Intervention de Xavier Pintat

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Adoption d'un projet de loi

Photo de Xavier PintatXavier Pintat :

En second lieu, je me félicite de l’inscription rapide de ce projet de loi à l’ordre du jour du Sénat, à peine plus de trois mois après son adoption par l’Assemblée nationale, le 25 novembre dernier. Je tiens, en cet instant, à rendre hommage à notre rapporteur, André Dulait, qui, de la lutte contre la piraterie à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, n’a de cesse d’œuvrer pour la sécurité mondiale.

Déjà, en 2004, la commission des affaires étrangères du Sénat s’était saisie d’une partie de ce sujet, et je parle sous le contrôle de son président, M. Josselin de Rohan. Un rapport d’information sur la prolifération nucléaire et les réponses aux crises en la matière avait été publié. Cela témoigne de la persévérance de notre commission dans ce domaine et de la qualité de son travail.

Le projet de loi relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive répond à des impératifs internationaux et nationaux.

Voilà peu encore, l’interdiction des armes de destruction massive était appréhendée de façon « catégorielle ». Le droit international a successivement érigé des conventions à vocation différente.

Il y a d’abord les conventions d’interdiction, applicables pour les armes biologiques et chimiques. Telle est la nature de la convention d’avril 1972, sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques ou à toxines et sur leur destruction, ou encore de celle de 1993, sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction.

Il y a aussi des conventions de contrôle, pour les interdictions ou protections dans les domaines du nucléaire et des matériels à double usage. Je citerai à cet égard la convention de l’AIEA de 1979 sur la protection physique des matières nucléaires.

Avant l’effondrement du bloc soviétique, la menace que représentaient les armes de destruction massive était étatique et, par conséquent, clairement identifiable. De nombreuses doctrines qui ont vu le jour à cette époque occupent aujourd’hui encore beaucoup de chercheurs en géopolitique.

Après 1991, à la menace des armes de destruction massives s’est ajoutée celle de leur prolifération sauvage, en dehors de tout cadre juridique international.

Au cours des trente dernières années, en particulier des dix qui viennent de s’écouler, ont émergé non seulement de nouveaux États, mais surtout des réseaux privés clandestins internationaux, à un moment où le terrorisme a valeur de doctrine stratégique pour des organisations non étatiques.

En 2004, tant pour le groupe des cinq pays détenteurs de l’arme nucléaire que pour tous les États ayant ratifié les conventions évoquées tout à l’heure ou étant parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, le choc est venu du Pakistan. Les confessions du père de la bombe nucléaire pakistanaise, ainsi que les révélations de la Libye sur ce réseau organisé, ont démontré l’ampleur des ramifications et de la complexité du phénomène.

Ces nouveaux canaux de prolifération demeurent l’une des plus grandes menaces pour la sécurité internationale.

Face à leur étendue et à leur très difficile identification, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 1540 et mis en place un comité accompagné d’un groupe d’experts chargé de veiller à son application.

Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur la prorogation du mandat de ce comité au-delà du 25 avril 2011. Au vu de la multiplication des menaces pour la sécurité internationale, il est plus que souhaitable que notre diplomatie s’emploie avec ses partenaires du Conseil de sécurité à définir les contours d’une nouvelle résolution qui prorogera le mandat du « comité 1540 ».

Par ailleurs, il me semble important de rappeler que la résolution 1540 est garante d’une approche globale de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive.

En premier lieu, cette résolution vise à renforcer les contrôles étatiques sur la fabrication, les transferts de biens et de technologies considérés comme sensibles du point de vue de la prolifération.

En second lieu, elle enjoint aux États d’adapter leurs dispositifs législatifs et juridiques nationaux et de mettre en place des systèmes de contrôle.

C’est dans cette logique que s’inscrit le texte que nous examinons cet après-midi. En adoptant celui-ci, la France, membre permanent du Conseil de sécurité et État nucléaire, y souscrit « activement ».

Pour notre pays, ce texte doit être envisagé comme une occasion, d’une part, d’adresser un message fort quant au respect et à l’application de ses engagements internationaux et, d’autre part, d’ouvrir la voie vers l’établissement de standards législatifs en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

En cela, fût-ce de façon indirecte, la France répond aux obligations de la résolution 1540 relatives à l’aide et l’assistance aux autres pays n’ayant pas les capacités d’adaptation de leurs dispositifs législatifs nationaux.

Mes chers collègues, en plus de nous permettre d’honorer nos obligations internationales, ce projet de loi est un formidable moyen de combler pallié les lacunes de notre législation relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

En effet, l’arsenal législatif et juridique actuel est trop morcelé ; notre approche législative et répressive du sujet est « trop catégorielle » : elle répond au classement d’armes et des traités internationaux les régissant. Le droit actuel résulte de l’empilement et de ratifications successives par notre pays de différentes conventions.

D’ailleurs, cette faille n’a pas manqué d’être évoquée lors de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008.

L’heure est donc venue de procéder à une harmonisation de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs, et ce dans les trois domaines.

Ce projet de loi contient une disposition primordiale : il introduit pour la première fois dans notre législation la notion de vecteurs, alors qu’auparavant ils n’étaient pas distincts des autres matériels de guerre ; cela m’apparaît comme une nécessité absolue.

Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions liées aux règles de procédure pénale spécifiques que le texte instaure. Toutefois, on ne peut que se féliciter que le projet aggrave les sanctions prévues en cas d’exportation sans déclaration de biens à double usage. Ainsi, il permettra de qualifier les infractions les plus graves liées à la prolifération d’actes terroristes.

À mon sens, ce sont là des avancées majeures, qui prennent en compte les réalités stratégiques auxquelles doit faire face la France. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte.

Pour conclure, je tiens à rappeler que ce projet de loi permet également à notre pays de jouer un rôle de leader au sein de l’Union européenne, qui, dans ce domaine, ne mène pas de politique « concertée ». L’harmonisation des instruments juridiques français doit inciter à la mise en place de meilleurs standards pratiques européens en matière de contrôle et de lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive. Cela est capital, car le sol européen concentre les technologies les plus avancées et les équipements les plus sensibles, qui peuvent donner lieu à prolifération.

Aussi, je formulerai le vœu que l’Union européenne adopte rapidement une politique plus coordonnée contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion