Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Adoption d'un projet de loi

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, cher Josselin de Rohan, monsieur le rapporteur, cher André Dulait, mesdames, messieurs les sénateurs, ... j’allais dire « chers collègues », mais je suis privé de ce bonheur pour quelques mois puisque c’est en qualité de ministre de la défense que je vous présente aujourd’hui ce projet de loi relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

Ce projet de loi fait l’objet d’un accueil unanimement favorable, tant il apparaît à chacun nécessaire de mettre à jour notre législation en vue de combattre efficacement la prolifération des armes de destruction massive, une prolifération qui ne relève pas seulement, hélas, de la fiction ou de l’imagination, ainsi qu’en témoignent les observations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale paru en 2008 ou encore, dans l’actualité récente, la révélation de l’existence du réseau dirigé par Abdul Qadir Khan, physicien nucléaire pakistanais, et les informations diffusées par la presse internationale sur les pratiques de certains pays, telle la Corée du Nord.

La prolifération s’est amplifiée avec la disparition de l’empire soviétique, qui a entraîné l’effondrement de son complexe militaro-industriel et l’émergence, dans ses décombres, de formes nouvelles de transactions illicites particulièrement préoccupantes.

La préoccupation est d’autant plus justifiée que ces transactions illicites concernent également des biens à double usage, c’est-à-dire pouvant avoir à la fois une application civile, reconnue et acceptée, et une application militaire.

Le projet de loi traite non seulement de la prolifération organisée par des États pour lesquels cette activité est notoire, mais aussi de celle qui est le fait de réseaux privés ou clandestins. La prolifération s’appuie en effet désormais sur une économie en partie souterraine, favorisée par la libéralisation du commerce international, qui permet malheureusement à certains d’utiliser, contre l’intérêt général, une maîtrise scientifique largement diffusée dans le monde et parfois adossée à certains États.

Dans ce contexte, les services de renseignement soulignent le risque de voir des acteurs non étatiques chercher à acquérir des armes de destruction massive et, face à cette situation, la communauté internationale a réagi.

Les résolutions 1540 et 1810, adoptées en 2004 et en 2008 par le Conseil de sécurité des Nations unies, font obligation aux États d’améliorer leurs outils juridiques afin de prendre en compte toutes les dimensions de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, qu’il s’agisse d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques, de leurs vecteurs ou des matériels connexes sans lesquels ces armes ne pourraient évidemment pas être utilisées.

Par ailleurs, la résolution 1887 de 2009 reconnaît la nécessité pour tous les États d’adopter des mesures efficaces pour empêcher des terroristes d’accéder à des matières nucléaires ou à une assistance technique relative à l’usage de ces matières nucléaires.

En ce qui concerne la France, un diagnostic interministériel demandé par le Premier ministre en novembre 2006 a mis en évidence la complexité, les carences et le manque de lisibilité de notre arsenal juridique de lutte contre la prolifération, éclaté entre le code de la défense, le code des douanes, le code pénal et le code de procédure pénale.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter a donc pour objet de renforcer la cohérence, l’efficacité et surtout le caractère dissuasif de la législation française.

Le premier objectif du texte est l’harmonisation des dispositions relatives aux infractions et aux peines encourues au titre d’actes de prolifération dans les trois domaines : nucléaire, biologique et chimique. En l’état actuel des textes, pour des raisons évidentes, c’est la prolifération chimique qui est le plus sévèrement sanctionnée.

Le deuxième objectif est l’introduction de dispositions relatives à la prolifération des vecteurs d’armes de destruction massive, avec une peine de quinze ans de réclusion criminelle prévue pour les infractions relatives à leur fabrication, leur commerce, leur acquisition, leur détention et leur transport.

Le troisième objectif est le renforcement des peines encourues en matière de contrebande, d’importation et d’exportation de biens et technologies à double usage. Cette nouvelle infraction douanière permettrait l’ouverture d’enquêtes judiciaires favorisant le démantèlement de filières de fraude.

Le quatrième objectif est le comblement d’une lacune importante du dispositif juridique actuel en matière de financement, ce dispositif privilégiant la répression du terrorisme et du blanchiment au détriment de celle de la prolifération.

Le cinquième objectif, enfin, est le renforcement des moyens procéduraux de lutte contre la prolifération, sur le modèle, qui a fait ses preuves, des règles applicables à l’encontre du terrorisme et de la criminalité organisée ; je pense en particulier à la centralisation des enquêtes et des jugements au tribunal de grande instance de Paris et à l’utilisation de techniques spéciales d’enquête.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous remercie chaleureusement, et, avec vous, l’ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d’avoir adopté à l’unanimité ce texte. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays est déjà partie aux instruments juridiques internationaux comme le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, la convention sur l’interdiction des armes chimiques ou le règlement 428/2009 du Conseil de l’Union européenne instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage. Il s’est engagé de manière déterminée pour renforcer l’efficacité de la stratégie de l’Union européenne en matière de lutte contre la prolifération.

L’adoption du présent projet de loi permettra à la France de franchir une étape supplémentaire, faisant ainsi preuve d’une exemplarité accrue. Elle montrera qu’elle accorde la priorité à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, conformément aux engagements pris par le G8, dont elle assure pour la sixième fois la présidence.

La nouvelle loi montrera que nous sommes résolus à entraîner les grandes nations dans un effort opiniâtre, systématique de lutte contre la prolifération et contre ceux qui la rendent possible.

Il s’agit d’un texte réaliste, tenant compte de l’évolution des formes d’une menace à laquelle il est impératif de parer. C’est pourquoi je vous remercie d’avance, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter ce projet de loi avec le même esprit de rassemblement qui a conduit votre commission à l’approuver unanimement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion