Intervention de Jean Desessard

Réunion du 13 avril 2005 à 22h00
Eau et milieux aquatiques — Article 37

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Cet amendement est très important, puisqu'il a pour objet de réinstaurer une redevance pour pollution par les nitrates.

Je ne reprendrai pas le débat général qui a déjà eu lieu ici sur le principe pollueur-payeur, sur la responsabilité des agriculteurs dans une certaine pollution ou encore sur le fait que le mode de production agricole devrait changer.

Je ne me lancerai pas non plus dans l'explication technique de tout l'amendement. La formulation que nous proposons figurait dans un projet de loi avant d'être retirée. Nous avons fait confiance au travail fait par le Gouvernement à cette époque. Peut-être M. le rapporteur, si cet amendement est adopté, pourra-t-il, d'ici à la deuxième lecture, y apporter des améliorations techniques ? Il a, en effet, montré qu'il en était capable, avec l'accord du Gouvernement. Je vous demande donc, mes chers collègues, d'être indulgents par rapport aux considérations techniques : je compte qu'aujourd'hui nous adoptions le principe de la taxation de la pollution par les nitrates et qu'ensuite, au cours de la navette, nous les améliorions.

La pollution diffuse azotée et la brusque montée régulière des teneurs en nitrates de nos nappes et cours d'eau sous l'effet de l'industrialisation des pratiques agricoles sont l'échec des gouvernements successifs en matière de politique de l'eau depuis quarante ans.

La réponse réglementaire est quasiment nulle. Les programmes d'action menés depuis trois générations et la directive nitrates se sont révélés totalement inefficaces. Le soutien aux investissements anti-pollution n'a aucun effet sur la gestion agronomique déficiente des sols par l'agriculteur moderne : le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, n'a pas eu les résultats escomptés.

Bref, il s'agit d'un échec massif, d'un gaspillage de ressources pour l'agriculteur, qui coûte très cher à la collectivité : dégradation nette de la qualité des milieux aquatiques, réacteurs biologiques endommagés, impact sanitaire sur les usages élémentaires de la ressource, contentieux communautaires à venir. La facture ne manquera pas de s'alourdir au cours des prochaines années.

La taxation des engrais azotés est un outil indispensable, et il n'est pas sérieux d'en refuser l'application.

La mesure que nous proposons s'inspire du dispositif gouvernemental projeté avant l'été 2004 et abandonné sur injonction présidentielle. Elle vise à taxer les quantités d'azote contenues dans les engrais minéraux ou les produits d'alimentation du bétail qui ont été achetés l'année précédente par un exploitant agricole.

Elle est calée sur la base d'efficacité préconisée par les économistes pour son succès, soit 0, 6 euro par kilogramme avec exonération sur une tonne annuelle. Cette redevance est indispensable pour assurer la crédibilité de la réforme des agences face à l'échec de toutes les politiques de maîtrise des pollutions diffuses nitratées.

C'est un point essentiel du projet de loi : faut-il taxer les politiques agricoles actuelles, qui, effectivement, participent beaucoup à la pollution ?

Cet amendement clé, par rapport à ce projet de loi, je vous invite, mes chers collègues, puisque vous avez montré une volonté écologiste en ce début de débat, à l'adopter : ainsi, le Sénat serait la chambre non seulement des élus des territoires, mais également du développement durable. Faisons un geste en faveur du développement durable et taxons les nitrates !

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