Intervention de Claude Biwer

Réunion du 13 avril 2005 à 15h00
Gestion des déchets nucléaires

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si 100 % des sénateurs meusiens - Gérard Longuet et moi-même ! -, s'expriment, c'est probablement parce qu'ils espèrent, même s'ils ont quelques inquiétudes, que le problème de la gestion des déchets nucléaires s'organisera de la meilleure manière qui soit.

Je remercie Henri Revol d'avoir bien voulu provoquer le débat que nous avons aujourd'hui sur la politique de gestion des déchets nucléaires, et vous ne serez sans doute pas surpris que, en ma qualité d'élu du département de la Meuse, je me préoccupe d'une manière particulière du devenir du laboratoire expérimental de Bure.

Comme cela vient d'être rappelé à l'instant, dans la loi dite « Bataille » de 1991, trois axes de recherche avaient été envisagés afin de trouver les solutions les mieux adaptées au traitement des déchets nucléaires les plus nocifs : la séparation-transmutation, dont les spécialistes nous indiquent que, dans le meilleur des cas, les applications ne pourront intervenir qu'à partir de 2040 ; le stockage en couches géologiques profondes, qui suppose que des laboratoires souterrains soient préalablement construits afin d'étudier in situ le comportement de ces couches ; enfin, le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface ou en sub-surface, qui pourraient être mis en service opérationnel d'ici à 2015.

S'agissant du stockage profond, alors que, dans un premier temps, trois sites avaient été envisagés, l'un à caractère granitique et les autres à caractère argileux, un seul site a finalement été retenu, à savoir le site argileux de Bure, dans la Meuse. Je partage à ce sujet les propos de Gérard Longuet, sur lesquels je n'insisterai pas.

Les élus départementaux et locaux de la Meuse et de la Haute-Marne, qui ont accepté à l'unanimité ce principe, se sont beaucoup impliqués dans ce processus et, de façon très courageuse et réfléchie, ils ont fait acte de solidarité nationale en acceptant l'implantation du laboratoire de Bure.

On peut toutefois déplorer qu'un certain attentisme ait prévalu au cours de la période 1998-2000. Ce n'est en effet que le 6 août 1999 qu'est paru le décret autorisant la création d'un laboratoire souterrain de recherche à Bure, dont la mise en oeuvre a également connu quelque retard.

Je pense que, du fait de ce retard, il conviendra de laisser le temps nécessaire à l'aboutissement des recherches entamées à Bure.

Il conviendra également de bien préciser le caractère réversible de l'éventuel stockage souterrain : s'il nous appartient d'adopter la solution la moins mauvaise possible pour la gestion des déchets, un stockage réversible présente l'avantage, pour les générations futures, de disposer d'un outil flexible pour traiter sur le long terme la question des déchets et offre la possibilité, compte tenu d'éventuels progrès de la science, de prendre, le cas échéant, d'autres décisions.

S'agissant du coût du stockage profond, un récent rapport de la Cour des comptes a mis en évidence les nombreuses incertitudes qui semblent peser en la matière, dans la mesure où de nombreuses options restent à prendre en ce qui concerne tant les méthodes de stockage et la conception technique des installations que le volume des futurs déchets à entreposer.

La Cour suggère ainsi que soient résolues les divergences apparues entre l'ANDRA et les producteurs de déchets concernant le coût supposé du stockage profond, divergences susceptibles de peser sur la pertinence des provisions constituées à cet effet par AREVA, le CEA et EDF.

Je souhaite également évoquer le dispositif d'accompagnement financier inhérent à la création du laboratoire souterrain de Bure.

La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs prévoit qu'il peut être créé un groupement d'intérêt public, un GIP, en vue de mener des actions d'accompagnement, la dotation financière de l'Etat étant fixée à l'époque à 60 millions de francs, soit 9, 1 millions d'euros par laboratoire souterrain.

Un tel GIP a été créé en Meuse et en Haute-Marne pour la mise en oeuvre de ce dispositif. Conformément à sa convention constitutive et à sa charte de développement, approuvées par un arrêté du 25 mai 2000, l'objet de ce groupement était de mener des actions d'accompagnement économique, notamment pour favoriser et faciliter l'installation et l'exploitation du laboratoire souterrain de Bure.

Ses actions se déclinaient autour de quatre axes : promouvoir le développement économique et l'emploi, soutenir le développement local, structurer l'espace départemental, soutenir le développement touristique et la notoriété des départements.

Depuis sa création au moi de juin 2000 et jusqu'à la fin de l'année 2004, le GIP a perçu un montant global de 44, 7 millions d'euros, utilisés conformément aux axes que je viens de décrire. Pour 2005 et 2006, ses recettes devraient être engagées sur des projets structurants du territoire, comme le financement de la gare TGV.

Cependant, le conseil général de la Meuse a eu maintes fois l'occasion de regretter à quel point le modèle juridique d'un GIP était lourd dans sa gestion administrative et comptable. Il a aussi déploré que les règles communautaires inhérentes à l'addition des subventions publiques en aient limité l'efficacité dans l'aide apportée aux entreprises. Enfin, si les fonds d'accompagnement ont effectivement permis de répondre à la préoccupation relative à l'insertion du laboratoire souterrain dans son environnement, ils ont eu un effet par trop limité en matière de développement économique et de création d'emplois durables.

Pour l'avenir, il conviendrait de mieux impliquer les industriels de la filière électronucléaire dans le développement économique des territoires. En effet, messieurs les ministres, la création d'emplois et de richesse sera un facteur déterminant de l'acceptation locale.

J'insiste également sur la nécessité de poursuivre l'accompagnement financier bien au-delà de 2006, et ce durant de longues années, non seulement parce que les efforts de recherche se poursuivront très vraisemblablement après cette date, mais également et surtout parce qu'un laboratoire souterrain ne versera en tant que tel qu'une fiscalité résiduelle aux collectivités concernées, sans commune mesure avec les investissements réalisés.

A cet égard, je ne peux que saluer les conclusions concordantes de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques figurant dans le récent rapport présenté par MM. Birraux et Bataille relatif à l'état d'avancement et aux perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

Dans leur rapport, nos collègues députés précisent qu'en France un développement économique volontariste doit être impulsé par les acteurs de la filière dans les départements concernés par la gestion des déchets radioactifs.

S'agissant de la valorisation des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, ils ajoutent que les méthodes avancées mises au point au laboratoire de Bure en géophysique, en géochimie ou en ingénierie devraient entraîner la création des développements scientifiques, technologiques et industriels proposés par les deux départements concernés.

Enfin, au-delà des données scientifiques et économiques de ce problème, doit aussi et surtout être prise en compte la sécurité de nos concitoyens, notamment la sécurité de ceux qui sont situés dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, directement concernés par l'implantation du laboratoire de Bure.

De ce point de vue, je crois pouvoir dire que le processus de concertation qui a prévalu au cours des années quatre-vingt-dix a été à la fois volontariste et exemplaire : la qualité de l'information, son objectivité, l'association des élus locaux et des populations concernées ont permis à ce projet de recevoir un soutien réitéré au niveau local, départemental et régional.

Cet effort de concertation devra nécessairement être poursuivi, dans la plus grande transparence. Les résultats des recherches sur l'éventuelle faisabilité d'un stockage dans le laboratoire de Bure, que ces recherches soient positives ou négatives, devront être rendus publics.

Il faut que la communauté scientifique et celle des décideurs en charge de ce dossier assument leur devoir d'écoute, d'information et de dialogue objectif avec les habitants et les élus concernés ; il faudra ensuite que le fonctionnement démocratique et le rôle du Parlement, éclairé par les études et rapports particulièrement pertinents réalisés par l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, soient parfaitement respectés.

Nous sommes, en effet, en présence d'une installation pour laquelle nous ne disposons d'aucun recul : la communauté scientifique mérite notre confiance, mais le passé nous indique qu'elle peut quelquefois se tromper. Or les décideurs politiques que nous sommes n'ont pas le droit à l'erreur. Il y va de l'avenir des générations futures.

Nous resterons donc attentifs à ce dossier, qui préoccupe certes notre région, mais également notre pays tout entier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion