Je ne retirerai évidemment pas cet amendement, puisqu'il vise à supprimer la mesure tendant à prendre en compte les heures supplémentaires au titre du calcul du montant de la prime pour l'emploi.
Madame la ministre, je vous ai écoutée attentivement hier soir et j'ai bien compris que votre argument majeur, pour justifier le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, est de redonner du pouvoir d'achat à nos compatriotes.
Cette mesure est complètement paradoxale, et je ferai un petit rappel pour vous le démontrer.
Initialement, la prime pour l'emploi visait un objectif clair : encourager l'emploi pour les rémunérations les plus faibles, tout en accordant un réel soutien et un supplément de bien-être à nos concitoyens.
En 2005, la direction générale du Trésor estimait que cette prime pour l'emploi avait profité à un peu plus de 9 millions de foyers, soit un ménage sur quatre, le tout pour un coût total de 2, 7 milliards d'euros.
Cette étude est intéressante et corrobore ce que nous dénonçons depuis plus de cinq ans : la « smicardisation » d'une grande partie du salariat et le tassement, voire le recul, des revenus les plus modestes. C'est ainsi que le nombre de sortants par le haut de la PPE a considérablement diminué alors que celui de ceux qui ont connu une dégradation de leurs revenus a crû dans des proportions sans précédent. Telle est la situation et tel est votre bilan, madame la ministre.
Le paragraphe III de l'article 1er entend donc intégrer les revenus issus des heures supplémentaires au titre du calcul du montant de la PPE. L'exposé des motifs du projet de loi initial précise : « Pour préserver l'économie d'autres avantages fiscaux ou sociaux soumis à condition de ressources dont bénéficieraient les salariés concernés, il est proposé de réintégrer dans le revenu fiscal de référence la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires. Cette rémunération sera également prise en compte dans le calcul des limites conditionnant le bénéfice et le montant de la prime pour l'emploi. »
Reste qu'au regard des conséquences induites on ne peut que s'interroger sur vos intentions réelles. Cette logique est on ne peut plus contradictoire avec la volonté affichée de renforcer le pouvoir d'achat des salariés.
Je souhaiterais maintenant vous poser quelques questions.
Que se passera-t-il pour le salarié qui, du fait de son salaire de référence bas, bénéficie de la prime pour l'emploi ? N'est-ce pas un marché de dupes que vous lui imposez ? Quel sera l'impact de l'intégration des revenus tirés de ces heures supplémentaires dans le revenu de référence, lequel, je le rappelle, conditionne également l'ouverture du droit à dégrèvement de la taxe d'habitation sur laquelle est adossée la redevance audiovisuelle, mais aussi, entre autres, les tarifs de crèche et de cantine ?
Dès lors, comment ne pas mettre en doute votre certitude, madame la ministre, que les salariés gagneront toujours à utiliser les heures supplémentaires ? N'est-ce pas plutôt aux employeurs qu'il sera toujours plus avantageux d'en faire usage ? Le choc de la confiance que vous ne cessez d'appeler de vos voeux ne concernera donc que les plus aisés. Les autres, et notamment les plus modestes, subiront les conséquences de vos choix.
À ce propos, je vous rappelle, madame la ministre, que nos collègues de l'Assemblée nationale MM. Migaud et Idiart vous avaient interrogée afin de connaître l'impact de cette augmentation du revenu fiscal de référence sur le pouvoir d'achat des salariés visés par votre mesure. Combien de foyers seraient touchés ? Et pour quel montant ? Nous ne disposons toujours pas de simulation à ce sujet.
Dans leur rapport au Conseil d'analyse économique Réglementation du temps de travail, revenu et emploi, les auteurs Patrick Artus, Pierre Cahuc et André Zylberberg estiment que « la seule certitude est que ce type d'allégement serait coûteux pour les finances publiques ». Au regard de ce paragraphe, il risque fort de l'être aussi pour nombre de salariés qui, même en travaillant plus, gagneront moins.
C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer le paragraphe III de l'article 1er.