Vos réponses ne sont pas à la hauteur de ce débat fondamental. Je ne veux pas mettre cela sur le compte de la fatigue, car vous avez la réputation d'être une femme qui a du répondant. J'en conclus donc que vous êtes gênée par ce texte, parce que vous avez compris que, pour nous, il ne s'agit pas d'une question banale : il s'agit d'une question qui dépasse la politique, d'une question de philosophie. Or vous avez répondu de manière technique à des problèmes qui touchent le fondamental.
En effet, alors qu'aux plus précaires vous prévoyez d'octroyer une obole de 25 millions d'euros en instaurant le revenu de solidarité active, vous parachevez par ce texte, madame la ministre, la République des héritiers et des rentiers. L'héritage est l'instrument de la reproduction sociale, il n'a rien de méritocratique.
En facilitant ainsi la transmission des plus grands patrimoines, non seulement vous grevez lourdement le budget de l'État, mais, surtout, vous enclenchez une dynamique forte d'amplification des inégalités et de constitution de dynasties patrimoniales destinées à vivre de la rente. De génération en génération, par la seule grâce de l'héritage, les patrimoines de ces foyers privilégiés grossiront, tandis que, faute de moyens publics, les plus pauvres s'appauvriront. Ces mécanismes sont connus, prouvés, attestés.
Cette mesure ne profitera guère au pouvoir d'achat, tant il est prouvé que les personnes visées n'ont pas de problèmes à cet égard. Elle est contraire à la valorisation du travail, à l'innovation, à l'esprit d'entreprise, car elle privilégie la rente. Elle est également contraire à la justice sociale, car, en allégeant de 1, 7 milliard d'euros la charge pesant sur les foyers les plus aisés, vous privez de la même somme la collectivité nationale.
L'injustice sociale mise en oeuvre par ce texte est proprement inouïe. C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous ne pourrons pas voter cet article.