Intervention de Jean Desessard

Réunion du 26 juillet 2007 à 22h15
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 4

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Je suis perplexe, parce que, normalement, le contenu d'une loi correspond à son titre, à son objectif. Or cet article ne traite ni du « travail », ni de l' « emploi », ni du « pouvoir d'achat. » Il faudrait ajouter « la transmission et l'accroissement des richesses pour ceux qui sont déjà bien riches » ! Cet ajout est nécessaire si l'on veut intégrer cet article.

Je développerai rapidement trois points, qui expliquent notre volonté de demander la suppression de cet article 4.

Sur le plan moral, une détaxation supplémentaire des successions et donations aurait pour effet de figer les inégalités liées au milieu familial, sans aucune justification morale. En effet, cette série de mesures dévalorise implicitement le travail, puisqu'elle permet à l'héritier de s'enrichir sans travailler.

Sur le plan des priorités budgétaires et en termes d'utilisation de l'argent public, cet article n'est pas satisfaisant. En effet, défiscaliser 95 % des héritages coûtera près de 2, 5 milliards d'euros aux caisses de l'État. Cela représente, au choix : le financement de 20 000 logements sociaux, et donc le logement de 75 000 personnes ; la multiplication par quatre du budget des zones d'éducation prioritaire ; la multiplication par 2, 5 de l'enveloppe budgétaire supplémentaire promise aux universités.

Nous avons des ressources très limitées et, à cet égard, cet article représente un très mauvais usage de l'argent public, qui nous détourne des objectifs prioritaires que sont le logement, l'éducation ou la santé.

Sur le plan social, les inégalités de patrimoine sont aujourd'hui alarmantes. Elles sont beaucoup plus importantes que celles qui touchent aux revenus, puisque les 10 % des ménages les plus riches se partagent plus de 40 % du patrimoine total, tandis qu'au bas de l'échelle la moitié des ménages ne possèdent que 10 % de ce patrimoine. Cette réforme accentuera encore les inégalités, qui sont déjà très importantes.

En 2000, les 10 % de successions les plus importantes étaient supérieures à 220 000 euros. Ce sont ces successions qui sont visées par ce projet de loi, pas celles des classes moyennes. En effet, ces dernières ne paient déjà quasiment pas de droits de succession : selon un rapport du Sénat, près de 90 % des transmissions entre époux et 80 % en ligne directe -parents à enfants - n'avaient donné lieu à aucune perception de droits en 2000. En clair, les fameuses classes moyennes seront très peu concernées par cette mesure qui, comme les autres, vise une minorité de contribuables.

Cet article, fondamentalement, va à l'encontre d'une idée républicaine qui doit pourtant tous nous rassembler : permettre l'égalité des chances dans la vie, et non pas accroître les inégalités dès la naissance.

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