Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les propos qu'a tenus mon collègue Daniel Raoul, qui vous a parfaitement indiqué notre position sur le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et sur les objectifs fixés par la loi Bataille du 30 décembre 1991.
Vous le savez, le département du Gard, dont je suis l'élu, a accueilli le site de Marcoule en 1954, sur la commune de Chusclan, dans le cadre du premier plan quinquennal de développement de l'énergie atomique, afin de produire du plutonium pour les besoins de la défense nationale et, parallèlement, de l'électricité.
Que reste-t-il cinquante ans après ?
Les décisions d'arrêt des productions de matières fissiles - décisions qui ont provoqué l'arrêt définitif des usines de production du plutonium à Marcoule - ont lancé les programmes d'assainissement et de démantèlement.
La loi Bataille, citée par tous nos collègues, prévoyait la mise en place de laboratoires souterrains afin de créer des centres de stockage.
A cet égard, en tant que sénateur du Gard, c'est avec envie que j'ai écouté mes deux collègues sénateurs de la Meuse. En effet, le projet prévu sur le site de Marcoule n'a malheureusement pas été retenu, alors qu'il était soutenu par les parlementaires gardois de l'époque, dont j'étais, par le conseil régional à l'unanimité, par le conseil général, ainsi que par les communes locales.
Je préfère ne pas m'attarder sur les raisons de ce refus, lesquelles, en tout état de cause, ne relevaient pas seulement de l'objectivité technique.
La loi prévoyait au moins deux sites. Il n'est peut-être pas trop tard pour bien faire ! A cet égard, mon intervention va dans le même sens que celle de mon collègue Alain Fouché, qui représente ici le département de la Vienne.
Un seul laboratoire a été retenu, celui de la commune de Bure, dans le département de la Meuse, où les travaux sont en cours.
Depuis cette décision, l'avenir du site de Marcoule réside dans des opérations de démantèlement et dans la mise en place d'un pôle de technologie qui se fait attendre. Encore faudrait-il que les engagements de chacun des partenaires soient clairement définis et tenus !
A cet égard, je vous rappelle, monsieur le ministre, que je vous ai interrogé sur ce sujet en octobre 2004, lors d'une séance de questions orales sans débat, puis par courrier, après la publication du rapport de la Cour des comptes émettant les plus grandes réserves quant aux capacités du CEA et d'EDF à financer les opérations de démantèlement.
En effet, aux yeux de la Cour des comptes, les conséquences financières des obligations du CEA et d'EDF en matière de démantèlement et de gestion de leurs déchets risquent d'être mal assurées dans le cadre d'une ouverture du capital d'AREVA et d'EDF, face à des marchés devenus fortement concurrentiels, et la charge pourrait en rejaillir, au bout du compte, sur l'Etat.
Si l'Etat seul peut se porter garant in fine au regard des enjeux et des risques dans le domaine nucléaire, la crédibilité de ce secteur implique que les engagements futurs soient assumés techniquement et financièrement et que, dans la mesure du raisonnable, les coûts encourus soient non pas transférés, mais supportés par les consommateurs actuels.
Votre réponse, à l'époque, ne faisait part d'aucun financement garanti et ne précisait bien évidemment aucun chiffre.
Selon une étude de l'INSEE, publiée par le quotidien Le Monde du 2 mars 2005 et relative au déficit public, une soulte de 1, 6 milliard d'euros aurait été versée par EDF et par la COGEMA au CEA au titre du démantèlement du site nucléaire de Marcoule. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui cette information ?
En effet, certains aspects non négligeables du démantèlement n'ont pas été intégrés dans le devis initial, à savoir la déconstruction des bâtiments ainsi que - M. le ministre de l'écologie et du développement durable y sera sensible - la dépollution des sols. Il appartiendra donc à l'Etat d'en assumer la responsabilité et le financement si EDF et COGEMA sont libérés de leurs obligations.
Comme vous le voyez, messieurs les ministres, de nombreuses questions fondamentales se posent, auxquelles il faudra bien apporter des réponses détaillées, assorties de garanties.
C'est pourquoi j'ai déposé, avec un certain nombre de mes collègues, une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sénatoriale, dans le cadre de la commission des affaires économiques et du Plan, afin de vérifier les engagements d'EDF, d'AREVA et du CEA.
La commission n'a pas retenu cette idée au motif, notamment, que « les missions portent habituellement sur des sujets plus amples... » Si l'avenir des déchets nucléaires n'est pas un sujet d'ampleur nationale, c'est que la politique énergétique de la France n'est vraiment pas une priorité !
On ne peut que regretter cette position de la commission, qui ajoute un peu plus de flou à l'état d'opacité actuel sur l'avenir de la gestion des déchets nucléaires en France.
Lors de votre visite sur le site de Marcoule, monsieur le ministre, le 18 mars dernier, pour soutenir le pôle de compétitivité - que je soutiens également, avec l'ensemble des élus et acteurs locaux -, vous avez déclaré : « Marcoule est le leader mondial pour les technologies du démantèlement, et c'est à Marcoule qu'il y a des projets considérables. Le pôle TRIMATEC - Tricastin, Marcoule Technologies - est un très bon projet que je vais soutenir ».
Je ne doute pas de votre sincérité et vos déclarations montrent bien que le secteur nucléaire est un atout à portée internationale. L'Etat a donc le devoir d'obtenir toutes les garanties des entreprises partenaires afin que les financements importants dans ce domaine ne reposent pas uniquement sur les contribuables. Il est nécessaire de définir une politique énergétique claire. Mais nous en reparlerons, début mai, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'énergie.
Avant d'achever mon propos, je retiendrai particulièrement la recommandation 7 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, laquelle précise que « La création d'un fonds dédié pour le financement des recherches sur les déchets radioactifs et de leur gestion industrielle, placé sous la responsabilité de l'Etat et collectant les contributions des producteurs de déchets, devrait être décidée par le Parlement afin d'apporter les garanties à long terme de financement des efforts nécessaires. »
Un tel fonds aurait le mérite de clarifier et de garantir le montage financier du démantèlement et du traitement des déchets.
Sur ce point, en particulier, nous attendons votre point de vue avec impatience et intérêt, messieurs les ministres.