Monsieur le président, je les renouvelle, car ces sénateurs ont été en charge de sujets extrêmement délicats, et ils ont permis aux groupes de travail, puis aux intergroupes que nous avons dû créer pour traiter les sujets délicats, d'aller au bout de leur logique.
Je remercie également le président du groupe de suivi, M. Bruno Sido, qui a piloté l'année dernière une commission dont le travail a été remarquable, et le rapporteur, mon complice du Nord, M. Paul Raoult, président du parc naturel régional de l'Avesnois, que j'aurai l'occasion de retrouver bientôt pour la célébration du quarantième anniversaire des parcs naturels régionaux.
Je voudrais bien évidemment remercier les présidents des commissions du Sénat, en particulier M. Emorine, de leurs analyses et de leur expertise tout au long du processus. Nous avons eu de nombreux échanges au cours des dernières semaines. Nous maintiendrons ce dialogue régulier et franc à chaque étape du Grenelle, c'est-à-dire au cours des cinq prochaines années, car nous ne sommes en réalité qu'au début d'un processus.
La première phase du Grenelle de l'environnement s'est donc achevée voilà quelques jours par la présentation de huit rapports.
En soi, ce Grenelle est un succès que l'on doit aux présidents, aux rapporteurs et aux trois cents membres des groupes de travail qui, venant d'horizons aussi divers que le monde de l'entreprise, les organisations syndicales, les associations environnementales - elles tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps -, les élus, les collectivités territoriales et les représentants de l'État, ont accepté d'entrer dans des débats approfondis de manière authentique, ce qui était éminemment difficile ; il est en effet plus facile de camper sur des positions préétablies.
Si, grâce à toutes ces personnes, qui ont consacré bénévolement de leur temps dans un véritable esprit républicain, nous avons pu mener à bien cette première étape, c'est parce que, au fond, quelque chose nous dépasse tous un peu.
D'une certaine manière, les Français ont tranché et nous ont confié un mandat impératif. Il est vrai que 93% d'entre eux ne se contentent pas de déclarer que ce sujet est important : ils se disent prêts à faire un effort au quotidien en faveur de l'environnement.
Ce changement d'attitude est clair. Nos concitoyens savent que la lutte contre le réchauffement ou les pollutions n'est pas qu'une série de déclarations d'intention, de dialogues entre experts ou entre chefs d'État, de lois, de décrets ou de traités ; c'est d'abord un ensemble de décisions individuelles et collectives ancrées dans la vie quotidienne. Les Français ont compris qu'il y avait un lien entre leur façon d'être et les phénomènes qui sont constatés à grande échelle.
Il faut dire que certains signes ne trompent pas : notre environnement se dégrade, et cette dégradation se voit à l'oeil nu ! Il y a bien sûr la banquise qui fond à un rythme dépassant les prévisions de tous les experts internationaux. Il y a plus quotidiennement le climat qui se dérègle, comme cet été au cours duquel on a souffert d'une très forte canicule au sud de l'Europe, à partir de Naples, et, dans le même temps, d'inondations sans précédents au Royaume-Uni. Il y a également des espèces vivantes qui disparaissent - chacun pense aux ressources halieutiques -, et ce de plus en plus vite. Je songe aussi aux pollutions qui peuvent porter atteinte à notre santé. On parle du chlordécone, au sujet duquel une audition aura lieu la semaine prochaine, mais il y a aussi les PCB, ou polychlorobiphényls, qui ont récemment conduit le Gouvernement à interdire la consommation des poissons pêchés dans le Rhône.
On voit bien que l'ensemble de ces phénomènes sont perceptibles. Les Français savent d'ailleurs que ces derniers ont un lien avec l'activité de l'homme.
Nos compatriotes ont compris que la défense de leur qualité de vie et de celle des générations futures était le même combat et supposait que nous accentuions réellement notre action.
Qui se satisfait de la pollution des milieux naturels - l'eau que nous consommons ou l'air que nous respirons -, d'une production excessive de déchets ou de files de camions roulant au pas sur des autoroutes congestionnées alors même que nos voies ferrées voient passer de moins en moins de marchandises sur des trains dédiés au fret ? Qui ne se soucie pas du gaspillage d'énergie dans les bâtiments, lequel explique une part importante de la hausse des charges locatives dans les cinq dernières années et de la croissance de nos émissions de gaz à effet de serre ? Qui ignore l'intérêt de préserver notre indépendance énergétique ? Personne !
Les rapports issus des discussions du Grenelle ne disent pas autre chose : les constats sont partagés, même si les réponses ne font pas toujours l'objet d'un consensus.
Voilà la raison pour laquelle je ne crois ni aux discours pessimistes, ni aux discours moralistes, ni à l'aveuglement.
Tout le monde est d'accord pour lutter contre les excès de l'étalement urbain. Tout le monde a envie d'avoir des fleuves propres, une eau et un air intérieur et extérieur de meilleure qualité. Tout le monde est d'accord pour que l'habitat, ancien comme neuf, consomme moins d'énergie. Tout le monde est d'accord pour avoir moins de décharges alors que l'on peut plus et mieux « éco-concevoir » et recycler les déchets. Tout le monde souhaite des transports en commun de meilleure qualité. Tout le monde a envie de voir moins de camions au pas sur les routes et les autoroutes. En bref, tout le monde a compris que les ressources ou l'espace ne sont pas illimités et que, pour continuer à croître et pour conserver notre niveau de vie, il faut un changement de notre mode de développement.
Le développement durable, c'est cela ! Ce n'est pas le laisser-faire, mais ce n'est certainement pas non plus l'idéologie de la restriction ou de la décroissance.
Reste maintenant à savoir comment nous allons transformer l'essai et convertir cette aspiration au changement de la société en action politique ou, du moins, en action publique.
Le Grenelle de l'environnement doit nous aider à définir les chantiers et programmes sur lesquels nous concentrerons nos efforts afin qu'ils aboutissent à un accord, un engagement unilatéral, un contrat, une convention, voire probablement un projet de loi d'orientation et de programme, que le Parlement examinera, modifiera, évaluera.
Cette démarche de concertation la plus large possible des parties prenantes de la société française, qui se prolonge actuellement par des réunions de présentation des rapports des groupes dans une quinzaine de villes et une consultation des Français sur Internet, était indispensable. Nous avons souhaité que ces débats soient territoriaux en laissant une totale liberté aux collectivités locales. Cela montre notre volonté de laisser les initiatives se développer.
Je pense que nous avons probablement eu tort de ne pas prévoir plus de réunions. Nous allons devoir en organiser quelques-unes de plus en accord avec les collectivités locales afin de respecter véritablement la pluralité et toutes les sensibilités, de connaître les problématiques et de chercher des consensus.