Nous avons beaucoup parlé de la crise du logement ces derniers mois au Parlement. Incendies dans des hôtels insalubres, tentes installées par l'association les Enfants de Don Quichotte, résurgence des bidonvilles, explosion des prix, ségrégation spatiale... : tout le monde a pris conscience de l'urgence sociale.
Cependant, on a l'impression que la mesure proposée dans ce projet de loi passe complètement à côté de cette urgence ! En effet, ce crédit d'impôt profitera uniquement aux classes moyennes supérieures, alimentera la bulle immobilière, et coûtera très cher à l'État. Il empêchera d'engager les dépenses indispensables pour assurer l'accès à la location, qui constitue un besoin prioritaire pour les ménages modestes.
Alors que le Gouvernement avait initialement évalué le coût de la mesure à 1, 5 milliard d'euros, puis à 2, 5 milliards d'euros, il l'estime aujourd'hui à 3 milliards d'euros. En ce qui concerne le logement, il est des moyens plus pertinents de dépenser 3 milliards d'euros. En effet, cette somme correspond à presque la moitié du budget de la mission « Ville et logement ». C'est dix fois plus que les ressources allouées au Fonds de solidarité pour le logement, qui aide les locataires en difficulté. C'est huit fois plus que ce que l'État octroie au programme « Rénovation urbaine », qui concerne pourtant les 529 quartiers les plus défavorisés.
On voit bien où va la priorité du Gouvernement. Ces 3 milliards d'euros seraient pourtant mieux utilisés pour construire des HLM, grâce à des prêts locatifs aidés d'intégration ou à des plans locaux d'urbanisme.
Dans la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, le Parlement a voté une augmentation du nombre de logements très sociaux, qui passent de 63 000 à 80 000 par an. On estime que cette avancée - certes insuffisante, mais indispensable - a coûté 100 millions d'euros au budget de l'État.
À la suite de la mobilisation des Enfants de don Quichotte, l'augmentation de l'enveloppe du plan de programmation en matière d'hébergement d'urgence, annoncée cet hiver comme une avancée historique, représente un montant de 300 millions d'euros étalés sur quatre ans, soit 75 millions d'euros par an.
Il n'est qu'à comparer cette somme avec les 3 milliards d'euros distribués par la mesure de Nicolas Sarkozy ! Combien de dizaines de milliers de logements sociaux auraient pu être financés à la place de cette dépense, qui, elle, est inutile ?
Les 3 milliards d'euros pourraient servir à réquisitionner ou à ramener sur le marché de la location les 2 millions de logements vacants et les millions de mètres carrés de bureaux vides, ou bien à construire un plus grand nombre de résidences universitaires, quand on sait que 7 % seulement des étudiants y ont accès !
Cet argent ira vers les classes moyennes les plus aisées. Les ménages qui gagnent moins de 2 SMIC, environ 2 000 euros nets par mois - soit près de 50 % de la population -, ne représentent que 16, 1 % des acquéreurs en 2005. Comme le souligne le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, « le développement de l'accession à la propriété repose sur les ménages des classes moyennes supérieures et des classes aisées ».
Il s'agit d'un cadeau fait aux plus aisés, qui n'atteindra même pas son but, à savoir favoriser l'accession à la propriété. En effet, quand on envisage d'acheter un logement qui coûte par exemple 200 000 euros, une aide de l'État de 7 000 euros n'est pas de nature à déclencher un acte d'achat. De plus, accorder ce crédit d'impôt de manière rétroactive est totalement inutile si l'idée est de pousser à l'achat, puisque la décision d'achat a déjà été prise.
C'est donc un cadeau sans aucune contrepartie, puisqu'il s'adresse à tous les ménages, même à ceux qui n'en ont pas besoin, et sans aucune condition environnementale, par exemple le respect du label « Haute performance énergétique ».
De plus, comme cette mesure ne concerne pas que les primo-accédants, cette mesure subventionnera des ménages qui ont déjà vu augmenter fortement la valeur de leur patrimoine ces dernières années et qui n'ont pas besoin de ce coup-de-pouce fiscal au moment de leur déménagement.
Comme d'habitude en matière de logement, les milliards d'euros sont destinés à ceux qui en ont le moins besoin. C'était déjà le cas avec les défiscalisations.
Vous aurez compris pourquoi je souhaite la suppression de l'article 3.