Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que le Parlement poursuit l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, la question de l'avenir de notre parc nucléaire se pose. Elle concerne en particulier les déchets, ou ce que l'on peut appeler les « résidus » radioactifs, et doit être appréhendée à l'horizon de plusieurs milliers d'années.
Ces déchets radioactifs proviennent principalement de la production d'électricité, de certaines activités médicales et de certaines industries.
Classés selon l'intensité de la radioactivité et la période radioactive des produits, ces déchets portent sur des volumes très faibles en comparaison des autres déchets. Mais, bien évidemment, leur dangerosité est bien différente puisque les déchets de haute activité, provenant de la production d'énergie nucléaire, restent dangereux pendant des milliers d'années, comme cela a été dit à plusieurs reprises.
Il faut aussi rappeler que les cinquante-huit réacteurs nucléaires français produisent environ un kilo par an de déchets radioactifs, contre 2 500 kilos par an et par personne de déchets industriels, dont 100 kilos de déchets chimiques toxiques. Je le précise pour relativiser les choses.
Sur la période 1995-1999, la Commission européenne estime que la France a produit quelque 700 mètres cubes de déchets de haute activité.
Dès le début de la mise en oeuvre de son programme électronucléaire, la France a choisi de retraiter ses combustibles irradiés. La loi du 31 décembre 1991, dite « loi Bataille », que tous les intervenants ont évoquée, prévoit plusieurs voies de recherche pour la gestion des déchets nucléaires, et notamment le stockage en profondeur dans des formations géologiques stables situées entre 400 mètres et 600 mètres de profondeur.
Aux termes de cette loi, en 2006, le Gouvernement devra transmettre au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider en connaissance de cause les modalités du stockage. Le vote d'une telle loi n'empêchera naturellement pas de continuer les recherches après 2006...
Tous les pays qui se préoccupent du devenir de leurs déchets radioactifs ont admis la nécessité de créer des laboratoires spécifiques pour tester le comportement des différents milieux. Près d'une vingtaine de laboratoires existent aujourd'hui dans le monde, implantés en Allemagne, en Belgique - j'en ai visité -, au Canada, au Japon, aux Etats-Unis, et dans d'autres pays.
Pour l'étude du stockage en profondeur, la France a opté pour deux laboratoires, dans le respect de la loi de 1991.
En 1998, le Gouvernement - il était nouveau à l'époque - a rendu publique la décision de créer un laboratoire en site argileux à Bure, commune située dans la Meuse dont parlait tout à l'heure Gérard Longuet, et la décision de rechercher un deuxième site en terrain granitique.
Je rappelle qu'aucun déchet n'est stocké dans les laboratoires, dont la mission est essentiellement une mission d'étude.
Ces laboratoires, toujours selon la loi, travailleront jusqu'en 2006, le Parlement devant alors décider du stockage profond ou de la poursuite des recherches. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra construire un centre de stockage.
La construction du laboratoire de Bure a pris du retard pour les raisons évoquées par les précédents orateurs.
Quant aux sites en terrain granitique, sur les trois cent cinquante qui ont été identifiés initialement, quinze ont reçu un avis favorable de la commission nationale d'évaluation. Ils ont ensuite été soumis à la concertation, sous l'égide d'une mission, l'objectif étant d'expliquer le projet et de recueillir les avis auprès des acteurs locaux concernés.
Cette mission a rendu un rapport dans lequel elle a constaté une grande difficulté à assurer la concertation, et il est vrai, comme le disait notre collègue Henri Revol, que l'on a alors pu constater que les laboratoires de recherche souterrains avaient pris un certain retard.
Par conséquent, messieurs les ministres, il est aujourd'hui légitime de se demander s'il ne faudrait pas revenir sur la procédure de sélection du site en sol granitique.
En effet, le 6 décembre 1993, le conseil général du département de la Vienne, dont je suis l'élu, a décidé à l'unanimité - j'y insiste -, avec le soutien du conseil régional, de présenter la candidature du département de la Vienne à l'implantation d'un laboratoire de recherche souterrain sur le site d'une petite commune, La Chapelle-Bâton. C'était là une décision courageuse, comme à Bure.
Quelques jours plus tard, le 20 décembre, le Gouvernement a arrêté le choix de quatre sites potentiels en France - dans les départements de la Vienne, du Gard, de la Haute-Marne et de la Meuse - sur les trente candidatures présentées.
La procédure s'est alors mise en route avec les collectivités concernées, les communes et le conseil général. L'acquisition des terrains et l'exécution des travaux préliminaires ont été entrepris, créant une forte activité économique, laquelle était très attendue dans le sud du département de la Vienne.
Les travaux de reconnaissance géologique conduits par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, en 1994 et 1996, ont mis en évidence les caractéristiques suivantes pour le site de la Vienne : le massif granitique est profondément enraciné ; les écoulements hydrogéologiques y sont lents et limités ; ses propriétés mécaniques et thermiques sont favorables ; la sismicité y est de faible intensité.
Sur la base de ces bons résultats, l'ANDRA a déposé, en juillet 1996, un dossier de demande d'autorisation d'installation et d'exploitation d'un laboratoire de recherche souterrain dans la Vienne.
Cette opération a brutalement pris fin, à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 décembre 1998, au cours duquel le gouvernement de l'époque a décidé d'arrêter le laboratoire souterrain de La Chapelle-Bâton, suivant en cela les recommandations de la commission nationale d'évaluation.
De l'avis général, les raisons de cette décision sont pour le moins obscures. Sont-elles uniquement d'ordre technique ?
J'ajoute que cet arrêt a provoqué un certain émoi dans les communes concernées, d'autant que le projet avait recueilli une très large adhésion de la part des élus, des associations et de la population.
Par conséquent, compte tenu de l'impasse actuelle, je souhaiterais savoir, messieurs les ministres, si vous envisagez de reprendre le dossier et de rouvrir la procédure de sélection pour l'implantation d'un laboratoire de recherche souterrain en sol granitique, afin de permettre, dans ce cadre, une analyse approfondie de la candidature du département de la Vienne.
J'espère que vous nous apporterez une réponse positive sur ce dossier, et je vous en remercie d'avance.