Dans son article 2, le projet de loi prévoit de durcir la condition de ressources exigée pour qu'un étranger installé régulièrement en France puisse solliciter un regroupement familial.
Le texte prévoit de moduler ces ressources en fonction de la taille de la famille en exigeant du demandeur au minimum le SMIC et au maximum le SMIC majoré d'un cinquième suivant la taille de la famille.
L'Assemblée nationale a porté ce maximum à 1, 33 SMIC lorsque la famille compte plus de six enfants, soit 1 667 euros.
Par deux fois, en 2003 et en 2006, notre assemblée a rejeté à l'unanimité des dispositifs similaires à celui du présent projet de loi introduits par voie d'amendements à l'Assemblée nationale.
En commission mixte paritaire, notre position avait prévalu.
À l'époque, le rapporteur avait considéré qu'il n'y avait pas lieu de distinguer, sur le plan des ressources, la situation des familles étrangères et celle des familles françaises.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur lors du débat en 2003, soulignait : « Dans la mesure où le montant du salaire minimum de croissance est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes. »
Vous aviez repris, à notre grande satisfaction, monsieur le rapporteur, cette même analyse en 2006.
Or, aujourd'hui, vous admettez une modulation allant jusqu'à 1, 2 SMIC pour les familles de plus de six personnes, c'est-à-dire un couple avec quatre enfants. Je ne comprends vraiment pas ce qui peut justifier ce changement !
Comme vous le soulignez dans votre rapport, la part de l'immigration familiale baisse régulièrement depuis 2004.
L'augmentation de 20 % des conditions de ressources est très lourde pour les étrangers dont l'emploi est avant tout conditionné par l'acceptation de conditions de travail et de rémunérations minimales pour ceux qui ont la chance d'échapper à une embauche totalement ou partiellement illégale.
Le Gouvernement met en place une sélection par l'argent de l'immigration familiale aux deux bouts de la chaîne : dans le pays d'origine, en organisant un accès à des formations qui se révéleront impraticables pour la majorité des conjoints et des enfants d'immigrés en situation régulière ; en France, en exigeant de ces mêmes immigrés un niveau de ressources plus élevé.
Par ailleurs, il y a une grande hypocrisie à supposer, compte tenu de la situation de l'emploi et du logement dans notre pays, que les immigrés seraient mieux lotis que les nationaux.
Enfin, cette disposition est susceptible d'entraîner, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, des atteintes aux articles 3 et 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant, en empêchant des enfants de rejoindre leurs parents, faute pour ceux-ci de justifier de ressources suffisantes.
Je rappelle que, dans notre pays, de nombreuses familles vivent actuellement en dessous du seuil de propriété. Il ne faudrait pas que cela devienne une raison de les séparer de leurs enfants.