Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Réunion est le département de la République où le taux de chômage est le plus élevé : 30 % environ. Même s'il a baissé, ce taux reste inacceptable.
Pourtant, depuis plusieurs années, des mesures particulières ont été mises en place par les différents gouvernements. Ces mesures relèvent de la même inspiration : exonération de charges, défiscalisation, etc. Bien qu'elles exigent un important effort financier de l'État, leurs résultats en termes de création d'emplois sont décevants.
Ont-elles été totalement inopérantes ? Non, car le taux de croissance à la Réunion est relativement soutenu, puisqu'il s'élève à 4 %. Or, malgré ces efforts, le taux de chômage ne saurait baisser de manière significative. Chacun en a conscience, persévérer à recourir aux seuls moyens actuels conduit d'autant plus à l'impasse que, d'ici à vingt ans ou vingt-cinq ans, la population de la Réunion augmentera de 25 %, pour atteindre le million d'habitants.
Sortir des sentiers battus et imaginer des solutions innovantes sont donc d'impérieuses exigences.
Certes, de grands travaux vont doter la Réunion d'importantes et indispensables infrastructures. Ces grands travaux ont été actés dans le contrat de projet État-région, le CPER, dans le programme opérationnel européen et dans les protocoles signés le 19 janvier 2007, à Matignon, entre le Premier ministre et le président de la région Réunion. D'un montant de 4, 3 milliards d'euros, ils couvrent une période d'environ dix ans. Tous ces projets généreront des milliers d'emplois nouveaux.
De plus, en concertation avec les autres collectivités et les socioprofessionnels, la région Réunion a élaboré un plan de développement durable. Ce plan vise non seulement le renforcement des productions traditionnelles, mais aussi la conquête des marchés extérieurs, le développement des technologies de l'information et de la communication, des énergies renouvelables, ainsi que la protection de l'environnement pour faire face aux effets du réchauffement climatique.
Cependant, la mise en oeuvre de ce plan durable se faisant dans la durée, ses effets sur l'emploi ne seront perceptibles que dans le futur. En attendant, il s'avère donc indispensable de recourir à des mesures transitoires qui ne soient pas en contradiction avec les mesures durables.
Sur une population totale de 785 000 habitants, notre île compte plus de 71 000 allocataires du revenu minimum d'insertion, soit 185 000 personnes dont la vie dépend de ce complément de revenus.
Comment permettre à la majorité de ces RMIstes de trouver une activité, sachant que, comme le prouve le dispositif de l'ARA, l'allocation de retour à l'activité, le secteur marchand mettra plusieurs années à les intégrer ? Ce dispositif, proche du RSA, le revenu de solidarité active, existe déjà à la Réunion. Mais comme il est tourné essentiellement vers des activités du secteur marchand, le nombre de bénéficiaires est restreint - environ 3 000 en quatre ans - et ne saurait à lui seul répondre aux besoins. Il est donc nécessaire de se tourner vers d'autres secteurs.
Nous pensons à deux secteurs d'activité essentiels pour l'avenir même de la Réunion. Le premier, c'est celui des services d'aide à la personne, qui concernent les personnes âgées, les personnes handicapées - enfants et adultes -, les personnes illettrées, la petite enfance, etc. Le second secteur, c'est l'environnement et le parc national récemment créé.
Pour ces tâches, il est indispensable de recourir à une main-d'oeuvre abondante, disponible et disposant d'une qualification minimale. Dans ces deux domaines, le RSA peut être appliqué rapidement, dans une perspective de pérennisation, et produire ainsi des effets significatifs sur la baisse du chômage et l'élévation du niveau de vie.
Je terminerai mon propos en évoquant le coût de la vie.
À la Réunion, en dix ans, les prix à la consommation ont augmenté beaucoup plus qu'en métropole : 38 %, contre 30 %. Chez nous, le seuil de pauvreté est fixé non pas à 700 euros comme en métropole, mais à 350 euros par personne et par mois. Un Réunionnais sur quatre vit avec moins de 350 euros mensuels. Si le seuil de pauvreté métropolitain était appliqué à la Réunion, un Réunionnais sur deux vivrait dans la pauvreté.
La lutte contre la pauvreté, qui est l'un des objectifs de ce projet de loi, madame la ministre, est un vaste chantier nécessitant non seulement une action sur les prix - je me réjouis, d'ailleurs, de la mise en place de l'Observatoire des prix et des revenus à la Réunion -, mais aussi une action sur les salaires et les revenus. Il est impératif de relever les minima sociaux et les retraites, particulièrement celles des retraités agricoles. Mais la seule solution durable est de mettre en activité le plus grand nombre possible de Réunionnaises et de Réunionnais.
Le RSA peut être un outil utile, mais dans les conditions que je viens d'évoquer précédemment et dans la mesure où la lutte contre le chômage à la Réunion, département particulièrement sinistré dans ce domaine, serait considérée comme une cause sociale nationale et à condition que l'État n'ait pas la volonté de faire financer par les seuls Réunionnais, en l'occurrence le conseil général ou d'autres collectivités, l'effort indispensable pour faire diminuer le taux de chômage dans notre département.