Intervention de Annie David

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h45
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 1er

Photo de Annie DavidAnnie David :

En dépit des arguments rationnels et objectifs que nous développons depuis maintenant plusieurs heures et qui révèlent tant l'inefficacité que l'injustice de cette mesure, vous persistez dans votre position, madame la ministre, convaincue de son bien-fondé. Hélas, lorsque les convictions ne passent pas l'épreuve de la logique, elles deviennent des mystifications.

Cet article est une tromperie ; de plus, il stigmatise des millions de chômeurs qui n'aspirent qu'à travailler, et qui, parfois, sont victimes de patrons voyous ou d'actionnaires toujours plus avides.

Je vous ai fait part de quelques exemples concrets observés dans le département de l'Isère, dont je suis l'élue, notamment celui des Papeteries de Lancey. Il en est un autre que tiens à évoquer parce qu'illustre bien l'urgence d'aujourd'hui, qui n'est pas tant de « travailler plus » que de simplement travailler.

En Isère, la commune de Froges reste le berceau de l'aluminium, grâce à l'ingénieur Paul Héroult, dont vous avez peut-être entendu parler, madame la ministre, qui décida d'y implanter son entreprise en 1890. Repris par le groupe Péchiney en 1924, le site comptait encore 1 500 salariés dans les années soixante-dix ; leur nombre n'a cessé, depuis, de se réduire.

En 1998, le groupe, alors dénommé Pechiney-Rhénalu et spécialisé dans le laminage des feuilles d'aluminium, mit en oeuvre un plan social qui se traduisit par la suppression de la moitié des emplois : de 133, les salariés passèrent à 68. Sans leur lutte, le site aurait peut-être été fermé.

Je vous rappelle, madame la ministre, l'OPA d'Alcan sur Péchiney, en 2003, qui s'effectua avec la bénédiction du gouvernement en place, sous prétexte qu'Alcan s'était engagé à ne pas toucher les emplois ouvriers pendant un an.

Passé ce délai, le groupe Alcan, dont j'ai saisi plusieurs fois la direction, a enchaîné les plans de restructuration. J'avais d'ailleurs fait part de mon indignation à la Haute Assemblée et alerté M. Gérard Larcher, alors ministre délégué aux relations du travail, sur l'opportunisme de ce groupe.

En novembre 2004, Alcan annonçait la mise en vente du site de Froges. Devant l'absence de repreneur, le groupe décida de le fermer le 30 juin 2005. Ce n'est qu'en février 2006, grâce à la mobilisation et à la pression des salariés et des élus locaux, soucieux que le groupe Alcan assume ses responsabilités pour la poursuite de l'activité industrielle, qu'un repreneur a été trouvé.

Le site a donc été vendu à la société ILA, Industrie Laminazione Alluminio Spa, basée en Sardaigne, sans qu'Alcan s'assure de la santé financière de ce repreneur. Cette cession s'est traduite par la création de la société LAF, Laminoirs Aluminium Froges, filiale à 90% d'ILA et à 10% du groupe Carboni, également italien. Cette cession a été réalisée avec un plan d'accompagnement qui comprenait, notamment, une aide à l'investissement de 50 %, d'un montant de 4 millions d'euros pendant cinq ans, avec, en contrepartie, le maintien de l'effectif de 58 salariés pendant deux ans.

Deux mois après, les problèmes de trésorerie sont apparus et n'ont ensuite cessé de s'aggraver.

Ainsi, en novembre et décembre derniers, les représentants des salariés ont déclenché un droit d'alerte avec, dans le même temps, l'arrivée d'un nouveau repreneur italien qui devait injecter de l'argent pour relancer l'activité existante et développer une autre activité. L'actionnaire principal n'ayant pas donné les informations sur les comptes de la société, ce repreneur potentiel s'est désisté.

Au final, l'avidité du groupe Alcan et l'irresponsabilité des actionnaires de LAF ont conduit à la liquidation judiciaire de la société le 4 juillet 2007, laissant les 58 salariés sans la possibilité de « travailler plus pour gagner plus ».

Madame la ministre, là est l'urgence ! Que comptez-vous faire pour aider ces femmes et ces hommes qui luttent depuis plusieurs années pour sauver leur emploi ? Ne sont-ils pas suffisamment courageux et entreprenants pour que vous acceptiez de les entendre ?

La philosophie qui a présidé à la rédaction de cet article 1er ne nous convient pas, vous l'aurez compris, puisque notre priorité, ce n'est pas le « travailler plus », mais le « travailler tous ».

Monsieur Braye, si leur éducation n'a pas donné à ces salariés, qui ont aujourd'hui beaucoup de temps disponible, la possibilité de jouer au golf...

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