Intervention de Bernard Vera

Réunion du 26 juillet 2007 à 22h15
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 4

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette intervention sur l'article vaudra également pour la défense de l'amendement de suppression n° 76.

Dans le droit-fil des déclarations du Président de la République, la presse a longuement commenté la baisse des droits de succession et la nécessité de « pouvoir transmettre à ses enfants le produit d'une vie de travail ».

L'émotion légitime qui entourait ce débat obligeait à agir dans deux directions : la première visait à faire oublier très vite que la plus grande partie des successions ouvertes dans notre pays sont parfaitement exemptées de payer le moindre droit, et la seconde tendait à masquer que l'alignement du régime des donations sur celui des successions était un formidable cadeau offert aux détenteurs de gros patrimoines.

S'agissant des successions, nous l'avons dit, peu sont aujourd'hui imposables au regard du nombre de décès enregistrés. En effet, si l'on se fie aux chiffres disponibles de la documentation ministérielle pour 2006, sur 540 000 décès annuels, 350 000 donnent lieu à l'ouverture d'une succession et 118 000 seulement au paiement de droits, avec un peu plus de 24 000 successions en Île-de-France et autant en Rhône-Alpes et Provence-Côte-d'Azur.

Pour ce qui est des donations, les droits perçus sont plus faibles - environ 1, 4 milliard d'euros -, mais le nombre des opérations est beaucoup plus important, avec près de 230 000 actes de donation, concentrés de manière prioritaire sur les trois mêmes régions.

La réalité des droits sur donations est simple : il existe une moyenne nationale des droits, d'un montant légèrement supérieur à 6 100 euros, qui n'est, dans les faits, dépassé que dans la seule région d'Île-de-France, et singulièrement à Paris, dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines.

Le dispositif préconisé est donc une « très forte incitation », pour reprendre les termes du rapport, à la transmission anticipée du patrimoine.

En défiscalisant à hauteur de 150 000 euros les donations pour chaque parent et en permettant le cumul de cette mesure avec un don en numéraire de 30 000 euros par donataire, on va permettre à quelques familles particulièrement fortunées de gérer au mieux leurs intérêts en se libérant, notamment, d'une partie de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

D'une part, l'allégement de la fiscalité sur les transmissions anticipées du patrimoine se fera dans des proportions qui laissent tout de même plus que rêveur quant à la justice fiscale. La franchise sera de 150 000 euros par donataire, ce qui offre la possibilité, quand on a du bien et cinq enfants majeurs, de se libérer de 750 000 euros d'actifs, soit pratiquement le plancher d'imposition de l'ISF !

D'autre part, cet avantage se cumulera avec une réduction sensible du montant de l'ISF.

Prenons l'exemple d'un couple avec quatre enfants, qui dispose d'un patrimoine de 2 millions d'euros, dont environ 300 000 en liquidités bancaires immédiatement disponibles. Dès l'adoption de la loi, il pourra bénéficier d'une marge de donation de 1, 2 million d'euros en pleine propriété et de 240 000 euros en numéraire, le tous sans frais.

Outre l'économie de droits réalisée sur la donation, que je vous laisse imaginer, ce couple se retrouve sous le plancher d'imposition de l'ISF avec un actif net de 560 000 euros. Le résultat est perceptible dès l'année suivante : au lieu de 8 000 euros de droits au titre de l'ISF, il n'en paiera aucun ! Bien entendu, la mesure est encore plus profitable si vous figurez dans la tranche la plus élevée de l'ISF. Si l'impôt ne disparaît pas, il peut en effet être réduit de 24 120 euros dans le cas que nous venons d'exposer.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, la réalité de votre conception de la réforme de notre système de prélèvements obligatoires, qui n'a pas grand-chose à voir avec la réhabilitation du travail et les valeurs qui s'y rapportent.

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