Plus sérieusement, que prévoit l'article 3 ? Le contribuable pourra déduire de son impôt sur le revenu 20 % des intérêts d'emprunt dans les conditions que nous examinerons tout à l'heure.
Cette mesure s'applique à tous les emprunts en cours et ne mentionne pas de date d'extinction. Elle est donc à la fois rétroactive et permanente. Tout au plus un rapport, que l'on n'ose qualifier d'évaluation, est-il prévu par l'article 3 bis ; toutefois, il n'est guère précisé si ses conclusions pourront entraîner une remise en cause du dispositif.
Pourtant, la déductibilité des intérêts d'emprunt sera socialement ségrégative et économiquement contre-productive.
Tout d'abord, l'article 3 concernera avant tout les ménages favorisés. Malgré les affirmations convaincues de Mme la ministre, les faits sont têtus et la démonstration tient en quelques chiffres.
Si l'accession à la propriété est une ambition égalitairement répandue dans toutes les catégories sociales, elle n'est une réalité que parmi les plus aisées d'entre elles. Ainsi, en 2004, 67 % des accédants à la propriété ont un revenu mensuel supérieur à 3 SMIC. Or, la même année, 20 % seulement des Français ont un revenu mensuel supérieur à 3 SMIC. Il est donc aujourd'hui statistiquement erroné de dire que cette disposition s'adresse à la majorité de nos concitoyens. Ce n'est pas vrai !
L'instauration de cette mesure créera une autre source d'inégalité : plus l'emprunt est élevé, plus la déduction fiscale l'est. En d'autres termes, plus on s'enrichit, moins on paie d'impôt, proportionnellement s'entend. Ce faisant, c'est l'État qui s'appauvrit.
Enfin, je ne peux pas clore mes propos sur l'inégalité sociale qu'entraînerait l'adoption de l'article 3 sans vous rappeler la récente étude de Camille Landais, qui fait suite aux travaux de Thomas Piketty sur l'évolution des hauts revenus.