Intervention de Richard Yung

Réunion du 13 décembre 2010 à 14h30
Simplification et amélioration de la qualité du droit — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Richard YungRichard Yung :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’interviendrai tout particulièrement sur deux points substantiels de cette proposition de loi, à savoir l’article 135 bis relatif aux dispositions électorales concernant les Français de l’étranger – vous comprenez pourquoi –, et l’article 149 quinquies relatif aux inventions de salariés, un sujet vaste, important et souvent sous-estimé.

En ce qui concerne l’article 135 bis, je tiens à mon tour à remercier M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur qui, lors du débat en commission, ont permis d’insérer ce texte. Ce dernier vise, tout d’abord, la communication des listes électorales consulaires aux élus de la République à l’étranger.

Il ne s’agit certes pas d’un sujet majeur, qui mettrait en danger les fondements de la République. Néanmoins, je suis confronté, depuis mon élection, au refus systématique du ministère des affaires étrangères de communiquer ses listes. Je tiens d’ailleurs à votre disposition une correspondance épaisse, monsieur le garde des sceaux.

Plusieurs conseillers d’État se sont certainement penchés sur la question – je ne connais pas les conditions dans lesquelles ils ont intégré leur corps mais, visiblement, ils ont beaucoup travaillé. §Leur réponse, en substance, était qu’aucune disposition ne permet de communiquer ces listes électorales consulaires aux sénateurs des Français de l’étranger.

Voilà qui nous place tout de même dans une situation extraordinaire, puisque nous représentons précisément l’ensemble des Français résidant à l’étranger ! Si l’un de nous, demain, doit se rendre à Francfort et souhaite réunir la communauté française afin de dialoguer avec elle, comment s’y prend-il ?

Le problème se posera également pour les futurs députés des Français de l’étranger, qui seront bientôt élus. Par conséquent, je pense que nous faisons ici acte de bon sens, tout simplement.

Le deuxième aspect de ce dossier est un peu plus délicat, puisqu’il concerne le principe général d’interdiction de la propagande électorale à l’étranger. Nous avons progressé en supprimant cette règle pour les pays de l’Union européenne, pour lesquels elle n’avait plus aucun sens. J’ai moi-même vécu longuement en Allemagne et fait campagne, là-bas, pour mon parti français mais également pour une formation allemande, sans m’attirer évidemment la moindre remarque.

Toutefois, cette interdiction demeure, depuis le siècle dernier – très exactement depuis la convention de Vienne, il me semble. À l’époque, les sensibilités étaient différentes et les États considéraient avec méfiance les campagnes étrangères se déroulant sur leur sol. La Suisse, par exemple, a interdit le vote des étrangers sur son territoire jusqu’à une date assez récente.

Nous proposons donc la suppression de cette interdiction. Toutefois, le Gouvernement a attiré notre attention sur un point : au travers de cette disposition, nous outrepassions un peu notre objet, à savoir la représentation des Français de l’étranger, puisque nous supprimions en même temps l’interdiction de diffuser des tracts, d’organiser des réunions et de diffuser des informations la veille du scrutin en France métropolitaine, alors que tel n’était pas notre propos.

Je vais donc réfléchir à la façon de sous-amender ce texte pour tenir compte de l’observation du Gouvernement, en espérant que, du coup, ce dernier retirera son amendement de suppression de l’article 135 bis.

J’aborde à présent la question des inventions faites par les salariés, traitée par l’article 149 quinquies. Il s’agit du cas, classique, d’une personne employée par une entreprise et qui, dans le cadre de son travail, fait une invention ou améliore le dispositif de production – une pratique qui est peu ou mal considérée en France, pour des raisons sans doute historiques ou culturelles. Plus d’un tiers des entreprises françaises ne distribuent aucune aide ni prime à leurs inventeurs salariés. Et celles qui les récompensent le font de façon assez chiche.

Dans ce contexte, la plupart des inventeurs salariés du secteur privé doivent accepter de ne pas être récompensés, ni même reconnus, financièrement ou moralement. S’ils ne s’y résignent pas, ils sont contraints de saisir la Commission nationale des inventions des salariés, qui propose un arbitrage, ou, pire encore, de saisir le tribunal de grande instance.

Cette situation n’est pas satisfaisante. Elle est même fort regrettable, car il y a là un gisement important d’inventions et d’inventivité. Certes, ces trouvailles ne sont pas toujours de nature à bouleverser le monde, mais elles présentent en général un grand intérêt pratique et suscitent souvent des gains significatifs pour l’entreprise, dont les processus de production et d’organisation s’en trouvent améliorés.

Mme Christine Lagarde l’a d’ailleurs reconnu, puisqu’elle avait commandé au Conseil supérieur de la propriété industrielle un rapport, qui semble être tombé dans l’oubli.

En 2009, le Président de la République a également exprimé son souhait de « progresser vers une meilleure reconnaissance des inventeurs salariés et leur juste association aux bénéfices économiques issus de leurs découvertes ». Néanmoins, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres et, pour l’instant, nous n’avons rien vu venir.

Dans ces conditions, j’ai pris l’initiative, le 4 juin dernier, de déposer une proposition de loi sur ce sujet ; j’en ai repris quelques dispositions qui pourraient venir s’insérer dans la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui. Je ne les développerai pas plus longuement. Certaines sont relatives à la classification des inventions, d’autres visent à mieux encadrer le mode de rémunération lorsque plusieurs salariés sont auteurs d’une même invention.

Jusque-là, la commission, ainsi que le Gouvernement, ont bien voulu me suivre, et je m’en réjouis. En revanche, nous ne nous sommes pas accordés sur la question du mode de rémunération. Sans entrer dans les détails, j’ai proposé un système à deux étages, fondé sur un mode de rémunération forfaitaire, qui pourrait faire l’objet d’une révision en fonction des gains de l’entreprise.

On m’a rétorqué que ces mesures ne relevaient pas de la loi, mais des conventions collectives, des accords d’entreprise ou des contrats individuels. J’entends bien, mais c’est le cas depuis une vingtaine d’années déjà, et nous savons que ce dispositif ne fonctionne pas ! Les conventions collectives qui prennent en compte cette question sont très peu nombreuses ; quant aux contrats individuels de travail, ils sont presque tous muets sur ce point.

Certes, quelques inflexions ont eu lieu. Toutefois, les PME sont très réticentes, de même que les syndicats, il faut bien le dire, car, selon eux, récompenser ces inventions risquerait d’entraîner des différences de rémunération entre les salariés. C’est pourquoi ce sujet n’est guère évoqué et fait figure de grand absent dans les conventions collectives.

L’argument qui m’est opposé ne me paraît donc pas très convaincant, monsieur le garde des sceaux. C’est pourquoi j’ai formulé diverses propositions, que je reprendrai sous forme d’amendements lors de la discussion de ce texte.

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