Intervention de Jacques Berthou

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Adoption d'un projet de loi

Photo de Jacques BerthouJacques Berthou :

Le texte que nous examinons aujourd’hui transpose dans notre droit interne les décisions contenues dans cette résolution. Il a été déposé en 2009, soit cinq ans après la rédaction de cette résolution, alors même que la France fut, avec d’autres pays, à l’origine de l’adoption de cette dernière. Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 25 novembre 2010.

Dès son préambule, cette résolution rappelait certains principes intangibles : la prolifération des armes nucléaires, biologiques ou chimiques, les fameuses NBC, et de leurs vecteurs constitue une menace pour la paix et la sécurité internationale. Les États se sont engagés à lutter contre cette prolifération.

L’une des principales préoccupations est alors d’empêcher, ou pour le moins de rendre très difficile pour des acteurs non étatiques, donc des groupes terroristes, de se procurer des armes nucléaires, biologiques et chimiques. Il s’agit évidemment de stigmatiser la menace terroriste et d’essayer de la contenir en adoptant des législations de principe dans chaque État. La résolution invite ainsi l’ensemble des États à mettre en œuvre des législations appropriées interdisant à tout acteur non étatique de fabriquer ou de se procurer des armes nucléaires, biologiques ou chimiques.

En 2004, cette résolution des Nations unies trouvait son origine dans un contexte mondial particulièrement brûlant, trois ans après les attentats du 11 septembre et treize mois après l’invasion de l’Irak par la coalition menée par les États-Unis. Nous sommes désormais en 2011, et les temps ont changé.

Cependant, il est de notre devoir d’adopter ce projet de loi, d’autant que le comité chargé de suivre la mise en œuvre de la résolution 1540 devra rendre, au plus tard le 24 avril prochain, un rapport indiquant si la résolution a été appliquée et ses prescriptions satisfaites. Il faut bien avouer qu’un dysfonctionnement de transposition en droit français « ferait désordre »...

Ce projet de loi est complexe sur le fond, mais il peut finalement être résumé en quelques mots : il s’agit simplement d’interdire et de réprimer en droit interne tout ce qui concourt, de près ou de loin, à la prolifération d’armes nucléaires, biologiques et chimiques, au profit d’acteurs non étatiques. Est également incluse dans ce champ toute activité visant à permettre à un groupe terroriste de se doter de vecteurs, c’est-à-dire de missiles.

Par ailleurs, ce projet de loi définit de manière très large les infractions relatives à la prolifération des armes NBC et prévoit des peines très lourdes. La procédure pénale est la même que celle qui est applicable en matière de terrorisme.

En adoptant ce projet de loi, nous répondons bien sûr à une exigence des Nations unies, mais nous envoyons également un signal dissuasif à tous ceux qui tenteraient de s’impliquer dans des activités de prolifération sur le sol national.

Monsieur le ministre, je vous rassure, personne au sein du groupe socialiste et apparentés ne saurait s’opposer à l’adoption de ce projet de loi. D’ailleurs, dans notre pays, à l’exception des terroristes eux-mêmes, quel citoyen pourrait rationnellement être en faveur de la prolifération des armes nucléaire biologiques et chimiques au profit de groupes terroristes ?

La France se doit d’adopter ces mesures afin, dirai-je, de montrer sa détermination en la matière. Ce texte est principalement préventif ; il n’a pas vocation, souhaitons-le, à s’appliquer au quotidien. En réprimant des infractions commises en matière de prolifération d’armes NBC sur le territoire national, ce texte ne saurait s’appliquer, a priori, qu’à des tentatives isolées, peu organisées, à un terrorisme que l’on pourrait qualifier d’amateur. Ce texte n’empêchera pas les autres, les groupes organisés, de passer les frontières et de sévir depuis l’étranger.

Il est en effet nécessaire d’avoir, en la matière, une approche tous azimuts et transfrontalière. L’Union européenne a adopté en 2008 un plan d’action contre la prolifération des armes dites NBC, que le Parlement européen, dans un rapport de novembre 2010, a considéré comme manquant de rigueur et de cohérence sur différents points. On peut notamment regretter que la clause de solidarité présente dans le traité de Lisbonne ne soit pas citée dans ce plan d’action.

La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive a longtemps été un tabou. Les politiques menées jusqu’à présent semblent s’essouffler par manque de volontarisme. Il est donc primordial que la France réaffirme sa volonté d’action en matière de lutte contre cette prolifération.

Si chacun est d’accord sur l’adoption de ce texte, force est de constater que les problèmes de fond subsistent. Nous légiférons aujourd’hui contre une prolifération parfaitement hypothétique. Par l’adoption de ce projet de loi, nous nous protégeons d’un danger qui reste, jusqu’ici, abstrait.

La menace du terrorisme nucléaire est en effet hypothétique. Le risque d’utilisation d’armes biologiques ou chimiques par des groupes terroristes est en revanche réel, mais de telles armes ne sont pas faciles à manipuler. Le constat est partagé : rares sont les acteurs non étatiques, les groupes terroristes, essayant de développer des armes de destruction massives. Reconnaissons que le procédé est complexe, long à mettre en œuvre. En bref, il ne correspond aucunement aux objectifs généralement visés par les groupes terroristes. Ces derniers préfèrent agir vite en employant des méthodes simples, ingénieuses, nécessitant une logistique qui ne s’appuie pas sur les armes NBC ; les attentats du 11 septembre 2001 en sont le meilleur exemple.

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