Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 26 juillet 2007 à 22h15
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 4

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Nous arrivons, à cette heure avancée, à un article important par son contenu et par la philosophie qu'il développe.

Mon intervention sur l'article vaudra explication de vote et présentation de l'amendement de suppression de cet article.

Il s'agit des droits de mutation, qui concernent à la fois les donations et les successions.

Je m'attacherai particulièrement à l'impôt sur les successions dans la mesure où ce n'est pas la première fois que nous sommes amenés, au fil des lois de finances, à nous exprimer sur cet impôt. La majorité, en soutenant la proposition du Gouvernement de réduire encore une fois les droits de mutation pesant sur les donations et les successions, continue ce qu'elle a commencé de faire sous les précédents gouvernements.

Dans aucun pays l'impôt sur les successions n'est populaire. C'est une vérité universelle ! Du reste, dans l'enquête que je citais hier lors de la discussion générale, c'est effectivement de toutes les mesures dont nous débattons depuis deux jours celle qui recueille majoritairement l'approbation de nos concitoyens. En effet, quel père, quelle mère, quel grand-père, quelle grand-mère ne voudrait pas que ses enfants ou ses petits-enfants vivent mieux que lui ou mieux qu'elle ?

Pendant la campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait promis de les supprimer. Ce n'est pas ce à quoi tend le projet de loi. Néanmoins, progressivement, on y arrive. La proposition qui nous est faite ne concerne qu'une part très faible de contribuables se situant dans le haut de la fourchette. Il est vrai que Nicolas Sarkozy, avec sa façon habituelle de communiquer, a réussi à convaincre les Français qui n'avaient rien à transmettre - c'est l'immense majorité ! - ou qui étaient déjà exonérés qu'ils pouvaient être concernés par de nouveaux abattements sur les donations et les successions.

Concernant les droits de succession, qui ont mauvaise réputation, le débat a fait rage au Congrès des Etats-Unis, dernièrement. Face à la volonté du président Bush de les supprimer totalement, ce sont les milliardaires qui, assez paradoxalement, sont venus au secours de l'impôt sur les successions au motif, d'une part, que c'est par le mérite individuel et par le travail que l'on doit parvenir à se faire une place dans la société et, d'autre part, que la fortune doit se mériter et non s'acquérir par héritage. C'est la preuve que la mentalité de pionnier des pilgrim fathers n'a pas disparu outre-atlantique !

L'argument qu'avait développé à l'époque le candidat à la présidence de la République, et auquel vous donnez droit avec l'article 4, est que la transmission du fruit de son travail ne doit pas être entravée de son vivant comme après son décès.

Tout d'abord, je voudrais vous faire remarquer que les taux actuels ne sont pas confiscatoires.

Ensuite, le patrimoine ne provient pas que des revenus du travail. Les revenus des capitaux contribuent à l'accumulation de richesses, surtout pour les plus grosses fortunes, celles qui sont précisément concernées par les droits de succession.

Nous considérons donc, nous, socialistes, que les droits de succession sont une imposition juste, qu'ils sont un facteur de rééquilibrage en faveur du travail, dans la mesure où ils permettent de réduire les inégalités de patrimoine.

Enfin, les dispositifs pour contourner l'imposition -évasion ou optimisation fiscales - sont nombreux. Le candidat à la présidence de la République, en s'engageant à supprimer les droits de succession, loin d'encourager le travail, aggravera structurellement les inégalités. Pis, il les admet comme étant naturelles, ce qui va bien à l'encontre de notre devise républicaine : « Liberté, égalité, fraternité ».

C'est pourquoi nous pensons qu'il faudrait, au contraire, doter ceux qui ne disposent ni d'un capital humain, grâce à leur entourage familial, ni d'un capital financier, d'un accompagnement de l'État sous forme d'allocation de départ, via notamment les services d'éducation et l'école.

Mais, pour cela, il faut disposer de marges de manoeuvre et ne pas se priver d'une recette qui, en 2005, a rapporté au budget de l'État, donations et successions comprises, 8, 7 milliards d'euros, dont 7, 3 milliards d'euros au titre des successions. C'est la raison pour laquelle nous présenterons un amendement de suppression que nous demanderons à nos collègues de bien vouloir voter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion