Intervention de André Dulait

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Adoption d'un projet de loi

Photo de André DulaitAndré Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Madame la présidente, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour féliciter M. le ministre de sa nomination.

Nous tenons à vous dire, monsieur le ministre, tout le plaisir que nous avons à vous retrouver et nous savons combien votre rôle sera important dans les semaines et les mois qui viennent.

Dans sa résolution 1540 du 28 avril 2004, le Conseil de sécurité des Nations unies a clairement désigné la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs comme une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Cette menace est directement liée au pouvoir destructeur de ces armes, qui justifie le principe d’interdiction ou, dans le cas des armes nucléaires, de stricte limitation, posé par les traités internationaux.

La menace est également indirecte, car la prolifération est un facteur de course aux armements et de déstabilisation dans plusieurs régions du monde, notamment en Asie et au Moyen-Orient. La possession de missiles balistiques ou de croisière par un nombre croissant d’États ne fait qu’exacerber la prolifération nucléaire, chimique ou biologique.

Aujourd’hui, trente-trois États n’ont toujours pas ratifié la convention sur l’interdiction des armes biologiques de 1972 ; sept États ne sont pas parties à la convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993 ; enfin, trois États n’ont pas adhéré au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, alors que la Corée du Nord s’en est retirée en 2003.

Par ailleurs, l’adhésion à ces instruments fondamentaux n’en garantit pas toujours le plein respect. En effet, la convention sur l’interdiction des armes biologiques ne comporte pas de mécanisme d’inspection et de vérification. Le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique – AIEA – sur les activités nucléaires se heurte à des limites politiques, juridiques et techniques, ainsi que nous l’observons avec l’Iran.

Enfin, le rôle croissant des acteurs non étatiques dans la prolifération est un phénomène marquant de ces quinze dernières années. Chacun a en mémoire les activités du réseau dirigé par le scientifique nucléaire pakistanais Abdul Qadir Khan. La diffusion des savoir-faire scientifiques et des technologies comme la mondialisation des échanges favorisent l’apparition de nouveaux acteurs de la prolifération, qui s’affranchissent largement des logiques et des pratiques habituelles des États.

Face à ce type d’agissements, le renforcement des contrôles étatiques sur la fabrication et les transferts d’équipements sensibles est indispensable.

C’est l’objet de la résolution 1540, qui est en grande partie à l’origine du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

Cette résolution prescrit aux États la mise en œuvre d’un véritable plan de lutte contre les acteurs non étatiques de la prolifération. À cet effet, elle demande aux États : de se doter d’une législation interdisant et réprimant les activités d’acteurs non étatiques liées aux armes de destruction massive ou à leurs vecteurs ; de mettre en place des dispositifs intérieurs de contrôle visant à comptabiliser les produits sensibles, à assurer leur protection physique et à surveiller les exportations ; d’empêcher le trafic de ces armes et de leurs vecteurs.

La résolution a créé un comité auprès du Conseil de sécurité, appelé « comité 1540 », qui est chargé d’en suivre la mise en œuvre. Ce comité analyse les rapports sur les mesures d’application nationales que les États membres sont tenus de remettre régulièrement.

La France a soutenu l’adoption de cette résolution et se doit de la mettre en œuvre de manière aussi complète que possible.

Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le ministre, notre arsenal juridique en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive résulte de strates successives, liées notamment à notre adhésion à plusieurs instruments internationaux : les conventions d’interdiction des armes biologiques et des mines chimiques, que j’ai déjà évoquées, mais aussi la convention de l’AIEA sur la protection physique des matières nucléaires.

C’est pour rendre cette législation plus complète et plus cohérente que le présent projet de loi a été élaboré.

Parmi les améliorations qu’il tend à apporter, nous pouvons retenir les points suivants.

Premièrement, ce projet de loi permet une harmonisation du régime des sanctions pénales applicables aux armes chimiques, aux armes biologiques et aux matières nucléaires.

Il comble certaines lacunes, notamment l’absence d’incrimination du financement des activités liées à la prolifération, comme cela existe par exemple pour le terrorisme.

Il instaure un régime pénal spécifique, plus sévère, pour les activités menées en bande organisée ou dans le but avéré de réaliser une arme. Cela permettra de cibler plus efficacement les réseaux de la prolifération, en les distinguant des agissements isolés.

Deuxièmement, le projet de loi introduit dans le droit français la notion de vecteurs d’armes de destruction massive, conformément à la résolution 1540. Jusqu’à présent, ces engins n’étaient pas distingués des autres matériels de guerre, alors que les infractions les concernant justifient un dispositif particulier.

Troisièmement, le projet de loi renforce les sanctions en cas d’infraction sur l’exportation des biens et technologies à double usage. On sait qu’il s’agit là d’un canal privilégié pour les réseaux de prolifération, car la vigilance des États peut plus facilement être prise en défaut.

Quatrièmement, enfin, le projet de loi instaure des règles spécifiques de procédure pénale, notamment la centralisation des poursuites et des jugements au tribunal de grande instance de Paris, afin de lutter plus efficacement contre la prolifération.

Aux yeux de la commission, ce projet de loi nous dotera d’un dispositif très complet permettant de réprimer sévèrement tous les actes en lien avec la prolifération.

Fort heureusement, nous n’avons été, jusqu’à présent, que très rarement – une seule fois, me semble-t-il – confrontés à ce type d’affaires. Il n’en demeure pas moins nécessaire de mettre en place tous les moyens juridiques permettant d’y faire face.

Grâce à ce projet de loi, la France sera en conformité avec les obligations qui découlent de la résolution 1540, étant rappelé que chaque État fait l’objet d’un examen régulier par le comité spécial institué auprès du Conseil de sécurité. Il nous semble également que, avec la mise en place d’une législation complète et efficace, notre pays peut contribuer à promouvoir auprès des autres États les meilleurs standards et les meilleures pratiques.

Nous savons que, sur ces questions de prolifération, la France travaille étroitement avec ses partenaires européens et que l’Union européenne est engagée en tant que telle dans une stratégie de lutte contre la prolifération. Elle a notamment adopté une réglementation sur les biens à double usage, civil et militaire, destinée à harmoniser les pratiques des États membres.

L’Europe concentre une grande partie des technologies et équipements sensibles au regard de la prolifération ; il est donc indispensable d’adopter une approche coordonnée en la matière.

Je souhaiterais maintenant aborder une problématique qui sort du champ du projet de loi : il s’agit du risque d’utilisation d’éléments radioactifs, par exemple d’origine médicale, pour la fabrication de bombes radiologiques, ce que l’on appelle les « bombes sales ». Il ne s’agit pas d’armes de destruction massive au sens du présent projet de loi, mais ce sont des armes vers lesquelles un terrorisme de masse peut se tourner, et il nous faut, hélas, prendre en compte une telle hypothèse.

L’AIEA a adopté en 2003 un code de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives. Celui-ci incite fortement les États à protéger les sources radioactives les plus dangereuses contre les actes de malveillance.

La mise en place d’un dispositif de contrôle de la sécurité des sources radioactives est nécessaire. Je sais que des travaux interministériels ont été engagés en ce sens voilà un peu plus de deux ans. Il nous paraît important que les mesures législatives correspondantes puissent être adoptées aussi rapidement que possible. Peut-être serez-vous en mesure de nous donner, monsieur le ministre, quelques indications sur ce point ?

La commission a considéré que ce projet de loi constituait une avancée indiscutable et l’a adopté à l’unanimité dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. En son nom, je vous demande donc pour conclure, mes chers collègues, de l’approuver à votre tour.

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