Intervention de Philippe Marini

Réunion du 26 juillet 2007 à 22h15
Travail emploi et pouvoir d'achat — Articles additionnels après l'article 3 bis

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Nous avons les uns et les autres, à tort ou à raison, été associés au processus de décision qui a abouti aux directives européennes aujourd'hui applicables.

Pour bien comprendre le fondement économique du problème, il faut rappeler qu'en France la production d'énergie dite « non arbitrable » - au fil de l'eau, éoliennes - et le nucléaire représentent 74 % de la puissance installée du parc. Dans un marché libre, c'est-à-dire qui fonctionne selon les règles de l'offre et de la demande, et aux frontières fermées, si ce marché est la France, l'unité de production marginale qui détermine le prix « spot », c'est-à-dire le prix instantané, est le plus souvent nucléaire.

Tel n'est plus le cas dans un marché unique européen de l'énergie noyant, diluant le parc nucléaire français dans un vaste ensemble thermique.

Le meilleur spécialiste encore en vie en matière de tarification de l'électricité, Marcel Boiteux, président d'honneur d'EDF, explique ce phénomène de façon limpide dans un article publié dans la revue Futuribles de juin 2007 : du fait de la structure actuelle des réseaux européens, il n'existe un réel marché que sur la « plaque » formée de la France, du Benelux et de l'Allemagne, en raison de la physique des interconnexions de réseaux.

Il constate que « sur ce marché les prix se fixent très naturellement, à chaque instant, au niveau du coût du kilowattheure fourni par le dernier fournisseur auquel il faut faire appel pour satisfaire la demande, donc au fournisseur le plus cher de ceux qu'il faut mobiliser, lequel est allemand [...] et coûteux comparé aux prix français ».

Et Marcel Boiteux conclut qu'EDF, grâce à son parc nucléaire, bénéficie de prix de revient bien plus avantageux que ses collègues allemands, mais, « les lois du marché étant ce qu'elles sont », dorénavant, ce sont non plus ses clients qui en profitent mais ses actionnaires, au premier rang desquels l'État. C'est ce que l'on appelle aujourd'hui la « rente nucléaire » d'EDF.

Telle est, mes chers collègues, la réalité économique et juridique. Confrontés à cette contradiction majeure et structurelle, nous nous efforçons de trouver des dispositifs de transition rassurants. Ainsi, dans la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, dont j'étais le rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, nous avons institué - et nous avons bien fait - pour les usagers professionnels, un tarif de retour valable deux ans, avec un certain niveau de plafonnement par rapport au tarif réglementé, tarif dont nous avons longuement discuté. Le Sénat a d'ailleurs obtenu une optimisation de cette formule.

À présent, la question de la pérennité des tarifs réglementés se pose pour les usagers domestiques.

Le Conseil constitutionnel estime que la notion de tarif réglementé est peu, voire pas conforme à la Constitution. En effet, dans l'ordre des normes de droit, une directive communautaire s'impose au droit national d'un pays.

On peut essayer de trouver des solutions temporaires et rassurantes, mais force est de constater que nous sommes aujourd'hui dans une situation différente de celle d'hier.

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