Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 13 décembre 2010 à 14h30
Simplification et amélioration de la qualité du droit — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Il a en particulier eu une attitude extrêmement nette sur certains points du texte que vous auriez pu devoir défendre, monsieur le garde des sceaux, et que vous auriez peut-être eu quelques difficultés à défendre. Je pense, notamment, à cet article vraiment absurde qui émanait de la proposition de loi dans lequel il était question, sans doute pour simplifier les choses, de supprimer les plans personnalisés de compensation du handicap, alors que c’était un point majeur de la dernière loi relative au handicap et que toutes les associations de handicapés, sans aucune exception, me semble-t-il, ont marqué l’importance de bâtir pour chaque personne concernée un plan personnalisé de compensation.

J’en viens maintenant à d’autres questions de fond et aux positions et propositions qui sont les nôtres car, comme tout un chacun, nous n’avons pas manqué de proposer des enrichissements à ce texte. Donc, ne disons pas le contraire, nous avons, comme toutes les commissions et tous les groupes, proposé un certain nombre de choses.

Premièrement, je dirai quelques mots sur la question de l’École nationale d’administration, l’ENA, mais d’autres collègues en parleront, en particulier Mme Catherine Tasca. Je ne m’attarderai donc pas sur ce sujet, mais il est, à nos yeux, essentiel parce que derrière la question de l’affectation des élèves issus de l’ENA se pose finalement une question essentielle au regard des principes républicains.

Les concours et les classements présentent, il est vrai, des imperfections, mais l’absence de critères donne lieu à des connivences, ce qui est contraire aux principes républicains. Notre collègue Catherine Tasca ainsi que d’autres collègues reviendront sur ce sujet, et j’espère que ces discussions permettront au Sénat d’adopter une position, sur laquelle nous étions d’ailleurs accordés, monsieur de Rohan, lors d’un débat qui eut lieu il y a un an ou deux.

Monsieur le garde des sceaux, nous proposerons une disposition qui, j’en suis sûr, concernant les écoutes administratives, vous ira droit au cœur en votre qualité de garde des sceaux.

Vous avez suivi l’actualité, lu la presse, et vous êtes bien informé. Il y a actuellement un vrai malaise. Et quand je dis « malaise », j’emploie un mot qui n’est pas suffisamment fort !

Il est inadmissible que la Direction centrale du renseignement intérieur se préoccupe de rechercher l’origine des appels téléphoniques passés ou reçus par des journalistes, par un membre du cabinet de votre prédécesseur, et même par des magistrats. On ne peut absolument pas utiliser la loi de 1991 pour justifier de telles pratiques.

M. le directeur de cabinet de M. le Premier ministre a écrit une lettre à M. le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, et M. François Fillon a déclaré à l'Assemblée nationale : « le strict respect des libertés publiques impose que les interceptions et toutes les données qui s’y rattachent soient strictement limitées, et soient contrôlées de façon étroite ».

Nous estimons que les amendements que nous avons déposés et dont nous allons discuter font assurément œuvre de clarification, laquelle est nécessaire eu égard aux événements que nous avons connus dans le passé récent.

De la même manière, concernant les fichiers, nous pensons qu’il est nécessaire de transmettre à la délégation parlementaire au renseignement tout décret en Conseil d’État créant un traitement de données dont il a été prévu une dispense de publication au Journal officiel.

Nous connaissons tous, mes chers collègues, la grande rigueur et le sens de l’État avec lesquels les membres de la délégation parlementaire au renseignement accomplissent leur tâche. Là encore, il nous semble que ces garanties seraient très utiles.

Par ailleurs, nous vous proposerons, monsieur le garde des sceaux, une simplification, à savoir la suppression d’un article de notre droit tout à fait inutile ; je veux parler de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, qui concerne ce que l’on nomme « le délit de solidarité ».

Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans notre corpus législatif, le fait d’apporter une aide directe ou indirecte à des étrangers en situation irrégulière peut donner lieu à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Très franchement, cette disposition est choquante. Bien sûr, vous pourrez toujours invoquer, monsieur le garde des sceaux, l’argument consistant à dire que ce n’est pas l’objet du texte. Mais comme, précisément, ce texte n’a pas d’objet, cet argument n’a pas non plus d’objet, d’autant qu’une lecture vigilante du texte montre que l’article 124 de cette proposition de loi vise à modifier le CESEDA. Vous le voyez, cet argument est donc inopérant.

Si vous avez un peu de temps, je me permets de vous conseiller un livre qui ne coûte que trois euros et pourrait faire l’objet d’un cadeau de Noël ; celui de mon ami Stéphane Hessel intitulé Indignez-vous !

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