès à l'électricité et, bien entendu, les inégalités concernent l'accès non seulement à l'énergie, mais également à l'eau potable, à la santé.

Sans que ces inégalités se réduisent à des questions énergétiques, le développement des peuples exige le recours à des ressources en énergie. Si nous nous fixons pour objectif que chacun sur la planète ait accès, d'ici à cinquante ans, à la moitié de ce dont nous disposons aujourd'hui en Europe, il faudrait pouvoir au moins doubler la production énergétique globale.

D'autre part, l'essentiel de la production énergétique actuelle, soit plus de 80 %, est basé sur des ressources dites « fossiles », qui s'amenuisent tellement que la question de l'existence de réserves accessibles à des échelles de temps très inférieures au siècle est posée. De plus, les énergies fossiles engendrent des déchets considérables sous la forme principalement de gaz carbonique, responsable, en grande partie, de l'effet de serre.

Pour répondre à ces défis, il nous faut oeuvrer pour une politique énergétique s'intégrant dans un développement durable, pour une politique diversifiée, économe en ressources fossiles, respectueuse des équilibres écologiques et climatiques, produisant un minimum de déchets. Cependant, la mise en oeuvre d'une telle politique ferait inévitablement naître des conflits avec les sociétés pétrolières monopolistiques et supposerait des efforts de financement de la recherche très importants. Peut-être ne le souhaitez-vous pas ?

Nos choix énergétiques doivent prendre en compte la situation particulière de notre pays. Malgré l'apport des énergies renouvelables et des économies d'énergie, insuffisamment aidées sur le plan fiscal, l'énergie nucléaire reste une composante indispensable qui permet de lutter efficacement contre l'accroissement de l'effet de serre et d'assurer notre indépendance énergétique vis-à-vis des multinationales du gaz et du pétrole.

Enfin, la filière publique dont disposait notre pays permettait d'en maîtriser la cohérence, la sécurité et les tarifs, grâce à la péréquation nationale.

Parallèlement, la question de la technique est aussi importante. Ainsi, dans l'attente des réacteurs de la quatrième génération, la transition par le passage à des réacteurs nucléaires de troisième génération, dits « EPR », permettant de diminuer de 15 % la production de déchets, constitue un élément incontournable du débat sur les déchets nucléaires. Pourtant, faire le choix du nucléaire implique nécessairement de se poser la question de la sécurité publique et de trouver des solutions adaptées pour la gestion des déchets radioactifs.

Ainsi, en 1991, le Parlement a voté la loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi « Bataille ». Celle-ci prévoyait un important programme de recherche afin d'assurer une gestion des déchets respectant l'environnement, les équilibres écologiques, la santé et les droits des générations futures. Elle a engagé la puissance publique dans la recherche de trois types de solutions par le biais d'études non seulement sur la séparation et la transmutation pour réduire la durée de vie et la nocivité des déchets, mais aussi sur le stockage en surface et sur le stockage profond, à partir de laboratoires souterrains.

Elle devait permettre, à un horizon de quinze ans, soit en 2006, qu'une loi puisse définir les solutions devant être mises en oeuvre.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, mandaté pour remettre un rapport très attendu sur ces questions, a fait part de ses conclusions le 16 mars dernier. Or ce rapport laisse toutes les voies ouvertes pour la gestion des déchets, en fixant la séparation-transmutation comme objectif ultime, mais en considérant que l'enfouissement reste incontournable. Ce rapport ne nous apprend rien de nouveau et incite à poursuivre sur les trois voies de la loi Bataille, priorité étant donnée à l'enfouissement, solution la plus économique.

La seule avancée réside dans le fait que ce rapport préconise des recommandations au Parlement, qui « pourrait fixer comme objectifs [...] les dates de 2016 pour la mise en service d'un entreposage de longue durée et l'autorisation de construction d'un stockage réversible en formation géologique, 2020-2025 pour la mise en service d'un réacteur démonstrateur de transmutation et la mise en service du stockage géologique, et 2040 pour la transmutation industrielle ».

Ce calendrier nous autorise à consommer l'ensemble des réserves de pétrole avant de réfléchir aux sources d'énergies alternatives. Ainsi, on constate que ce sont les monopoles énergétiques qui dictent le calendrier de la recherche.

Nous aurons l'occasion de débattre de ces questions à nouveau lors de la discussion du projet de loi qui sera présenté en 2006 sur la base de ce rapport. Cependant, je tiens dès aujourd'hui à vous rappeler, comme je l'ai déjà fait il y a quelques années, que l'enfouissement ne peut constituer une solution satisfaisante à long terme et qu'il pose toute une série de questions importantes.

L'enfouissement apparaît bien, aux yeux des populations, comme une solution à risque pour l'avenir, qui a un caractère particulièrement irréversible quelles que soient les précautions prises. Cette notion de risque a d'ailleurs prévalu dans le refus de la population de la région de Bretagne à recevoir des laboratoires d'enfouissement géologique en terre granitique.

La politique de l'enfouissement est bien la politique de l'autruche : elle permet de cacher ces déchets si encombrants, laissant le soin aux générations futures de trouver d'autres solutions.

De plus, dans le cadre d'une volonté de réduction des déchets, il apparaît nécessaire d'acter une réduction concertée de la puissance nucléaire militaire, laquelle n'est pas sans incidence sur ces problèmes de déchets. Je pense par exemple, dans ma région, au site de l'Ile-Longue, à Brest.

Par ailleurs, si l'enfouissement se camoufle tout au long des pages du rapport sous le terme « stockage géologique », l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en fait une réalité incontournable. L'Office se réfugie derrière le fait que c'est « la solution privilégiée par la plupart des pays nucléarisés » et que cette voie est préconisée par l'Agence internationale pour l'énergie atomique, l'AIEA.

Pourtant l'Office insiste sur « les questions techniques difficiles » et déclare que « les paramètres à prendre en compte sont évidemment nombreux ». L'Office reconnaît même « qu'il n'est pas possible de garantir un total confinement des déchets radioactifs sur des échelles de temps très étendues ».

Est-ce ainsi que notre collectivité se prépare à « prendre ses responsabilités face aux générations futures » ?

De plus, préalablement à l'enfouissement des déchets, la loi du 30 décembre 1991 imposait la mise en oeuvre de laboratoires. Or un seul laboratoire existe actuellement, localisé à Bure. Comment expliquer que la loi ne soit pas respectée, sinon parce qu'un tel projet doit faire face à l'opposition populaire et au manque de crédits consacrés à la recherche ? Ainsi, alors que quinze sites étaient pressentis en 2000 pour l'accueillir, le fameux deuxième laboratoire n'a jamais pu voir le jour, sous la pression populaire.

En revanche, la perspective de la transmutation apparaît toujours plus lointaine et plus incertaine, alors qu'il s'agit de la réponse la plus adaptée dans l'état actuel des connaissances.

Alors que l'article 6 de la loi Bataille les y obligeait, les pouvoirs publics n'ont, au cours de ce processus, jamais écouté ni fait participer les citoyens ou les élus intéressés à ces recherches. En ce domaine, à l'issue des quinze années accordées par la loi Bataille, les modalités de concertation peuvent se résumer à la mise en place d'un comité local d'information et de suivi, le CLIS, sur le site de Bure, en Meuse et en Haute-Marne, pressenti pour l'enfouissement. Et le rôle de ce comité est si édulcoré et son fonctionnement si épique que nombre d'associations et de syndicats viennent d'en claquer la porte voici quelques semaines !

L'Office parlementaire, tout au long de ses auditions, a purement et simplement omis d'écouter et de prendre en compte les informations et arguments rassemblés par les collectifs de citoyens et d'élus, que ce soit contre la méthode de l'enfouissement ou contre les projets d'entreposage en surface.

Alors que, partout dans le monde, les pays nucléarisés se demandent que faire de ces déchets, la France s'était dotée fin 1991 de la loi Bataille pour trouver des réponses. Quinze ans plus tard, pas une seule solution innovante n'a émergé ; c'est fort décevant ! On en revient aux solutions prônées dans les années 1980 : se débarrasser de ces déchets bien encombrants en les enfouissant, un projet irresponsable au regard des générations futures, dénoncé par de nombreux experts, élus ou citoyens.

Il faut aller plus loin, trouver des solutions pérennes et soutenables du point de vue environnemental pour les générations futures.

Cela mérite des efforts financiers de recherche, comme le souligne le rapport, et une véritable volonté politique de maîtrise publique de la production énergétique et de ses risques. Or, depuis 1992, seuls 2, 2 milliards d'euros ont été consacrés à la recherche en matière énergétique.

De plus, dans le cadre de ce débat, il nous faut amorcer le débat du devenir des centrales nucléaires qui seront obsolètes dans dix ans. Et ce démantèlement produira également des déchets nucléaires, estimés à quinze millions de tonnes.

Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, seul l'engagement du Gouvernement en faveur du financement de la recherche, afin de diversifier le bouquet énergétique - en promouvant concrètement les énergies renouvelables comme les biocarburants, les éoliennes, l'hydrogène, la biomasse, le photovoltaïque, la géothermie - et de permettre le développement des technologies nucléaires pourrait contribuer à résoudre la question préoccupante des déchets nucléaires.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre collègue Henri Revol a eu le grand mérite d'ouvrir ce débat et de vous présenter, avec le talent qui est le sien, la problématique de la gestion des déchets. Il l'a fait en tant que président du groupe d'études de l'énergie du Sénat, mais aussi en tant que président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La mise en oeuvre du processus de Kyoto et, au-delà, du Plan climat, qui prévoit la division par quatre du volume d'émission de gaz carbonique en quelques années, interpelle tous ceux qui pensent aux générations futures et nous conduit à considérer comme inconcevable le développement durable sans une augmentation massive, au niveau planétaire, de l'énergie nucléaire civile.

A cet égard, la position du grand gourou britannique de l'écologie, ...

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

James Lovelock !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

... qui appelle tous ses collègues écologistes à considérer l'énergie nucléaire comme étant à la fois écologique et incontournable en matière de développement durable, devrait être plus largement entendue, aussi bien en France, chez nos amis Verts, qu'en Allemagne ou en Pologne, pays qui a subi les retombées de l'accident survenu dans la centrale nucléaire de Tchernobyl et qui était a priori opposé à l'idée de construire une centrale nucléaire, mais où cette option commence à faire son chemin.

Après M. Revol, tous les orateurs se sont accordés à reconnaître que certaines difficultés devront être résolues afin de permettre une acceptation sociale des déchets nucléaires. Mais, pour qu'une telle acceptation soit possible, il est nécessaire d'effectuer des efforts en termes d'information et de transparence.

Il faut, tout d'abord, qu'un effort considérable soit réalisé pour diffuser la culture scientifique et technique afin que les différents paramètres puissent en être compris et, par conséquent, acceptés. Cet effort est d'autant plus nécessaire que la radioactivité, qui partage avec d'autres éléments de la physique moderne la caractéristique d'être invisible, est relativement mal comprise : contrairement aux nuages de fumée, aux incendies, aux tremblements de terre ou aux tsunamis, on ne peut voir un nuage radioactif.

Avec les membres de la commission des affaires culturelles du Sénat, j'affirme que la culture scientifique et technique est fondamentale pour éviter de retomber dans un obscurantisme qui conduirait à des catastrophes.

Cependant, au-delà de cet effort de diffusion des connaissances, il faudra développer la recherche scientifique, technique et technologique dans le domaine du nucléaire afin de permettre aux futures générations de trouver la solution pour se débarrasser des déchets nucléaires.

En attendant le siècle prochain, où nous obtiendrons certainement des résultats dans le domaine de la fusion nucléaire, il faut que la fission, qui a encore des décennies devant elle, puisse progresser. Je pense en particulier à la production d'uranium 233 par irradiation du thorium 232, mais aussi à d'autres filières comme celle des réacteurs haute température, et surtout à celle des surgénérateurs. Grâce à toute cette panoplie, nous pourrons aller plus loin.

Mais tout cela ne pourra se faire que si un effort important est réalisé auprès des générations futures, dès l'école primaire, en faveur de la physique et de la chimie. Je regrette à cet égard que le ministre de l'éducation nationale ne participe pas au présent débat. Il faut en effet développer l'opération « La main à la pâte », initiée par l'Académie des sciences et fortement promue par Georges Charpak et par quelques-uns. Mais il est vrai que ces derniers ont, hélas ! plus de chances d'être écoutés au Brésil ou en Chine, pays où l'on considère que la science est pratique, efficace et utilisable.

Plus tard, dans le secondaire, il sera important que de nombreux collégiens et lycéens sortent de leur établissement et visitent des entreprises ou des centres de recherche spécialisés en physique et chimie, afin qu'ils constatent à quel point ces disciplines sont finalement faciles, intéressantes, et orientent vers des métiers passionnants.

Je ne parle évidemment pas des universités et des écoles d'ingénieur, et tout particulièrement, monsieur Devedjian, des écoles d'ingénieurs qui dépendent de votre ministère.

Il faudra, de plus, que ces efforts soient relayés dans les autres pays européens, car, à l'heure actuelle, l'Europe est menacée à relativement court terme d'une disparition des vocations pour la chimie et la physique et, dans une moindre mesure, pour les mathématiques, qui sont considérées comme plus nobles et, peut être à tort, comme plus faciles. La diminution des vocations dans ces domaines inquiète les scientifiques et les techniciens, et je pense en particulier à nos amis du CEA, d'AREVA ou d'EDF.

Derrière cette faiblesse des vocations se cachent bien des difficultés à venir. Gouverner c'est prévoir, et il faut commencer à penser à tout cela dès maintenant et prévoir un effort de formation interministériel commun.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette question orale avec débat, qui porte sur un sujet essentiel pour l'avenir énergétique de la France, a été inscrite au dernier moment à notre ordre du jour : jusqu'à jeudi dernier, il était prévu que nous débattions aujourd'hui du transfert de 20 000 kilomètres de routes nationales et de 30 000 agents aux départements, mais sans doute a-t-on estimé qu'il s'agissait d'un sujet d'actualité trop brûlant et qu'il était donc urgent de le retirer de notre ordre du jour. La majorité refuserait-elle d'aborder l'épineuse question de l'aménagement cohérent de notre territoire et du transfert des moyens financiers aux collectivités territoriales ?

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

Si on vous gêne, on peut s'en aller !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cependant, et malgré le peu de temps laissé à sa préparation, le débat d'aujourd'hui porte également sur une question capitale pour notre nation : la gestion des déchets nucléaires radioactifs.

Il en va de la fiabilité de la production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire, principale source d'électricité dans notre pays, qui regroupe plus de 850 sites où sont stockés des déchets, deux de ces sites, la Hague et Marcoule, concentrant à eux seuls 90 % de la matière radioactive.

En tant que membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'ai pris connaissance voilà trois semaines du rapport de nos collègues députés Christian Bataille et Claude Birraux, qui forment un duo à la compétence reconnue.

Plusieurs aspects doivent être considérés lorsque l'on parle de ces déchets particulièrement sensibles et dont la durée de vie est très longue, sujet que j'aborderai successivement sous l'angle du financement, de la compatibilité avec la directive européenne, de l'information des citoyens et, enfin, de la recherche.

Un des enjeux principaux de ce débat est constitué par la question du financement de la gestion des déchets dans le nouveau contexte concurrentiel, avec le changement de statut d'EDF et l'ouverture du capital des opérateurs du nucléaire.

Cette question n'est autre que celle de la garantie de ce financement, et elle est d'autant plus importante que des opérateurs privés - et étrangers - pourront entrer dans le capital des entreprises du secteur. On sait, par exemple, que Enel, le numéro un de l'électricité en Italie, est prêt à participer au réacteur nucléaire de troisième génération, l'EPR, et que les industries électro-intensives pourraient également contribuer au financement de ce dernier.

Nous pouvons donc légitimement nous interroger, et vous interroger, messieurs les ministres, sur les garanties de financement. Quelles formes pourraient-elles prendre ? S'agira-t-il de prises de participation ?

La question du financement se pose aussi du fait du changement du contexte concurrentiel avec l'ouverture du capital d'EDF et, à terme, de celui d'AREVA, ce qui nous amène à la question des estimations du coût du stockage des déchets en profondeur.

Entre les premières évaluations réalisées en 1996 par l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, et celles qui ont été réalisées en 2003, le coût apparaît avoir augmenté selon un rapport estimé de 1, 4 à 2, 3, la différence d'estimation correspondant à une différence de 5 milliards à 18 milliards d'euros.

Le coût effectif du stockage futur pourrait faire peser des risques sur la marge bénéficiaire d'EDF : un surcoût estimé à la valeur moyenne de 10 milliards d'euros aurait un impact de l'ordre 0, 56 euro par mégawattheure.

Par ailleurs, la Cour des comptes notait en janvier dernier que EDF était « sans doute l'entreprise française pour laquelle la traduction comptable de ses obligations de long terme est la plus délicate et le chiffrage le plus aléatoire ». De plus, « les provisions relatives aux déchets radioactifs doivent être estimées, alors que les solutions techniques de retraitement et de stockage ne sont pas encore arrêtées ». Enfin, EDF ne disposerait aujourd'hui que d'un « embryon d'actifs dédiés par rapport à la masse à financer et tout repose sur sa capacité à disposer d'actifs suffisants ».

La Cour des comptes recommandait donc de mettre en place un plan comptable particulier applicable aux entreprises de l'industrie nucléaire afin de sécuriser les moyens de financement.

Elle soulignait en outre que, sans mécanisme de sécurisation financière par le biais, notamment, de fonds dédiés, sujet dont traitera tout à l'heure Simon Sutour, « le risque existe, dans cas d'une ouverture de capital d'AREVA et d'EDF dans des marchés devenus fortement concurrentiels, que les conséquences financières de leurs obligations de démantèlement et de gestion de leurs déchets soient mal assurés et que la charge rejaillisse in fine sur l'Etat ».

Enfin, la Cour des comptes n'a pas hésité à nous mettre en garde contre des gaspillages possibles des provisions par EDF.

Messieurs les ministres, que comptez-vous faire et quelles garanties pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?

Dans leur rapport parlementaire, MM. Bataille et Birraux proposent quant eux la création d'un fonds de gestion dédié alimenté par les producteurs de déchets. Ils précisent que « le nouveau statut de société anonyme d'EDF, principal producteur de déchets radioactifs en France, oblige à réexaminer les modalités de financement des recherches sur la gestion à très long terme des déchets radioactifs ainsi que sur la gestion industrielle de ces derniers et à mettre en place une transition du système actuel de provisions au bilan de l'entreprise vers un dispositif pérenne et indépendant qui garantisse les financements sur une très longue période ».

Le rapport recommande ainsi de créer un mécanisme adossé à l'Etat pour garantir un financement pérenne. Un tel fonds est une nécessité du fait du changement de statut des entreprises qui « seront soumises aux contraintes à court terme des marchés financiers ».

Le fonds dédié, alimenté par les producteurs, pourrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Je souscris pleinement à cette préconisation : le Gouvernement entend-il en tenir compte, notamment dans la préparation de la loi de 2006 ?

Je terminerai cette partie de mon propos consacrée au financement en rappelant que plusieurs de mes collègues, dont Bernard Piras et Simon Sutour, ont déposé en décembre dernier une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le financement des opérations de démantèlement du site de Marcoule et sur l'abondement du fonds dédié. Voilà un exemple concret des problèmes de financement auxquels nous allons être confrontés dans les décennies à venir !

La question du financement ne pourra trouver de réponse que dans le cadre législatif national et européen, la question centrale étant celle du stockage définitif ou du stockage réversible des déchets radioactifs, ce qui m'amène à la question de la compatibilité de l'approche française avec la directive européenne tendant à instituer une nouvelle législation communautaire dans le domaine de la gestion et du traitement de ces déchets, directive en cours d'élaboration et amendée par le Parlement européen, et dont la Commission européenne a proposé en septembre dernier une version révisée prenant en compte ces amendements.

La Commission européenne souhaitait faire adopter par les Etats un programme de gestion ultime des déchets, assorti d'un calendrier, impliquant que ces derniers s'engagent sur des dates butoirs en matière de programmation de gestion des déchets.

Cependant, la directive fixe comme priorité l'enfouissement géologique des déchets, alors que la France a plutôt opté pour la recherche en matière de séparation et de transmutation, la Commission européenne estimant que « le stockage en profondeur apparaît en effet comme la technique la plus sûre en l'état actuel des connaissances alors que la lenteur des progrès de la recherche sur la transmutation et le stockage en surface ne permet pas aujourd'hui d'espérer une solution industrielle dans un proche avenir ».

Il y a donc bien une différence entre l'approche de nos collègues députés et la position de la Commission européenne.

Le texte de la directive privilégie le stockage définitif. Son article 4, consacré aux programmes nationaux de gestion des déchets radioactifs, précise que « les Etats membres étudieront la possibilité de donner priorité au stockage définitif en couches géologiques profondes, en prenant en considération leurs circonstances spécifiques ». Quant à son article 5, il prévoit que le programme de gestion national contient le calendrier retenu pour la gestion à long terme des déchets radioactifs, dont la définition recouvre les déchets de faible et moyenne activité ainsi que les déchets de haute activité.

C'est en totale contradiction avec la position française issue de la loi Bataille et avec les suites qui ont été données à celle-ci dans le rapport déjà cité. La question de la réversibilité des solutions de stockage en profondeur est même l'un des axes de recherche retenus par la France et, dans le rapport Bataille-Birraux, il est considéré que le stockage géologique est incontournable mais doit être réversible.

Les Etats sont pour la plupart hostiles au concept du calendrier communautaire pour le stockage définitif, et le Parlement a supprimé la notion de calendrier communautaire pour la mise en exploitation des sites de stockage définitif.

Nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur cette question et sur les contradictions entre la directive européenne et les positions françaises.

La France a-t-elle su faire valoir ses positions, et que doit-on attendre des futurs textes européens ?

Quant au site de Bure, seul site expérimental alors que la loi Bataille en prévoyait deux sinon trois, le retard constaté - l'expérimentation n'a commencé qu'en 1999 - ne permettra pas de respecter le délai de quinze ans avant la saisine du Parlement. Il convient donc d'accentuer les recherches sur la réversibilité pour assurer la complémentarité avec la séparation-transmutation et le stockage de longue durée.

C'est un enjeu considérable, car il conditionne le choix du maintien de la filière nucléaire et son acceptabilité. Les résultats de cette expérimentation doivent être publiés avant qu'une décision finale soit prise sur l'avenir de ce site.

On peut s'étonner que le rapport, publié en juin, de la commission nationale d'évaluation ait conclu que le site de Bure présentait les caractères requis pour recueillir un tel stockage, ce qui semble pour le moins prématuré et peut susciter des inquiétudes chez les populations riveraines.

Au-delà de ces questions essentielles, sur le plan tant du financement que des choix stratégiques liés, notamment, à la directive européenne, l'information de nos concitoyens est un autre point qu'il me semble indispensable d'aborder aujourd'hui.

De plus en plus sensibles à leur environnement en même temps que particulièrement attentifs aux risques industriels et technologiques, les Français exigent, à bon droit, une information exhaustive et des renseignements transparents.

Vous venez, mes chers collègues, d'intégrer la Charte de l'environnement, en particulier son article 5, dans la Constitution : la concertation est donc plus que jamais de rigueur.

A ce propos, je souhaiterais savoir où en est le projet de loi sur la transparence nucléaire. Ce texte, préparé lors de la précédente législature, devait être suivi par Mme Bachelot et il devrait l'être maintenant par vous, monsieur Lepeltier. Comme la Cour des comptes, je m'interroge - et je vous interroge - sur la non-inscription à l'ordre du jour parlementaire de ce texte, qui devrait étendre les droits à l'information du citoyen et créer un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire.

Pourquoi, messieurs les ministres, un tel « saucissonnage » s'agissant de textes portant sur des enjeux aussi importants quant à l'avenir énergétique de la France ? Aujourd'hui, une question orale avec débat - sur l'initiative, et je l'en remercie, de notre collègue Henri Revol -, demain le projet de loi d'orientation sur l'énergie : à quand le projet de loi sur la transparence nucléaire ?

La seule restriction que j'émettrai à propos du rapport de nos collègues députés concerne le rôle que ces derniers voudraient faire jouer à l'ANDRA dans l'information des citoyens.

On ne peut, en effet, être juge et partie, raison pour laquelle j'ai suggéré, lors de la présentation de ce rapport, la création d'une autorité indépendante des opérateurs. C'est un point important pour l'acceptabilité sociale, évoquée par plusieurs de mes collègues, notamment pour éviter d'entretenir des craintes irrationnelles qui pourraient devenir le fonds de commerce de certains. J'ai ainsi en mémoire un précédent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les craintes irrationnelles suscitées par les antennes relais de téléphonie mobile ; cela pourrait se reproduire avec les laboratoires enfouis...

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la gestion des déchets radioactifs soulève non pas une seule question mais bien plusieurs problématiques, auxquelles les politiques doivent apporter des réponses. Ces réponses, il appartient aujourd'hui au Gouvernement, messieurs les ministres, de les fournir.

Ainsi, quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux préconisations contenues dans le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, quels financements envisage-t-il, et comment compte-t-il assurer l'information de nos concitoyens ?

Il y a moins d'un an, un ministre nous assurait qu'il n'y aurait pas de privatisation d'EDF parce que, EDF, c'est le nucléaire et qu'une centrale nucléaire n'est pas un central téléphonique. Il ajoutait : « Un Gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires. »

On sait aujourd'hui ce qu'il en est, et vous conviendrez, messieurs les ministres, de la légitimité de nos interrogations de l'époque comme vous comprendrez nos inquiétudes d'aujourd'hui.

Il faut que les orientations de la France en matière de stockage soient rapidement et clairement définies.

Pour ma part, j'estime qu'il faut que le traitement et l'entreposage des déchets radioactifs échappent à la logique du marché : la seule solution est qu'ils soient réalisés par une filiale à 100 % publique. C'est en effet la condition indispensable à la bonne gestion de ces déchets, dont la durée de vie dépasse tout ce que nous avons eu à gérer jusqu'alors.

La question de la gestion des déchets nucléaires rejoint aussi, sur le plan international, celle de la crédibilité de la politique énergétique de la France, qui vient de lancer le programme EPR et dont la production électrique est pour les trois quarts d'origine nucléaire. On comprend, dès lors, que les propositions de la France revêtent, par rapport à la Commission de Bruxelles, un caractère essentiel.

Jusqu'à quel point la poursuite du programme nucléaire est-elle soutenable au regard de nos engagements en matière de développement durable ? Qu'adviendra-t-il des moyens de financement à l'heure de l'ouverture du capital des entreprises contrôlées par l'Etat ? Les exploitants pourront-ils faire face à leurs obligations pour respecter le principe « pollueur-payeur », et quelles contraintes pèseront sur eux lors de l'ouverture de leur capital ?

Messieurs les ministres, pouvez-vous nous donner l'engagement que les financements seront non seulement assurés mais aussi suffisants au vu des actuelles provisions réalisées ?

Voilà autant de questions, messieurs les ministres, auxquelles je souhaite vous entendre répondre à l'occasion de ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis personnellement très favorable à l'énergie nucléaire. Je pense même que les pouvoirs publics devraient lancer un nouveau programme de construction de centrales car, faute d'agir maintenant, nous risquons, dans quelques années, de nous trouver confrontés à d'importantes difficultés pour subvenir à nos besoins énergétiques.

Cela étant, on peut très bien être à la fois un partisan des centrales nucléaires et un ferme opposant à l'enfouissement irréversible des déchets radioactifs : c'est mon cas !

Lors du vote de la loi Bataille, j'étais député et j'avais, par voie d'amendement, fait interdire l'enfouissement irréversible de déchets chimiques. Quelques années plus tard, à l'occasion de l'examen d'une autre loi, l'Etat avait fait supprimer cette disposition afin de permettre l'enfouissement irréversible de déchets chimiques dans les anciennes mines de potasse d'Alsace.

Or on voit aujourd'hui quel est le résultat de cet enfouissement irréversible : il engendre des situations inextricables de pollution dans le secteur des mines de potasse d'Alsace.

Pour les produits radioactifs, le risque est, à l'évidence, bien supérieur. Je considère donc que nous n'avons manifestement pas le droit de léguer aux générations futures une sorte de bombe à retardement. Les déchets doivent être gérés différemment, c'est-à-dire de façon maîtrisée, la seule solution dans l'immédiat étant le stockage réversible.

On m'objectera que, finalement, on peut faire de l'enfouissement réversible. Et, dans ce cas, pourquoi ne pas faire du stockage en surface ? Mais il est évident, et cela ne trompe personne, que ceux qui veulent faire de l'enfouissement n'ont nullement l'idée de faire du stockage réversible pour lequel il suffirait d'empiler en surface, et que les études conduites sous couvert de faire de l'enfouissement réversible portent en réalité sur l'enfouissement irréversible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Si tel n'était pas le cas, je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait de creuser à mille mètres sous terre, comme des taupes, pour stocker de manière réversible ce qui pourrait tout aussi bien l'être en surface ou à une dizaine de mètres sous terre !

Manifestement, en ce domaine comme en bien d'autres, il est inadmissible que les institutions européennes veuillent, en bafouant la volonté nationale, forcer la main aux Etats membres et à la France et leur imposer une solution.

J'ajoute qu'à titre personnel je ne m'en étonne pas car cela ne fait que conforter le jugement que je porte sur un certain nombre de décisions prises à l'échelon européen : je pense, entre autres, à la directive Bolkestein.

Lors du vote de la loi Bataille, nous avions proposé trois solutions.

Nous avions envisagé, tout d'abord, la destruction, la transmutation des déchets radioactifs ; ensuite, le stockage réversible en surface ; enfin, l'enfouissement, soit réversible, soit irréversible, étant précisé, comme vous l'avez sans doute compris, que je ne me fais pas d'illusion sur la réversibilité à terme.

Peut-être l'enfouissement sera-t-il, dans un premier temps, réversible, mais il est évident que, dès lors que l'on creuse à cinq cents ou six cents mètres, des tassements sont à attendre, en raison des mouvements de terrain. Il ne faut donc pas rêver : l'enfouissement à plusieurs centaines de mètres sous terre finira par être irréversible.

A long terme, la solution d'avenir est incontestablement, à mes yeux, la transmutation et ce que l'on a pu appeler « l'incinération des déchets radioactifs ».

Malheureusement, la plupart des pays - la position de la France est d'ailleurs à cet égard relativement méritoire - n'ont pas suffisamment misé sur cette solution à long terme et préfèrent, comme le souhaitent au demeurant les instances européennes, que l'on aille au plus facile, autrement dit au stockage souterrain : il est tellement plus simple d'enterrer n'importe quoi, de nous laver les mains, et d'obliger nos enfants et petits-enfants à se salir ensuite les leurs pour régler les problèmes que nous leur aurons légués !

La solution dans laquelle nous devons nous impliquer et nous engager est, à long terme, la transmutation et, en phase intermédiaire, le stockage réversible. A partir de là, je ne vois pas de raison de stocker à trois cents mètres ou à cinq cents mètres sous terre. Dès lors que l'on opte pour le stockage réversible, on peut se contenter de stocker à une dizaine de mètres sous terre, voire en surface. A n'en pas douter, sachant que plus l'enfouissement est profond et moins il est réversible, ceux qui veulent absolument creuser au plus profond ont une idée derrière la tête !

Ce problème implique que la France se montre beaucoup plus ferme au niveau européen. Au moment où tout le monde proteste contre la directive Bolkestein, il ne faut pas se moquer du monde ni oublier qu'elle a été votée par les représentants de la France, notamment par M. Barnier, qui était alors commissaire européen ! Je ne voudrais pas que l'on nous fasse le même coup et que, après avoir laissé passé une directive à mon sens inacceptable, on impute la responsabilité du stockage souterrain à l'Europe !

J'évoquerai à ce sujet un second problème : au moment du vote de la loi Bataille, les pouvoirs publics nous avaient « juré, craché » qu'aucun site n'était prédéterminé, que l'on en étudierait au moins deux, sinon trois, et que ce ne serait qu'après les avoir tous étudiés qu'un choix serait arrêté.

Je considère qu'en l'occurrence on s'est complètement moqué du monde puisque, après avoir amadoué les habitants voisins du premier site, Bure, en leur assurant que les études se poursuivraient sur les autres sites les années suivantes, on a conclu dix ans plus tard - c'est une réponse qui m'a été faite - que des études étant engagées à l'étranger et qu'il n'était pas nécessaire de les poursuivre sur les autres sites français.

Ce n'est pas satisfaisant ! Comment voulez-vous que les populations aient confiance dans le système politique français ? On fait passer des lois moyennant de grandes promesses... dont tout le monde se moque une fois la loi votée et on fait exactement le contraire de ce qu'elle prévoit !

C'est une véritable tromperie à l'égard des populations, et les habitants du secteur de Bure ont, quelle que soit leur position sur le fond, parfaitement raison de s'insurger : on s'est littéralement moqué d'eux en leur disant pour calmer le jeu que le choix du site n'était qu'éventuel alors que l'on n'a finalement misé que sur lui.

Je souhaiterais donc que l'on tienne les engagements pris.

Premièrement, je demande que plusieurs sites soient étudiés et que, aussi longtemps qu'ils ne le seront pas, rien ne soit décidé. Bien que je sache que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent, dès lors que l'on avait pris des engagements en ce sens, j'estime qu'ils doivent être tenus, notamment à l'égard des habitants du secteur de Bure.

Deuxièmement, je pense que la France, dont la logique et la politique sont très méritoires en termes de recherche sur la transmutation, doit se monter d'une extrême fermeté au niveau européen. En effet, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, la politique européenne en la matière n'est pas du tout satisfaisante.

J'admets volontiers que l'on veuille obliger les Etats, comme le fait avec raison l'Union européenne, à fixer une politique de gestion des déchets radioactifs, car c'est tout à fait fondamental. En revanche, je trouve inadmissible qu'en ce domaine comme en beaucoup d'autres l'Union européenne veuille mettre son nez partout et décider quelle solution chaque Etat doit mettre en oeuvre pour régler le problème de la gestion des déchets radioactifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Il y là deux niveaux d'intervention sur lesquels la France doit se battre pour faire prévaloir son point de vue et manifester la force de son attachement à la recherche de solutions alternatives, et surtout à l'exclusion de toute solution qui, irréversible, présenterait des dangers extrêmement importants pour les générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que le Parlement poursuit l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, la question de l'avenir de notre parc nucléaire se pose. Elle concerne en particulier les déchets, ou ce que l'on peut appeler les « résidus » radioactifs, et doit être appréhendée à l'horizon de plusieurs milliers d'années.

Ces déchets radioactifs proviennent principalement de la production d'électricité, de certaines activités médicales et de certaines industries.

Classés selon l'intensité de la radioactivité et la période radioactive des produits, ces déchets portent sur des volumes très faibles en comparaison des autres déchets. Mais, bien évidemment, leur dangerosité est bien différente puisque les déchets de haute activité, provenant de la production d'énergie nucléaire, restent dangereux pendant des milliers d'années, comme cela a été dit à plusieurs reprises.

Il faut aussi rappeler que les cinquante-huit réacteurs nucléaires français produisent environ un kilo par an de déchets radioactifs, contre 2 500 kilos par an et par personne de déchets industriels, dont 100 kilos de déchets chimiques toxiques. Je le précise pour relativiser les choses.

Sur la période 1995-1999, la Commission européenne estime que la France a produit quelque 700 mètres cubes de déchets de haute activité.

Dès le début de la mise en oeuvre de son programme électronucléaire, la France a choisi de retraiter ses combustibles irradiés. La loi du 31 décembre 1991, dite « loi Bataille », que tous les intervenants ont évoquée, prévoit plusieurs voies de recherche pour la gestion des déchets nucléaires, et notamment le stockage en profondeur dans des formations géologiques stables situées entre 400 mètres et 600 mètres de profondeur.

Aux termes de cette loi, en 2006, le Gouvernement devra transmettre au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider en connaissance de cause les modalités du stockage. Le vote d'une telle loi n'empêchera naturellement pas de continuer les recherches après 2006...

Tous les pays qui se préoccupent du devenir de leurs déchets radioactifs ont admis la nécessité de créer des laboratoires spécifiques pour tester le comportement des différents milieux. Près d'une vingtaine de laboratoires existent aujourd'hui dans le monde, implantés en Allemagne, en Belgique - j'en ai visité -, au Canada, au Japon, aux Etats-Unis, et dans d'autres pays.

Pour l'étude du stockage en profondeur, la France a opté pour deux laboratoires, dans le respect de la loi de 1991.

En 1998, le Gouvernement - il était nouveau à l'époque - a rendu publique la décision de créer un laboratoire en site argileux à Bure, commune située dans la Meuse dont parlait tout à l'heure Gérard Longuet, et la décision de rechercher un deuxième site en terrain granitique.

Je rappelle qu'aucun déchet n'est stocké dans les laboratoires, dont la mission est essentiellement une mission d'étude.

Ces laboratoires, toujours selon la loi, travailleront jusqu'en 2006, le Parlement devant alors décider du stockage profond ou de la poursuite des recherches. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra construire un centre de stockage.

La construction du laboratoire de Bure a pris du retard pour les raisons évoquées par les précédents orateurs.

Quant aux sites en terrain granitique, sur les trois cent cinquante qui ont été identifiés initialement, quinze ont reçu un avis favorable de la commission nationale d'évaluation. Ils ont ensuite été soumis à la concertation, sous l'égide d'une mission, l'objectif étant d'expliquer le projet et de recueillir les avis auprès des acteurs locaux concernés.

Cette mission a rendu un rapport dans lequel elle a constaté une grande difficulté à assurer la concertation, et il est vrai, comme le disait notre collègue Henri Revol, que l'on a alors pu constater que les laboratoires de recherche souterrains avaient pris un certain retard.

Par conséquent, messieurs les ministres, il est aujourd'hui légitime de se demander s'il ne faudrait pas revenir sur la procédure de sélection du site en sol granitique.

En effet, le 6 décembre 1993, le conseil général du département de la Vienne, dont je suis l'élu, a décidé à l'unanimité - j'y insiste -, avec le soutien du conseil régional, de présenter la candidature du département de la Vienne à l'implantation d'un laboratoire de recherche souterrain sur le site d'une petite commune, La Chapelle-Bâton. C'était là une décision courageuse, comme à Bure.

Quelques jours plus tard, le 20 décembre, le Gouvernement a arrêté le choix de quatre sites potentiels en France - dans les départements de la Vienne, du Gard, de la Haute-Marne et de la Meuse - sur les trente candidatures présentées.

La procédure s'est alors mise en route avec les collectivités concernées, les communes et le conseil général. L'acquisition des terrains et l'exécution des travaux préliminaires ont été entrepris, créant une forte activité économique, laquelle était très attendue dans le sud du département de la Vienne.

Les travaux de reconnaissance géologique conduits par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, en 1994 et 1996, ont mis en évidence les caractéristiques suivantes pour le site de la Vienne : le massif granitique est profondément enraciné ; les écoulements hydrogéologiques y sont lents et limités ; ses propriétés mécaniques et thermiques sont favorables ; la sismicité y est de faible intensité.

Sur la base de ces bons résultats, l'ANDRA a déposé, en juillet 1996, un dossier de demande d'autorisation d'installation et d'exploitation d'un laboratoire de recherche souterrain dans la Vienne.

Cette opération a brutalement pris fin, à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 décembre 1998, au cours duquel le gouvernement de l'époque a décidé d'arrêter le laboratoire souterrain de La Chapelle-Bâton, suivant en cela les recommandations de la commission nationale d'évaluation.

De l'avis général, les raisons de cette décision sont pour le moins obscures. Sont-elles uniquement d'ordre technique ?

J'ajoute que cet arrêt a provoqué un certain émoi dans les communes concernées, d'autant que le projet avait recueilli une très large adhésion de la part des élus, des associations et de la population.

Par conséquent, compte tenu de l'impasse actuelle, je souhaiterais savoir, messieurs les ministres, si vous envisagez de reprendre le dossier et de rouvrir la procédure de sélection pour l'implantation d'un laboratoire de recherche souterrain en sol granitique, afin de permettre, dans ce cadre, une analyse approfondie de la candidature du département de la Vienne.

J'espère que vous nous apporterez une réponse positive sur ce dossier, et je vous en remercie d'avance.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les propos qu'a tenus mon collègue Daniel Raoul, qui vous a parfaitement indiqué notre position sur le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et sur les objectifs fixés par la loi Bataille du 30 décembre 1991.

Vous le savez, le département du Gard, dont je suis l'élu, a accueilli le site de Marcoule en 1954, sur la commune de Chusclan, dans le cadre du premier plan quinquennal de développement de l'énergie atomique, afin de produire du plutonium pour les besoins de la défense nationale et, parallèlement, de l'électricité.

Que reste-t-il cinquante ans après ?

Les décisions d'arrêt des productions de matières fissiles - décisions qui ont provoqué l'arrêt définitif des usines de production du plutonium à Marcoule - ont lancé les programmes d'assainissement et de démantèlement.

La loi Bataille, citée par tous nos collègues, prévoyait la mise en place de laboratoires souterrains afin de créer des centres de stockage.

A cet égard, en tant que sénateur du Gard, c'est avec envie que j'ai écouté mes deux collègues sénateurs de la Meuse. En effet, le projet prévu sur le site de Marcoule n'a malheureusement pas été retenu, alors qu'il était soutenu par les parlementaires gardois de l'époque, dont j'étais, par le conseil régional à l'unanimité, par le conseil général, ainsi que par les communes locales.

Je préfère ne pas m'attarder sur les raisons de ce refus, lesquelles, en tout état de cause, ne relevaient pas seulement de l'objectivité technique.

La loi prévoyait au moins deux sites. Il n'est peut-être pas trop tard pour bien faire ! A cet égard, mon intervention va dans le même sens que celle de mon collègue Alain Fouché, qui représente ici le département de la Vienne.

Un seul laboratoire a été retenu, celui de la commune de Bure, dans le département de la Meuse, où les travaux sont en cours.

Depuis cette décision, l'avenir du site de Marcoule réside dans des opérations de démantèlement et dans la mise en place d'un pôle de technologie qui se fait attendre. Encore faudrait-il que les engagements de chacun des partenaires soient clairement définis et tenus !

A cet égard, je vous rappelle, monsieur le ministre, que je vous ai interrogé sur ce sujet en octobre 2004, lors d'une séance de questions orales sans débat, puis par courrier, après la publication du rapport de la Cour des comptes émettant les plus grandes réserves quant aux capacités du CEA et d'EDF à financer les opérations de démantèlement.

En effet, aux yeux de la Cour des comptes, les conséquences financières des obligations du CEA et d'EDF en matière de démantèlement et de gestion de leurs déchets risquent d'être mal assurées dans le cadre d'une ouverture du capital d'AREVA et d'EDF, face à des marchés devenus fortement concurrentiels, et la charge pourrait en rejaillir, au bout du compte, sur l'Etat.

Si l'Etat seul peut se porter garant in fine au regard des enjeux et des risques dans le domaine nucléaire, la crédibilité de ce secteur implique que les engagements futurs soient assumés techniquement et financièrement et que, dans la mesure du raisonnable, les coûts encourus soient non pas transférés, mais supportés par les consommateurs actuels.

Votre réponse, à l'époque, ne faisait part d'aucun financement garanti et ne précisait bien évidemment aucun chiffre.

Selon une étude de l'INSEE, publiée par le quotidien Le Monde du 2 mars 2005 et relative au déficit public, une soulte de 1, 6 milliard d'euros aurait été versée par EDF et par la COGEMA au CEA au titre du démantèlement du site nucléaire de Marcoule. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui cette information ?

En effet, certains aspects non négligeables du démantèlement n'ont pas été intégrés dans le devis initial, à savoir la déconstruction des bâtiments ainsi que - M. le ministre de l'écologie et du développement durable y sera sensible - la dépollution des sols. Il appartiendra donc à l'Etat d'en assumer la responsabilité et le financement si EDF et COGEMA sont libérés de leurs obligations.

Comme vous le voyez, messieurs les ministres, de nombreuses questions fondamentales se posent, auxquelles il faudra bien apporter des réponses détaillées, assorties de garanties.

C'est pourquoi j'ai déposé, avec un certain nombre de mes collègues, une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sénatoriale, dans le cadre de la commission des affaires économiques et du Plan, afin de vérifier les engagements d'EDF, d'AREVA et du CEA.

La commission n'a pas retenu cette idée au motif, notamment, que « les missions portent habituellement sur des sujets plus amples... » Si l'avenir des déchets nucléaires n'est pas un sujet d'ampleur nationale, c'est que la politique énergétique de la France n'est vraiment pas une priorité !

On ne peut que regretter cette position de la commission, qui ajoute un peu plus de flou à l'état d'opacité actuel sur l'avenir de la gestion des déchets nucléaires en France.

Lors de votre visite sur le site de Marcoule, monsieur le ministre, le 18 mars dernier, pour soutenir le pôle de compétitivité - que je soutiens également, avec l'ensemble des élus et acteurs locaux -, vous avez déclaré : « Marcoule est le leader mondial pour les technologies du démantèlement, et c'est à Marcoule qu'il y a des projets considérables. Le pôle TRIMATEC - Tricastin, Marcoule Technologies - est un très bon projet que je vais soutenir ».

Je ne doute pas de votre sincérité et vos déclarations montrent bien que le secteur nucléaire est un atout à portée internationale. L'Etat a donc le devoir d'obtenir toutes les garanties des entreprises partenaires afin que les financements importants dans ce domaine ne reposent pas uniquement sur les contribuables. Il est nécessaire de définir une politique énergétique claire. Mais nous en reparlerons, début mai, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'énergie.

Avant d'achever mon propos, je retiendrai particulièrement la recommandation 7 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, laquelle précise que « La création d'un fonds dédié pour le financement des recherches sur les déchets radioactifs et de leur gestion industrielle, placé sous la responsabilité de l'Etat et collectant les contributions des producteurs de déchets, devrait être décidée par le Parlement afin d'apporter les garanties à long terme de financement des efforts nécessaires. »

Un tel fonds aurait le mérite de clarifier et de garantir le montage financier du démantèlement et du traitement des déchets.

Sur ce point, en particulier, nous attendons votre point de vue avec impatience et intérêt, messieurs les ministres.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, je constate que vous êtes présents sur tous les fronts en ce moment !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En matière de gestion des déchets nucléaires, je vous entretiendrai non pas du « principe de précaution », de nature à alarmer encore certains sénateurs qui ne sont pas encore convaincus qu'il s'agit à la fois d'une impérieuse nécessité pour la santé environnementale et d'une opportunité pour la recherche, mais simplement du « principe de prévision ».

Comment considérerait-on une femme ou un homme effectuant des travaux ménagers et qui pousseraient sous le lit, jour après jour, le résultat de leur balayage ?

Quel avenir aurait un éleveur qui laisserait s'accumuler devant sa porcherie des tonnes de lisier ?

Et que penserait-on d'ingénieurs et de pouvoirs publics qui mettraient en circulation des avions, condensés technologiques de pointe, sans les pourvoir de services de maintenance et sans bâtir au sol les pistes adaptées ?

C'est pourtant ainsi que furent autorisées et construites nos centrales nucléaires : aucune solution n'avait été prévue pour le stockage et le traitement des déchets !

Dès le début, les associations écologistes, puis les Verts, ont alerté les pouvoirs publics et la société civile sur les risques encourus : accidents aux conséquences irrémédiables à l'échelle de milliers d'années, menaces pour les travailleurs, problème du transport de combustible, dépendance pour la fourniture d'uranium, opacité, liens étroits avec le nucléaire militaire, risque de dissémination de la technologie et, bien sûr, héritage funeste pour les générations futures avec les déchets.

Ceux qui, hier, s'en gaussaient et promettaient la vitrification totale pour les mois suivants et la transmutation les années suivantes sont désormais plus modestes. Les recherches se multiplient, les rapports s'accumulent : le rapport Le Déaut du 21 avril 1992, le rapport Bataille de 1990, le rapport Bataille de 1996. Mais, hormis quelques préconisations, toujours pas de solution, rien en vue !

En janvier 2005, la Cour des comptes a évoqué, au-delà du domaine sanitaire et environnemental, les risques économiques et financiers : où sont les provisions pour le démantèlement et la gestion des déchets des principaux opérateurs ? Et que deviendront-elles dans le cadre des ouvertures de capitaux dans des marchés concurrentiels ?

Monsieur le ministre, à une question écrite qui vous était posée par ma collègue Marie-Christine Blandin, vous avez apporté la réponse suivante, publiée dans le Journal officiel du 7 avril 2005 : « Cette responsabilité se matérialise dans les comptes par la comptabilisation au passif de ces entreprises -principalement le CEA, EDF et AREVA - de provisions pour charges nucléaires de long terme ». En clair, ces opérateurs ne disposent manifestement pas des fonds suffisants, à l'heure actuelle, pour la gestion des déchets nucléaires !

Pour faire face à cette lacune, vous révélez que ce n'est qu'au dernier trimestre 2004 qu'un groupe de travail réunissant les producteurs de déchets, l'ANDRA et les administrations concernées a été mis en place afin d'élaborer « un référentiel partagé d'évaluation des charges de traitement des déchets ». Certes, c'est une bonne initiative, mais elle risque d'être vaine.

En effet, si l'on sait que, pour les soixante-dix ans à venir, le démantèlement et le traitement des déchets en France devraient coûter quelque 63 milliards d'euros, on ne sait toujours pas combien coûtera l'enfouissement profond des déchets les plus dangereux. Il paraît donc difficile de dédier des actifs lorsque l'on ne dispose pas de données précises quant à la somme à économiser.

Enfin, s'agissant de l'état des recherches en la matière, vous précisez, monsieur le ministre, que « la définition de la solution technique de gestion pour les déchets radioactifs est liée aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à longue vie encadrés par la loi du 30 décembre 1991 ». Quel aveu !

Le dernier rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de MM. Christian Bataille et Claude Birraux, publié le 15 mars 2005, met en perspective une loi pour 2006. Mais sur quelles bases ? Le contenu du rapport est éloquent : il acte le fait que, en matière de gestion des déchets, parmi les trois pistes, ni la transmutation, ni l'enfouissement géologique, ni la gestion de surface ne sont au point et ne suffiront.

En 1991, on promettait des recherches pour trouver la meilleure solution. En 2005, s'agissant de la transmutation, on dit qu'il « reste à passer à la phase industrielle », ce qui ne devrait pas être atteint avant 2040, et, s'agissant du stockage géologique, il est écrit, à la page 51 du rapport, qu'« il reste des incertitudes à lever sur la faisabilité » et, à la page 59, que « l'évaluation de la sûreté globale du conditionnement de surface reste à parachever ».

Malgré ce constat très mitigé, on conclut sur la nécessité pour le Parlement de poursuivre ces trois pistes de recherche.

Le Graal de la transmutation risque une fois de plus de vampiriser tous nos crédits de recherche en matière d'énergie aux dépens de l'efficience, des process économiques et des modes renouvelables de production.

Chaque année s'accumulent 110 mètres cubes de déchets de haute activité à vie longue, 600 mètres cubes de déchets de moyenne activité à vie longue et 28 000 mètres cubes de déchets de moyenne ou faible activité à vie courte. Par habitant, chaque année, c'est un kilo de déchets nucléaires qui est produit.

Alors qu'AREVA pollue les écrans de télévision avec une publicité à la limite de la propagande, alors qu'EDF est devenu le chantre de l'alerte sur l'effet de serre depuis qu'elle n'a presque plus de centrales thermiques, nous, écologistes, considérons que les déchets nucléaires hypothèquent gravement l'avenir des générations futures et représentent un risque majeur, aussi grave que l'effet de serre et, de plus, irréversible.

C'est pourquoi les Verts restent opposés au nucléaire tant civil, que militaire, ainsi qu'à toute mesure irréversible d'enfouissement.

La septième recommandation du rapport Bataille qui prévoit « un fonds dédié aux recherches sur les déchets et leur gestion, alimenté par les producteurs de déchets » est bien le moindre des engagements que l'on puisse exiger de ceux qui nous mettent, aujourd'hui et pour l'avenir, en péril !

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, un travail important dans le domaine de l'énergie a été entrepris depuis 2002 par ce gouvernement. Il a déjà conduit à l'adoption de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières et à l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Une nouvelle échéance nous attend en 2006. En effet, à cette date, conformément aux dispositions de la loi du 30 décembre 1991, les résultats des recherches menées depuis quinze ans sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue seront présentés au Parlement et donneront lieu à l'examen d'un projet de loi.

La définition de solutions de gestion sûres et pérennes pour tous les déchets radioactifs est une préoccupation importante des pouvoirs publics, des industriels du secteur et de nos concitoyens, comme en attestent régulièrement les sondages d'opinion.

Comme l'a rappelé M. Revol, pour 95 % des déchets radioactifs, des solutions sûres et définitives existent déjà. Les 5 % restants, les déchets de haute activité et les déchets de moyenne activité à vie longue, sont entreposés à La Hague, dans la Manche, ou à Marcoule, dans le Gard, dans des installations sûres mais qui ne sont pas définitives. C'est pourquoi d'autres solutions doivent être recherchées, et tel était précisément l'objet de la loi du 30 décembre 1991.

La question des déchets de haute activité à vie longue se pose d'ailleurs quelle que soit la place du nucléaire dans notre futur bouquet énergétique. En effet, il existe déjà des déchets radioactifs : ils ont été produits depuis plus de quarante ans par le parc électronucléaire, les installations du cycle du combustible ou les établissements de recherche français ; il nous faut les gérer de façon pérenne et sûre.

En 1991, c'est déjà l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, qui avait inspiré la loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Par la suite, l'OPECST a suivi de très près l'avancée de ces recherches et a mené de multiples travaux qui ont permis de faire progresser cette problématique complexe. Aujourd'hui, quatorze ans plus tard, l'OPECST vient de publier un rapport prévoyant une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs.

Avant toute chose, je tiens à féliciter MM. Birraux et Bataille, qui, comme à leur habitude, à l'issue d'un travail considérable, ont rédigé un rapport de grande qualité.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

Leur présence aujourd'hui dans les tribunes du public atteste de la conscience professionnelle qui les caractérise : ils sont extrêmement attentifs à tout ce qui se passe dans ce domaine.

Ce rapport réalise une synthèse de l'état des connaissances scientifiques et techniques, et il présente également une liste de recommandations claires.

Conscients que la question des déchets radioactifs dépasse largement le cadre de notre pays, MM. Birraux et Bataille ont dressé un panorama international de l'avancement des travaux dans ce domaine.

A n'en pas douter, ce rapport constitue une référence pour le Parlement, pour le Gouvernement, mais aussi, d'une façon plus générale, pour tous les citoyens intéressés par le sujet.

Dans la conclusion de leur rapport, j'ai trouvé en particulier une phrase qui synthétise de manière excellente les enjeux éthiques de ce sujet : « Il nous appartient, après avoir bénéficié de l'électricité nucléaire, de mettre en place le plus vite possible des solutions opérationnelles correspondant à la sûreté maximale. »

La définition d'une solution de gestion sûre et pérenne pour les déchets radioactifs relève en effet de la responsabilité de notre génération, puisque c'est nous qui avons profité d'une source d'énergie importante, de l'accès à un kilowattheure compétitif, d'une émission limitée de gaz à effet de serre et d'un taux d'indépendance énergétique élevé.

Permettez-moi tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler le calendrier qui va nous conduire jusqu'à la discussion du projet de loi au deuxième trimestre de 2006.

Pendant quatorze ans, des recherches ont été menées par des équipes de très haut niveau. Près de 2, 5 milliards d'euros ont déjà été investis dans les trois axes de recherche suivants : 800 millions d'euros s'agissant de la transmutation, 1 milliard d'euros s'agissant du stockage géologique et 700 millions d'euros s'agissant de l'entreposage de longue durée.

La qualité et l'importance du travail scientifique mené nous permettront d'être au rendez-vous politique de 2006. Mais d'ici là, plusieurs étapes importantes nous attendent.

Les rapports de synthèse des organismes de recherche seront rendus publics en juin 2005. Ces travaux seront évalués à la fois par la commission nationale d'évaluation, la CNE, qui a été créée par la loi de 1991, par une revue d'experts de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, et enfin par l'Autorité de sûreté nucléaire. Sera également organisé un débat public à l'automne 2005, dont le bilan sera dressé en janvier 2006.

Sur la base de tous ces éléments, le Gouvernement pourra finaliser en toute connaissance de cause, au premier trimestre de 2006, le projet de loi prévu par la loi de 1991. Ce projet de loi sera présenté et discuté au Parlement au deuxième trimestre de 2006, marquant ainsi l'entrée dans le temps de la décision.

Je reviendrai un instant sur ce débat public.

Comme je l'ai annoncé à l'occasion des auditions organisées par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en janvier et en février dernier, le ministre de l'écologie et du développement durable et moi-même avons saisi la commission nationale du débat public, la CNDP, pour qu'elle organise un débat public sur la gestion des déchets radioactifs.

En effet, un tel sujet ne doit pas être réservé à de petits cercles d'experts, industriels ou associatifs. Il est important que chaque citoyen puisse s'informer des enjeux nationaux qui s'attachent à la gestion des déchets.

A cet égard, la CNDP nous a paru être, à Serge Lepeltier et à moi-même, l'instance la mieux à même de garantir un débat public équilibré sur cette question.

Ce sera un débat non pas sur un projet particulier d'installation, mais sur des options générales, ainsi que le prévoit l'article L. 121-10 du code de l'environnement. Ce débat se déroulera à l'automne 2005. Il doit permettre à nos concitoyens de s'informer et de s'exprimer sur un sujet qui les préoccupe, mais qui reste mal connu et n'est pas assez expliqué, comme le souligne d'ailleurs très justement le rapport des députés Birraux et Bataille.

Je souhaite que ce débat public permette, dans la transparence et l'équité, d'informer et d'entendre le plus grand nombre de personnes et d'éclairer ainsi très utilement nos concitoyens. Mais, j'y insiste, en 2006, c'est au Parlement, et à lui seul, qu'il reviendra, sur la base des propositions du Gouvernement, de prendre la décision finale.

J'en viens maintenant aux grandes lignes du projet de loi que le Gouvernement aura à élaborer.

Ainsi que je vous l'ai déjà dit, il est trop tôt pour indiquer les dispositions exactes que contiendra ce projet de loi : il faut attendre les rapports de recherche, les évaluations scientifiques et le débat public. Je me bornerai donc à en tracer les grandes lignes.

Ce projet de loi couvrira bien entendu les aspects techniques de la gestion des déchets radioactifs. Il conviendra, en effet, de déterminer les décisions ou les orientations qui pourront être prises sur la base des résultats des recherches effectuées. Il faudra aussi définir la stratégie de recherche pour les études restant à mener au-delà de 2006.

Outre les aspects techniques, la mise en place de solutions de gestion des déchets radioactifs ne peut se concevoir sans avoir défini les outils d'évaluation, d'information et de décision.

La loi de 1991 avait prévu de tels outils : ils devront être maintenus et, si possible, améliorés. Je pense, en particulier, à la commission nationale d'évaluation, aux comités locaux d'information et aux procédures réglementaires qui doivent inclure la consultation des collectivités territoriales et des enquêtes publiques.

Enfin, si la politique de gestion des déchets radioactifs est définie au niveau national, elle se décline également au niveau local.

La loi du 30 décembre 1991 avait déjà prévu des dispositions d'accompagnement économique pour les territoires accueillant un laboratoire souterrain de recherche. Celles-ci ont conduit à la mise en place de deux groupements d'intérêt public, les GIP de Meuse et de Haute-Marne, dotés, ainsi que M. Biwer l'a rappelé, de moyens financiers conséquents : 9, 2 millions d'euros par an.

En tirant les enseignements de l'expérience acquise par ces structures, nous devrons prévoir dans le projet de loi des dispositions visant à exprimer notre juste reconnaissance à l'égard des territoires qui participent à la mise en place de la politique nationale de gestion des déchets radioactifs.

J'ai demandé aux préfets concernés d'animer un groupe de réflexion, qui associera les élus de Meuse et de Haute-Marne, sur les améliorations à apporter au dispositif d'accompagnement. De plus, monsieur Longuet, pour répondre aux propos un peu « crus » - mais parfaitement justes - que vous avez tenus, ...

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

... je vous indique que j'ai également personnellement demandé aux industriels du secteur nucléaire - EDF, AREVA, et plus particulièrement CEA - de développer dès cette année des projets concrets. Soyez assuré de ma détermination à ce sujet !

J'évoquerai pour finir les recommandations formulées par les députés Birraux et Bataille dans leur récent rapport

Pour élaborer ce projet de loi, le rapport de l'Office parlementaire constituera un document de référence précieux. En effet, il n'est pas seulement une synthèse technique des travaux de recherche, il est également une force de proposition.

Les recommandations des députés Birraux et Bataille seront donc étudiées avec tout l'intérêt qu'elles méritent et je peux d'ores et déjà vous annoncer, monsieur Revol, que le Gouvernement se retrouve très largement dans ces propositions.

J'en citerai quelques exemples.

Tout d'abord, le Gouvernement partage la vision qui est exprimée par le rapport concernant l'articulation entre les trois axes de recherche définis par la loi du 30 décembre 1991 : ils ne doivent pas être considérés comme des voies concurrentes et exclusives les unes des autres, mais plutôt comme des éléments complémentaires d'une stratégie globale de gestion des déchets nucléaires.

L'axe 1, la séparation-transmutation, permettra sans doute d'aller encore plus loin dans la réduction du volume ou de la durée de vie des déchets ultimes. Pour autant, il faut être réaliste et transparent : il ne permettra pas d'éradiquer tous les types de déchets. Pour les déchets ultimes résiduels, il faudra donc définir des solutions sures et pérennes à partir des potentialités de l'axe 2, c'est-à-dire le stockage géologique réversible, et de l'axe 3, l'entreposage en surface.

Dans tous les cas, l'axe 3, l'entreposage en surface, permettra de gérer les phases de transition, notamment les phases de refroidissement des déchets les plus chauds.

Ensuite, le Gouvernement partage la vision proposée sur le degré de maturité scientifique des trois axes et sur la nécessité de poursuivre les études après 2006.

Des entreposages de longue durée en surface existent déjà sur les sites industriels de La Hague et de Marcoule. L'avancement des recherches sur l'axe 3 permettrait, si la nécessité en était confirmée, de construire de nouveaux entreposages, conçus pour des durées de fonctionnement encore plus longues, dans un délai de dix ans.

Le stockage réversible en couche géologique est la voie poursuivie par la plupart des grands pays nucléarisés. Les travaux menés par l'ANDRA, aux niveaux international et national, notamment au laboratoire de Bure, devront donc se poursuivre. Si les résultats de ces travaux, jusqu'à présent positifs, se confirment dans les années à venir, la décision de création d'un stockage géologique réversible pourrait intervenir en 2015, et sa mise en oeuvre industrielle en 2025.

Enfin, il faudra encore plusieurs décennies à la voie de la transmutation pour passer du stade du laboratoire à celui du prototype, puis enfin à celui du réacteur industriel. C'est en 2040 au plus tôt que des réacteurs de transmutation, alimentés en matière par des usines de séparation poussée, pourraient être opérationnels.

Je reviens un instant sur les recherches et sur le stockage géologique pour évoquer, comme le demandait M. Fouché, la question de la nécessité éventuelle d'un second laboratoire.

Cette question importante devra être discutée en 2006. Je note que le rapport adopté par l'Office parlementaire développe les raisons juridiques, mais surtout techniques, pour lesquelles un second laboratoire ne serait pas nécessaire. Je précise à cet égard que le site granitique de La Chapelle-Bâton, dans la Vienne, n'a pas, me semble-t-il, été écarté pour des raisons politiques, mais pour des raisons techniques qui tiennent à l'appréciation sur le granite, considéré comme moins fiable que l'argile, a fortiori lorsqu'il est faillé.

Dans son rapport de décembre 1997, l'Autorité de sûreté nucléaire avait conclu, en s'appuyant sur le rapport annuel de la commission nationale d'évaluation, qu'un laboratoire sur ce site aurait peu de chances d'aboutir à des résultats positifs compte tenu du contexte hydrogéologique. Je vous confirme néanmoins, monsieur Fouché, que l'ANDRA a poursuivi ses études sur le granite, notamment au travers de collaborations internationales. Elle rendra un rapport sur le sujet en 2005 et, en attendant ses conclusions, je prends acte de la candidature de la Vienne et de celle du Gard, qui ne concerne pas le granite mais qui a aussi son intérêt.

Par ailleurs, le Gouvernement est sensible, je le dis à M. Masson, aux arguments en faveur de la réversibilité d'un stockage géologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Masson n'a jamais assisté aux auditions organisées par le groupe de travail !

Sourires

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

En tout cas, il a dit que, plus on creusait...

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... plus c'était irréversible. Il y a bien d'autres domaines où cela se vérifie !

Rires.

Debut de section - Permalien
Patrick Devedjian, ministre délégué

La réversibilité est d'abord une précaution, une assurance contre un éventuel aléa : ne pas exclure l'imprévu est un des principes de la sûreté nucléaire.

La réversibilité est aussi l'expression d'une confiance dans le progrès scientifique et dans l'avenir. Elle permet aux générations actuelles d'assumer leur responsabilité avec la mise en oeuvre des meilleures technologies disponibles, tout en réservant aux générations futures la possibilité de faire mieux si le progrès scientifique le permet.

L'ANDRA a d'ailleurs mené de nombreux travaux sur ce sujet. Sans préjuger les résultats des recherches et des discussions qui suivront, je suis déjà très sensible à l'intérêt de l'intégration de la notion de réversibilité dans le projet de loi que nous vous présenterons en 2006.

Il n'y a aucun doute : la réversibilité coûte plus cher que l'irréversibilité, mais c'est aussi une plus grande responsabilité pour l'avenir que de vouloir se ménager toutes les possibilités d'exploiter le progrès scientifique et de ne pas se débarrasser, par un entreposage prétendument irréversible, des conséquences qu'il pourrait en advenir. Le coût est plus élevé, mais c'est notre responsabilité que de le faire.

Le Gouvernement rejoint également l'opinion des rapporteurs sur d'autres points tels que la nécessité de renforcer l'information du public ou l'opportunité d'établir un plan national de gestion des déchets radioactifs dressant un panorama complet.

Mais n'anticipons pas davantage sur le temps de la décision ! Nous disposerons bientôt des rapports des acteurs de la recherche, de la commission nationale d'évaluation et de la commission nationale du débat public. Sur la base de ce socle de connaissances, le Gouvernement pourra finaliser la rédaction de son projet de loi et le Parlement jouera tout son rôle à ce moment, et je ne doute pas qu'il saura répondre aux préoccupations légitimes de chacun.

J'ai évidemment le sentiment de ne pas avoir répondu totalement à toutes les questions - elles étaient nombreuses - qui m'ont été posées. Je le ferais bien volontiers si je ne craignais d'allonger les débats et si, surtout, je ne faisais confiance à Serge Lepeltier, à qui je vais céder la parole maintenant et dont le point de vue, en sa qualité de ministre de l'écologie et du développement durable, devrait, je le crois, intéresser le Sénat.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en accord avec mon collègue Patrick Devedjian, j'ai souhaité vous dire quelques mots sur ce dossier que je suis avec beaucoup d'attention. Vous comprendrez qu'il ne s'agit pas pour moi de répondre à toutes vos questions ni d'aborder ce dossier dans un souci d'exhaustivité : Patrick Devedjian l'a fait et sachez que je travaille en parfaite entente et coordination avec lui.

Permettez-moi d'abord de remercier Henri Revol ainsi que les députés Claude Birraux et Christian Bataille. Les travaux menés, dans une continuité exemplaire depuis plus de quinze ans, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sont précieux pour notre pays et pour le Gouvernement en particulier.

Les positions du Gouvernement se retrouvent très largement dans les propositions qui sont faites dans le rapport que l'Office parlementaire a rendu public il y a un mois, Patrick Devedjian a beaucoup insisté sur cet aspect.

Vous le savez, nous sommes confrontés à plusieurs grands défis en matière d'écologie. Parmi eux, deux concernent l'énergie : le réchauffement climatique et les déchets radioactifs.

J'ai souvent eu l'occasion de m'exprimer sur le premier de ces défis - le réchauffement climatique -, notamment avec le Plan climat et le plan national d'affectation des quotas. Vous en avez aussi largement débattu dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les énergies.

Je suis le second de ces défis, les déchets radioactifs, avec beaucoup d'attention.

Bien entendu, je ne néglige pas la question de la transparence et de la sécurité en matière nucléaire, évoquée par Daniel Raoul. Sur ce sujet, nous devons continuer à faire preuve de vigilance et être animés d'un souci de progrès permanent. Mais nous aurons l'occasion d'en débattre prochainement.

Le Parlement et le Gouvernement ont un rôle essentiel à jouer dans la préparation et la définition des orientations futures pour la gestion à long terme des déchets radioactifs.

La préparation comporte, naturellement, un fort aspect scientifique et technique, domaine privilégié des chercheurs et des experts. Mais, malgré la complexité scientifique et technique, cette préparation des orientations futures pour la gestion à long terme des déchets radioactifs ne doit se limiter à un débat d'experts. Elle nécessite aussi un large débat préalable, impliquant l'ensemble de nos concitoyens.

L'expérience antérieure à la loi de 1991 a montré que l'information et l'implication des citoyens dans le débat préalable aux décisions était une condition nécessaire à leur acceptation par le public, et donc à leur mise en oeuvre effective. J'en suis, pour ma part, totalement convaincu.

C'était l'objet de cette question orale avec débat, et c'est aussi la raison pour laquelle j'ai toujours indiqué mon souhait que le public soit largement associé. Je rejoins en cela le voeu exprimé par Gérard Longuet. Avec mon collègue le ministre délégué à l'industrie, nous avons donc conjointement décidé de saisir la commission nationale du débat public, la CNDP. II s'agit là de la première application d'une disposition du code de l'environnement qui prévoit la possibilité de saisir la CNDP sur des options générales en matière d'environnement ou d'aménagement.

Je souhaite que cette consultation soit, au cours de l'automne 2005, l'occasion d'un large débat, transparent, constructif et ouvert, et qu'elle permette à nos concitoyens de s'approprier les enjeux de la gestion à long terme de ces déchets. Pierre Laffitte a d'ailleurs très justement insisté sur la nécessité de cette appropriation et de cette éducation.

Après ce débat public, le débat au Parlement, en 2006, du projet de loi présenté par le Gouvernement n'en prendra que plus de relief aux yeux de nos concitoyens, au bénéfice de la légitimité de la loi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, je vous propose d'interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques (nos 240, 271, 273, 272).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 37.

À la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement, il est créé une sous-section 3 intitulée : « Redevances des agences de l'eau » ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Redevances des agences de l'eau

« Paragraphe 1

« Dispositions générales

« Art. L. 213-10. - Des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvements sur la ressource en eau, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacles sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique sont affectées aux agences de l'eau.

« Paragraphe 2

« Redevances pour pollution de l'eau

« Art. L. 213-10-1.- Constituent les redevances pour pollution de l'eau d'une part, une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique et, d'autre part, une redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

« Art. L. 213-10-2. - I. - Toute personne, à l'exception des propriétaires d'immeubles à usage d'habitation, dont les activités entraînent le rejet d'un des éléments de pollution mentionnés au III dans le milieu naturel ou dans un réseau de collecte est assujettie à une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique.

« II. - L'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel. Elle est composée des éléments mentionnés au III.

« Elle est déterminée :

« 1° Soit directement, à la demande du redevable, à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets par un organisme agréé par l'agence de l'eau ;

« 2° Soit indirectement, par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau collectif.

« Le niveau théorique de pollution d'une activité est calculé sur la base de grandeurs et de coefficients caractéristiques de cette activité déterminés à partir de campagnes générales de mesures ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs.

« La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année. Pour les exploitations d'élevage, lorsque la pollution produite provient d'un épandage direct, elle est calculée indirectement en prenant en compte la qualité des méthodes de récupération des effluents et des plans d'épandage.

« III. - Pour chaque élément constitutif de la pollution, le tarif maximum de la redevance et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due sont fixés comme suit :

Eléments constitutifs de la pollution

Euros par unité

seuils

Matières en suspension (par kg)

5200 kg

Matières en suspension rejetées en mer au delà de 5km du littoral et à plus de 250 mètres de profondeur (par kg)

5200 kg

Demande chimique en oxygène (par kg)

9900 kg

Demande biochimique en oxygène en cinq jours (par kg)

4400 kg

Azote réduit (par kg)

880 kg

Azote oxydé, nitrites et nitrates (par kg)

880 kg

Phosphore total, organique ou minéral (par kg)

220 kg

Métox (par kg)

200 kg

Métox rejetées dans les masses d'eau souterraines (par kg)

200 kg

Toxicité aiguë (par kiloéquitox)

50 kiloéquitox

Rejet en masse d'eau souterraine de toxicité aiguë (par kiloéquitox)

50 kiloéquitox

Composés halogénés adsorbables sur charbon actif (par kg)

50 kg

Composés halogénés adsorbables sur charbon actif rejetés en masse d'eau souterraine (par kg)

50 kg

Sels dissous (m3*S/cm)

2000 m3*S/cm

Chaleur rejetée en mer (Mth)

100 Mth

Chaleur rejetée en rivière (Mth)

10 Mth

« Pour les élevages, l'élément d'assiette est l'azote oxydé épandable produit par les animaux et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due est fixé à 8 500 kg.

« Pour chaque élément d'assiette, le tarif de la redevance est fixé par unité géographique cohérente définie en tenant compte :

« 1° De l'état des masses d'eaux ;

« 2° Des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines ;

« 3° Des prescriptions imposées au titre de la police de l'eau ou relatives à l'eau au titre d'une autre police ;

« 4° Des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques.

« Art. L. 213-10-3. - I. - Tout abonné au service public de distribution d'eau, à l'exception des personnes qui, en application de l'article L. 213-10-2, sont redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, est assujetti à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

« II. - L'assiette de la redevance est le volume d'eau annuel facturé à l'abonné.

« Pour la détermination de cette assiette, ne sont pas pris en compte les volumes d'eau utilisés pour l'abreuvement des animaux, dès lors que ceux-ci font l'objet d'un comptage spécifique.

« III. - L'agence de l'eau fixe, dans la limite d'un plafond de 0, 5 €/m3, un taux par unité géographique cohérente définie en tenant compte :

« 1° De l'état des masses d'eau ;

« 2° Des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines ;

« 3° Des prescriptions imposées au titre de la police de l'eau ou relatives à l'eau au titre d'une autre police ;

« 4° Des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques.

« IV. - La redevance est perçue auprès de l'exploitant du service public de distribution d'eau par l'agence de l'eau. Elle est exigible à l'encaissement du prix.

« Art. L. 213-10-4. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application des articles L. 213-10-1 à L. 213-10-3.

« Paragraphe 3

« Redevances pour modernisation des réseaux de collecte

« Art. L. 213-10-5.- Les personnes qui, en application de l'article L. 213-10-2, sont redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique et dont les activités entraînent des rejets d'eaux usées dans un réseau public de collecte sont assujetties à une redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

« La redevance est assise sur les volumes d'eau déversés dans les réseaux.

« Son taux est fixé par l'agence de l'eau en fonction des priorités et des besoins de financement du programme d'intervention mentionné à l'article L. 213-9-1, dans la limite d'un plafond de 0, 15 €/m3. Il ne peut être supérieur à la moitié du taux de la redevance pour réseaux de collecte mentionnée à l'article L. 213-10-6. Il peut être dégressif, par tranches, en fonction des volumes rejetés.

« Art. L. 213-10-6. - Les gestionnaires des réseaux publics d'assainissement collectif sont assujettis à une redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

« La redevance est assise sur les volumes d'eau pris en compte pour le calcul de la redevance d'assainissement, à l'exception des volumes d'eau retenus pour le calcul de l'assiette de la redevance mentionnée à l'article L. 213-10-5.

« Son taux est fixé par l'agence de l'eau en fonction des priorités et des besoins de financement du programme d'intervention mentionné à l'article L. 213-9-1 dans la limite d'un plafond de 0, 30 €/m3.

« Art. L. 213-10-7. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application des articles L. 213-10-5 et L. 213-10-6.

« Paragraphe 4

« Redevance pour pollutions diffuses

« Art. L. 213-10-8. - I. - Toute personne distribuant les produits anti-parasitaires à usage agricole mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural en vertu de l'agrément prévu par l'article L. 254-1 du même code, est assujettie à une redevance pour pollutions diffuses.

« II. - L'assiette de la redevance est la somme des quantités de substances dangereuses contenues dans les produits mentionnés au I. La liste de ces substances dangereuses comprend celles des substances définies en application des dispositions de l'article L. 231-7 du code du travail qui présentent un caractère toxique ou écotoxique. Elle est arrêtée par décret en Conseil d'Etat.

« III. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence, dans la limite de 1, 2 € par kilogramme de substances mentionnées au II, en fonction de la teneur des eaux du bassin en résidus de produits antiparasitaires.

« IV. - La redevance est exigible lors de la vente à l'utilisateur final. Les distributeurs mentionnés au I font apparaître le montant de la redevance qu'ils ont acquittée au titre du produit distribué sur leurs factures. Ils tiennent à disposition des agences de l'eau un registre des destinataires de ces factures et des montants de redevance correspondants.

« V. - Un décret au Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 5

« Redevances pour prélèvements sur la ressource en eau

« Art. L. 213-10-9. - I. - Toute personne dont les activités entraînent un prélèvement sur la ressource en eau est assujettie à une redevance pour prélèvement sur la ressource en eau.

« II. - Sont exonérés de la redevance :

« 1° Les prélèvements effectués en mer ;

« 2° Les exhaures de mines dont l'activité a cessé ainsi que les prélèvements rendus nécessaires par l'exécution de travaux souterrains et les prélèvements effectués lors d'un drainage réalisé en vue de maintenir à sec des bâtiments ou des ouvrages ;

« 3° Les prélèvements liés à l'aquaculture ;

« 4° Les prélèvements liés à la géothermie ;

« III. - La redevance est assise sur le volume d'eau prélevé au cours d'une année.

« Lorsque le redevable ne procède pas à la mesure de ses prélèvements, la redevance est assise sur un volume forfaitaire calculé en prenant en compte des grandeurs caractéristiques de l'activité en cause déterminées à partir de campagnes générales de mesure ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs.

« IV. - L'agence de l'eau fixe les montants de volume prélevé en dessous desquels la redevance n'est pas due. Ces montants ne peuvent être supérieurs à 10 000 m3 par an pour les prélèvements dans des ressources de catégorie 1 et à 7 000 m3 par an pour des prélèvements dans des ressources de catégorie 2.

« V. - Pour la fixation du tarif de la redevance, les ressources en eau de chaque bassin sont classées en catégorie 1 lorsqu'elles sont situées hors des zones de répartition des eaux définies en application du 2° du II de l'article L. 211-2, ou en catégorie 2 dans le cas contraire.

« Le tarif de la redevance est fixé par l'agence de l'eau en centimes d'euro par mètre cube dans la limite des plafonds suivants, en fonction des différents usages auxquels donnent lieu les prélèvements :

usages

Catégorie 1

Catégorie 2

irrigation (sauf irrigation gravitaire)

irrigation gravitaire

alimentation en eau potable

refroidissement des centrales de production électrique

alimentation d'un canal

autres usages économiques

« Pour une ressource de catégorie 2, lorsque le prélèvement pour l'irrigation est effectué de manière collective par un organisme défini au 2° du II de l'article L. 211-2, le taux de la redevance est le taux applicable pour une ressource de catégorie 1.

« VI. - Des modalités spécifiques de calcul de la redevance sont applicables dans les cas suivants :

« 1° Lorsque le prélèvement est destiné à plusieurs usages, la redevance est calculée au prorata des volumes utilisés pour chaque usage ;

« 2° Lorsque le prélèvement est destiné à l'alimentation d'un canal, la redevance est assise sur son montant, déduction faite des volumes prélevés dans le canal et soumis à la présente redevance.

« Les volumes prélevés pour alimenter un canal en vue de la préservation d'écosystèmes aquatiques ou de sites et de zones humides sont déduits de l'assiette de la redevance ;

« 3° Lorsque le prélèvement est destiné au fonctionnement d'une installation hydroélectrique, la redevance est assise sur le produit du volume d'eau turbiné dans l'année exprimé en m3 par la hauteur totale de chute brute de l'installation telle qu'elle figure dans son titre administratif, exprimée en mètres.

« Le taux de la redevance est fixé par l'agence de l'eau dans la limite d'un plafond de 60 centimes d'euro par million de mètres cubes et par mètre en fonction de l'état des masses d'eau et des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe.

« Ce taux est multiplié par 1, 5 lorsque l'installation ne fonctionne pas au fil de l'eau.

« La redevance n'est pas due lorsque le volume d'eau turbiné dans l'année est inférieur à un million de mètres cubes.

« VII. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 6

« Redevance pour stockage d'eau en période d'étiage

« Art L. 213-10-10. - I. - Une redevance pour stockage d'eau en période d'étiage est due par toute personne qui dispose d'une installation de stockage de plus d'un million de mètres cubes et qui procède au stockage de tout ou partie du volume écoulé dans un cours d'eau en période d'étiage.

« II. - L'assiette de la redevance est le volume d'eau stocké pendant la période d'étiage. Ce volume est égal à la différence entre le volume stocké en fin de période et le volume stocké en début de période. Les volumes stockés lors des crues supérieures à la crue de fréquence quinquennale et déstockés dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle la crue atteint son maximum ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'assiette de la redevance.

« L'agence de l'eau fixe, dans chaque bassin, la période d'étiage en fonction du régime des cours d'eau.

« III. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence dans la limite d'un plafond d'un centime d'euro par mètre cube.

« IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 7

« Redevance pour obstacles sur les cours d'eau

« Art. L. 213-10-11. - I. - Une redevance pour obstacle sur les cours d'eau est due par toute personne possédant un ouvrage constituant un obstacle continu joignant les deux rives d'un cours d'eau.

« Sont exonérés de la redevance pour obstacle sur les cours d'eau les propriétaires d'ouvrages faisant partie d'installations hydroélectriques assujettis à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau.

« II. - La redevance est assise sur le produit, exprimé en mètres, de la dénivelée entre la ligne d'eau à l'amont de l'ouvrage et la ligne d'eau à l'aval par le coefficient de débit du tronçon de cours d'eau au droit de l'ouvrage et par un coefficient d'entrave.

« Le coefficient de débit varie en fonction du débit moyen interannuel du tronçon de cours d'eau considéré. Il est compris entre 0, 3 pour les tronçons dont le débit moyen interannuel est inférieur à 0, 3 mètre cube par seconde et 40 pour les tronçons dont le débit moyen interannuel est supérieur ou égal à 1 000 mètres cubes par seconde.

« Le coefficient d'entrave varie entre 0, 3 et 1 en fonction de l'importance de l'entrave apportée par l'obstacle au transport sédimentaire et à la circulation des poissons conformément au tableau suivant :

Coefficient d'entrave

ouvrages permettant le transit sédimentaire

ouvrages ne permettant pas le transit sédimentaire

Ouvrage franchissable dans les deux sens par les poissons

Ouvrage franchissable dans un seul sens par les poissons

Ouvrage non franchissable par les poissons

« III. - La redevance n'est pas due lorsque la dénivelée est inférieure à 5 mètres et pour les cours d'eau dont le débit moyen est inférieur à 0, 3 m3/s.

« IV. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence de l'eau dans la limite de 150 €/m par unité géographique cohérente définie en tenant compte de l'impact des ouvrages qui y sont localisés sur le transit sédimentaire et sur la libre circulation des organismes aquatiques.

« V. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 8

« Redevance pour protection du milieu aquatique

« Art. L. 213-10-12. - I. - Une redevance pour protection du milieu aquatique est due par les personnes qui se livrent à la pêche mentionnées au II. Elle est collectée par les fédérations départementales des associations agréées de pêche et protection du milieu aquatique, les associations agréées de pêcheurs amateurs aux engins et filets, la commission syndicale de la Grande Brière et les comités départementaux ou interdépartementaux de la pêche professionnelle en eau douce.

« II. - La redevance est fixée chaque année par l'agence de l'eau, dans la limite des plafonds suivants :

« a) 10 € par personne qui se livre à l'exercice de la pêche, pendant une année, au sein d'une association mentionnée au I ;

« b) 4 € par personne de moins de dix-huit ans qui se livre à l'exercice de la pêche, pendant une année, au sein d'une association mentionnée au I ;

« c) 4 € par personne qui se livre à l'exercice de la pêche, pendant quinze jours consécutifs entre le 1er juin et le 30 septembre, au sein d'une association mentionnée au I ;

« d) 1 € par personne qui se livre à l'exercice de la pêche, à la journée, au sein d'une association mentionnée au I ;

« e) 20 € de supplément par personne qui se livre à l'exercice de la pêche de l'alevin d'anguille, du saumon et de la truite de mer au sein d'une association mentionnée au I. »

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite indiquer en préambule le sens à donner aux amendements que nous avons déposés sur l'article 37.

Premièrement, nous souhaitons un rééquilibrage des redevances, pour plus d'équité.

Deuxièmement, nous proposons la suppression des seuils en deçà desquels les redevances ne sont pas dues, en particulier les redevances pour pollution de l'eau, afin d'insister sur le fait qu'il n'existe pas de petite pollution.

Troisièmement, nous prévoyons l'établissement de fourchettes afin de moduler les redevances en fonction de critères définis par les agences de l'eau.

Quatrièmement, nous demandons la suppression de la référence à l'état des masses d'eaux, afin d'étendre à tout le pays la lutte contre les pollutions.

Cinquièmement, nous souhaitons que soient supprimés les taux dégressifs, afin de généraliser une attitude d'économie de la ressource.

Sixièmement, nous suggérons la suppression de certaines exonérations de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau pour activités économiques.

Septièmement, enfin, nous voulons que participent à l'effort commun tous les partenaires de l'eau, y compris ceux qui, à partir d'un prélèvement - je pense aux eaux minérales - ou d'une activité de services, réalisent des bénéfices non négligeables.

J'interviendrai de façon plus précise à l'occasion de l'examen de chacun de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à l'occasion de l'examen de cet article, insister à mon tour sur le risque d'un nouveau désengagement de l'Etat.

Les dispositions prévues aux derniers articles de ce projet de loi, notamment dans cet article 37 et à l'article 41, qui crée l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, justifient cette crainte.

Si nous n'y prenons garde en effet, ces dispositions aboutiront à une organisation à deux échelons : d'une part, un échelon européen en matière d'eau et d'assainissement ; d'autre part, un échelon local dévolu aux communes et intercommunalités, aux départements et aux agences de l'eau. De véritables transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales et vers les agences de l'eau seront alors à redouter.

La question qui se pose est la suivante : quel sera demain le rôle exact de l'Etat en matière de politique nationale de l'eau et de financement ? L'examen de ce texte ne permet pas de répondre clairement.

En effet, nous constatons que sont mises à la charge des agences de l'eau soit des interventions nouvelles, notamment en matière de lutte contre les inondations et les crues, soit des interventions de solidarité nationale, par exemple celles qui sont relatives aux aides envers les communes rurales, et ce afin de pallier la suppression de l'ancien système national, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.

Il en est de même pour les départements. Le Sénat a ainsi adopté, le 8 avril dernier, un amendement tendant à autoriser la création, dans chaque département, d'un « fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement » ; je n'y reviens pas, nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce point. Or ce fonds sera, lui aussi, financé par une redevance additionnelle sur le prix de l'eau. De nouvelles hausses sont donc à prévoir.

Je ne m'attarderai pas non plus sur la création de l'ONEMA, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure. Là aussi, il s'agit d'un établissement public national chargé d'assumer des missions de l'Etat, notamment des missions de solidarité, dont les ressources proviendront des contributions des agences de l'eau.

Toutes ces mesures se traduiront par une charge financière de plus en plus forte sur les budgets, en particulier sur celui des agences de l'eau.

Dans ces conditions, quelles que soient les ressources prévues à l'article 37 du projet de loi - pas moins de sept catégories de redevances y sont répertoriées -, les agences de l'eau pourront-elles assumer pleinement toutes leurs missions, notamment les investissements nécessaires au respect des engagements résultant des obligations européennes et des objectifs de la directive-cadre ?

La France pourra-t-elle être au rendez-vous de 2015, c'est-à-dire assurer le bon état écologique des trois quarts de ses masses d'eau ?

Pour conclure, j'exprimerai le souhait d'un certain nombre de collectivités, au rang desquelles les grandes villes de France : il faut stabiliser le prix de l'eau

Si toutes les questions que je viens de poser reçoivent une réponse négative, de nouvelles augmentations du prix de l'eau sont à craindre. Or, selon une récente enquête, de 1991 à 2000, la facture d'eau moyenne payée par le consommateur a augmenté de près de 80 %. Certes, cette hausse se justifie très largement, mais il s'agit là d'un sujet très sensible pour nos concitoyens.

La stabilisation du prix de l'eau est aujourd'hui un impératif essentiel, mais les transferts de charges prévus empêcheront de parvenir à un prix raisonnable de l'eau.

A l'occasion de l'examen de cet article 37 - et sans esprit polémique, vous l'avez compris -, j'ai souhaité exprimer notre souci de ne pas avoir encore obtenu de réponse satisfaisante du Gouvernement sur ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons l'examen d'un article important, tout le monde en est conscient. Il s'agit en effet, avec l'article 37, à la fois d'établir la constitutionnalité des redevances et d'en fixer les assiettes.

Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, je souhaite attirer l'attention sur le fait qu'un certain nombre de textes encadrent le débat que nous allons avoir. En outre, je regrette que les assiettes prévues dans le projet de loi ne correspondent pas aux finalités auxquelles elles sont censées répondre.

Je rappellerai d'abord certaines dispositions de la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, qui a été souvent citée et que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Cette directive-cadre invite les Etats membres à veiller à ce que « le principe de la récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources associés aux dégradations ou aux incidences négatives sur le milieu aquatique soit pris en compte conformément, en particulier, au principe du pollueur-payeur ». Nous en reparlerons !

Par ailleurs, les Etats membres sont invités à veiller à ce que « la politique de tarification de l'eau incite les usagers à utiliser les ressources de façon efficace et contribue ainsi à la réalisation des objectifs environnementaux de la présente directive ».

Par ailleurs, la loi du 21 avril 2004 portant transposition de la directive-cadre dispose, dans son article 1er, que « les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs ».

Enfin, le 28 février dernier, le Parlement, réuni en Congrès, a adopté la Charte de l'environnement, qui, dans son article 4, prévoit que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ».

Nous ne retrouvons pratiquement aucun de ces principes dans le choix des assiettes qui nous sont proposées, en particulier les principes qui visent à un bon environnement et à un bon état écologique de l'eau.

Nous devrons, je crois, avoir ces textes en mémoire au cours de la discussion.

Je crains, malheureusement, que nous ne réalisions pas la réforme profonde que, comme vous, monsieur le ministre, nous étions en droit d'attendre. Ce projet de loi aurait en effet dû permettre à la fois d'assurer un bon état écologique de l'eau, d'agir pour l'environnement et de développer une politique efficace des coûts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 94, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10 du code de l'environnement.

« Art. L. 213-10 - L'agence de l'eau établit et perçoit sur les personnes publiques ou privées des redevances pour pollutions de l'eau, pour réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvements et consommation d'eau et pour la protection du milieu aquatique dans la mesure où ces personnes rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Le lien entre le paiement de la redevance et le financement du programme de réduction des pollutions constitue le principe fondamental d'une politique de l'eau efficace. La loi du 16 décembre 1964 a ainsi prévu que les redevances sont établies dans la mesure où les personnes publiques ou privées assujetties « rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt ».

Un tel lien responsabilise les acteurs, car le prélèvement en la matière, assis à la fois sur la consommation d'eau et sur les émissions de polluants, sert à financer des subventions ou des prêts bonifiés dans le but d'aider les investissements consentis par les personnes pour diminuer leur consommation d'eau et leurs émissions polluantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 619, présenté par MM. Marc, Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Leur montant ne peut être inférieur au quart des maxima prévus par les articles L. 213-10-1 à L. 213-10-12.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous souhaitons obtenir un équilibre satisfaisant entre les différentes catégories de redevables quant au montant de la redevance. Si le projet de loi fixe des plafonds, il ne prévoit cependant aucun plancher. Par conséquent, puisque les modalités du recouvrement et la fixation des redevances sont laissées à la discrétion des agences de l'eau, qui ne devront se soumettre qu'aux plafonds fixés, certaines catégories de redevables pourraient ne pas être sollicitées.

Il convient donc d'éviter que des taux de redevance trop bas pour certains redevables ne conduisent à un transfert de charge sur d'autres usagers, notamment les usagers des services de l'eau et de l'assainissement.

Nous souhaitons également prévenir l'apparition de distorsions trop importantes entre les usagers soumis à la même redevance, afin d'éviter ainsi une inégalité flagrante entre redevables, ce qui serait contraire au principe d'égalité devant l'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Si nous comprenons la démarche de nos collègues du groupe socialiste, elle est contraire à la position de la commission, qui ne souhaite pas encadrer de façon excessive, par des planchers, le pouvoir de décision des agences de l'eau. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 94 de la commission, qui vise à rappeler le principe fondateur de la loi du 16 décembre 1964, selon lequel les redevances ont pour objectif de financer le programme d'intervention des agences de l'eau.

Monsieur Marc, certains paramètres de pollution peuvent ne pas être pertinents pour certains bassins ou sous-bassins. Le fait d'imposer un plancher minimal égal au quart du plancher de chaque redevance contraindrait donc l'agence concernée à percevoir certaines redevances même si celles-ci ne sont pas pertinentes. Il est donc nécessaire de laisser une latitude suffisante au comité de bassin pour s'adapter aux situations locales.

En revanche, l'agence devra fixer ses taux selon les critères objectifs définis dans la loi. Elle devra également rendre compte de la façon dont les redevances sont perçues et les aides attribuées aux différents grands secteurs économiques, en distinguant au moins les ménages, le secteur industriel et l'agriculture.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 619.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 95, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

L'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Le projet de loi modifie sensiblement l'assiette de la redevance de pollution utilisée jusqu'à présent, qui est fondée sur la prise en compte de la pollution de pointe, en application de l'article 3 du décret n° 75-996 du 28 octobre 1975. Le projet de loi remet en cause ce système et retient une pollution annuelle qui efface toute prise en compte de la pollution de pointe, alors qu'à certains égards celle-ci a un impact beaucoup plus important sur les milieux aquatiques.

Il convient de prévoir une assiette tenant mieux compte de la pollution annuelle moyenne et de la pollution de pointe, afin de rééquilibrer les écarts identifiés dans l'étude d'impact sur les redevances entre les diminutions de redevance pour les activités saisonnières et les augmentations de redevance pour les activités non saisonnières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le sous-amendement n° 677 rectifié ter, présenté par Mme Férat et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. César, M. Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Après les mots :

à douze fois

rédiger ainsi la fin du texte proposé par l'amendement n° 95 pour la première phrase du premier alinéa du II de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

la pollution moyenne mensuelle

La parole est à M. Gérard César.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J'interviens ici en tant que président du groupe d'études de la vigne et du vin de la Haute Assemblée, lequel respecte tous les équilibres politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Merci, monsieur le président !

Mes chers collègues, le sous-amendement n° 677 rectifié ter a pour seul but d'attirer votre attention sur l'impact de la modification proposée dans l'amendement n° 95 de la commission des affaires économiques, dont l'adoption aurait pour effet de modifier sensiblement l'assiette de la redevance de pollution utilisée jusqu'à présent. Alors que cette dernière est fondée sur la prise en compte de la pollution de pointe, en application de l'article 3 du décret du 28 octobre 1975, le projet de loi retient une pollution annuelle qui efface toute prise en compte de la pollution de pointe.

Pour sa part, la commission des affaires économiques propose l'assiette de la redevance soit « égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte ».

Dans une telle rédaction, l'accent est mis sur le mois où la pollution atteint un pic, ce qui va contribuer à pénaliser les activités saisonnières, en particulier la viticulture, qui connaît, nous le savons tous, mes chers collègues, une crise sans précédent.

En outre, cela revient à négliger tous les efforts que les producteurs ont pu faire en matière de limitation des rejets. De nombreux viticulteurs, les coopératives, notamment les CUMA, les coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole, les industries agroalimentaires, tous se sont organisés depuis ces dernières années pour stocker les effluents viticoles ou agroalimentaires et les étaler, après traitement, avant leur rejet dans le milieu naturel. Le dimensionnement de ces installations permet d'étaler, donc d'écrêter, les pics de pollution.

C'est la raison pour laquelle, dans la rédaction de l'amendement n° 95, nous proposons de supprimer les mots : « et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

La disposition proposée par notre collègue Gérard César est contraire à la position de la commission des affaires économiques, qui a voulu définir une assiette permettant de rééquilibrer les écarts identifiés dans l'étude d'impact du projet de loi entre les diminutions de redevance dont bénéficieraient les activités saisonnières et les fortes augmentations de redevance que subiraient les autres secteurs d'activité, car il s'agit en réalité d'un jeu à somme nulle.

Ce transfert de charge vers les autres industriels n'a pas lieu d'être. Notre proposition vise essentiellement à prendre en compte une réalité, l'existence d'une période de pollution de pointe, tout en opérant un lissage à travers l'intégration de la pollution moyenne mensuelle.

Par conséquent, monsieur César, nous vous demandons de bien vouloir retirer votre sous-amendement. A défaut, nous émettrions un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

L'amendement n° 95 de la commission vise à tenir compte non seulement de la pollution moyenne mensuelle, mais aussi de la pollution de pointe, considérant que l'impact réel d'un rejet sur le milieu aquatique dépend à la fois du rejet moyen sur l'année et du rejet maximal. J'émets un avis favorable sur cet amendement.

Monsieur César, vous souhaitez, vous, supprimer la référence à la pollution de pointe.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Or, si l'amendement n° 95 ne prévoit pas des modifications aussi importantes que le projet du Gouvernement, il permet tout de même à certains établissements viticoles de voir, à terme, leur redevance diminuer très sensiblement par rapport à la situation actuelle, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

C'est ce que nous souhaitons, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

... cette diminution pouvant aller jusqu'à une division par quatre de la redevance.

Par conséquent, l'effort en direction de la viticulture me semble déjà important, et je souhaite donc que vous retiriez votre sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre.

Certes, dans certaines régions viticoles, notamment en Champagne, il existe des installations de stockage qui permettent d'écrêter la pollution en période de pointe.

A l'époque où j'étais le président d'une des coopératives les plus importantes de France, nous avons mis en place un système de stations d'épuration permettant de stocker les effluents pour ne pas les rejeter immédiatement dans le milieu naturel. Or tous ceux qui ont prévu ce type d'installations vont se trouver pénalisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le ministre, serait-il possible d'établir, d'ici à la deuxième lecture, une simulation financière sur l'incidence de l'adoption de l'amendement n° 95 ? En fonction de ses résultats, mes collègues et moi-même pourrions renoncer à notre proposition.

Pour l'heure, je retire le sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le sous-amendement n° 677 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Monsieur César, nous avons déjà procédé à des simulations, et je vais vous en transmettre les résultats.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Les redevances prévues précédemment n'étaient fondées que sur la pollution de pointe, ce qui aboutissait naturellement à une très forte pénalisation.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Dans le présent texte, le Gouvernement a donc décidé de faire référence à la pollution moyenne.

Toutefois, l'amendement de la commission me semble plus équilibré parce qu'il vise à prendre en compte à la fois la pollution moyenne et la pollution de pointe.

Avec le projet initial du Gouvernement, les baisses de redevance étaient susceptibles d'atteindre 95 %. Compte tenu de l'amendement de la commission, les baisses pourront être de 75 %, ce qui est déjà un résultat largement favorable, permettant de moins pénaliser l'activité économique.

Par conséquent, faire référence non seulement à la pollution mensuelle mais aussi à la pollution de pointe me semble opportun, y compris pour la viticulture.

Dans mon propre département, les élus locaux insistent auprès des viticulteurs pour qu'ils fassent des efforts particuliers s'agissant précisément des périodes de pointe pour éviter des rejets ponctuels mais massifs dans le milieu naturel.

En prenant les deux références, comme la commission le propose, nous sommes dans une bonne logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 95.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il s'agit d'un débat important, qui touche éminemment les industries saisonnières. Je pense notamment, pour ma part, à l'industrie sucrière, dont l'activité est très importante pendant quelques semaines, très réduite, voire quasiment nulle à d'autres périodes de l'année.

Concrètement, cela signifie que la moyenne annuelle n'a pas grand sens. Au demeurant, il n'est pas possible de pénaliser trop lourdement ces industriels : il faut veiller à ne pas mettre en péril certaines activités économiques.

Bien entendu, si des entreprises sont responsables de dommages environnementaux très lourds, elles doivent en subir les conséquences sur le plan financier. N'oublions pas, cependant, que les industries agroalimentaires, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, ont fait des efforts immenses pour diminuer leurs rejets polluants.

Nous devons donc trouver une solution équilibrée dans ce domaine. Si l'amendement de M. le rapporteur peut paraître, a priori, adapté à la situation, nous avons besoin d'une analyse un peu plus fine pour nous assurer non seulement de la façon dont l'ensemble des facteurs seront calculés, mais aussi de leur incidence économique sur les entreprises.

Quoi qu'il en soit, dans les régions où le débit des cours d'eau est très faible, et c'est le cas en Nord-Pas-de-Calais, les rejets de produits polluants peuvent avoir des effets catastrophiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il faut donc analyser la situation avec beaucoup de circonspection, en tenant compte de l'importance des enjeux aussi bien écologiques qu'économiques.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 96, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième, troisième et quatrième alinéas du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est déterminée directement à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets, le dispositif de suivi étant agréé et contrôlé par un organisme mandaté par l'agence de l'eau. Toutefois, lorsque le niveau théorique de pollution lié à l'activité est inférieur à un seuil défini par décret ou que le suivi régulier des rejets s'avère impossible, l'assiette est déterminée indirectement par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau collectif.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Cet amendement vise à affirmer que la mesure effective des pollutions déversées doit constituer la règle générale pour la détermination de l'assiette de la pollution de l'eau d'origine non domestique. Il prévoit en outre que les estimations forfaitaires ne seront autorisées que pour les rejets les moins importants ou lorsque le suivi régulier des rejets s'avère impossible.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Il est en effet souhaitable d'encourager, lorsque c'est possible, la mesure effective des rejets de pollution d'origine non domestique, en particulier pour les rejets importants. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 97, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement par les mots :

, le dispositif de suivi étant agréé par l'agence de l'eau.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Cet amendement tend à préciser que le dispositif permettant de mesurer la pollution évitée doit recevoir l'agrément des agences de l'eau.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

L'agrément du dispositif de suivi par l'agence de l'eau est en effet nécessaire. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 98, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

Lorsque la pollution produite provient d'un épandage direct, elle est calculée indirectement en prenant en compte la qualité des méthodes de récupération des effluents et d'épandage.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

S'agissant de la méthode d'évaluation de la pollution évitée, il est prévu un dispositif spécifique lorsque la pollution résulte de l'épandage direct dans les exploitations d'élevage.

Nous proposons d'appliquer ces dispositions à tous les épandages, y compris ceux qui proviennent des industries agroalimentaires lorsque celles-ci procèdent ainsi à l'épuration de leurs effluents, et de préciser que le calcul prend alors en compte la qualité de la méthode d'épandage et non pas celle du plan d'épandage, afin de mesurer réellement l'efficacité des pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 309 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, César, Texier, Mortemousque et Murat, est ainsi libellé :

I - Dans la seconde phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, supprimer le mot :

direct

II - Dans la même phrase, après les mots :

de récupération des effluents

insérer les mots :

, des techniques de traitement

La parole est à M. Gérard César.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Vasselle et moi-même avons déposé cet amendement parce que nous sommes tout à fait conscients du rôle que jouent les éleveurs dans la prévention des pollutions, en particulier des pollutions azotées. En effet, les éleveurs ont investi lourdement dans des techniques de traitement des effluents de leurs animaux, comme le compostage, le séchage ou le traitement biologique. Ces techniques, validées par les pouvoirs publics, doivent être pleinement reconnues lors du calcul de la redevance pour pollution de l'eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Le fait de supprimer la notion d'épandage direct dans le dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement aurait pour conséquence de traiter sur le même plan les grosses unités d'élevage, qui ont leur propre station d'épuration, et les petites exploitations d'élevage, qui font de l'épandage direct à partir de la fosse à lisier.

En outre, l'amendement n° 309 rectifié bis est contraire à la position défendue par la commission dans l'amendement n° 98, qui vise à prendre en compte l'ensemble des épandages directs, y compris ceux qui proviennent des industries agroalimentaires.

Aussi, bien que comprenant très bien les intentions des auteurs de cet amendement, la commission considère que celui-ci complexifie grandement le dispositif et demande le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Les épandages directs d'effluents sans traitement préalable dans une station d'épuration peuvent en effet concerner d'autres secteurs d'activité que les exploitations d'élevage ; c'est le cas, par exemple, des sucreries. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 98.

Quant à l'amendement n° 309 rectifié bis, qui vise notamment à supprimer le mot « direct » dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, il tend à créer un régime spécifique pour les stations de traitement des élevages.

Or les techniques de traitement des effluents d'élevage, notamment les stations de traitement, sont déjà prises en compte dans les alinéas précédents, au même titre que l'ensemble des unités de traitement des industries ou des collectivités.

Rien ne justifie un mode de calcul différent pour ce type de traitement, car l'agence de l'eau réalise les mêmes vérifications de bon fonctionnement, qu'il s'agisse des stations d'épuration des exploitations d'élevage ou des autres stations d'épuration.

En revanche, pour les exploitations d'élevage réalisant un stockage du lisier et un épandage direct des effluents, il est nécessaire de prendre en compte - comme le fait le projet de loi à travers la notion d'épandage direct - les méthodes de stockage et la qualité des épandages réalisés.

Cet amendement aurait donc pour effet de sortir toutes les stations d'épuration des exploitations d'élevage du dispositif général. Or ce qui importe, c'est le fonctionnement réel de la station d'épuration et son rendement effectif. Si la station fonctionne, l'épuration sera importante et la redevance faible ; si elle ne fonctionne pas, la pollution retirée sera très faible, ce qui aura un impact sur le milieu.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, il émettrait un avis défavorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 99, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« II bis. - Sur demande du redevable, l'assiette de la redevance est la pollution annuelle ajoutée déterminée, à partir des mesures régulières, par la différence entre la pollution entrante dans l'établissement et la pollution sortante.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

S'agissant du calcul de l'assiette de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, la prise en compte de la seule pollution rejetée peut s'avérer pénalisante pour des activités nécessitant une forte consommation d'eau mais utilisant une eau déjà polluée.

L'adoption de cet amendement permettrait d'asseoir, à la demande du redevable, la redevance sur le calcul de la pollution ajoutée, dès lors que ce calcul peut être établi à partir de mesures régulières de la différence entre la pollution entrante et la pollution sortante. Le dispositif de suivi serait à la charge de l'exploitant et devrait également être agréé par l'agence de l'eau.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Cette précision étant utile, le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, je m'aperçois que de nombreux amendements émanant de la commission, qui ont l'air d'être utiles puisque vous y êtes favorable, viennent d'être adoptés. Un certain nombre de modalités techniques sont donc mises en place grâce aux propositions de la commission.

Je me pose donc la question suivante : pourquoi n'avez-vous pas, monsieur le ministre, prévu vous-même de telles dispositions ? Si elles sont tellement utiles, il semble bizarre qu'elles n'aient pas été inscrites directement dans le projet de loi !

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Sénat compte plus de trois cents sénateurs : réunis, ils sont plus intelligents que le seul Gouvernement !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Y en aurait-il trente et un qui ne seraient pas intelligents ?

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Je confesse une certaine méconnaissance du domaine très technique dont il est question dans l'amendement n° 99.

Je ne comprends pas bien comment une usine peut utiliser de l'eau polluée. J'avoue que cela me laisse un peu perplexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

L'eau qui rentre dans une usine n'est pas de l'eau distillée !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Elle peut donc contenir des nitrates ou d'autres produits polluants. Il s'agit de mesurer la quantité de nitrates, par exemple, qui a été ajoutée par l'usine à l'environnement et non pas la quantité totale de nitrates, ce qui permet de ne pas imputer à l'industriel ou à l'agriculteur une pollution dont il n'est pas responsable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 451, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, supprimer les mots :

et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due

II En conséquence, dans le même texte, remplacer les mots :

sont fixés

par les mots :

est fixé

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Faire une différence entre petits et gros pollueurs revient à nier une partie non négligeable des sources de pollution. C'est pourtant ce que l'on fait en fixant des seuils au-dessous desquels la redevance pour pollution de l'eau n'est pas due.

De telles dérogations nous semblent parfaitement injustifiées, surtout pour les pollutions industrielles, qui, si elles sont en baisse depuis ces vingt dernières années - et il faut saluer l'effort réalisé à cet égard ! -, concernent néanmoins la quasi-totalité des rejets à haute toxicité et, notamment, de métaux lourds. Il n'y a pas, dans ce cas, de petite pollution, l'atteinte à l'environnement commençant dès le rejet du premier kilo et même, parfois, des premiers grammes de polluants toxiques.

Des molécules de plus en plus complexes envahissent tous les secteurs d'activité, et même notre vie courante. Elles viennent s'accumuler dans le milieu naturel, en le contaminant et en détruisant son équilibre.

Rappelons que les atteintes répétées, même à faible dose, sur un même milieu, en un même lieu et sur une période donnée ont les mêmes conséquences qu'une pollution ponctuelle plus importante.

En ce sens, le principe d'un seuil relève à notre avis d'une conception erronée de la notion de pollution : le supprimer est donc une décision logique et de bon sens qui s'impose d'elle-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

La commission est hostile à la suppression de ce seuil, car son application n'induit pas une exonération totale de la redevance pour pollution de l'eau, mais permet aux personnes ou aux activités dont la pollution se situe en deçà du seuil d'être soumises à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

Dans ce cas, l'assiette de la redevance est le volume d'eau annuel facturé à l'abonné, ce qui permet d'alléger les procédures pour les petites activités.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Je précise que les seuils permettent avant tout de déterminer si les personnes relèvent de la redevance pour pollution d'origine non domestique ou de la redevance pour pollution d'origine domestique. En effet, le Gouvernement a souhaité éviter tout risque de double imposition.

Ainsi, toute personne, à l'exception des propriétaires d'immeubles à usage d'habitation, dont les activités entraînent le rejet d'un des éléments de pollution mentionnés au III du texte proposé pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, sont redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. Celle-ci est alors assise sur la pollution réelle mesurée ou évaluée. Dans ce cas, les personnes ne sont pas soumises à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

Au contraire, les personnes dont les activités entraînent une pollution, mesurée ou estimée, inférieure à ces seuils n'acquittent pas la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. Elles sont alors assujetties à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. Cette dernière est assise forfaitairement sur le nombre de mètres cubes d'eau annuel facturé à l'abonné du réseau public.

J'espère vous avoir ainsi rassurée, madame Didier, sur la portée de ces seuils et vous invite à retirer votre amendement, dont l'objet est très clairement pris en compte dans le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le ministre, je prends acte de ce que vous venez de me dire. Toutefois, je souhaite maintenir cet amendement, car il me semble poser un principe de base nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je n'ai pas été convaincu par l'argumentation de M. le ministre parce que, précisément, il y a vraiment une différence de traitement entre la pollution d'origine domestique et la pollution d'origine non domestique.

Autant il est nécessaire que la redevance soit calculée en fonction du niveau de la pollution rejetée, autant on ne voit pas pourquoi certains seraient assujettis, ne serait-ce que pour l'arrosage de leur gazon, alors que d'autres ne le seraient absolument pas.

Une telle différence de traitement ne me paraît pas recevable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 453, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer la troisième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Comme je l'ai précisé en défendant l'amendement n° 451, la notion de seuil est, pour nous, en totale opposition avec les objectifs de prévention des pollutions.

Aussi, en toute logique, après avoir proposé de supprimer la notion de seuil, nous proposons de supprimer également la colonne correspondante du tableau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Pour les mêmes motifs que précédemment, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Pour les mêmes raisons également, l'avis du Gouvernement est défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 616, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la deuxième colonne de la septième ligne du tableau constituant le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement, remplacer le tarif :

par le tarif

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La pollution par les nitrates, généralisée et endémique, coûte très cher à la collectivité. Il convient, en conséquence, de relever le plafond de la taxation maximale applicable sur ce paramètre de pollution.

Aujourd'hui, les zones vulnérables, c'est-à-dire celles où la concentration en nitrates est supérieure à 40 millilitres, représentent la moitié du territoire national. Or le traitement de ce type de pollution est particulièrement onéreux. Ainsi, le coût du seul traitement des nitrates de l'eau se situe entre 0, 15 et 0, 80 euro par mètre cube, d'après une estimation réalisée par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse sur la vallée de la Saône en 1995.

En Poitou-Charentes, on peut évaluer à 0, 38 euro par mètre cube le coût du traitement pratiqué par de grosses installations telles que les usines de dénitrification de Niort et de Thouars, dans les Deux-Sèvres, et de Surgères, en Charente-Maritime, ce qui représente entre 22, 87 euros et 85, 73 euros de surcoût par an et par ménage !

Le plafond de la taxe pour pollution de l'eau par rejet de nitrates doit donc être relevé afin d'inciter les pollueurs à une plus grande vigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

La commission des affaires économiques n'a pas souhaité revenir sur les tarifs figurant dans le tableau au III de l'article 37. Ils correspondent, en effet, aux taux qui sont pratiqués actuellement par les agences de l'eau et qui leur permettent de moduler leurs tarifs en fonction des spécificités propres à leur bassin.

En outre, le relèvement du tarif sur les nitrates pèserait fortement sur les industries agroalimentaires, ce que je ne crois pas souhaitable.

L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Cet amendement tend à augmenter de plus de 50 % le tarif maximum relatif à l'azote. Je suis naturellement très attentif à la qualité des eaux et aux risques de pollution. J'observe cependant que le relèvement proposé porterait surtout sur les activités industrielles, notamment, comme vient de le préciser M. le rapporteur, dans le secteur agroalimentaire.

Si l'on suivait les auteurs de cet amendement, on aboutirait à des tarifs très supérieurs à ceux qui sont pratiqués actuellement par les agences de l'eau, ce qui serait susceptible de modifier sensiblement l'équilibre économique des activités concernées.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre d'avoir précisé l'un et l'autre que ce relèvement du taux pèserait sur l'économie des entreprises agroalimentaires. Mais n'est-ce pas le but ? Il est évident que, si l'on veut faire payer ceux qui polluent, on doit faire payer notamment ces entreprises agroalimentaires, pour les inciter à trouver un autre mode de production, moins polluant.

Nous revenons ici au débat qui s'est engagé dès la discussion générale : ce texte heurte certains intérêts. Bien sûr, on veut améliorer la qualité de l'eau et protéger les milieux aquatiques, mais, dès qu'un lobby agroalimentaire pointe le nez, toute mesure devient trop contraignante...

Nous commençons à y voir plus clair, et cet article 37 n'a pas fini de nous surprendre !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 452, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les huitième à quatorzième lignes de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Comme je l'ai expliqué en présentant l'amendement n° 426, la fixation d'un taux plafond pour le calcul d'une redevance n'est pas, à elle seule, suffisante ; elle pourrait même aboutir à une absence totale de redevance pour certains des éléments toxiques énumérés dans le tableau.

Je préfère donc à un mécanisme aléatoire l'établissement d'une fourchette encadrant ce taux dans des limites raisonnables et évitant, de ce fait, des dérogations injustifiées.

Le tableau que je vous propose concerne les pollutions d'origine industrielle ; il autorise le relèvement des taux, mais permet également de pratiquer un abattement pour les industriels ayant installé un dispositif d'assainissement.

Tenir compte de l'incidence de la valeur de ces taux sur le comportement des industriels ainsi que de leurs efforts dans le traitement des effluents pollués constitue l'un des éléments d'une démarche de progrès indispensable au relèvement de la qualité des eaux et des milieux aquatiques.

Cet amendement, en contribuant à un meilleur équilibre dans l'établissement des redevances, va dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Nous voici donc revenus à ce fameux problème de fourchette !

Mes chers collègues, votre rapporteur n'est pas favorable à la définition d'un taux plancher, car la commission souhaite laisser une véritable marge d'appréciation aux agences.

Nous n'avons sans doute pas assez insisté sur le fait que les agences sont tout de même libres, fût-ce dans un cadre bien défini, d'apprécier les tarifs qu'elles doivent pouvoir appliquer pour chacun des éléments constitutifs de l'assiette de la redevance pour pollution d'origine non domestique tenant compte des caractéristiques de leur bassin.

C'est pourquoi les plafonds proposés dans le projet de loi sont fixés au double de la moyenne actuelle des tarifs pratiqués. D'ailleurs, et cela ne peut pas vous avoir échappé, si les agences avaient toutes fixé leurs taux aux niveaux plafonds, leurs ressources atteindraient le double de ce qu'elles sont. On voit donc que les agences utilisent la large marge d'appréciation qui leur est laissée.

Au surplus, je rappelle que, en dessous des seuils fixés dans le tableau, il y a non pas exonération mais transfert vers la redevance pour pollution d'origine domestique.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Comme je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement souhaite laisser une importante marge de manoeuvre aux comités de bassin et aux agences de l'eau pour qu'ils puissent s'adapter à la réalité du terrain et il préfère donc ne pas encadrer leurs tarifs dans des fourchettes resserrées.

Le Gouvernement émet, par conséquent, également un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 615, présenté par MM. Cazeau et Raoult, Mme Alquier, MM. Madrelle, Miquel, Vézinhet et Desessard, est ainsi libellé :

Après les mots :

les animaux

supprimer la fin du troisième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement.

La parole est à M. Paul Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

L'amendement a pour objet de revenir à une égalité de traitement entre élevage et culture.

D'un point de vue quasiment philosophique, je me demande si les élus, quels qu'ils soient, mais en particulier ceux qui sont assidus aux réunions des conseils d'administration des agences de l'eau ou des comités de bassin, sont réellement en mesure de vérifier le travail des fonctionnaires et des ingénieurs sur lequel ils fondent leurs décisions.

Je ne mets pas en doute la sincérité de ces personnes, mais quand je lis, dans l'article 37, que le tarif de la redevance sera fixé « par unité géographique cohérente », en tenant compte de « l'état des masses d'eau », des « risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines », des « prescriptions imposées au titre de la police de l'eau », des « objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux », je me pose des questions : qui va déterminer ces unités géographiques ? Qui va calculer les risques d'infiltration, et comment ?

Concrètement, lorsque vous siégez au conseil d'administration d'une agence de l'eau ou d'un comité de bassin, on met à votre disposition des cartes, que vous lisez, certes, mais sans pouvoir jamais vérifier la validité des zonages. Au bout du compte, on n'y comprend plus rien et nous avons d'autant plus de mal à expliquer à nos propres administrés que, d'un village à l'autre, avec tel découpage communal - il y a, par exemple, des communes de trois ou quatre kilomètres de long sur cinq cents mètres de large ! -, on ne paie pas la même redevance.

D'une certaine manière, nous sommes toujours dans un système opaque. Certes, on comprend bien la justification scientifique, technique, voire technicienne qui est à l'origine de la façon dont les agences ont été créées en 1964 : on a fait confiance aux grands ingénieurs bardés de titres et de références, sortant des grandes écoles. Mais nous, élus, comment pouvons-nous vérifier la validité du travail réalisé et la pertinence des zonages opérés ?

Telle est la question que je me pose, et que je me poserai toujours une fois que ce texte aura été voté. Voilà pourquoi je ne suis pas certain que nous ayons eu raison de rester dans ce carcan de critères que nous, élus, ne pouvons pas maîtriser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 454 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 655 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement, remplacer la référence :

8 500 kg

par la référence :

5 tonnes

La parole est à M. Bernard Vera, pour défendre l'amendement n° 454.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

En matière de redevance pour pollution de l'eau, une disposition spécifique est prévue pour les élevages. Pour ce type d'activité, l'élément d'assiette est alors l'azote oxydé épandable produit par les animaux. Aussi ce projet de loi prévoit-il un seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due. Ce seuil est fixé à 8 500 kilogrammes, ce qui correspond à environ cent UGB, ou unités de gros bétail. En dessous de ce seuil, la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique s'appliquerait.

Par le biais de cet amendement, nous souhaitons abaisser le seuil en dessous duquel la redevance pour pollution de l'eau n'est pas due par les élevages. Comme nous avons tenu à le préciser dans la discussion générale, les agriculteurs doivent, à nos yeux, continuer leurs efforts de responsabilisation dans ce domaine. Dans cette optique, nous vous proposons de fixer le seuil visé à 5 tonnes.

Notre amendement répond à un souci de rééquilibrage des participations des différents acteurs de l'eau et de cohérence avec les propositions que nous avons défendues jusqu'à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 655.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le seuil de 8 500 kilogrammes correspond à une exploitation d'environ cent vaches ou de cent vingt truies et ne concerne que 10 % à 15 % des élevages industriels qui sont à l'origine d'une pollution endémique des eaux.

Ce seuil nous paraît trop élevé ; il convient donc de l'abaisser afin que le dispositif puisse s'appliquer à un plus grand nombre d'élevages : le seuil de 5 tonnes d'azote oxydé épandable correspond à un cheptel bovin d'environ soixante têtes et à un cheptel porcin d'environ soixante-dix têtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je rappelle que, en dessous de ce seuil de 8 500 kilogrammes d'azote oxydé épandable, les exploitations relèveront du régime de la redevance pour pollution d'origine domestique, qui est assise sur le volume d'eau annuel facturé à l'abonné.

Ce seuil de 8 500 kilogrammes d'azote oxydé correspond à un élevage de cent UGB, soit le niveau actuellement retenu pour le calcul de la redevance pour pollution. Au-delà, une redevance particulière s'applique, au terme d'un calcul compliqué ; en deçà, la redevance est tout simplement assise sur le volume d'eau consommé.

En d'autres termes, et je voudrais que nous soyons bien d'accord sur ce point, le dispositif du Gouvernement protège en quelque sorte administrativement les petites exploitations. Car on ne peut pas aujourd'hui parler de grosse exploitation pour un cheptel de cent UGB. Certains soutiendront que ces exploitations sont encore trop grosses, mais on sait aujourd'hui que, à moins de cent UGB, les exploitations ne sont pas viables et sont donc, de toute manière, appelées à disparaître, si elles n'ont pas déjà disparu.

Encore une fois, ce mécanisme protège les petits exploitants de la « suradministration » et leur évite de perdre du temps en paperasses diverses.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques, qui est défavorable à l'amendement n° 615 ainsi qu'aux amendements identiques n° 454 et 655, préférerait qu'ils soient retirés.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Monsieur Raoult, l'abaissement du seuil de perception de la redevance pour les exploitations d'élevage serait de nature à augmenter de façon importante le nombre d'élevages soumis à des obligations déclaratives et à la redevance pour pollution non domestique. Qui plus est, cela conduirait le plus souvent à des montants inférieurs au seuil de perception.

Quant à la modulation des taux, qui serait supprimée si votre amendement était adopté, l'une des justifications majeures de l'intervention des agences de l'eau est d'inciter à la réduction des impacts sur le milieu aquatique afin de parvenir à un bon état écologique des eaux. Il est donc essentiel que la redevance puisse être plus élevée là où la reconquête de la qualité écologique des eaux nécessite des programmes plus importants.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 615.

Pour ce qui est des amendements n° 454 et 655, j'y suis naturellement, et pour les mêmes motifs, tout aussi défavorable.

Je précise que le seuil de 8 500 kilogrammes est en cohérence avec le seuil d'autorisation en matière d'installations classées. Par conséquent, il ne me paraît pas opportun de perturber tous ces seuils administratifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote sur l'amendement n° 615.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

J'espère que tout le monde ne croira pas M. le rapporteur quand il dit que les petites unités sont appelées à disparaître, car il en existe encore quelques-unes.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, les mécanismes de redevance s'accompagnant de programmes d'aide, on peut parfaitement aider les petites exploitations d'élevage à se mettre aux normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En fait, monsieur le rapporteur, vous semblez vouloir dire que toutes les exploitations qui comptent moins de cent têtes vont passer à l'agriculture bio et s'en sortiront mieux financièrement du fait qu'elles sont plus vertueuses ! Il s'agit donc là, en quelque sorte, d'un coup de pouce destiné à inciter les exploitations à passer au bio très rapidement.

Je tiens d'ailleurs à rappeler que la demande en produits bio est, en France, très importante et que l'offre nationale ne parvient pas à la satisfaire. Il nous faut donc importer des produits bio !

Autrement dit, on pollue alors qu'on pourrait produire autrement et, si l'on produisait autrement, on pourrait écouler plus facilement les produits : c'est tout de même un comble !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Mes chers collègues, je vous prie de m'excuser si je me suis mal exprimé. Ce que j'ai voulu dire, c'est que, étant donné les coûts de mise aux normes et la charge financière que cela représente pour les exploitations, il est vrai que bien peu nombreuses sont celles qui auront des successeurs. Le problème est là et, pour le vivre quasiment tous les jours, je sais, hélas ! de quoi je parle.

J'ajoute que notre pays doit effectivement importer des produits bio, mais que, malheureusement, on ne connaît pas, en France, d'exploitations authentiquement bio qui soient viables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C'était vrai il y a dix ans, mais ça ne l'est plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il n'est pas question ici d'engager une discussion sur le bio, mais je tiens à témoigner, monsieur le rapporteur, qu'il existe dans le Pas-de-Calais des exploitations complètement bio, qui bénéficient d'une assistance des chambres d'agriculture, de la FDSEA, et du GABNOR, le groupement des agriculteurs biologiques du Nord-Pas-de-Calais, et que les jeunes qui tiennent ces exploitations en vivent.

Il est vrai que le problème réside dans l'organisation de la filière de commercialisation, du producteur jusqu'à l'étal des magasins. Toutefois, je puis vous assurer qu'il existe aujourd'hui des exploitations orientées bio ou complètement bio qui sont viables, et je souhaite qu'on les soutienne, ne serait-ce que pour protéger les territoires des champs captants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les propos de M. le rapporteur s'agissant l'agriculture biologique ne peuvent manquer de nous surprendre.

Comme mon collègue Paul Raoult, je tiens à souligner qu'il existe aujourd'hui, en France, un certain nombre d'exploitations qui sont rentables grâce à l'agriculture biologique.

Je voudrais simplement attirer l'attention sur le fait que le bio bénéficie d'aides publiques très sensiblement inférieures à celles que reçoivent la plupart des exploitations relevant du régime conventionnel. Or, malgré ce handicap très lourd, ces entreprises ne sont pas déficitaires.

Par conséquent, il est permis de penser que, s'il y avait parité dans les aides publiques, le bio aurait en France un avenir tout à fait prometteur, ce que, malheureusement, les propos entendus aujourd'hui ne permettent pas d'envisager, et c'est bien dommage.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 455, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le cinquième alinéa () du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Le fait de tenir compte de l'état des masses d'eau dans le calcul de la redevance pour pollution soulève deux questions essentielles, celle de l'égalité des citoyens, d'une part, et celle de la préservation de la ressource en eau, d'autre part.

C'est un fait, l'état des masses d'eau est extrêmement variable selon les zones géographiques. Les différences liées aux activités humaines, d'élevage, de culture ou industrielles font que la situation n'est pas la même en Bretagne et dans les Alpes, c'est évident.

Cependant, ces différences ne doivent pas, selon nous, conduire à une différence de traitement entre les citoyens. L'usager domestique n'a pas à faire les frais d'une situation découlant, notamment, d'une politique agricole dans laquelle il ne porte aucune responsabilité.

Enfin, la préservation de la ressource en eau et l'amélioration de la qualité des eaux potables passent obligatoirement par une prise de conscience collective - j'insiste sur ce terme -, entraînant un changement radical des comportements individuels dans l'ensemble du pays. Il est, en effet, difficile d'admettre que l'on puisse adopter une attitude différente en fonction de son lieu de résidence.

Pour être efficace et durable, cette évolution des habitudes de consommation doit résulter d'un mouvement d'ampleur nationale. Il ne s'agit pas seulement d'une question de citoyenneté. Personne aujourd'hui ne peut se croire à l'abri d'une diminution de la ressource en eau ou de l'aggravation brutale de l'état chimique et biologique de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

La commission est défavorable à cet amendement, car elle est convaincue, au contraire, de la nécessité de pouvoir définir des taux de redevance variables selon l'état de la ressource en eau ; à vrai dire, tel est précisément l'objet de la redevance.

Il s'agit d'inciter à des comportements collectifs plus vertueux là où cela se révèle le plus nécessaire. Dès lors que cette différenciation repose sur des critères objectifs fixés par la loi, il n'y a pas atteinte au principe d'égalité.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

L'une des justifications majeures de l'intervention des agences de l'eau est, je l'ai dit tout à l'heure, d'inciter à la réduction des impacts sur le milieu aquatique afin d'atteindre un bon état écologique des eaux. Il est donc essentiel que la redevance puisse être plus élevée là où la reconquête de la qualité écologique des eaux nécessite des programmes plus importants.

Le fait que les taux de redevance soient plus ou moins élevés en fonction de l'état des eaux me paraît en rapport direct avec l'objectif de la loi et n'est pas contraire au principe d'égalité, lequel ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soient traitées différemment.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 654, présenté par MM. Cazeau et Raoult, Mme Alquier, MM. Madrelle, Miquel, Vézinhet et Desessard, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa () du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° - Pour les cultures, la redevance est calculée à partir de la déclaration des intrants

La parole est à M. Paul Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Cet amendement répond également à notre souci d'établir une égalité de traitement entre l'élevage et la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je me suis déjà exprimé longuement sur le problème de la taxation des engrais, laquelle, j'en suis convaincu, n'aurait pas d'effet positif sur la qualité de l'eau.

C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Comme j'ai eu l'occasion de le dire au début de ce débat, une redevance sur les nitrates ne constituerait pas la réponse adéquate. Il est, me semble-t-il, préférable de favoriser les bonnes pratiques agricoles.

Les nouvelles contraintes résultant de la réforme de la politique agricole commune seront, nous le savons, lourdes de portée : conditionnalité et découplage des aides modifieront les comportements agricoles et favoriseront les pratiques extensives.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il s'agit là d'un débat récurrent. Cela étant, je voudrais tout de même insister sur l'idée suivante : s'il est vrai que les agriculteurs paieront plus, en contrepartie ils recevront des aides beaucoup plus importantes à celles dont ils bénéficient aujourd'hui au titre des pratiques raisonnées auxquelles on voudrait les inciter.

Par conséquent, de l'argent sera certes pris aux agriculteurs, mais cet argent leur sera ensuite redistribué.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je voterai cet amendement. Sans doute pose-t-il des problèmes d'ordre technique, mais il est un élément essentiel qui doit être pris en considération en matière de pollution : la perception qu'en a l'opinion publique. Or, aujourd'hui, chacun sait bien que celle-ci est extrêmement sensible au problème des intrants, en particulier lorsqu'il s'agit de nitrates.

A l'évidence, en adoptant cet amendement, nous donnerions le sentiment très fort que nous luttons contre ce type de pollution qui, si elle n'est pas la seule, est incontestablement la plus redoutée par nos concitoyens.

A l'inverse, ne pas voter cet amendement, ce serait manquer l'occasion de montrer à nos concitoyens que nous attachons la plus grande importance à la qualité des eaux et que nous avons entendu leur message.

Vous le savez comme moi, mes chers collègues, au-delà de ses aspects techniques et juridiques, la loi a aussi une portée psychologique sur l'opinion publique.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 189 est présenté par Mme Gourault et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 385 rectifié est présenté par MM. Hérisson et Béteille.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement :

« Art. L. 213 -10 -3 - I. - Les services d'assainissement collectif et non collectif sont redevables de la redevance de pollution domestique et assimilée.

« II. - En ce qui concerne le service d'assainissement collectif, l'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel, diminuée de la pollution due aux industriels raccordés. Elle est composée des éléments mentionnés au III de l'article L. 213-10-2.

« Elle est déterminée :

« 1° Soit directement, à la demande de la collectivité compétente pour l'assainissement collectif, à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets par un système d'autocontrôle ou par un organisme agréé par l'agence de l'eau ; le contrôle porte à la fois sur le rendement épuratoire et la qualité des réseaux.

« 2° Soit indirectement, par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution domestique par habitant raccordé, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le gestionnaire du réseau collectif.

« Le niveau théorique de pollution domestique par habitant est calculé sur la base de grandeurs et de coefficients caractéristiques à partir de campagnes générales de mesures ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs.

« La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année.

« III. - Pour chaque élément constitutif de la pollution, le tarif maximum de la redevance due par le service d'assainissement collectif et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due sont fixés selon les modalités du paragraphe III de l'article L. 213-10-2.

« IV. - En ce qui concerne les services d'assainissement non collectif, l'assiette de la redevance due au titre de l'assainissement non collectif est le volume d'eau annuel facturé aux usagers de ces services. Elle correspond à la pollution résiduelle, évaluée forfaitairement, d'un système d'assainissement non collectif. L'exploitant du service public de distribution d'eau facture, en sus du prix de l'eau, le montant de cette redevance.

« V. - La redevance de pollution due au titre de l'assainissement collectif est perçue auprès de l'exploitant du service public d'assainissement collectif par l'agence de l'eau.

La redevance pour pollution domestique due pour un système d'assainissement non collectif est perçue auprès de l'exploitant du service public de distribution d'eau par l'agence de l'eau. Elle est exigible à l'encaissement de la facture d'eau.

La parole est à M. Christian Gaudin, pour présenter l'amendement n° 189.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

Les collectivités, à l'image des industriels, doivent pouvoir choisir, pour le calcul de la redevance, la mesure de la pollution plutôt que le forfait.

Il est en effet important de favoriser la réalisation d'audits complets des réseaux des collectivités. Nous disposons actuellement de moyens techniques suffisants pour procéder à une bonne évaluation d'un système d'assainissement.

Par ailleurs, on connaît avec précision les conséquences que peuvent avoir sur ces systèmes des événements tels les orages.

La redevance de pollution doit jouer un rôle incitatif tant pour les collectivités locales que pour les industriels. Ce sera le cas pour les collectivités qui interviendront sur les points faibles décelés par les audits.

Cet amendement tend aussi à ce que le texte satisfasse au principe d'égalité, auquel se réfère constamment le Conseil constitutionnel, à la Charte de l'environnement et à nos engagements européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Pierre Hérisson, pour présenter l'amendement n° 385 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Ces deux amendements trouvent leur origine dans une réflexion engagée par l'Association des maires de France. Comme il m'a été reproché naguère d'évoquer l'AMF dans cette enceinte, je ne sais pas si je suis autorisé à le faire. Je crois pourtant que cette honorable institution a aussi son mot à dire, surtout sur des domaines où les compétences ont été confiées par le législateur aux collectivités locales.

M. Christian Gaudin ayant expliqué précisément l'objet de cette proposition, je n'y reviendrai pas. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions vous entendre sur l'aspect technique et financier de cette question. Si vous êtes en mesure de nous apporter un certain nombre de garanties quant à l'application concrète du dispositif, je serai prêt à retirer mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 100, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Sont également redevables les usagers mentionnés à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

L'article L. 213-10-3 du code de l'environnement définit les règles d'établissement et de calcul de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. Il s'agit de tous les abonnés au service public de distribution d'eau, à l'exception des personnes redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique.

La commission suggère d'y ajouter les personnes mentionnées à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il est proposé par l'article 27 du projet de loi. Il s'agit d'usagers raccordés ou raccordables au réseau d'assainissement, mais qui n'effectuent pas leur prélèvement de distribution d'eau potable. Désormais, en application de l'article 27 du projet de loi, ils devront mettre en place un dispositif de comptage de cette eau prélevée ; sur cette base, les communes pourront les assujettir à une redevance d'assainissement.

Dans ces conditions, il apparaît logique que ces usagers soient également redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 511, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une personne dispose d'un forage pour son alimentation en eau, elle est tenue de mettre en place un dispositif de comptage de l'eau prélevée. L'assiette de la redevance est alors majorée par le volume d'eau ainsi prélevé.

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Cet amendement a pour objet de prévoir un dispositif de taxation des personnes qui disposent d'un forage pour leur alimentation en eau. A cet égard, il recoupe en partie l'amendement précédent.

Notre collègue Gérard Miquel, dans son rapport sur « la qualité de l'eau et de l'assainissement en France », a souligné que plusieurs milliers de forages étaient mis en place chaque année et qu'ils venaient s'ajouter au stock déjà existant évalué, en l'an 2000, à environ 80 000. Ce développement des forages présente donc un risque à la fois quantitatif, du fait des prélèvements effectués sur les nappes, et qualitatif en raison des possibles contaminations des nappes liées à ces forages.

Ces données me conduisent à vous proposer de soumettre les personnes disposant d'un forage à la redevance pour pollution, ainsi qu'à la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, qui fera l'objet d'un autre amendement.

Monsieur le ministre, ces mesures me paraissent nécessaires du point de vue tant de l'équité que de l'écologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 288, présenté par MM. Revet, Bailly, Grillot, Ginoux et Texier, Mmes Henneron, Rozier et Gousseau, MM. Juilhard, Bordier, Pierre et J. Boyer, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

En l'absence de ce comptage spécifique, l'assiette de la redevance des exploitants agricoles est fixée selon une consommation forfaitaire annuelle déterminée par arrêté préfectoral.

La parole est à M. Charles Revet.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

On le sait, les agriculteurs sont de gros consommateurs d'eau...

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

... lorsqu'ils font de l'élevage.

Il se trouve que certaines exploitations sont situées à proximité des canalisations d'assainissement. S'il est normal que, pour la part domestique, ces agriculteurs soient assujettis à la redevance d'assainissement, il serait incohérent de les assujettir pour la part utilisée à l'abreuvement des animaux, qui ne va pas au réseau d'assainissement et donc à la station d'épuration.

Par ailleurs, il n'est pas facile de mettre en place un comptage spécifique pour l'eau destinée aux animaux et l'installation d'un tel système pourrait s'avérer très coûteuse.

Nous proposons donc d'établir, comme cela a existé, un forfait pour la consommation domestique. Celui-ci serait fixé par un arrêté préfectoral.

Monsieur le ministre, nous demandons que cette précision soit introduite dans le projet de loi pour éviter certaines situations délicates. En effet, un agriculteur a reçu récemment une facture de l'entreprise délégataire - à la suite, semble-t-il, d'une instruction de l'agence concernée - lui réclamant le paiement intégral de l'ensemble des mètres cubes d'eau utilisés, que l'eau soit destinée à son usage domestique ou à son exploitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je peux vous communiquer les éléments du dossier ! En tout cas, je peux vous assurer que cet agriculteur m'a interpellé, alors que nous visitions une installation d'assainissement, en me montrant le courrier qu'il avait reçu.

Ce qui va sans le dire va mieux en le disant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 427 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 625 est présenté par MM. Marc, Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

0, 5 €/m3

par les mots :

0, 3 €/m3

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 427.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Les différentes redevances liées à l'eau font de l'usager domestique le principal contributeur. Responsable en moyenne de 20 % de la pollution de l'eau, il participe néanmoins à 85 % du financement de la redevance pour pollution.

Je ne conteste évidemment pas le fait que la redevance consacrée à la pollution des eaux se justifie par la dégradation constante de la disponibilité et de la qualité des eaux potables, ainsi que par la nécessité, dans certaines zones géographiques, de traitements spécifiques.

Mais cette répartition des charges financières au détriment des usagers apparaît immédiatement disproportionnée, et surtout profondément injuste. En outre, elle va totalement à l'encontre du principe pollueur-payeur, qui voudrait, en toute logique, que l'on fasse payer à chaque utilisateur sa part de responsabilité réelle dans les émissions polluantes affectant les ressources en eau.

Il ne s'agit pas pour nous de mettre en exergue, au nom de l'urgence environnementale, la responsabilité des agriculteurs en leur faisant subir brutalement une hausse importante de leur participation, ni de montrer du doigt une profession prisonnière d'une situation qu'elle ne peut maîtriser à elle seule. Il s'agit surtout de réduire des inégalités criantes face au prix de l'eau, par des mécanismes d'ajustement appropriés et étalés dans le temps.

C'est pour cette raison que les mesures incitatives et les dispositifs répressifs doivent obligatoirement s'accompagner de mesures de justice. C'est par la justesse et l'équilibre de l'ensemble de ces mécanismes que tous les utilisateurs pourront être, sur le long terme, les bénéficiaires de la baisse des niveaux effectifs de pollution et, par conséquent, de la diminution des taxes et redevances y afférentes.

L'amendement que nous présentons tend à introduire l'une de ces mesures de justice et représente un pas vers un rééquilibrage des contributions. Il s'agit de réduire la participation des usagers domestiques en ramenant le plafond de la redevance pour pollution de l'eau de 0, 5 euro par mètre cube à 0, 3 euro par mètre cube.

Tendre vers une participation plus équitable du consommateur : tel est l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 625.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il s'agit en effet d'opérer un rééquilibrage concernant les redevances payées par les différentes catégories de redevables. En l'occurrence, nous avons le sentiment qu'il faut se fixer un objectif dans le temps et qu'il faut tendre progressivement vers ce but. Si aucun signal n'est d'ores et déjà donné, rien ne changera !

Il nous paraît donc important, au moment nous discutons ce projet de loi sur l'eau, qui est une étape décisive dans le processus amorcé depuis déjà trente-cinq ans d'indiquer que le législateur souhaite impérativement que ce rééquilibrage soit effectué. Nous souhaitons vivement que le Sénat puisse donner ce signal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 456, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa () du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Cet amendement s'inscrit, comme les précédents, dans un souci d'égalité et de préservation de la ressource. Il ne nous paraît pas souhaitable d'opérer une distinction selon l'état des masses d'eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 101, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, par un paragraphe ainsi rédigé :

« V. - Lorsqu'un dispositif permet d'éviter la détérioration de la qualité des eaux, une prime est versée au maître d'ouvrage public ou privé de ce dispositif ou à son mandataire. Elle est calculée en fonction de la quantité de pollution d'origine domestique dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité. La prime peut être modulée pour tenir compte du respect des prescriptions imposées au titre d'une police spéciale relative à l'eau.

« De même, une prime est versée aux communes ou à leurs groupements au titre de leurs compétences en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif. Le montant de cette prime est fixé à un montant au plus égal à 80 % du montant des redevances pour pollution domestique versées par les abonnés non raccordables à un réseau d'assainissement collectif en fonction des résultats du contrôle et de l'activité du service qui en a la charge.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements qui n'émanent pas d'elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

L'article 35 du projet de loi précise, à l'article L. 213-9-2 du code de l'environnement, relatif aux modalités d'intervention des agences de l'eau, que celles- ci peuvent attribuer des concours financiers sous forme de primes de résultats.

L'amendement n° 101 vise à expliciter ce mécanisme de primes pour épuration, qui s'inspire du dispositif actuellement prévu par l'article 6 de l'arrêté du 28 octobre 1975, modifié par l'arrêté du 23 décembre 1996, tout en prenant désormais en compte l'assainissement non collectif.

J'en viens aux avis de la commission sur les autres amendements.

Les amendements identiques n° 189 et 385 rectifié, qui visent à définir le calcul de la redevance pour pollution d'origine domestique par rapport à la mesure de la pollution annuelle rejetée, sont certes satisfaisants sur le plan intellectuel. On peut toutefois s'interroger sur la faisabilité de la mesure de la pollution à travers le suivi régulier de l'ensemble des rejets des stations d'épuration.

En outre, on peut se demander s'il est opportun de prévoir d'emblée un calcul de la redevance pour pollution domestique différent selon qu'il s'agit d'assainissement collectif ou d'assainissement non collectif. La commission s'en remet donc, sur ces deux amendements, à la sagesse du Sénat.

L'amendement n° 511 est complémentaire de l'amendement n° 100 de la commission et de la disposition introduite à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales par l'article 27 du projet de loi. La commission y est donc favorable.

L'amendement n° 288 tend à autoriser la détermination de l'assiette de la redevance des exploitations agricoles sur une base forfaitaire, en l'absence d'un comptage spécifique des volumes d'eau utilisés pour les animaux.

Ce dispositif est vraiment trop favorable et n'incite pas à une gestion prudente de la ressource.

Par ailleurs, monsieur Revet, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je pense que le cas particulier que vous avez évoqué me paraît relever plus d'une discussion franche avec l'administration ou devant les tribunaux que d'une loi.

Par conséquent, la commission souhaite que vous retiriez cet amendement, mais je ne doute pas que les explications complémentaires que ne manquera pas de vous apporter M. le ministre seront de nature à vous convaincre.

En ce qui concerne les amendements identiques n° 427 et 625, la commission y est défavorable, car elle ne souhaite pas remettre en cause les équilibres proposés par le projet de loi. Il s'agit, là encore, de plafonds que les agences ne sont pas obligées d'utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Il existe un plancher ; simplement, il est à zéro !

La commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 456.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Actuellement, le dispositif de la redevance pour pollution domestique est très complexe et pose des problèmes d'opacité et d'iniquité. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé une remise à plat du système.

Les amendements n° 189 et 385 rectifié, qui visent à distinguer une redevance pour l'assainissement collectif et une autre pour l'assainissement non collectif, avec des assiettes différentes, complexifient encore la redevance pour pollution domestique. Aussi cette distinction va-t-elle à l'encontre de la volonté d'inscrire l'assainissement non collectif comme une solution technique à part entière, au même titre que l'assainissement collectif.

Par ailleurs, il me semble important que les usagers soient assujettis à la redevance quel que soit leur mode d'assainissement. Une prime pour épuration est versée aux services publics d'assainissement collectif et non collectif, venant alors alléger les charges du service.

Dans la pratique, les réseaux d'assainissement collectif sont très étendus et complexes, en partie séparatifs mais souvent unitaires, regroupant eaux usées et eaux de pluies, avec la présence de déversoirs d'orages, d'eaux parasites et de fuites de réseau. Les réseaux génèrent ainsi une pollution importante, indépendamment de celle qui est rejetée par la station d'épuration et beaucoup plus difficilement mesurable.

Je suis d'accord avec les auteurs de ces deux amendements sur la nécessité d'améliorer la connaissance réelle de l'efficacité des réseaux. Cette incitation est d'ailleurs prévue dans le cadre des primes pour épuration qui seront versées aux collectivités, et je suis attaché à l'encourager.

Toutefois, la mesure réelle et exhaustive de toutes les sources de pollution liées aux réseaux d'assainissement collectif qui est proposée n'est pas réalisable à court terme. L'adoption de ces amendements aboutirait, de fait, à réaliser des calculs forfaitaires compliqués, pour aboutir in fine à des tarifs au mètre cube d'eau prélevée, ce qui est prévu dans le projet de loi. En revanche, au contraire de ce qui est prévu, ces tarifs seraient différents d'une commune à l'autre, différents entre l'assainissement collectif et non collectif, sans lien avec l'impact réel de la pollution. C'est bien d'ailleurs le problème posé actuellement aux agences de l'eau.

C'est la raison pour laquelle, après ces explications, je souhaite que les amendements n° 189 et 385 rectifié soient retirés. Dans le cas contraire, je serais dans l'obligation d'émettre un avis défavorable.

Je suis favorable à l'amendement n° 100, car tous les usagers raccordés ou raccordables aux réseaux d'assainissement doivent contribuer à la redevance pour pollution domestique, que l'eau prélevée provienne du réseau public ou d'autres sources.

Madame le rapporteur pour avis, les prélèvements d'eau opérés pour l'alimentation en eau engendrent en effet une pollution domestique, que l'eau provienne du réseau public ou d'un forage particulier. Mais, dans la pratique, il sera assez difficile pour l'agence de l'eau ou le distributeur de vérifier ces assiettes. Toutefois, compte tenu de l'intérêt que le rapporteur a exprimé pour votre amendement n° 511, j'émets un avis favorable.

Monsieur Revet, il me paraît indispensable, au regard du principe d'égalité devant l'impôt, que les volumes qui sont utilisés pour l'abreuvement des animaux soient pris en compte pour le calcul de la redevance pour pollution domestique soient comptabilisés.

De plus, votre amendement n° 288 introduit un régime dérogatoire pour toute exploitation agricole, qu'il s'agisse ou non d'élevage.

Votre amendement conduirait à ce que les agriculteurs, en tant qu'usagers domestiques, soient progressivement tous au forfait. Au titre de l'égalité devant l'impôt, les autres usagers domestiques pourraient exiger d'être également au forfait, ce qui modifierait totalement l'esprit de la redevance pour pollution domestique.

Monsieur le sénateur, je propose d'examiner le cas particulier que vous avez évoqué et qui semble à l'origine de votre amendement, afin de voir s'il n'est pas en contradiction avec les textes et comment il est possible de le résoudre. Mais je ne pense pas qu'il faille modifier le texte de loi à partir d'une difficulté particulière. Nous donnerions là un très mauvais signe par rapport à l'objectif de la loi, qui est le bon état écologique des eaux.

Je vous demande donc de retirer l'amendement n° 288.

Les amendements identiques n° 427 et 625 visent à baisser le taux de redevance pour pollution domestique. Les agences de l'eau doivent mettre en place un programme d'ampleur en matière de dépollution, particulièrement en matière d'eaux résiduaires urbaines. Il importe donc que ces agences aient des moyens suffisants pour aider les collectivités.

De plus, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, il faut laisser aux comités de bassin une marge d'adaptation aux réalités locales.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.

Par cohérence avec la position que j'ai prise sur la suppression de la modulation en fonction de l'état des masses d'eau, qui concernait la redevance pour pollution non domestique, je suis également défavorable à l'amendement n° 456, qui concerne la redevance pour pollution domestique.

L'amendement n° 101 vise à réintégrer dans la partie redevance les primes pour épuration. Pour la pollution domestique, la redevance est assise sur le volume d'eau prélevée. Une partie de la pollution ainsi générée est retirée par les stations d'épuration ou par les dispositifs contrôlés d'assainissement non collectif. L'agence verse des primes pour tenir compte de cette pollution retirée.

Monsieur le rapporteur, je suis donc favorable à votre amendement, qui précise le mode de calcul desdites primes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur Gaudin, acceptez-vous de retirer l'amendement n° 189, comme l'a souhaité M. le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

M. le ministre a apporté quelques éléments intéressants. L'application de cet amendement poserait un certain nombre de problèmes, je le conçois.

En déposant cet amendement, nous voulions montrer combien il est important de porter attention à la nature des effluents de station, notamment pour les collectivités. Vous apportez un début de réponse avec la prime versée aux collectivités.

Je souhaite que l'on aille plus loin dans l'analyse du niveau de pollution des effluents, même si cette analyse est difficile à réaliser dans le cas des réseaux unitaires.

Cela dit, le débat ayant été ouvert, j'accepte de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur Hérisson, acceptez-vous également de retirer votre amendement n° 385 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les amendements identiques n° 189 et 385 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 100.

L''amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote sur l'amendement n° 511.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je voterai cet amendement, dont l'esprit est très bon. Toutefois, il me semble qu'il y manque une précision.

Dès lors qu'un forage est situé sur une propriété privée, comment vérifier le comptage si le propriétaire refuse l'accès à son compteur, comme il en a le droit ? Parce que nous ne sommes plus dans le cas d'un abonné qui, signant un contrat avec une société distributrice, accepte par là même la vérification du compteur !

A quoi sert-il d'obliger un propriétaire qui a fait creuser un puits à mettre en place un compteur si l'on ne précise pas que la vérification de ce compteur devra être effectuée par une autorité spécifiée ou désignée ultérieurement par le préfet ?

Je suis tout à fait favorable à l'amendement, mais il me paraît indispensable de le compléter par une précision qui rendrait cette disposition effectivement applicable, faute de quoi elle donnera nécessairement lieu à des contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

L'amendement vise la personne disposant d'un forage pour « son alimentation en eau ». S'agit-il d'une alimentation en eau destinée à un usage domestique, c'est-à-dire une eau considérée comme potable ? S'agit-il, au contraire, d'une alimentation en eau destinée à un usage non domestique, c'est-à-dire une eau non potable destinée, par exemple, à l'arrosage de jardins ? Sur les bords de la Loire ou du Cher, par exemple, on privilégie souvent cette technique pour ce type d'utilisation, précisément pour éviter d'utiliser de l'eau potable, qui doit faire, elle, l'objet d'un traitement.

J'aimerais obtenir des précisions à cet égard, car nous aurons quelques soucis si l'on impose la mise en place de compteurs pour des forages situés en zone urbaine et destinés à l'arrosage de jardins et notamment de « jardins ouvriers » !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Mon explication de vote va dans le même sens que celle de mes collègues.

Permettez-moi de vous citer le cas d'un habitant de ma région, qui a installé un dispositif de forage voilà des années pour ses besoins domestiques et qui demande aujourd'hui l'assainissement. Sur quoi va-t-on s'appuyer pour facturer l'assainissement collectif, alors qu'il ne possède aucun compteur d'eau ?

Je suis très favorable à l'amendement de Mme Keller, mais il faut trouver les moyens pratiques de procéder aux vérifications nécessaires. Vous avez dit qu'il serait difficile, dans la pratique, de vérifier l'assiette de la redevance, mais il s'agit pourtant d'un problème important. Monsieur le ministre, l'examen de ce texte en deuxième lecture sera, me semble-t-il, l'occasion d'y revenir. C'est une question de cohérence par rapport aux habitants d'une même commune !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En commission des finances, j'avais voté cet amendement, car il est parfaitement justifié, même s'il pose des problèmes d'application sur le plan pratique.

Je voudrais rassurer Mme Beaufils : pour arroser son jardin, plutôt que de faire un forage dans le sol, il me semble plus astucieux de revenir aux pratiques anciennes de rétention des eaux pluviales par le biais d'instruments adaptés, d'autant que, comme M. César, une demande en entraîne une autre et que les forages sont une source de pollution. Or les conséquences financières de cette pollution pèseront sur tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Je suis plutôt favorable à cet amendement, d'autant que nous constatons d'autres anomalies.

De plus en plus d'agriculteurs font des forages. Dans les petites communes, cela se traduit par une baisse très importante de la consommation, laquelle est finalement payée par les autres !

Par ailleurs, semble-t-il sur les conseils de leur chambre d'agriculture, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César. Ne critiquez pas les chambres d'agriculture, mon cher collègue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

C'est ainsi que le problème m'a été présenté !

Sur les conseils de leur chambre d'agriculture, donc, des agriculteurs se tournent vers le syndicat de distribution pour demander confirmation de l'existence d'une station d'épuration. Vous vous en doutez, leur objectif est, lorsque leurs têtes de bétail sont en nombre suffisamment faible, au moins de ne pas procéder à une mise aux normes de leur exploitation, sachant que c'est la station d'épuration qui récupère les eaux blanches !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Il n'existe aucun prélèvement sur la distribution d'eau, aucun paiement de cette eau, aucune taxe de pollution, mais on nous demande de dépolluer pour le compte de...

Il est donc nécessaire de trouver une solution pour faire payer tout le monde.

Enfin, je me permettrai de répondre à M. Fortassin. Dans bon nombre de cas, les compteurs sont sur le domaine privé, et nous avons toujours trouvé une solution. Il doit donc être possible d'adapter la règle pour les forages.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

On ne s'étonnera pas du soutien que j'apporte à l'amendement de Mme Keller.

Différents orateurs ont souligné les difficultés pratiques que posera peut-être son application, mais je crois qu'il était important de rappeler, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, que les redevances sont le moyen de faire vivre la solidarité. Or, certains usagers sortent du périmètre de la solidarité en procédant à des forages de plus en plus profonds dans les nappes phréatiques. Il est évident que de telles pratiques, si elles venaient à se développer, mettraient au moins partiellement en échec les dispositions prévues dans le présent projet de loi.

Par conséquent, en adoptant cet amendement, nous poserons un principe général. Comme l'a dit M. César, la navette devrait nous permettre de trouver des modalités plus adaptées. Il conviendra sans doute de fixer une profondeur à partir de laquelle la redevance sera due et de régler les problèmes d'ordre juridique relatifs à la déclaration d'un forage et aux nécessaires vérifications du comptage.

Sur le fond, il s'agit d'une belle et nécessaire contribution à la solidarité. Sans cette disposition, le dispositif de redevance perdrait de sa pertinence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Mon propos ira dans le sens des interventions de MM. Biwer et Arthuis.

La logique générale du dispositif vise à assujettir à la redevance toutes les personnes qui prélèvent sur la ressource en eau et qui alimentent les systèmes d'épuration.

Mme Esther Sittler a évoqué tout à l'heure la situation du syndicat des eaux qui gère sa commune, dans lequel le volume d'eau prélevé diminue alors que le volume d'eau traité ne cesse d'augmenter. La charge du traitement et de la bonne gestion de l'eau se trouve ainsi concentrée sur un nombre réduit de contribuables.

Chacun d'entre nous est soucieux de la cohérence du dispositif. Le prix de l'eau a augmenté et il continuera peut-être à le faire. Au fur et à mesure que les prix grimpent, les tentations de forer, de se « débrouiller tout seul », se font plus fortes. Il est donc important, même si le système n'est pas parfait, d'essayer d'encadrer ce processus en prévoyant une obligation de déclaration et de ne pas favoriser des pratiques qui seraient contraires à ce qui est recherché à travers ce projet de loi.

Je vais compléter mon argumentation par des données techniques.

Tout d'abord, le texte proposé par l'article 27 du projet de loi pour l'article L. 2224-12-5 du code des collectivités territoriales dispose : « Un décret fixe les conditions dans lesquelles il est fait obligation aux usagers raccordés ou raccordables au réseau d'assainissement d'installer un dispositif de comptage de l'eau. » Cet article pose le principe de la redevance, même s'il s'agit là d'une redevance communale.

Par ailleurs, à l'article 38, dans la sous-section 4 « Obligations déclaratives, contrôle et modalités de recouvrement », il est prévu que « les contribuables déclarent à l'agence de l'eau les éléments nécessaires au calcul des redevances » et, plus loin, que « l'agence de l'eau contrôle l'ensemble des éléments permettant de vérifier l'assiette des redevances ».

Pour protéger l'usager, un amendement de la commission des finances prévoit que les personnes qui sont chargées des contrôles sont soumises à la confidentialité.

Cette disposition répond à l'une de vos préoccupations, monsieur Fortassin. Aujourd'hui déjà, le contrôleur entre dans l'espace privé. Ce sera encore plus vrai demain. En entrant dans une propriété privée, il peut avoir accès à des informations sans rapport avec sa mission. Il faut donc protéger les personnes.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments complémentaires que je tenais à porter à votre connaissance pour éclairer votre vote.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je note que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Monsieur Revet, l'amendement n° 288 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cet amendement me paraît relever du bon sens, mais peut-être me suis-je mal exprimé.

Il ne s'agit pas d'exonérer les agriculteurs de la redevance d'assainissement pour la part domestique. Il ne s'agit pas davantage de les inciter à ne pas s'équiper d'un compteur ; chaque fois qu'il est possible d'installer un compteur afin de distinguer la consommation de l'exploitation et la consommation domestique, il faut le faire. Il ne s'agit pas non plus d'une incitation à recourir au forfait.

Monsieur le ministre, je ne voudrais pas que mon amendement ait un effet contraire à celui que je recherche. Les forfaits existent !

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Dans mon département, le préfet a pris un arrêté précisant qu'en cas d'absence de compteur on retient une consommation forfaitaire de 120 mètres cubes. Il en résulte bien souvent que l'usager paie plus que s'il payait sa consommation réelle.

Que fera-t-on lorsqu'il est manifestement impossible d'installer un second compteur ? Laissera-t-on, comme dans le cas que j'ai cité tout à l'heure, une personne zélée décider que l'usager est taxé sur l'intégralité de sa consommation ? Ce serait absurde !

Monsieur le ministre, les usagers qui ne peuvent pas avoir de second compteur sont beaucoup plus nombreux qu'on le pense. Si vous m'apportez une réponse, je retirerai mon amendement. Peut-être cette question sera-t-elle réglée lors de la deuxième lecture. En tout état de cause, il faut prendre l'engagement de traiter ces situations spécifiques, que l'on trouve au demeurant dans tous les départements.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Monsieur Revet, nous parlons ici, je le rappelle, du réseau d'eau potable. Il n'y a pas de raison que la pose d'un compteur soit impossible. En revanche, il y a, avec votre amendement, un risque d'encourager les agriculteurs à ne pas avoir de compteur. Je ne vous cache pas que c'est ce qui m'inquiète le plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur Revet, je vous interroge de nouveau : l'amendement est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Non, je le retire, monsieur le président, mais il faudra trouver une solution lors de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 288 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques n° 427 et 625.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 102, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement :

« La redevance est assise sur le volume d'eau retenu, avant application d'abattements éventuels, pour le calcul de la redevance d'assainissement mentionnée à l'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales. La redevance pour modernisation des réseaux de collecte n'est pas due lorsque les eaux usées de l'établissement sont transférées directement à la station d'épuration de la collectivité par un collecteur spécifique dont l'établissement a supporté le coût de cet ouvrage.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

S'agissant des modalités du calcul de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte qui sera applicable aux industries, le projet de loi retient, pour l'assiette, les volumes d'eau déversés dans les réseaux. Cela posera des problèmes dans les établissements qui ne sont pas équipés pas de dispositifs de mesures en continu.

C'est pourquoi nous proposons que l'assiette de la redevance soit calculée à partir du volume retenu pour le calcul de la redevance d'assainissement et d'épuration des eaux usées, c'est-à-dire le volume d'eau potable consommé. Il ne sera pas tenu compte des coefficients d'abattement pouvant être définis par la collectivité par tranche de volume pour le calcul de la redevance d'assainissement.

Cet amendement exclut par ailleurs du paiement de la redevance les établissements ayant réalisé à leurs frais un collecteur spécifique permettant d'acheminer les effluents industriels directement vers la station d'épuration, ce qui constituera une incitation à développer ces réseaux spécifiques qui permettent d'assurer une meilleure efficacité de l'épuration.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

L'assiette qui est proposée pour la redevance de collecte est cohérente avec le calcul de la redevance d'assainissement et d'épuration des eaux usées. Elle tient également compte du cas des établissements ayant réalisé à leurs frais un collecteur spécifique permettant d'acheminer les effluents industriels directement sur la station d'épuration.

Je suis donc favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 618, présenté par M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement :

« Son taux est fixé dans la limite d'un plafond de 0, 2 €/m3 jusqu'en 2008, 0, 25 €/m3 jusqu'en 2010 et 0, 3 €/m3 jusqu'en 2012.»

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise à aligner le taux de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte à laquelle seront désormais assujettis les industriels sur le taux appliqué aux usages domestiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 457, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement :

« Son taux est fixé par l'agence de l'eau dans une fourchette allant de 0, 10 à 0, 20 euro/m3.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Cet amendement vise à redéfinir les conditions de fixation du taux de redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

Telles qu'elles sont énoncées dans le projet de loi, ces conditions sont contraires aux objectifs affichés.

D'abord, assujettir le taux au besoin de financement du programme d'intervention nous expose à des risques de variation importante selon l'ambition du programme et le lieu d'habitation, ce qui va à l'encontre du principe d'égalité. Le consommateur doit pouvoir bénéficier d'une certaine stabilité des prix.

Ensuite, en définissant une limite supérieure et en posant le principe d'un tarif dégressif, elle n'encourage pas la préservation de la ressource en eau. Plus de rejets, c'est aussi plus de consommation. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, un tel système de tarification n'est pas de nature à encourager des habitudes d'économie de la ressource.

Je propose donc que ce taux soit fixé par l'agence de l'eau dans une fourchette allant de 0, 10 à 0, 20 euro par mètre cube.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 103, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement, après les mots :

taux de la redevance pour

insérer les mots

modernisation des

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

C'est un amendement de précision, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 410, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Lors du débat sur la question orale relative à la gestion des déchets nucléaires, j'ai salué la présence de M. le ministre de l'écologie. Au-delà du plaisir de revoir M. Lepeltier, il m'a semblé très intéressant que l'écologie se voie ainsi mobilisée quel que soit le secteur d'activité en cause.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Face aux contraintes environnementales de toutes sortes - pénurie des ressources naturelles, réchauffement climatique, pollution des eaux, des sols, de l'air, pollutions sonores, visuelles, etc. - il n'est plus possible de continuer comme par le passé, comme si de rien n'était.

Il faut donc changer nos modes de production industrielle et agricole ainsi que nos modes de consommation, car les uns et les autres sont liés. Il faut intégrer le paramètre environnemental dans chaque secteur industriel et économique. Désormais, il ne faut plus dire plus dire : prenons telle mesure parce qu'elle est bonne pour l'économie, et nous veillerons ensuite à réparer les dégâts écologiques. Il faut concevoir la contrainte environnementale comme n'importe quelle contrainte économique.

En l'occurrence, l'eau est une ressource rare. Il importe de ne pas en diminuer le coût. C'est pourquoi il faut supprimer la dégressivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

S'agissant des amendements n° 618 et 457, il convient de rappeler que la redevance pour modernisation des réseaux de collecte se substitue à l'application du coefficient de collecte sur la redevance pour pollution, à laquelle échappaient les industriels raccordés.

L'assujettissement des industriels à la redevance pour modernisation de réseaux de collecte constitue déjà une avancée notable sur le plan de l'équité et il est hors de question de leur imposer brutalement des tarifs trop importants.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

En ce qui concerne l'amendement n° 410, je dirai qu'un tarif dégressif me semble se justifier du fait de l'usage économique de l'eau par les industriels et en raison des volumes transportés.

C'est pourquoi la commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Il est effectivement souhaitable que les industriels raccordés à un réseau de collecte participent aux efforts de modernisation des réseaux. Je rappelle que, à l'heure actuelle, les pratiques relatives au coefficient de collecte ne leur sont pas applicables.

Toutefois, on comprend bien que les branchements industriels correspondent généralement à des débits beaucoup plus élevés, par rapport à la longueur des canalisations, que ceux des zones de collecte urbaine. Cela justifie que les tarifs soient adaptés à ces caractéristiques particulières.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 618.

Pour les mêmes raisons, il est également défavorable à l'amendement n° 457.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 103, qui est rédactionnel.

Il est défavorable à l'amendement n° 410, car il estime qu'il faut maintenir la dégressivité des tarifs.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 104, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-6 du code de l'environnement :

Les collectivités ou établissements publics maîtres d'ouvrages des réseaux publics d'assainissement collectif...

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement qui apporte effectivement une précision utile.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 289, présenté par MM. Revet, Bailly, Grillot, Ginoux et Texier, Mmes Henneron, Rozier et Gousseau, MM. Juilhard, Bordier, Pierre et J. Boyer, est ainsi libellé :

A - Rédiger comme suit le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement :

« I - Toute personne fabriquant ou important les produits phytosanitaires à usage agricole mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural est assujettie à une redevance pour pollutions diffuses.

B - Rédiger comme suit les III et IV du même texte :

« III - Un taux de redevance unique inter agences est fixé dans la limite de 1, 2 € en fonction des teneurs des eaux des bassins en résidus phytosanitaires.

« IV - La redevance est exigible lors de la vente au distributeur. Les fabricants ou importateurs mentionnés au I font apparaître le montant de la redevance qu'ils ont acquittée au titre du produit fabriqué ou importé sur leurs factures. Ils tiennent à la disposition des agences de l'eau un registre des destinataires de ces factures et des montants de redevance correspondants »

La parole est à M. Charles Revet.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cet amendement vise deux objectifs.

D'une part, il s'agit de simplifier la perception auprès des fabricants des redevances sur les produits fabriqués.

D'autre part, il s'agit d'inciter les fabricants à élaborer des produits qui soient le moins polluants possible en faisant que la taxe s'applique dès le stade de la fabrication, tant il est vrai que l'utilisateur ne consomme jamais que ce qu'on lui vend.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

J'entends bien que d'autres aspects doivent être pris en compte et j'écouterai donc attentivement les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre à ce sujet, mais nous souhaitons, à travers le dépôt de cet amendement, bien mettre l'accent sur la nécessité de favoriser l'introduction sur le marché de produits aussi peu polluants que possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 622, présenté par MM. Marc, Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, après les mots :

du même code,

insérer les mots :

les produits biocides mentionnés aux articles L. 522-1 et L. 522-3 du code de l'environnement ou des engrais chimiques,

La parole est à M. Paul Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il est nécessaire d'étendre la redevance applicable aux produits phytosanitaires utilisés en agriculture aux biocides qui présentent les mêmes risques pour le milieu aquatique. De même, il est légitime de prévoir une redevance sur les engrais chimiques.

Ces mesures correspondent à la mise en oeuvre du principe de récupération des coûts pour l'environnement prévu par l'article 9 de la directive-cadre du 23 octobre 2000.

Il me semble que l'état des lieux rend aujourd'hui nécessaire une analyse exhaustive de la qualité des eaux et de sa dégradation liée à l'usage des pesticides, des biocides et des produits phytosanitaires agricoles, de tout ce qui sert en fin de compte à « tuer la vie ».

Il est clair que nous ne faisons pas actuellement assez d'efforts pour maintenir la qualité de l'eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 166, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Compléter la deuxième phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement par les mots :

et distingue deux catégories de substances en fonction de l'intensité de ces caractéristiques

II. Rédiger ainsi le III du même texte :

« III. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence de l'eau, en fonction de la teneur des eaux du bassin en résidus de produits antiparasitaires et dans la limite de 1, 2 € par kilogramme de substances mentionnées au II et de 6 € par kilogramme de substances relevant de la catégorie la plus toxique ou écotoxique.

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Cet amendement a pour objet de renforcer le caractère incitatif de la redevance pour pollution diffuse, en prévoyant d'instaurer une gradation dans la taxation des substances toxiques ou écotoxiques. Un taux plus élevé de redevance serait fixé pour les substances les plus dangereuses

L'objectif de la commission des finances rejoint, en l'espèce, ceux des auteurs des amendements précédents.

L'actuelle taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, distingue sept catégories de produits, en fonction de leur classement toxicologique et écotoxicologique. Le taux de cette taxe varie entre 0 et 1, 67 euro par kilo de substances actives entrant dans la composition des produits phytosanitaires.

Dès lors, quand bien même le rendement global de la redevance telle que le projet de loi la propose équivaudrait à celui de la TGAP, les produits les plus dangereux seraient moins taxés qu'ils ne le sont actuellement. Accepter cela reviendrait réellement à donner un mauvais signe écologique.

Je rappellerai que, selon l'Institut français de l'environnement, plus de 60 % des captages d'eau sont aujourd'hui altérés par des pesticides. Nous avons tous connaissance de captages que l'on a dû déplacer pour obtenir un niveau acceptable au regard de la consommation humaine. La même étude montrait que près de 30 % de ces captages n'étaient plus utilisables en tant que sources d'eau potable.

J'ai interrogé les services du ministère de l'écologie et du développement durable pour recueillir des éléments d'appréciation. Les chiffres qui m'ont été communiqués démontrent l'importance des coûts induits par la pollution liée aux pesticides. On peut d'ailleurs penser que le coût réel total n'est pas connu dans la mesure où certains produits ne se dégradent pas et restent présents dans la ressource en eau.

Le ministère estime que le coût actuel direct serait compris entre 50 millions et 100 millions d'euros par an au niveau national, ce qui représente 1 % à 2 % de la dépense courante annuelle des services publics de distribution d'eau.

Le ministère évalue à 380 millions d'euros par an le coût total des dommages liés aux produits phytosanitaires, hors impact sur l'environnement. Cependant, comme je l'expliquais à l'instant, ce chiffre correspond vraisemblablement à une valeur minimale.

Ces chiffres démontrent toutefois l'ampleur du problème.

Or la contribution des utilisateurs de ces produits prévue par ce projet de loi est faible puisque le rendement de la redevance est évalué à 40 millions d'euros.

En outre, il me semble essentiel de différencier la taxation des produits en fonction des dommages qu'ils peuvent causer, étant entendu que la liste de ces produits serait établie par décret.

Par cet amendement, nous vous proposons donc de distinguer deux catégories de produits et de fixer un taux plafond à 6 euros par kilo de substance active pour les produits les plus dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 692, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de l'amendement n° 166 pour le III de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer la somme :

par la somme :

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

L'instauration de deux catégories pour la redevance pour pollutions diffuses permet incontestablement de mieux cibler les substances actives les plus dangereuses.

Le signal envoyé est pertinent, mais le tarif de 6 euros paraît trop élevé : il nous semble qu'il devrait être limité à 3 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 623, présenté par MM. Marc, Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Pour les engrais chimiques, l'assiette de la redevance est la quantité d'azote contenue dans l'engrais.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 426, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer les mots :

, dans la limite de 1, 2 €

par les mots :

dans une fourchette allant de 1, 2 à 1, 7 €

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Le projet de loi qui nous est soumis prévoit la suppression du volet phytosanitaire de la TGAP, et le remplace par une redevance sur les pollutions diffuses.

Au mieux, il s'agit d'un statu quo. En effet, la modification proposée vise avant tout à maintenir un équilibre financier. Cette mesure serait trop peu dissuasive et n'offrirait aucune garantie quant à la prévention ou à la réparation des pollutions.

Pourtant, l'ampleur de la dégradation des ressources et de la qualité de l'eau potable est telle que, dans certaines régions, elle induit des problèmes de santé publique.

Il est donc urgent de prendre les mesures indispensables à la mise en conformité de la qualité des eaux destinées à la consommation.

Une étude de l'Institutfrançais de l'environnement menée en 2002 a montré que seuls 5 % des points de prélèvement présentaient des concentrations en substances actives compatibles avec un développement sans risque de la vie aquatique et un usage alimentaire.

Dans treize départements du grand Ouest, du Sud-Ouest et du Nord - Pas-de-Calais, les concentrations en pesticides rendent nécessaire un traitement spécifique d'élimination pour permettre la consommation de l'eau.

Rappelons que l'actuel système de redevance pour la pollution laisse 85 % des contributions à la charge de l'usager domestique, 14 % aux industriels et 1 % aux agriculteurs. La participation de ceux-ci sera portée, il est vrai, à 4 %. Le système restera néanmoins inéquitable. De surcroît, il n'incite en aucune façon les professionnels à engager de véritables actions de prévention de la pollution.

La loi doit notamment avoir pour objectif d'amener chacun de ces acteurs à contribuer, par un financement proportionné à sa responsabilité dans l'émission de produits polluants, à une amélioration de la qualité des eaux et à la restauration du milieu aquatique. Cela permettrait à la France de satisfaire, d'ici à 2015, aux critères fixés par la directive-cadre.

Je constate hélas, mes chers collègues, que l'on ne se donne pas les moyens d'atteindre un tel objectif avec cette mesure tendant à fixer un plafond à 1, 2 euro par kilo de substances actives pour la redevance, le seul critère retenu étant la teneur en résidus des eaux du bassin.

L'objectif de conformité serait d'autant moins atteint que l'évolution constante des produits phytosanitaires, pour d'évidentes raisons de rentabilité, ne vise qu'à plus d'efficacité et aboutit donc à une plus grande concentration.

Il semble donc indispensable d'instaurer, parallèlement à d'autres mesures comme l'écoconditionnalité, amorcée dans la PAC, une redevance à la fois équitable et incitative, qui encourage en particulier la recherche et le développement de produits plus respectueux du milieu naturel. Il faudrait, de plus, taxer les produits les plus nocifs à un niveau tel qu'il soit réellement dissuasif.

Cet amendement a pour objet d'encadrer, dans le souci d'une plus grande efficacité, le taux de la redevance pour pollutions diffuses, en le situant dans une fourchette comprise entre 1, 2 euro et 1, 7 euro par kilo de substances actives. Ce taux serait fixé par l'agence de l'eau et pourrait varier selon la nature et la toxicité du produit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 411, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer le montant :

par le montant :

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mme Didier a fort bien exposé le problème : il convient d'augmenter le taux plafond de la redevance .Nous proposions, pour notre part, de le porter à 2 euros par kilo.

Comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre, on est plus intelligent à trois cent trente et un que tout seul ! Plusieurs amendements ont été déposés sur cette partie du texte et, parmi eux, celui qu'a présenté Mme Keller me paraît très intéressant puisqu'il tend à fixer le taux plafond à 6 euros par kilo.

Je serai donc très attentif aux avis de M. le rapporteur et de M. le ministre, car mon amendement pourrait devenir un sous-amendement à l'amendement n° 166 de la commission des finances.

Le principe d'une gradation, tel qu'il est mis en oeuvre dans l'amendement de Mme Didier, est également intéressant, mais, dès lors qu'il y a un plafond, mieux vaut le placer le plus haut possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 621 rectifié, présenté par MM. Marc, Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer la somme :

par la somme :

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans les décennies à venir, la pollution de l'eau sera avant tout chimique. Les recherches scientifiques entreprises aujourd'hui aboutissent à un certain nombre de conclusions inquiétantes, car c'est la santé qui est en jeu, tant celle des agriculteurs eux-mêmes que celle de l'ensemble des usagers.

Il est donc important de montrer, à travers cette loi, que les entreprises qui commercialisent des produits chimiques dangereux doivent contribuer davantage à la restauration de la qualité de l'eau. C'est pourquoi nous proposons que le taux plafond de la redevance que devront acquitter ces entreprises commercialisant et qui est appelée à se substituer à la TGAP soit fixé à 1, 5 euro par kilo, au lieu de 1, 2 euro.

Tous les scientifiques s'accordent à dire que les dangers pour la santé sont considérables. Il est donc important de donner un signal en demandant une contribution plus importante.

Cette mesure contribuerait en outre à rééquilibrer les différentes contributions, en tenant compte des réelles responsabilités dans la pollution.

Les entreprises chimiques sont-elles en mesure de payer ? La réponse me semble claire : les statistiques financières de ces deux ou trois dernières années mettent en évidence une augmentation des profits des entreprises qui donne une idée des réserves dont elles disposent aujourd'hui. Or, comme le signalait récemment M. Jean Ziegler dans L'Empire de la honte - certains d'entre nous connaissent cet ouvrage -, les herbicides rapportent à eux seuls 22 milliards de dollars par an. A titre de comparaison, je rappelle que les redevances perçues par les agences de l'eau s'élèvent au total à 2 milliards d'euros par an. Une légère hausse de la contribution demandée aux entreprises qui vendent ces produits chimiques ne représenterait donc qu'une goutte d'eau, rapportée à leurs profits, et je crois qu'elle serait aujourd'hui légitime.

Je précise que les deux amendements que nous présentons, visant l'un à étendre l'assiette de la redevance à l'ensemble des biocides, au lieu qu'elle soit limitée aux seuls produits phytosanitaires destinés à l'agriculture, l'autre à en augmenter le taux, ont pour objet commun de demander à ces entreprises une participation substantielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 476, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois en cas de vente pour des usagers non professionnels, les obligations prévues à l'alinéa précédent incombent au fournisseur du vendeur à l'utilisateur final. »

La parole est à M. Bernard Vera.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

La redevance pour pollution diffuse concerne les personnes distribuant des produits antiparasitaires à usage agricole qui ne peuvent être mis sur le marché sans autorisation spécifique.

Selon nous, cette redevance ne doit pas être limitée aux produits destinés à certains usagers : elle doit s'appliquer aussi en cas de vente à des usagers non professionnels, c'est-à-dire aux particuliers.

Toutefois, dans cette hypothèse, la perception de la redevance auprès des distributeurs de produits biocides ou d'engrais, notamment les jardineries et les grandes surfaces, serait trop compliquée. C'est pourquoi nous proposons que l'exigibilité de la redevance et les obligations qui y sont rattachées soient reportées sur les fournisseurs de ces établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

A l'issue de très longs débats, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 289, et ce contre la position que, à titre personnel, j'avais adoptée. Vous en souvenez-vous, monsieur Revet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

En effet, tout en mesurant l'effort d'adaptation que doivent consentir les distributeurs pour obtenir les renseignements sur la composition des produits qu'ils distribuent, afin que puisse être déterminée l'assiette de la redevance, je défendais le principe d'une redevance perçue au plus près du lieu de consommation et, donc, de pollution. Je craignais que, si nous rétablissions l'échelon national pour l'assiette de la redevance, les sommes perçues à ce titre ne soient jamais ni répercutées sur les factures acquittées par les agriculteurs ni versées aux agences de l'eau, et je dois dire que le second risque me paraissait plus important que le premier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

On aurait pu alors s'interroger sur l'effet de cette disposition sur l'opinion publique !

Néanmoins, en dépit des arguments que j'avais avancés, la commission a considéré qu'il convenait de considérer les fabricants comme responsables de la pollution par les produits phytosanitaires, et donc de les taxer de préférence aux utilisateurs : en réalité, une pression forte s'est exercée pour que soient touchés non pas les coopératives ou les distributeurs, mais plutôt les fabricants.

Soit dit entre parenthèse, je ne comprends pas que l'on cède à de telles pressions, d'autant qu'elles vont à rebours de notre volonté de pédagogie.

Quoi qu'il en soit, bien que la commission ait émis un avis favorable sur votre amendement, monsieur Revet, j'y reste personnellement hostile.

L'extension aux biocides du champ d'application de la redevance pour pollution diffuse à laquelle tend l'amendement n° 622 est de toute évidence contraire à la position retenue par la commission, qui a donc émis un avis défavorable.

La commission a estimé que l'amendement n° 166, présenté par Mme le rapporteur pour avis, était intéressant. Cependant, elle a considéré que le tarif de 6 euros par kilogramme était trop élevé et que les éléments chiffrés sur lesquels il était fondé n'étaient pas significatifs des coûts de traitement de l'eau potable qu'engendrent les pollutions par les pesticides. C'est pourquoi elle a présenté un sous-amendement visant à ramener le tarif le plus élevé à 3 euros par kilogramme de substances actives, ce qui lui a permis d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 166, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.

La commission a émis sur l'amendement n° 623 le même avis défavorable que sur l'amendement n° 622, pour les mêmes raisons.

La commission préfère l'amendement n° 166 de la commission des finances, modifié par son propre sous-amendement, aux amendements n° 426, 411 et 621 rectifié, sur lesquels elle a donc émis un avis défavorable.

J'en viens enfin à l'amendement n° 476.

Dans l'hypothèse où l'amendement n° 289 de M. Revet serait adopté - ce qu'à Dieu ne plaise !

Sourires

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

La concertation que nous avons menée avec les professionnels concernés pour préparer le projet de loi sur l'eau a souligné l'intérêt d'une redevance qui soit proche des agriculteurs. Or l'amendement n° 289 tend à remplacer une redevance sur les activités agricoles par une redevance sur l'industrie chimique productrice des substances visées.

De plus, le contrôle des importations qu'impliquerait un tel dispositif nécessiterait inévitablement l'intervention des douanes, qui sont un service du ministère des finances. Son adoption aboutirait donc à une sorte de « renationalisation », voire de « rebudgétisation » de cette redevance, et l'on imagine aisément le risque que cela ferait courir au retour des sommes dues aux agences de l'eau ; l'expérience que nous avons de ce type d'opération pour d'autres lignes budgétaires est riche de leçons à cet égard.

Par ailleurs, l'absence de répercussion visible sur la facture des agriculteurs enlèverait toute lisibilité à cette redevance, qui perdrait son rôle d'orientation vers des produits moins toxiques ou moins écotoxiques.

Enfin, il deviendrait impossible de mettre en oeuvre des primes en faveur des bonnes pratiques des agriculteurs.

J'insiste, monsieur Revet, sur le fait que le monde agricole, notamment l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, avec qui la question a été longuement discutée, est très favorable au projet du Gouvernement et qu'il est opposé à une redevance frappant les fabricants et les importateurs. C'est la raison pour laquelle je vous invite à mon tour à retirer votre amendement, dont j'ai bien compris la motivation, aussi légitime soit-elle.

L'amendement n° 622 aurait pour effet de modifier les équilibres entre usagers tels qu'ils sont esquissés dans le projet de loi et d'augmenter sensiblement, on l'imagine, la redevance perçue, alors que le choix proposé par le Gouvernement est de maintenir celle-ci au même niveau que la TGAP, qu'il souhaite supprimer.

Par ailleurs, il n'existe pas de distributeur agréé pour la vente des biocides, contrairement à ce qui se passe pour les produits phytosanitaires, ce qui poserait un problème pratique pour mettre en place la mesure proposée dans l'amendement.

Enfin, je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà indiqué à propos de la taxe azote.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Je comprends tout à fait l'intérêt de la mesure que propose Mme Keller dans l'amendement n° 166, mesure qui permettrait de distinguer les substances les plus toxiques ou les plus écotoxiques, et donc de renforcer le caractère incitatif de la redevance.

Cependant, l'amendement lui-même aurait pour effet de modifier largement les équilibres entre usagers que nous souhaitons établir et conduirait à tripler la redevance perçue sur les produits phytosanitaires, quand nous avons fait le choix d'en maintenir le produit au niveau de celui de la TGAP.

Aussi, tout en m'en remettant à la sagesse du Sénat sur cet amendement, il me semble préférable, si l'idée est conservée d'établir deux catégories, de retenir également le sous-amendement du rapporteur, qui, en ramenant à 3 euros le plafond pour la seconde catégorie, permettrait de ne pas tripler la redevance. J'émets donc un avis favorable sur le sous-amendement n° 692, qui limite la portée de l'amendement n° 166.

Par cohérence avec sa position sur la taxation azote, le Gouvernement est évidemment défavorable à l'amendement n° 623.

Il a également émis un avis défavorable sur les amendements n° 426, 411 et 621 rectifié, auxquels il préfère l'amendement n° 166 modifié par le sous-amendement n° 692.

Enfin, l'amendement n° 476 tend à exonérer du paiement de la redevance les distributeurs qui vendent leurs produits à des usagers non professionnels. Or, que les produits soient à usage professionnel ou à usage non professionnel, la redevance doit s'appliquer de la même façon, car les jardiniers amateurs ont une part non négligeable dans les pollutions de l'eau !

Cet amendement aurait pour conséquence de transférer des distributeurs aux fournisseurs le paiement de la redevance en cas de vente à un utilisateur non professionnel. Certes, cela ne changerait rien au montant acquitté par l'acheteur final, mais toute la valeur pédagogique de la redevance disparaîtrait, car sa mention sur la facture a aussi pour objet de montrer au jardinier amateur que le produit qu'il utilise est un produit polluant.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 476

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, je voudrais faire remarquer en préalable qu'il peut arriver à des sénateurs d'avoir quelques idées, de travailler par eux-mêmes sans forcément se contenter de répondre à telle ou telle sollicitation, même s'il peut se produire qu'ils rejoignent des demandes exprimées par ailleurs.

Je veux aussi souligner que l'objet de mon amendement est d'inciter les fabricants à être plus attentifs, car mieux vaut prévenir que guérir. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on incrimine ceux qui sont en bout de chaîne ; peut-être faudrait-il s'intéresser davantage à ceux qui créent le problème sans y apporter de solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cela étant, monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre appel, j'ai bien entendu quelles difficultés pourrait provoquer l'adoption de mon amendement, et j'ai bien entendu que l'argent pourrait ne pas arriver à destination, ce qui serait un comble.

Compte tenu de ces objections, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 289 est retiré.

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 622.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. le ministre a bien raison de considérer que cet amendement tend à élargir l'assiette de la redevance puisque celui-ci vise à y inclure les biocides.

A l'heure actuelle, seuls les produits vendus aux agriculteurs sont taxés. Or d'autres utilisateurs en achètent : je pense en particulier aux herbicides dont se servent notamment la SNCF ou les DDE.

Notre propos est bien de faire en sorte que les produits à usage autre qu'agricole supportent également le poids de cette redevance anti-pollution, de manière que les agriculteurs ne soient pas les seuls concernés par cette disposition.

Je m'étonne que cette extension n'ait pas fait l'objet d'un accueil plus favorable de la part du Gouvernement parce qu'il s'agit d'élargir le champ de cette taxe et de ne pas culpabiliser les seuls agriculteurs.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, comme je l'avais laissé entendre, je transforme mon amendement n° 411 en sous-amendement à l'amendement n° 166.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 411 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, et ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de l'amendement n° 166 remplacer le montant :

par le montant :

Je mets aux voix ce sous-amendement.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, les amendements n° 623, 426 et 621 rectifié n'ont plus d'objet.

Monsieur Vera, l'amendement n° 476 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 476 est retiré.

L'amendement n° 310 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, César, Texier, Mortemousque et Murat, est ainsi libellé :

Après le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Afin de tenir compte des pratiques permettant de réduire les pollutions de l'eau par les produits soumis à la redevance pour pollution diffuse, l'agence de l'eau peut verser une prime à l'utilisateur final dans la limite de 80 % de la redevance acquittée.

La parole est à M. Gérard César.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cet amendement vise à reconnaître les bonnes pratiques phytosanitaires des agriculteurs par l'introduction d'une prime.

Le référentiel des bonnes pratiques visées et les conditions requises pour en bénéficier seront précisés par décret.

Il vaut mieux pratiquer la politique de la carotte que celle du bâton !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 693, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier comme suit le texte proposé par l'amendement n° 310 rectifié bis pour insérer un paragraphe après le IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement.

I. Remplacer les mots :

tenir compte des

par les mots :

développer les

II. Remplacer le pourcentage :

par le pourcentage :

III. Ajouter une phrase ainsi rédigée :

Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixe les conditions requises pour bénéficier de cette prime.

La parole est à M le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 310 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Le principe d'une prime encourageant les bonnes pratiques dans l'utilisation des produits phytosanitaires peut se comprendre en accompagnement d'une redevance acquittée par les distributeurs.

Toutefois, la commission est très réservée sur le taux de 80 % proposé par M. César et ses collègues. Le taux de 30 % lui paraît plus raisonnable ; d'où le sous-amendement qu'elle propose.

Ce sous-amendement précise également qu'il s'agit d'encourager le développement de nouvelles pratiques et qu'un arrêté conjoint des ministres de l'agriculture et de l'environnement fixera les conditions requises pour bénéficier de cette prime.

Debut de section - Permalien
Serge Lepeltier, ministre

Monsieur César, la proposition de tenir compte des bonnes pratiques est intéressante, mais l'abattement proposé est trop élevé puisque cette prime proportionnelle aux quantités achetées favoriserait les gros consommateurs de pesticides par rapport à ceux qui mettent en place des pratiques alternatives réduisant l'achat de ces produits.

Par ailleurs, les agences attribueront des subventions pour encourager les bonnes pratiques.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 310 rectifié bis, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 693, qui lui paraît plus raisonnable et plus conforme aux pratiques en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Si le Sénat avait adopté nos amendements tout à l'heure, on pourrait maintenant envisager d'encourager les bonnes pratiques. Mais, à partir du moment où il ne l'a pas fait, il ne s'agit plus de bonnes pratiques : on accroît le déséquilibre existant dans le système des redevances pour pollutions diffuses. Par conséquent, ce n'est pas un problème de pourcentage, c'est un problème de principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il s'agit d'un problème extrêmement difficile : comment réduire ces pollutions diffuses ? J'aurais volontiers voté cet amendement, a fortiori s'il était modifié par le sous-amendement de la commission. Ma déception est donc égale à celle de Mme Bricq.

Par ailleurs, je regrette que M. Revet ait retiré son amendement n° 289, car il est bien vrai qu'il faut agir à la source, c'est-à-dire auprès des fabricants - ils peuvent s'efforcer de mettre sur le marché des produits qui soient le moins polluants possible - et auprès des utilisateurs, en favorisant les bonnes pratiques.

La tournure prise par le débat fait que nous ne pourrons pas voter cet amendement et ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.