Intervention de Rachel Mazuir

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Adoption d'un projet de loi

Photo de Rachel MazuirRachel Mazuir :

Nous nous réjouissons de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat, tout en espérant qu’il restera d’application hypothétique, c’est-à-dire que nous n’aurons jamais à connaître de faits criminels gravissimes, commandités ou encouragés par des groupuscules, impliquant l’usage d’armes de destruction massive.

Je me félicite que ce texte ait été adopté à l’unanimité par les députés, puis par la commission des affaires étrangères du Sénat, qui n’y a apporté aucune modification.

L’issue de son examen dans notre assemblée devrait être tout aussi favorable et je souhaite vivement que cette initiative soit suivie par tous les autres pays signataires de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui est à l’origine de cette réglementation.

Certes, je ne saurais mettre en cause le bien-fondé de cette démarche internationale, mais je doute de son efficacité. Vous me permettrez donc de vous exprimer mes doutes et de vous soumettre mes observations.

Je commencerai par rappeler que ce projet de loi vise à transposer en droit national les décisions contenues dans la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée à l’unanimité le 28 avril 2004, lesquelles ont pour objet d’interdire aux États d’aider les acteurs non étatiques à se procurer les moyens et les techniques permettant de se doter d’armes nucléaires, biologiques et chimiques. Juridiquement contraignante, cette résolution impose aux États membres qui souhaitent s’y conformer d’adapter leur législation interne. C’est ce à quoi, monsieur le ministre, vous nous invitez aujourd'hui.

Je souhaite toutefois élargir cette rétrospective en exposant d’autres facteurs qui ont encouragé les États à légiférer contre ce fléau.

Il faut remonter au 10 décembre 2002, qui vit l’arraisonnement par la marine espagnole, sur ordre des forces américaines, du navire nord-coréen So San qui se trouvait dans les eaux internationales en route pour le Yémen. L’absence de textes juridiques appropriés n’avait pas permis la saisie de pièces de missiles balistiques dont la provenance, quasi certaine, de Corée du Nord n’avait pu être prouvée.

À la suite de cette constatation de l’impuissance des grandes forces de ce monde à lutter contre la prolifération de telles armes, c’est le président américain George W. Bush qui, le 31 mai 2003, a lancé un grand programme de coopération internationale, l’Initiative de sécurité contre la prolifération, ou PSI, dans le but d’enrayer le trafic d’armes de destruction massive.

Dès septembre 2003, onze pays, dont la France, ont adopté et publié cette déclaration. Toutefois, la PSI n’est ni une institution ni une organisation : la participation et la coopération se font sur la base du volontariat. Je rappelle au passage que la Russie et la Chine n’étaient pas signataires.

Parallèlement, la France et d’autres États de l’Union s’étaient déjà réunis pour examiner ce thème lors du Conseil européen de Thessalonique de juin 2003. À cette occasion, ils avaient adopté une déclaration sur la non-prolifération dans laquelle ils s’étaient engagés à poursuivre l’élaboration d’une stratégie communautaire cohérente, visant à faire face à la menace des armes de destruction massive. Cette stratégie européenne a été récemment complétée, en décembre 2008, lors de la présidence française, par un plan d’action contre la prolifération des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, dites NRBC, qui couvre ainsi tous les volets de la lutte contre la prolifération.

Monsieur le ministre, il serait intéressant que nous soit présenté un bilan de ce plan d’action européen.

C’est pour compléter ce dispositif que la résolution 1540 a été prise, également sur l’initiative du président américain, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le 28 avril 2004, soit quelques mois après la mise en place de la PSI.

Quelles sont les limites de cette résolution ? Tout d’abord, certains se sont interrogés sur l’utilité de son adoption, alors même que la PSI venait d’être engagée par la plupart des grands pays de ce monde ; d’autant qu’aujourd’hui les résultats obtenus peuvent paraître modestes.

Le deuxième rapport du « comité 1540 » souligne en effet que tous les pays ne traitent pas cette question de la même manière, alors qu’était préconisée une réaction unanime et similaire de l’ensemble des États adhérents. J’espère d’ailleurs que le mandat du « comité 1540 », placé auprès du Conseil de sécurité et chargé de suivre la mise en œuvre de la résolution, sera encore renouvelé à son expiration, en avril 2011. Il est en effet indispensable de maintenir ce dispositif et de veiller à la bonne application des dispositions prévues par les États membres.

En comparaison, ce sont plus de quatre-vingt-dix pays qui, à ce jour, ont souscrit aux principes de la PSI. Doit-on justifier cet engouement par le caractère non contraignant de cette initiative, qui peut apparaître comme le signe d’un engagement politique quelque peu informel ?

Ainsi, contrairement à la résolution 1172 dans laquelle il était demandé au Pakistan et à l’Inde d’adhérer au traité de non-prolifération nucléaire, dans la résolution 1540, on s’est abstenu d’exiger une telle adhésion.

Par ailleurs, cette résolution ne vise la prolifération nucléaire que par la mention des acteurs non étatiques, lesquels ne sont en outre qu’imparfaitement définis : « personnes ou entités qui, n’agissant pas sous l’autorité légale d’un État, mènent des activités tombant sous le coup de la présente résolution ». J’espère que cette définition, bien qu’assez vague, sera malgré tout utile.

Les États ne sont donc pas concernés même si leur responsabilité, ou à tout le moins leur négligence, est susceptible d’être invoquée. Je pense, comme nombre d’entre vous sans doute, à la Corée du Nord ou à l’Iran.

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