Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 13 avril 2005 à 15h00
Gestion des déchets nucléaires

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Si tel n'était pas le cas, je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait de creuser à mille mètres sous terre, comme des taupes, pour stocker de manière réversible ce qui pourrait tout aussi bien l'être en surface ou à une dizaine de mètres sous terre !

Manifestement, en ce domaine comme en bien d'autres, il est inadmissible que les institutions européennes veuillent, en bafouant la volonté nationale, forcer la main aux Etats membres et à la France et leur imposer une solution.

J'ajoute qu'à titre personnel je ne m'en étonne pas car cela ne fait que conforter le jugement que je porte sur un certain nombre de décisions prises à l'échelon européen : je pense, entre autres, à la directive Bolkestein.

Lors du vote de la loi Bataille, nous avions proposé trois solutions.

Nous avions envisagé, tout d'abord, la destruction, la transmutation des déchets radioactifs ; ensuite, le stockage réversible en surface ; enfin, l'enfouissement, soit réversible, soit irréversible, étant précisé, comme vous l'avez sans doute compris, que je ne me fais pas d'illusion sur la réversibilité à terme.

Peut-être l'enfouissement sera-t-il, dans un premier temps, réversible, mais il est évident que, dès lors que l'on creuse à cinq cents ou six cents mètres, des tassements sont à attendre, en raison des mouvements de terrain. Il ne faut donc pas rêver : l'enfouissement à plusieurs centaines de mètres sous terre finira par être irréversible.

A long terme, la solution d'avenir est incontestablement, à mes yeux, la transmutation et ce que l'on a pu appeler « l'incinération des déchets radioactifs ».

Malheureusement, la plupart des pays - la position de la France est d'ailleurs à cet égard relativement méritoire - n'ont pas suffisamment misé sur cette solution à long terme et préfèrent, comme le souhaitent au demeurant les instances européennes, que l'on aille au plus facile, autrement dit au stockage souterrain : il est tellement plus simple d'enterrer n'importe quoi, de nous laver les mains, et d'obliger nos enfants et petits-enfants à se salir ensuite les leurs pour régler les problèmes que nous leur aurons légués !

La solution dans laquelle nous devons nous impliquer et nous engager est, à long terme, la transmutation et, en phase intermédiaire, le stockage réversible. A partir de là, je ne vois pas de raison de stocker à trois cents mètres ou à cinq cents mètres sous terre. Dès lors que l'on opte pour le stockage réversible, on peut se contenter de stocker à une dizaine de mètres sous terre, voire en surface. A n'en pas douter, sachant que plus l'enfouissement est profond et moins il est réversible, ceux qui veulent absolument creuser au plus profond ont une idée derrière la tête !

Ce problème implique que la France se montre beaucoup plus ferme au niveau européen. Au moment où tout le monde proteste contre la directive Bolkestein, il ne faut pas se moquer du monde ni oublier qu'elle a été votée par les représentants de la France, notamment par M. Barnier, qui était alors commissaire européen ! Je ne voudrais pas que l'on nous fasse le même coup et que, après avoir laissé passé une directive à mon sens inacceptable, on impute la responsabilité du stockage souterrain à l'Europe !

J'évoquerai à ce sujet un second problème : au moment du vote de la loi Bataille, les pouvoirs publics nous avaient « juré, craché » qu'aucun site n'était prédéterminé, que l'on en étudierait au moins deux, sinon trois, et que ce ne serait qu'après les avoir tous étudiés qu'un choix serait arrêté.

Je considère qu'en l'occurrence on s'est complètement moqué du monde puisque, après avoir amadoué les habitants voisins du premier site, Bure, en leur assurant que les études se poursuivraient sur les autres sites les années suivantes, on a conclu dix ans plus tard - c'est une réponse qui m'a été faite - que des études étant engagées à l'étranger et qu'il n'était pas nécessaire de les poursuivre sur les autres sites français.

Ce n'est pas satisfaisant ! Comment voulez-vous que les populations aient confiance dans le système politique français ? On fait passer des lois moyennant de grandes promesses... dont tout le monde se moque une fois la loi votée et on fait exactement le contraire de ce qu'elle prévoit !

C'est une véritable tromperie à l'égard des populations, et les habitants du secteur de Bure ont, quelle que soit leur position sur le fond, parfaitement raison de s'insurger : on s'est littéralement moqué d'eux en leur disant pour calmer le jeu que le choix du site n'était qu'éventuel alors que l'on n'a finalement misé que sur lui.

Je souhaiterais donc que l'on tienne les engagements pris.

Premièrement, je demande que plusieurs sites soient étudiés et que, aussi longtemps qu'ils ne le seront pas, rien ne soit décidé. Bien que je sache que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent, dès lors que l'on avait pris des engagements en ce sens, j'estime qu'ils doivent être tenus, notamment à l'égard des habitants du secteur de Bure.

Deuxièmement, je pense que la France, dont la logique et la politique sont très méritoires en termes de recherche sur la transmutation, doit se monter d'une extrême fermeté au niveau européen. En effet, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, la politique européenne en la matière n'est pas du tout satisfaisante.

J'admets volontiers que l'on veuille obliger les Etats, comme le fait avec raison l'Union européenne, à fixer une politique de gestion des déchets radioactifs, car c'est tout à fait fondamental. En revanche, je trouve inadmissible qu'en ce domaine comme en beaucoup d'autres l'Union européenne veuille mettre son nez partout et décider quelle solution chaque Etat doit mettre en oeuvre pour régler le problème de la gestion des déchets radioactifs.

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