La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Bernard Frimat applaudit également.
Ma question s'adresse à l'ensemble du Gouvernement, car c'est l'image de la France dans le monde, le respect des principes fondamentaux de notre République qui sont en cause.
Le Président de la République a convoqué le Parlement en session extraordinaire pour envoyer un signe à son électorat le plus droitier en stigmatisant une nouvelle fois l'immigré.
À cet égard, le projet de loi présenté par M. Hortefeux tombe à pic pour masquer la casse du pacte social annoncée par le candidat Sarkozy et mise en oeuvre aujourd'hui par le Gouvernement, soutenu par sa majorité parlementaire.
Toutes les dispositions de ce texte sont insupportables, mais l'introduction de la génétique dans le débat relatif à l'immigration constitue un tournant dans l'approche française des droits de la personne. Elle heurte profondément les pays de migrations, notamment ceux qui, durant des années, ont subi la domination coloniale ; elle heurte une part croissante de l'opinion : citoyens, salariés, artistes, philosophes, religieux, mais aussi femmes et hommes politiques de tous bords. Ensemble, ils s'alarment d'une disposition qui porte atteinte frontalement aux droits de l'homme. L'introduction de la génétique dans le débat heurte, au sein même de la majorité, d'éminentes personnalités, dont un ancien ministre de l'intérieur qui déclarait, voilà quarante-huit heures : « Le choix des tests ADN n'est pas acceptable, cela rappelle des mauvais souvenirs à nous gaullistes, on sait l'usage qu'ont fait les nazis de la génétique ».
Protestations sur les travées de l'UMP.
La commission des lois du Sénat a, à deux reprises, rejeté toute référence à l'ADN dans ce projet de loi, mais M. le ministre a repris sa plume et a proposé une version qui maintient cette rupture honteuse : c'est non plus le lien social qui, en dernier ressort, détermine la filiation, mais le patrimoine génétique.
On nous dit que cela existe déjà en droit français, mais soyons sérieux ! Il s'agit là de tests pratiqués à l'étranger. C'est une affaire de droit international, pas de droit interne.
Mes chers collègues, j'invite solennellement les cent trente-huit sénateurs qui ont voté contre l'introduction de la génétique dans le droit de l'immigration à saisir le Conseil constitutionnel.
Toutefois, cela peut être évité. Je demande donc au Gouvernement de tenir compte de l'émotion que cette mesure suscite en France comme dans le reste du monde.
Je vous pose donc la question suivante, monsieur le ministre
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Madame la sénatrice, l'examen de ce projet de loi par la Haute Assemblée n'est pas encore terminé : il se poursuivra tardivement dans la nuit. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Je tiens d'ores et déjà à saluer la très grande qualité des échanges qui ont eu lieu depuis mardi après-midi.
Je vous rappelle que deux cent dix amendements ont été déposés.
Par ailleurs, j'espère que vous me rendrez grâce au moins sur un point : j'ai écouté avec attention chacun des intervenants et je tiens à vous rendre hommage d'avoir vous-même été très présente durant les débats et extrêmement active, même si vos interventions ont surtout, hélas ! souligné vos divergences avec le Gouvernement et la majorité.
Enfin, je note que vingt et un amendements et sous-amendements ont jusqu'à présent été adoptés, dont un amendement et quatre sous-amendements émanant du groupe socialiste...
M. Brice Hortefeux, ministre. ... et votés à l'unanimité.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Madame Assassi, je vous le dis très fermement : je ne laisserai pas caricaturer ce texte !
C'est un texte qui est à la fois clair et protecteur.
Pourquoi est-il clair ? Parce qu'il a pour objet de rééquilibrer immigration familiale et immigration économique : 92 500 titres de séjour ayant été délivrés au titre du regroupement familial et 11 000 seulement au titre de l'immigration économique, soit simplement 7 %, il est nécessaire que, progressivement, calmement, nous parvenions à un rééquilibrage.
Ce texte est également protecteur, grâce, notamment, à l'instauration d'un test de langue suivi d'une formation.
Je le réaffirme : quel meilleur vecteur d'intégration dans notre communauté nationale que la langue ? Comment trouver un travail, faire ses courses, comprendre et suivre la scolarité de ses enfants, discuter avec ses voisins si l'on ne possède pas quelques notions de français ?
L'objectif du Gouvernement est clair, madame la sénatrice : il est de lutter contre toutes les formes de communautarisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.
Enfin, vous avez évoqué l'article concernant les tests de filiation. La réalité est simple :...
M. Brice Hortefeux, ministre. ...ils sont utilisés dans douze pays d'Europe, qui, pour la plupart, sont socialistes, socio-démocrates, travaillistes.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
La loi sera bien encadrée. Je me réjouis que le texte adopté par le Sénat présente toutes les garanties, grâce à l'initiative du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest.
Je rappelle ces garanties : le volontariat, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'obligation, l'expérimentation, qui signifie que cette mesure n'est pas définitive, ...
... l'autorisation par le juge civil, la gratuité, à laquelle - et je ne comprends pas pourquoi - l'opposition n'a pas souscrit, ...
... la preuve de la filiation par la mère et l'absence de fichage génétique.
Cela signifie très simplement, madame Assassi, que, pour nous, il faut, pour réussir l'intégration, commencer par maîtriser l'immigration.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez annoncé unilatéralement, en septembre, la suppression des cours à l'école primaire le samedi matin. Vous avez indiqué dans la foulée que vous « réfléchissiez » à la même mesure pour le collège.
Cette mesure, dont les conséquences seront importantes sur la vie quotidienne des Français, divise l'opinion, inquiète les parents d'élèves et les enseignants, place une nouvelle fois les communes dans l'obligation de se substituer au désengagement de l'État.
D'où mes questions : pourquoi avoir pris si brutalement et sans concertation une telle décision ? N'y aurait-il pas une raison cachée, d'ordre financier ?
Pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion pour repenser l'organisation des rythmes scolaires, qui surchargent la journée de travail de nos enfants ?
Pourquoi ces explications contradictoires de vos services : tout d'abord, transfert des cours du samedi matin au mercredi, puis vague engagement de consacrer ce volume d'heures d'enseignement à l'aide aux élèves en difficulté ? N'y a-t-il pas le risque d'un affaiblissement généralisé du niveau des élèves, comme le craint le collectif « Sauver les lettres » ?
Comment pallier l'inégalité de traitement entre les enfants suivant que leurs parents habitent dans une commune rurale, dans une ville moyenne, pauvre, sans ressources, ou dans une riche agglomération qui propose gratuitement des activités de loisirs et de culture à ses résidents ?
Enfin, je poserai une dernière question en présence de M. le Premier ministre : combien de milliers de postes d'enseignant pensez-vous pouvoir économiser dans les prochains budgets de l'éducation nationale grâce à cette suppression de trois heures de cours le samedi matin à l'école primaire, à l'école maternelle et au collège ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le sénateur, je puis vous rassurer quant à la plupart des questions que vous avez posées.
Vous me dites que cette mesure a été prise sans concertation, qu'elle inquiète les familles, qu'elle crée de la confusion. Selon moi, c'est tout le contraire ! Telle école ne travaille jamais le samedi matin, telle autre travaille tous les samedis, une autre encore travaille un samedi matin sur deux, certains établissements pratiquent la « semaine de quatre jours », qui impose aux enfants de reprendre les cours dès la fin du mois d'août et de les poursuivre jusqu'au début du mois de juillet. Plus personne ne s'y retrouve !
Il est inexact de dire que les familles sont hostiles à la suppression des cours le samedi matin, puisque deux sondages successifs...
M. Xavier Darcos, ministre. ... ont montré que 82 % des parents y étaient favorables.
Vifs applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Par ailleurs, vous prétendez que le fait de libérer le samedi matin va entraîner des exigences en termes d'ouverture d'école.
C'est possible, mais ce n'est pas certain, car, aujourd'hui, dans la plupart des écoles fermées le samedi matin, les familles n'ont pas demandé que l'école soit ouverte ce jour-là, tout simplement parce que le week-end est le temps de la famille.
Par ailleurs, s'agissant du mercredi matin, je n'ai pas dit, contrairement à ce que certains affirment, qu'il fallait à tout prix mettre en place la semaine de quatre jours. Si certaines communes souhaitent organiser les cours sur quatre jours et demi et faire travailler les enfants le mercredi matin, je n'y vois absolument aucun inconvénient.
Il n'y a pas non plus d'inquiétude à avoir concernant l'accompagnement éducatif, puisque, dès la rentrée 2009, des études surveillées seront organisées dans toutes les écoles communales, comme l'a souhaité M. le Premier ministre.
Il me semble donc, monsieur le sénateur, que vos préventions ne sont pas fondées et que cette décision est de nature à satisfaire les familles.
Quant aux 15 % d'élèves en difficulté, il ne sert à rien de s'apitoyer sur leur sort et de ne rien faire ! Je propose que les deux heures qui ont été dégagées pour les professeurs soient consacrées par ces derniers à s'occuper plus spécifiquement de ces élèves en grande difficulté. C'est une mesure de justice sociale que vous, monsieur le sénateur, qui êtes un universitaire, vous devriez approuver.
Enfin, où voulez-vous que j'économise des emplois, puisque les professeurs des écoles continueront à assurer vingt-sept heures de cours hebdomadaires ? Une partie de ces heures sera désormais consacrée aux élèves en grande difficulté. Cette mesure ne cache aucune logique budgétaire ; elle est purement pédagogique et est approuvée par toute la nation.
Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, ma question porte également sur la suppression des cours le samedi matin, sujet ô combien d'actualité.
Vous avez annoncé une telle suppression à l'école primaire, afin, d'une part, d'éviter aux élèves une charge de travail trop lourde à supporter et, d'autre part, de permettre aux parents et aux enfants de passer plus de temps en famille. Cette mesure ne peut donc que nous réjouir.
M. Jackie Pierre applaudit.
Toutefois, nous aimerions avoir des précisions sur plusieurs points.
Tout d'abord, avec cette décision, ne s'oriente-t-on pas vers la généralisation de la semaine de quatre jours, comme cela semble être le cas ?
Ensuite, vous venez d'indiquer que la durée de travail hebdomadaire des enseignants serait maintenue à vingt-sept heures. Mais puisque le samedi est supprimé, ceux-ci auront-ils l'obligation d'assurer, un autre jour de la semaine, l'accompagnement éducatif que vous avez évoqué ? J'avais pourtant cru comprendre que cet accompagnement se ferait sur la base du volontariat.
Par ailleurs, l'accompagnement scolaire sera introduit dans les collèges situés en zone d'éducation prioritaire juste après les prochaines vacances de la Toussaint, puis sera étendu à tous les collèges à la rentrée 2008.
Dans le cadre de l'école ouverte, cet accompagnement scolaire sera-t-il mis en place également dans le primaire ? Si oui, quels jours de la semaine et sous la conduite de quels intervenants ? Je pense en particulier à la situation des enseignants qui pourraient être volontaires.
Monsieur le ministre, afin que le temps ainsi libéré profite véritablement à toute la famille, il serait judicieux de supprimer également les cours du samedi matin dans les collèges. Si rien n'a été annoncé pour l'instant, vous orientez-vous vers cette solution ? Cela aurait d'autant plus de mérite que l'organisation du ramassage scolaire, qui est de la compétence non pas de l'État mais des départements, en serait grandement simplifiée. Je vous laisse imaginer l'impact d'une telle décision sur le plan financier.
Enfin, la suppression de l'école le samedi matin amputera l'emploi du temps des écoliers d'une centaine d'heures de cours par an. Jusqu'à maintenant, on a beaucoup de peine à finir les programmes : leur modification est-elle donc envisagée ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur Martin, vous parlez en expert, étant vous-même un ancien directeur d'école. Je vais donc reprendre, point par point, les différentes questions que vous m'avez posées.
Premièrement, j'ai déjà répondu en partie, en m'adressant à M. Delfau, sur l'organisation de la semaine elle-même. Je le répète, le Gouvernement n'a aucunement l'intention de faire pression pour rendre obligatoire la semaine de quatre jours sur tout le territoire. C'est au niveau des communes, en fonction des usages de chacun et en concertation avec la communauté éducative et les familles, que le dispositif pourra être organisé de la manière la plus souple possible dans les écoles.
Deuxièmement, je vous le confirme, le Président de la République a effectivement souhaité que les collégiens puissent bénéficier, à raison de quatre jours par semaine, de deux heures d'accompagnement éducatif en fin de journée. Nous le savons tous, si l'école joue évidemment un rôle déterminant dans la réussite scolaire, cette dernière dépend aussi de la famille, du milieu social et du temps que les parents peuvent consacrer à leurs enfants.
En prévoyant des études surveillées pour tous, nous organisons un dispositif de nature à éviter les disparités et les iniquités constatées. Celui-ci sera mis en place dès cette année dans tous les collèges situés en zone d'éducation prioritaire, puis, à la rentrée 2008, dans tous les collèges et, enfin, à la rentrée 2009, dans toutes les écoles primaires.
Voilà pourquoi M. le Premier ministre a rendu un arbitrage très important, qui permet aux professeurs du premier degré, même lorsqu'ils sont rémunérés par des communes pour des activités complémentaires, de bénéficier du dispositif de défiscalisation et d'exonération totale de charges sociales sur les heures supplémentaires effectuées. Cette annonce était très attendue par les professionnels concernés.
Troisièmement, l'organisation des transports scolaires est effectivement une question difficile. Vous l'avez rappelé, les départements sont compétents en la matière. Nous avons donc ouvert un débat avec leurs représentants, et nous sommes en train d'avancer sur ce sujet. À mon sens, il est tout à fait légitime d'envisager l'uniformisation des horaires scolaires, de sorte que tout le monde sorte au même moment et qu'il n'y ait qu'une seule « tournée ».
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.
Enfin, quatrièmement, si les heures de cours diminueront effectivement, n'oublions tout de même pas que les élèves du premier degré suivent actuellement, en France, 936 heures de cours, quand la moyenne européenne est inférieure à 800 heures. Il convient donc de recentrer les programmes sur des objectifs nets, clairs et précis, car les petits Français ne sont évidemment pas plus bêtes que leurs camarades européens
M. Xavier Darcos, ministre. Avec 800 heures, et des programmes mieux recentrés, l'année scolaire sera pleinement utile pour tous !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
M. Roland Courteau. Les syndicats de journalistes se mobilisent, aujourd'hui même, pour défendre l'indépendance des rédactions, menacées, à leurs yeux, par la « mainmise » du pouvoir sur les grands médias.
Exclamations et rires sur les travées de l'UMP.
Ils ont ainsi déclaré : « Rarement l'indépendance des journalistes n'avait été autant bafouée. Rarement l'un des droits fondamentaux du citoyen, à savoir l'accès à une information honnête, complète et indépendante des pressions politiques [...] n'avait été autant menacé ». Pour les syndicats, cette situation, « inédite en France », est le symbole de la « dérive actuelle » où « une majorité des organes de presse sont détenus par des industriels, qui ont des liens très étroits avec le pouvoir ».
Dans ce contexte, les syndicats demandent, à juste raison, la mise en oeuvre de mesures garantissant non seulement l'indépendance juridique des rédactions, mais aussi le respect de l'éthique professionnelle. Il s'agit là d'une question de démocratie.
Mais il est une autre question, et non des moindres : c'est le déséquilibre qui règne dans l'expression des grands courants politiques, à la suite des interventions répétées du Président de la République dans les médias.
D'autres ont même évoqué l'« accaparement » des médias. Nous considérons donc que le temps d'exposition médiatique du Président de la République doit désormais être décompté par le CSA, au même titre que celui du Gouvernement.
En effet, force est de constater que l'évolution institutionnelle, voulue et revendiquée par le Président lui-même, rend sans objet la règle dite « des trois tiers », destinée à assurer l'équilibre des temps de parole.
Je le rappelle, cette règle réserve un tiers au Gouvernement, un tiers à la majorité et un tiers à l'opposition.
Aujourd'hui, le Président « conduit la politique de la nation », qu'il commente d'ailleurs plus qu'abondamment. Aujourd'hui, c'est le Président « qui gouverne », selon les propres termes de M. Sarkozy lui-même. Aujourd'hui, le Président est omniprésent dans les médias.
Dès lors, nous semble-t-il, la règle sur laquelle s'appuie le CSA, autorité certes indépendante, doit être reconsidérée, et ce pour imposer un minimum d'équité.
Sourires
Il s'agit, là encore, d'une question de démocratie.
Par conséquent, nous souhaiterions connaître le sentiment de M. le Premier ministre sur ces deux questions essentielles au regard de la démocratie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur Courteau, il vous suffit d'analyser les différents médias et de lire tous les jours la presse pour être pleinement rassuré sur le degré d'indépendance des journalistes ! (Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il n'est donc point besoin, à mon sens, de légiférer en la matière.
S'agissant du temps de parole du chef de l'Etat, vous avez souligné, évidemment pour le déplorer, qu'il n'était pas pris en compte par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, lequel a en effet considéré que le Président de la République ne pouvait être assimilé à l'une ou l'autre des catégories dont les interventions donnent lieu à des temps d'antenne (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), qu'il s'agisse du Gouvernement, de la majorité présidentielle, de l'opposition ou d'autres formations.
Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.
Mme Christine Albanel, ministre. Ce faisant, le CSA ne fait qu'appliquer une jurisprudence du Conseil d'État. Se référant à nos institutions, ce dernier a ainsi estimé : « Considérant qu'en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique ».
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
À l'évidence, en l'état actuel, le CSA est tenu de se conformer à cette jurisprudence et ne peut la modifier sans manquer à celle-ci.
Enfin, je le rappelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est une instance indépendante, et il n'appartient pas au Gouvernement d'interférer dans ses réglementations.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.
Monsieur le ministre, je souhaite, comme deux collègues qui m'ont précédée, vous interroger sur la suppression des cours le samedi matin. Puisque vous avez déjà répondu sur ce sujet, sinon en totalité, du moins en partie, j'orienterai ma question de façon différente. Pour ma part, je suis plutôt favorable à une telle suppression, ...
... comme une grande partie des enseignants et des parents.
Par cette mesure, vous entendez mettre fin à une situation confuse, due à l'application de la semaine de quatre jours dans de nombreuses communes. Actuellement, en effet, une école primaire sur quatre est fermée le samedi. Pour autant, la mise en oeuvre de cette disposition n'est pas sans poser question.
Harmoniser les calendriers et les horaires des enfants est un objectif tout à fait louable, car il vise à répondre à la demande fréquente des parents et, surtout, à faciliter la vie familiale par une meilleure prise en compte de l'évolution des modes de vie. Vous l'avez vous-même évoqué, il faudra également réfléchir à la suppression des cours du samedi matin au collège, pour que les fratries et les familles bénéficient pleinement du temps ainsi dégagé.
Nous le savons aussi, les élèves français ont beaucoup plus d'heures de cours que leurs petits voisins européens, puisque, à l'école primaire, ils suivent 936 heures annuelles d'instruction obligatoire.
Toutefois, monsieur le ministre, nous sommes nombreux à nous interroger sur les conséquences d'une telle mesure sur les programmes et sur les matières qui seront plus particulièrement affectées. Vous avez certes déjà répondu en partie, mais qu'en sera-t-il des horaires aménagés pour la musique et le sport, ces activités étant concentrées à la fois le mercredi et le samedi matin ? Sur ce point, il faudra trouver des réponses.
En tout cas, en l'absence d'information et de concertation préalables, vous comprendrez que les élus locaux que nous sommes et que nous représentons - je pense en particulier à nos collègues maires - aimeraient obtenir un certain nombre de précisions.
Aussi, monsieur le ministre, au-delà des interrogations, il faut, me semble-t-il, profiter de cette annonce pour engager une réflexion avec l'ensemble des acteurs sur les rythmes d'apprentissage les plus adaptés aux intérêts des enfants. Très concrètement, comment comptez-vous vous y prendre pour que la concertation s'engage, notamment avec les collectivités territoriales ?
Sourires
Il est omniprésent ! Sarkozy peut se faire du souci ! (Nouveaux sourires.)
Madame Morin-Desailly, vous m'avez posé plusieurs questions.
Tout d'abord, la suppression des cours n'est pas un but en soi. Alléger la charge scolaire, c'est bien. Pour autant, nous devons nous mettre d'accord sur les objectifs pédagogiques que nous assignons à l'école primaire.
Or, la discussion à venir sur l'aménagement du rythme scolaire, plus particulièrement sur la légère réduction de deux heures par semaine pour le groupe classe, va nous donner l'occasion de nous mettre d'accord sur les fondamentaux qu'il convient d'enseigner à l'école.
Il y a des principes simples. Pour ma part, je persiste à trouver anormal que certains parents aient tant de mal à comprendre les programmes imposés à leurs enfants. Il faut des programmes clairs, simples et lisibles.
Il nous faut revenir à des objectifs compréhensibles et partagés par tous, de sorte que les élèves du premier degré et surtout leurs familles puissent s'y retrouver.
Du reste, comme vous le savez, la concertation a déjà commencé sur ce sujet. Dès la fin du mois, nous serons à mon avis en mesure de présenter une première maquette, qui servira de base à la discussion.
Ensuite, j'ai déjà précisé tout à l'heure le calendrier, s'agissant de l'accompagnement éducatif : dès la rentrée 2009, ce dernier sera généralisé à toutes les écoles. Les enseignants apporteront leur contribution, mais nous serons aidés également par les associations, notamment culturelles et sportives. C'est un sujet sur lequel j'ai eu très souvent l'occasion de discuter avec mes collègues Roselyne Bachelot-Narquin et Christine Albanel. Nous y avons travaillé en commun, car l'enfant est un tout : il importe donc de privilégier l'unité de la personne, même si, selon les heures, il est avec sa famille, il suit des cours à l'école, il fait du sport ou de la musique ; toutes les activités éducatives doivent être abordées dans leur globalité.
En outre, vous avez soulevé le problème du rythme scolaire dans le premier degré. Apparemment, vous connaissez bien le sujet, puisque vous avez évoqué implicitement la question des cycles.
Peut-être, en effet, devrions-nous être plus clairs sur le fait que chaque année d'étude à l'école primaire doit avoir ses propres objectifs, bien compris et partagés par tous, vérifiés en fin d'année, de sorte que les élèves progressent et passent d'une classe à l'autre seulement lorsqu'ils sont capables d'assumer l'enseignement supplémentaire.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République l'a dit, nous n'accepterons plus que des enfants entrent au collège sans être capables de profiter des enseignements qui les concernent.
M. Xavier Darcos, ministre. C'est ce qui nous a d'ailleurs conduits à dégager les deux heures auxquelles j'ai fait allusion : il faut que les élèves les plus en difficulté puissent être accompagnés de manière personnelle et réussir aussi bien que leurs camarades.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, vous avez présidé ce matin la première des trois conférences sociales promises par le Président de la République, Nicolas Sarkozy.
Cette conférence tripartite portant sur les conditions de travail, dont le rapporteur général est notre éminent collègue Gérard Larcher, fin connaisseur de ces questions, a notamment réuni les organisations patronales, syndicales et les pouvoirs publics.
Il s'agit d'un thème d'une grande actualité au regard de la volonté du Président de la République de réhabiliter la valeur « travail »
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Les conditions de travail sont un sujet essentiel, car elles conditionnent l'efficacité et la productivité. Elles peuvent aussi être à l'origine de drames humains. La vague de suicides sur des lieux de travail que nous avons connue ces derniers mois en France semble ainsi en grande partie liée à une grave détérioration des conditions de travail.
L'enjeu de cette conférence est donc très important.
C'est la raison pour laquelle je me félicite de la méthode que vous avez adoptée, monsieur le ministre, en faisant le choix d'une large concertation et d'un véritable dialogue social avec l'organisation de sept réunions préparatoires en septembre.
À l'issue de cette conférence, pouvez-vous nous faire part des conditions de travail qui y ont prévalu, du bilan de votre méthode et de l'implication des partenaires sociaux ?
Avez-vous d'ores et déjà pu établir un diagnostic, faire une liste des bonnes pratiques, identifier les mesures à prendre et définir un agenda pour leur mise en oeuvre ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le sénateur, il s'agit en effet d'un sujet important, que le Gouvernement et les partenaires sociaux ont abordé avec le plus grand sérieux.
La conférence qui s'est achevée ce matin ne restera pas sans lendemain. Elle aura des suites, en l'occurrence les annonces et les décisions que j'ai présentées tout à l'heure. Un point de départ des actions, sur lequel je vais revenir, sera ensuite fixé. Cette réunion fait suite à un débat de soixante-dix heures animé par Gérard Larcher, ancien ministre du travail, qui a bien voulu être le rapporteur général de la conférence.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Dix-neuf auditions ont été organisées, et nous avons eu, ce matin, cinq heures de débat avec l'ensemble des partenaires sociaux.
Il en résulte que, s'il est essentiel de travailler plus pour aller chercher la croissance dont notre pays a besoin, il faut également que nos concitoyens puissent travailler mieux, c'est-à-dire qu'ils se sentent mieux dans leur travail.
Les décisions prises ont notamment porté sur le stress, cet ensemble de troubles psychosociaux dont nous avions du mal à parler voilà quelques années et que, pour le dire franchement, nous appréhendons encore difficilement aujourd'hui.
À partir du début de l'année prochaine, des indicateurs nous permettront de mesurer précisément le stress dans les entreprises et de savoir comment y faire face, dans chaque entreprise et dans chaque branche d'activité.
Ensuite, nous souhaitons aider davantage les entreprises désireuses d'investir dans l'amélioration des conditions de travail de leurs salariés. À cet effet, un fonds de 50 millions d'euros sera mis en place, contre 40 millions d'euros prévus initialement, ce qui représente un effort supplémentaire de 25 % consenti par le Gouvernement. En outre, 4 millions d'euros seront versés au Fonds pour l'amélioration des conditions de travail, le FACT.
Grâce à cet effort, nous pourrons utiliser tous les crédits existants. Et si cela est nécessaire, nous irons plus loin à partir de 2009.
Enfin, il nous faut renforcer le dialogue social. N'oublions pas que les 8 millions de salariés qui travaillent dans de très petites entreprises n'ont pas la possibilité de parler de leurs conditions de travail. Les partenaires sociaux, représentants des salariés comme des employeurs, se sont mis d'accord ce matin pour intégrer ce sujet dans la négociation sociale.
Nous souhaitons également renforcer les compétences et la formation des membres des comités d'hygiène et de sécurité, les CHS, afin qu'ils soient plus sensibilisés à la question des conditions de travail, et donc plus efficaces.
Par ailleurs, nous allons donner un nouvel élan à la négociation en la matière. Dès la semaine prochaine, nous signerons un accord concernant le secteur de la découpe de la volaille - métier pénible s'il en est ! -, tendant à l'amélioration des conditions de travail des salariés concernés.
À l'issue de la réunion de ce matin, je tire donc la conclusion que le dialogue social fonctionne dans notre pays, et c'est ce qui nous permettra d'avancer !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le Premier ministre, EADS est certainement l'un des plus beaux fleurons de la technologie et de l'industrie européenne et française. Cette entreprise traverse, depuis mai 2005, une zone de turbulences, avec pour conséquences un plan de suppression de 10 000 emplois et une chute de 35 %, en moyenne, du titre.
Seule l'oligarchie qui sait et qui dirige en est sortie indemne, faisant fructifier ses stock-options et retirant ses billes à temps.
Au premier rang figurent l'ex-coprésident d'EADS, Noël Forgeard, et les dirigeants des groupes Lagardère et Daimler.
Entre mai 2005 et juin 2006, 1 200 petits futés...
...auront vendu 10 millions de titres EADS, empochant ainsi 90 millions d'euros de plus-values.
L'Autorité des marchés financiers, l'AMF, a ouvert une enquête, qui vient de déboucher sur une note transmise au parquet de Paris. Selon Le Figaro, cette enquête conclut à un délit d'initiés massif, commis avant que les difficultés d'Airbus ne soient rendues publiques, provoquant l'effondrement du titre.
On apprend aussi que, fin 2005, le ministre des finances, Thierry Breton, avait été informé de la situation par l'Agence des participations de l'État, l'APE, qui gère les participations publiques dans EADS. Ladite agence lui avait alors conseillé de se désengager au plus vite, ce qui n'a pas été fait.
Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal de confier la stratégie industrielle de la France à des boursicoteurs, publics ou privés ?
N'est-il pas temps de réaliser que l'État n'est pas une entreprise privée, et qu'il ne peut ni faire faillite ni avoir pour objectif la valorisation de son patrimoine ? Ce sera ma première question.
Trouvez-vous normal, ensuite, qu'un ministre des finances de la République puisse se laver les mains de manoeuvres portant aussi gravement atteinte à nos intérêts industriels collectifs et n'ouvre pas d'enquête une fois ces agissements connus, comme l'avaient demandé les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale ?
Thierry Breton dit « qu'il n'avait ni à autoriser ni à empêcher » la vente des actions des groupes Lagardère et Daimler. Quant aux représentants de ces groupes, ils affirment que « la procédure a été transparente ».
L'enquête dira ce qu'il en est. Mais si c'est vrai, c'est encore plus grave ! Cela signifierait que l'on peut en France, en toute légalité et sous le regard impassible de l'État, mettre en pièce notre industrie.
Hier soir, tard dans la nuit, le Gouvernement et sa majorité ont traqué les fraudeurs à l'immigration jusque dans l'ADN des enfants.
Protestations sur les travées de l'UMP.
M. Pierre-Yves Collombat. ...qui menacent notre identité industrielle et nos emplois ?
Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les faits reprochés à certains dirigeants d'EADS sont très graves.
M. François Fillon, Premier ministre. C'est justement pour cette raison que nous devons faire preuve de retenue dans nos commentaires
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Une enquête de l'Autorité des marchés financiers est en cours. Celle-ci a d'ailleurs fait savoir, hier, que ses conclusions étaient loin d'être acquises et qu'elles seraient connues au début de l'année 2008. La justice est donc saisie.
Par ailleurs, nous sommes dans un État de droit.
Oui ! sur les travées du groupe socialiste.
Dans ce type d'État, il est d'usage d'attendre les conclusions de la justice avant de commenter la culpabilité de tel ou tel.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il va de soi que l'État ne s'est prêté en aucune façon à une quelconque manoeuvre supposée, dont l'enquête prouvera ou non l'existence, concernant la liquidation d'actions par des porteurs privés.
L'État ne s'y est pas prêté pour une raison simple, monsieur le sénateur : il existait un curieux pacte d'actionnaires, négocié sous une autre majorité
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. François Fillon, Premier ministre. ...qui privait les États français et allemand de tout droit d'intervention dans les affaires EADS !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
C'est justement parce que nous avons été choqués par ce pacte d'actionnaires, et pour qu'une telle situation ne se reproduise plus, ...
...que le Président de la République, Mme Merkel et Mme Lagarde ont modifié, cet été, la gouvernance d'EADS.
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle soit fondée ou non, cette affaire, qui est d'ordre privé
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Elle ne doit pas conduire à faire oublier qu'EADS, après avoir connu une crise de croissance, est désormais une entreprise en plein succès, enregistrant des commandes qui la hissent au niveau de son concurrent américain.
Le succès de l'A380 et de l'A350 montre que l'entreprise EADS est sur la bonne voie et qu'elle sort de cette crise de croissance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Fillon, Premier ministre. Cette entreprise doit être accompagnée par les pouvoirs publics sur la voie d'un succès qui devrait faire la fierté de la France et de l'Europe !
Applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le Premier ministre, la commission des finances du Sénat procédera prochainement à une série d'auditions concernant cette affaire. Monsieur le président de la commission des finances, pouvez-vous nous confirmer cette information ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Effectivement, monsieur le président, nous avons décidé d'entendre un certain nombre de responsables afin de dissiper tous les soupçons.
Applaudissementssur certaines travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la circulaire du 6 septembre 2007 relative à la participation des communes de résidence au financement des écoles privées extérieures, qui tient compte des motifs de forme soulevés par le Conseil d'État relatifs à la circulaire de décembre 2005, suscite de vives réactions de la part de maires, dont je me fais aujourd'hui l'interprète.
Après la polémique soulevée par la précédente circulaire, les élus locaux et les représentants de l'enseignement catholique étaient parvenus, en quelque sorte, à un modus vivendi. Ils s'étaient en effet entendus sur le fait qu'une commune de résidence pouvait se voir imposer une prise en charge de scolarité seulement dans le cas où elle ne possédait pas d'école publique, si la capacité d'accueil était insuffisante, ou bien dans le cadre des règles classiques de dérogation s'appliquant au secteur public.
Il s'agit là d'un simple principe d'équité et de justice. Il ne serait pas acceptable qu'un maire soit obligé de payer deux fois, une fois pour sa propre école et une autre fois pour l'école privée de la commune voisine.
M. Michel Houel. Il faut également tenir compte du fait que les maires de certaines communes rurales ont des difficultés à maintenir leur école ouverte. Ils supporteront donc mal de voir partir leurs élèves aux frais de la commune.
Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.
Président de l'Union des maires de mon département, je reçois, depuis la rentrée scolaire, des élus locaux inquiets qui, pour la plupart d'entre eux, ne sont pas disposés à payer.
Mon intervention n'est en rien dirigée contre l'enseignement privé - bien au contraire !-, dont je reconnais les compétences. Je comprends que certains parents d'élèves choisissent de lui confier leurs enfants. Mais nous connaissons tous les efforts consentis par les maires pour offrir à leurs administrés des établissements scolaires de qualité.
Il est vrai, monsieur le sénateur, que cette circulaire, dont je rappelle qu'elle a été prise sur proposition sénatoriale (Charasse ! sur les travées de l'UMP.), pose un problème difficile.
Le Gouvernement souhaite, dans cette affaire comme dans tant d'autres, privilégier le dialogue entre les communes, et non la coercition. Ainsi, la circulaire ne prévoit le recours à l'arbitrage du préfet que dans le cas où un accord ne serait pas trouvé, ce qui, vous en conviendrez avec moi en tant qu'élus locaux, est tout de même bien rare.
C'est avec raison, monsieur le sénateur, que vous avez parlé d'équité : le dispositif que nous proposons est en effet équitable, et il l'est non seulement pour les familles, dont la liberté de choix doit être garantie, mais aussi pour les communes, qui n'ont pas à payer deux fois.
L'accord national passé avec l'enseignement catholique ne pouvait pas servir de base juridique solide.
L'annulation - uniquement pour des raisons de forme - de la première circulaire nous a fourni l'occasion d'améliorer un peu le texte dans la nouvelle circulaire, laquelle est parue le 6 septembre dernier, cette fois sous la double signature de Mme le ministre de l'intérieur et de moi-même.
Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous êtes, pour la plupart d'entre vous, également maires, je précise que le nouveau texte a fait l'objet d'une lecture très attentive de l'association des maires de France.
La différence avec la précédente circulaire tient au fait qu'après examen préalable nous avons fait disparaître de la nouvelle circulaire trois dépenses obligatoires : dépenses de contrôle technique des bâtiments, rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles et dépenses relatives aux activités extrascolaires.
Cette réécriture à laquelle un vice de forme l'a contraint a donc permis au Gouvernement de présenter un meilleur texte qui, je le répète, se place avant tout dans une perspective d'harmonisation, de dialogue et d'apaisement.
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.
Monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, on peut regarder ailleurs quand on passe devant une soupe populaire des Restos du coeur et que l'on voit des policiers interpeller pour les expulser de pauvres gens qui viennent avaler un bol de soupe. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
On peut passer son chemin quand on voit un grand-père chinois se faire arrêter devant son petit-fils qu'il est venu chercher à l'école.
M. Josselin de Rohan s'exclame.
On peut être indifférent en constatant que nombre d'enfants qui fréquentent les mêmes écoles que les nôtres...
M. David Assouline. ... vont en classe tous les jours la trouille au ventre, sans savoir s'ils retrouveront en rentrant leurs parents, sans savoir si c'est le jour où leur vie va basculer.
Protestations sur les travées de l'UMP.
On peut poursuivre tranquillement ses vacances quand on apprend, le 9 août, qu'un enfant russe de douze ans a chuté du quatrième étage d'un immeuble à Amiens en fuyant la police venue arrêter son père et sa mère, ...
...ne pas être troublé, le 12 septembre, quand un homme d'origine maghrébine tombe du quatrième étage d'un immeuble à Roussillon, dans l'Isère, pour échapper aux gendarmes venus l'interpeller, ...
...ne pas être bouleversé d'apprendre que, dans le quartier de Belleville, le 21 septembre, Mme Zhang, Chinoise de cinquante et un ans, est morte après avoir chuté du premier étage pour avoir tenté d'échapper à ce qu'elle prenait pour une opération policière visant à l'expulser du territoire.
On peut trouver normal qu'un ministre convoque les préfets pour les sommer de « faire du chiffre » - cela a fait dire à un syndicat de policiers : on nous demande de faire de l'abattage... - et accélérer son pas, quand on prend le métro, en voyant des contrôles aux faciès opérés en masse pour remplir les objectifs de ce ministre.
Protestations sur les travées de l'UMP.
On peut s'habituer à ce que ce même ministre donne instruction aux préfets de rappeler à l'ordre les élus qui parrainent des sans-papiers, voire ceux qui accordent des aides sociales aux familles de ces derniers, ...
...finir par trouver banal qu'un élu soit incité à ne pas venir en aide à une personne en danger, comme le code pénal lui ordonne pourtant de le faire, et à se transformer en un simple dénonciateur aux services de police des familles nécessiteuses sans-papiers.
On peut tenter de réduire à une mesure technique l'introduction des tests ADN dans une loi dont le but est de rendre la vie de famille impossible aux travailleurs immigrés régulièrement installés sur notre territoire alors même que, de toute évidence, il s'agit d'une rupture éthique et philosophique profonde avec notre tradition républicaine et notre conception de la famille.
On peut tout cela, monsieur le ministre, et on peut se réveiller un jour dans une autre société, une société où l'indifférence aux autres accompagnée du repli sur soi et sur sa communauté aura laissé s'installer un autre ordre en lieu et place d'une République fraternelle et métissée !
M. David Assouline. Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous cesser de sacrifier notre « vivre ensemble » et les immigrés sur l'autel de votre campagne électorale ininterrompue et démagogique ?
Exclamations sur les travées de l'UMP.
M. David Assouline. Quand allez-vous consacrer votre énergie et celle de la police à lutter contre les violences, qui ne cessent d'augmenter, année après année, dans nos quartiers populaires et dont les premières victimes sont les immigrés qui y vivent et leurs enfants, souvent français ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Assouline, si j'ai bien compris votre question - posée sur un ton relativement modéré
Riressur les travées de l'
Je voudrais, au travers des exemples que vous avez communiqués, préciser un fait, un principe et une exigence.
Je commence par le fait : vous avez évoqué, à juste titre, l'accident mortel qui est survenu à Mme Zhang au mois de septembre dernier.
Monsieur Assouline, je ne doute pas un instant de votre honnêteté intellectuelle
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Moi, je fais crédit !
...et je me permets donc de vous préciser que cette personne, dont j'ai naturellement, comme vous, appris avec tristesse le décès, n'était absolument pas poursuivie dans le cadre d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière.
C'est la peur, monsieur le ministre ! Inutile de chercher d'autres explications !
Il s'agissait en fait d'une opération décidée par la police à la demande du parquet et à la suite d'une dénonciation d'un ressortissant chinois à l'égard d'un autre ressortissant chinois.
Je comprends que cette précision gêne votre raisonnement, mais cela montre bien qu'il ne s'agissait en rien d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière.
Après le fait, j'en viens au principe.
Je suis le ministre de la loi ; je ferai donc respecter la loi, ...
M. Brice Hortefeux, ministre. ... et je le ferai selon une règle simple : c'est peut-être là, monsieur Assouline, une différence entre vous et nous, mais, sauf cas particulier, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine.
Très bien ! et applaudissementssur certaines travées de l'UMP.
Simultanément, un étranger en situation régulière qui respecte nos lois, qui partage nos valeurs, qui cherche du travail ou exerce un travail a le droit de bénéficier d'un effort d'intégration.
Ce n'est pas l'un ou l'autre : c'est l'un et l'autre !
Tout cela suppose un principe : il ne s'agit pas, contrairement à ce que vous dites, de « faire du chiffre », ...
M. Brice Hortefeux, ministre. ...mais de faire respecter un principe avec lequel nous ne transigeons pas : chaque pays, et la France comme les autres, c'est-à-dire pas plus mais pas moins que les autres, a le droit de choisir qui il veut et qui il peut accueillir sur son territoire !
Applaudissementssur certaines travées de l'UMP.
J'en termine par l'exigence : oui, vous avez raison sur ce point, monsieur le sénateur, il y a aussi une exigence de protection. Nous avons le devoir de protéger les personnes immigrées...
...qui sont elles-mêmes les premières victimes des passeurs, des réseaux, des filières, des marchands de sommeil, ...
Je veux donner à la Haute Assemblée la primeur d'un chiffre qui n'a pas encore été communiqué.
Sur les huit premiers mois de l'année 2007, ce sont 2 366 passeurs qui ont été interpellés, ...
M. Brice Hortefeux, ministre. ...soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période l'année dernière, et même de 98 % par rapport à 2004 !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Que faites-vous contre les patrons qui emploient de la main-d'oeuvre clandestine ?
Monsieur Assouline, sur un sujet aussi sensible, il faut éviter la générosité en trompe-l'oeil, ...
M. Brice Hortefeux, ministre. ...et il faut aussi éviter la fausse naïveté qui conduit inéluctablement et obligatoirement à des catastrophes.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, le Président de la République a déclaré la guerre à la maladie d'Alzheimer.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Les malades souffrent, entre autres choses, à la fois de troubles intellectuels, de troubles du comportement et de troubles physiques.
Le vieillissement de la population a fait exploser la courbe du nombre de personnes touchées : en 2001, on estimait le nombre de malades à 350 000 ; aujourd'hui, la France compterait 850 000 cas de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés, par exemple la démence frontale.
Tous les ans, 225 000 nouveaux cas sont repérés. Le nombre de malades pourrait atteindre 1, 3 million en 2020 et 2, 1 millions en 2040.
Cette maladie frappe presque toutes les familles. Elle constitue l'un des principaux facteurs de dépendance des personnes âgées.
En attendant que se réalise la promesse d'un vaccin, seuls quelques médicaments prescrits au début de la maladie et une prise en charge adaptée peuvent - au mieux - ralentir le processus, qui peut durer de cinq à dix ans.
La maladie d'Alzheimer requiert par conséquent une assistance permanente, souvent de longue durée, extrêmement éprouvante pour les proches et très coûteuse lorsqu'elle entraîne l'intervention de professionnels.
Le chef de l'État a créé le 3 septembre une commission chargée d'élaborer un véritable plan d'action contre la maladie d'Alzheimer.
Ce plan est prévu sur cinq ans, de 2008 à 2012. L'objectif est de mieux diagnostiquer la maladie, et de le faire le plus rapidement possible.
Il est également prévu d'améliorer la qualité de la prise en charge et de respecter la liberté de choix des malades et de leurs familles, notamment s'ils préfèrent le maintien à domicile.
Le lancement de ce plan d'envergure, de cette action déterminante pour la santé des Français, m'amène, madame la ministre, à vous interroger plus particulièrement au sujet de nos compatriotes de l'étranger, qui sont, rappelons-le, 2 400 000.
Comment les Français de l'étranger vont-ils pouvoir bénéficier de l'ensemble des mesures énoncées par ce plan ?
Est-il envisagé de créer des infrastructures d'accueil dans les pays où résident nos compatriotes de l'étranger, tout au moins en Europe où ils sont les plus nombreux ?
Concernant les familles de Français à l'étranger qui souhaitent maintenir leur parent à domicile, comment leur venir en aide financièrement, en matière de soins et en termes de soutien aux proches du malade ?
Pourra-t-on prévoir la mise en place de mesures spécifiques pour les personnes résidant à l'étranger qui sont atteintes de forme précoce de la maladie d'Alzheimer et se trouvent dans une situation de perte progressive d'autonomie alors qu'elles sont en pleine activité familiale et professionnelle ?
Enfin, une campagne d'information destinée aussi aux Français de l'étranger ne devrait-elle pas figurer dans le plan d'action du Gouvernement ? On sait en effet que, plus vite la maladie est diagnostiquée, mieux son évolution est retardée.
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.
Madame Kammermann, la maladie d'Alzheimer est un drame sanitaire, et c'est aussi un drame social et familial tant les implications de cette maladie sont destructrices pour les familles.
C'est la raison pour laquelle le Président de la République a décidé d'en faire une priorité et d'y consacrer un nouveau plan.
Le 3 septembre dernier, une commission a été installée sous la présidence du professeur Joël Ménard pour étudier toutes les implications de la maladie : la prise en charge, le traitement, les malades jeunes, la recherche.
Le Gouvernement vous présentera, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits destinés à ce plan dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et le fléchage de ces crédits pourra être analysé par la représentation nationale de façon continue.
Le 21 septembre dernier, lors de la Journée mondiale de lutte contre la maladie d'Alzheimer, consacrée cette année aux malades jeunes, le Président de la République a indiqué que les préconisations de la commission Ménard feraient l'objet d'un large débat public, qui sera piloté par Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et moi-même.
Bien entendu, toutes les préconisations de ce plan seront mises en oeuvre au bénéfice de tous nos compatriotes.
Pour ce qui concerne plus précisément les Français de l'étranger, il ressort bien entendu de la compétence de chaque pays d'organiser sur son sol des établissements à même de recevoir les malades atteints d'Alzheimer.
Mais vous avez pointé à juste titre, madame Kammermann, la nécessité d'assurer l'information de nos compatriotes installés à l'étranger.
À cet égard, nous pourrions par exemple, lorsque la commission Ménard aura rendu ses conclusions, envoyer un télégramme diplomatique à l'ensemble de nos représentations pour les informer des implications du plan. À cette même fin, je compte aussi réunir, avec Xavier Bertrand, les conseillers sociaux de nos ambassades.
En outre, les sites du ministère des affaires sociales et du ministère de la santé mettront en ligne des informations accessibles à nos compatriotes de l'étranger.
Nous comptons faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer l'un des axes forts de la présidence française du Conseil européen, en particulier du Conseil des ministres de la santé, que je présiderai.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente.
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le « Grenelle de l'environnement ».
La parole est à M. le ministre d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Dominique Bussereau et moi-même sommes très heureux que ce débat se déroule au Sénat à un moment intermédiaire d'un processus qu'il convient d'appeler « le Grenelle de l'environnement ».
Tout d'abord, permettez-moi de rendre un hommage appuyé au travail considérable accompli par les sénateurs au sein des groupes thématiques. Ces remerciements s'adressent particulièrement à M. Jean-François Le Grand et à Mme Marie-Christine Blandin - couple improbable de ce Grenelle
Sourires.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des compliments adressés aux sénatrices et aux sénateurs qui ont participé aux travaux que vous avez organisés. Ils sont justifiés, et le Sénat y est sensible.
Monsieur le président, je les renouvelle, car ces sénateurs ont été en charge de sujets extrêmement délicats, et ils ont permis aux groupes de travail, puis aux intergroupes que nous avons dû créer pour traiter les sujets délicats, d'aller au bout de leur logique.
Je remercie également le président du groupe de suivi, M. Bruno Sido, qui a piloté l'année dernière une commission dont le travail a été remarquable, et le rapporteur, mon complice du Nord, M. Paul Raoult, président du parc naturel régional de l'Avesnois, que j'aurai l'occasion de retrouver bientôt pour la célébration du quarantième anniversaire des parcs naturels régionaux.
Je voudrais bien évidemment remercier les présidents des commissions du Sénat, en particulier M. Emorine, de leurs analyses et de leur expertise tout au long du processus. Nous avons eu de nombreux échanges au cours des dernières semaines. Nous maintiendrons ce dialogue régulier et franc à chaque étape du Grenelle, c'est-à-dire au cours des cinq prochaines années, car nous ne sommes en réalité qu'au début d'un processus.
La première phase du Grenelle de l'environnement s'est donc achevée voilà quelques jours par la présentation de huit rapports.
En soi, ce Grenelle est un succès que l'on doit aux présidents, aux rapporteurs et aux trois cents membres des groupes de travail qui, venant d'horizons aussi divers que le monde de l'entreprise, les organisations syndicales, les associations environnementales - elles tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps -, les élus, les collectivités territoriales et les représentants de l'État, ont accepté d'entrer dans des débats approfondis de manière authentique, ce qui était éminemment difficile ; il est en effet plus facile de camper sur des positions préétablies.
Si, grâce à toutes ces personnes, qui ont consacré bénévolement de leur temps dans un véritable esprit républicain, nous avons pu mener à bien cette première étape, c'est parce que, au fond, quelque chose nous dépasse tous un peu.
D'une certaine manière, les Français ont tranché et nous ont confié un mandat impératif. Il est vrai que 93% d'entre eux ne se contentent pas de déclarer que ce sujet est important : ils se disent prêts à faire un effort au quotidien en faveur de l'environnement.
Ce changement d'attitude est clair. Nos concitoyens savent que la lutte contre le réchauffement ou les pollutions n'est pas qu'une série de déclarations d'intention, de dialogues entre experts ou entre chefs d'État, de lois, de décrets ou de traités ; c'est d'abord un ensemble de décisions individuelles et collectives ancrées dans la vie quotidienne. Les Français ont compris qu'il y avait un lien entre leur façon d'être et les phénomènes qui sont constatés à grande échelle.
Il faut dire que certains signes ne trompent pas : notre environnement se dégrade, et cette dégradation se voit à l'oeil nu ! Il y a bien sûr la banquise qui fond à un rythme dépassant les prévisions de tous les experts internationaux. Il y a plus quotidiennement le climat qui se dérègle, comme cet été au cours duquel on a souffert d'une très forte canicule au sud de l'Europe, à partir de Naples, et, dans le même temps, d'inondations sans précédents au Royaume-Uni. Il y a également des espèces vivantes qui disparaissent - chacun pense aux ressources halieutiques -, et ce de plus en plus vite. Je songe aussi aux pollutions qui peuvent porter atteinte à notre santé. On parle du chlordécone, au sujet duquel une audition aura lieu la semaine prochaine, mais il y a aussi les PCB, ou polychlorobiphényls, qui ont récemment conduit le Gouvernement à interdire la consommation des poissons pêchés dans le Rhône.
On voit bien que l'ensemble de ces phénomènes sont perceptibles. Les Français savent d'ailleurs que ces derniers ont un lien avec l'activité de l'homme.
Nos compatriotes ont compris que la défense de leur qualité de vie et de celle des générations futures était le même combat et supposait que nous accentuions réellement notre action.
Qui se satisfait de la pollution des milieux naturels - l'eau que nous consommons ou l'air que nous respirons -, d'une production excessive de déchets ou de files de camions roulant au pas sur des autoroutes congestionnées alors même que nos voies ferrées voient passer de moins en moins de marchandises sur des trains dédiés au fret ? Qui ne se soucie pas du gaspillage d'énergie dans les bâtiments, lequel explique une part importante de la hausse des charges locatives dans les cinq dernières années et de la croissance de nos émissions de gaz à effet de serre ? Qui ignore l'intérêt de préserver notre indépendance énergétique ? Personne !
Les rapports issus des discussions du Grenelle ne disent pas autre chose : les constats sont partagés, même si les réponses ne font pas toujours l'objet d'un consensus.
Voilà la raison pour laquelle je ne crois ni aux discours pessimistes, ni aux discours moralistes, ni à l'aveuglement.
Tout le monde est d'accord pour lutter contre les excès de l'étalement urbain. Tout le monde a envie d'avoir des fleuves propres, une eau et un air intérieur et extérieur de meilleure qualité. Tout le monde est d'accord pour que l'habitat, ancien comme neuf, consomme moins d'énergie. Tout le monde est d'accord pour avoir moins de décharges alors que l'on peut plus et mieux « éco-concevoir » et recycler les déchets. Tout le monde souhaite des transports en commun de meilleure qualité. Tout le monde a envie de voir moins de camions au pas sur les routes et les autoroutes. En bref, tout le monde a compris que les ressources ou l'espace ne sont pas illimités et que, pour continuer à croître et pour conserver notre niveau de vie, il faut un changement de notre mode de développement.
Le développement durable, c'est cela ! Ce n'est pas le laisser-faire, mais ce n'est certainement pas non plus l'idéologie de la restriction ou de la décroissance.
Reste maintenant à savoir comment nous allons transformer l'essai et convertir cette aspiration au changement de la société en action politique ou, du moins, en action publique.
Le Grenelle de l'environnement doit nous aider à définir les chantiers et programmes sur lesquels nous concentrerons nos efforts afin qu'ils aboutissent à un accord, un engagement unilatéral, un contrat, une convention, voire probablement un projet de loi d'orientation et de programme, que le Parlement examinera, modifiera, évaluera.
Cette démarche de concertation la plus large possible des parties prenantes de la société française, qui se prolonge actuellement par des réunions de présentation des rapports des groupes dans une quinzaine de villes et une consultation des Français sur Internet, était indispensable. Nous avons souhaité que ces débats soient territoriaux en laissant une totale liberté aux collectivités locales. Cela montre notre volonté de laisser les initiatives se développer.
Je pense que nous avons probablement eu tort de ne pas prévoir plus de réunions. Nous allons devoir en organiser quelques-unes de plus en accord avec les collectivités locales afin de respecter véritablement la pluralité et toutes les sensibilités, de connaître les problématiques et de chercher des consensus.
Par exemple !
Il y a une dizaine de jours, le président du conseil général du Gers, qui est membre des groupes de travail, a été sollicité.
Je peux vous dire que je lui ai à nouveau demandé hier d'organiser une réunion. Vous le voyez, les choses progressent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi ce Grenelle a-t-il lieu ?
La conviction du Gouvernement est que le changement n'est possible que si toute la société avance en même temps, si toute la chaîne qui relie le producteur au consommateur se mobilise, si tout le monde décide de passer à l'action.
Vu sous cet angle, l'environnement n'est pas seulement l'affaire de l'État, qui est certes un acteur important, mais un acteur parmi d'autres.
Cela nécessite de convaincre les entreprises, les consommateurs, les citoyens, de soutenir les collectivités territoriales, qui sont des acteurs majeurs, de démontrer que l'écologie constitue une opportunité pour gagner de nouveaux marchés, innover, offrir de nouveaux services, bref créer de nouveaux emplois.
Cela nécessite de convaincre les Français que l'écologie n'est pas l'ennemie du pouvoir d'achat ou un luxe réservé à une minorité fortunée d'habitants de grandes zones urbaines ; c'est pour eux l'occasion d'alléger un peu leurs factures.
Cela nécessite de convaincre les Français que cela ne devrait pas coûter plus cher de rouler dans une voiture qui pollue peu, de prendre le tramway plutôt que la voiture, de réduire les consommations d'énergie, bref de préférer à chaque fois qu'on le peut le durable au jetable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons démontrer qu'il s'agit non pas de choisir entre croissance économique et protection de la planète, mais de lier les deux. Ce chemin de croissance, cette autre croissance, est à notre portée, car nous avons le talent, les technologies, les filières industrielles, les agglomérations, les services publics, bref 62 millions de citoyens français pour y parvenir.
Les rapports de synthèse des groupes de travail du Grenelle de l'environnement et le diagnostic partagé qu'ils reflètent hiérarchisent les orientations possibles pour l'action publique et collective.
Ils sont d'abord le reflet de convictions fortes que je veux rappeler.
Tout d'abord, personne ne détient la vérité absolue pour la simple et bonne raison que certaines connaissances scientifiques sont incomplètes, que les risques sont parfois mal connus, que les relations de cause à effet ne sont pas toujours nettement établies. Mais cette connaissance incomplète, qui est dans la nature des choses, ne doit pas servir de prétexte à l'inaction.
Ensuite - c'est la deuxième conviction -, il n'existe pas une solution miracle ou un acteur principal. En clair, nous ne pouvons pas compter sur une correction spontanée des grands équilibres économiques pour répondre aux urgences de demain. Le marché a besoin d'être organisé et orienté. Nous croyons bien évidemment à la technologie et nous ferons tout pour soutenir les efforts dans ce domaine, mais nous ne pensons pas que la technologie à elle seule permettra de basculer brusquement vers un chemin de croissance soutenable.
Enfin, troisième conviction, l'action doit être collective, transversale, décloisonnée, et les sujets ne doivent pas être traités indépendamment les uns des autres. Qu'il s'agisse de recherche fondamentale, de consommation, de compétitivité, l'isolement, c'est l'échec !
Je ne veux en aucun cas préjuger des conclusions de la table ronde finale qui se tiendra à la fin du mois d'octobre, mais, à la lecture des mille pages de rapports qui sont à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, et à celle de chacun de nos compatriotes, après cinquante-trois lieux de débats et de réunions intenses, quelques orientations se dégagent.
Premièrement, il s'agit d'abord d'exploiter le formidable potentiel de croissance de nouveaux secteurs d'activité, tels les énergies renouvelables, le bâtiment, pour lequel un grand chantier thermique est nécessaire : s'éclairer, faire tourner les machines et se chauffer représentent 42 % de notre consommation finale d'énergie.
Je rappelle que l'on compte, pour chaque Français, 5 mètres carrés de bâtiment public ouvert au public. Nous sommes, entre l'ancien et le nouveau, sur des ordres de grandeur massifs, et nous connaissons dans ce secteur un retard considérable.
Il conviendra d'insuffler de la méthode, de l'organisation. Il faudra traquer les raisons une par une et mettre en place les incitations afin d'ouvrir rapidement ce grand chantier ; vous l'évoquiez d'ailleurs dans le rapport que vous avez rédigé l'année dernière, monsieur Sido.
Deuxièmement, la protection de l'environnement ne doit pas être le prétexte à une hausse globale de la fiscalité dite « de rendement ».
Je veux absolument que les choses soient claires sur ce sujet : il ne faut pas confondre l'idée d'utiliser la fiscalité comme signal pour orienter ou inciter les Français à adopter tel ou tel comportement et l'idée, que je combats fermement, de faire de la fiscalité écologique une variable d'ajustement budgétaire.
Certains programmes peuvent nécessiter des moyens, mais ces derniers peuvent être financiers, budgétaires ou fiscaux.
Nous n'utiliserons pas la fiscalité comme un « rendement caché ». Cela reviendrait à rompre le contrat passé entre la majorité et les Français.
Oui, il faut inciter ! Oui, il faut adresser des signaux micro ou macro-économiques : c'est la réalité !
De même, il faudra adresser des signaux au consommateur pour l'éclairer dans ses choix. Je pense notamment aux étiquettes « carbone » ou aux étiquettes « écologiques », qui sont incontournables si l'on veut réaliser cette grande mutation écologique.
Néanmoins, ce n'est pas parce que le « vert » est tout d'un coup à la mode qu'il représente une façon d'augmenter simplement les prélèvements obligatoires, sans aucune capacité d'incitation dans le choix du consommateur.
Troisièmement, personne ne doit être laissé dans une impasse. Nous ne pouvons, d'un côté, demander aux Français de changer de comportement, de mode de transport, si, de l'autre côté, nous ne sommes pas capables de leur proposer de vraies solutions de remplacement efficaces et crédibles. Je ne veux aucune interdiction sans solution, aucune injonction sans accompagnement !
Enfin, quatrièmement, l'action se fera au plus près des acteurs économiques directs. Seule une action territoriale, au plus près des réalités quotidiennes comme le quartier, la ville ou l'agglomération, par exemple, permettra de changer les comportements en profondeur.
Les grands principes ne remplaceront jamais un métro, un tramway, un service de bus adapté aux rythmes de vie, des pistes cyclables, etc.
Le Grenelle de l'environnement a permis de se mettre d'accord sur ces diagnostics partagés et sur le fait que l'action devait être centrale et s'appliquer à l'ensemble de nos politiques publiques et collectives.
Reste maintenant à organiser dans un esprit de confiance et de tolérance les quinze à vingt chantiers structurants pour les années à venir.
Il est encore trop tôt pour annoncer l'issue de la table ronde. Ce n'est ni mon rôle, ni les termes du contrat passé entre le Gouvernement et les parties prenantes, ni l'esprit dans lequel je me présente devant vous : rendre compte et surtout écouter.
Il ne faut pas se méprendre sur les objectifs. Le Grenelle de l'environnement n'est pas une machine à fabriquer du consensus contre l'avis des acteurs. Il vise à répondre à une attente réelle et profonde des Français.
Nous devons hiérarchiser nos priorités, qu'il s'agisse des émissions de gaz à effet de serre ou des pollutions diverses qui portent atteinte à notre santé.
Bien sûr, il faut engager un vaste plan de maîtrise de la consommation d'énergie, car la meilleure des énergies est celle que l'on ne consomme pas, avec, en toile de fond, cette idée assez simple : la réduction de la demande est la voie la plus efficace et la moins coûteuse pour réduire notre facture énergétique.
Il faut bien entendu commencer par les secteurs où les gisements d'économies à réaliser sont les plus importants. C'est à l'évidence le cas du bâtiment - 42 % de notre consommation d'énergie -, des transports, et de l'outre-mer.
Nous disposons en effet, avec l'outre-mer, de toutes les capacités de l'autonomie énergétique. Il n'est pas normal d'avoir calqué le modèle de la Réunion, de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et, un peu plus loin, de la Polynésie sur notre modèle centralisé.
En matière de biodiversité, d'autonomie énergétique, de déchets et de transport, il faudra, en tout état de cause, développer un programme spécifique, particulier, puissant.
L'outre-mer doit devenir une vitrine mondiale du développement durable. Il en a toutes les richesses. La France possède grâce à lui 8 % de la biodiversité dans le monde, et nous avons les capacités de démontrer une autonomie d'énergie durable.
On sait aussi que les transports collectifs joueront un rôle clef. Derrière ce terme, se cache une refondation de notre politique des transports.
Il ne s'agit pas seulement de programmer de nouvelles infrastructures. Il s'agit au contraire de faciliter la mobilité des personnes et des marchandises par des modes de transport faiblement émetteurs : la voie fluviale, le transport maritime, le rail et les transports en commun.
Il faudra simultanément une offre de services nouveaux, une organisation plus concurrentielle du secteur et une nouvelle façon de programmer nos infrastructures. Il faudra plus de tramways et de trains de fret là où leur compétitivité globale est meilleure que celle des autres modes de transport, notamment la route ou l'avion.
S'y ajoutera un volet technologique, indispensable pour réduire les pollutions des véhicules, combiné à une évolution de la réglementation.
La biodiversité doit devenir une nouvelle dimension de l'action publique, non seulement outre-mer, mais aussi sur l'ensemble de notre territoire et de nos côtes.
On sait aujourd'hui que l'extinction de certaines espèces n'est pas une question secondaire. C'est un sujet central pour l'avenir de l'humanité.
Il faudra également aider nos compatriotes à mieux consommer. Il s'agit d'apporter des réponses simples, très opérationnelles et qui ne coûtent pas plus cher que d'autres à la question que tout le monde se pose : comment faire au quotidien pour protéger l'environnement ?
C'est tout l'enjeu du débat sur les étiquettes « carbone », sur les écolabels, sur la limitation du nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, sur le développement des produits bio, etc.
On le voit bien, il s'agit à la fois de questions de santé, de pouvoir d'achat, de réduction des coûts. Il ne s'agit pas seulement de questions énergétiques et de constitution de nouvelles filières, notamment agricoles.
Enfin, il faudra engager - et c'est un objectif que je partage avec Michel Barnier - une réflexion sur l'avenir de l'agriculture.
Je veux que l'on cesse d'opposer artificiellement l'agriculture et l'écologie. Là comme ailleurs, elles se complètent naturellement.
Notre filière agro-alimentaire est l'un des atouts majeurs de l'économie française. Il ne faut pas la fragiliser ; il faut préserver sa capacité à valoriser sa production tout en respectant l'environnement.
Cet équilibre est essentiel. Il explique, d'ailleurs, les orientations qui se dessinent dans le rapport du groupe 4 du Grenelle de l'environnement.
Nous avons une obligation de résultat en matière de qualité de l'eau et de santé : cela suppose - vous le constaterez en lisant de manière approfondie les résultats du groupe 4 - un accord pour les mutations sur les nouveaux itinéraires agro-productifs, une réduction des pesticides dont seules l'ampleur et les modalités sont discutées, ainsi que des moyens d'accompagnement.
Il en est d'ailleurs de même pour les produits polluants, en général, notamment ceux qui figurent sur la liste aujourd'hui connue des produits les plus difficiles et délicats. Nous travaillons à des processus d'interdiction à court terme.
Beaucoup d'autres sujets sont encore sur la table, comme la nécessité de rattraper le retard inacceptable de notre pays en matière d'assainissement : 146 stations d'épuration, dont certaines figurent parmi les plus grosses de notre pays, ne sont pas, et de très loin, en conformité, ce qui représente 36 millions d'équivalent habitant !
Je souhaite que le Grenelle de l'environnement soit l'occasion de lancer un grand plan de rénovation de notre système d'assainissement, avec des objectifs précis et quantifiés sur l'état d'avancement des travaux.
Enfin, l'État doit se montrer exemplaire à chaque occasion et sur chaque action. Je souhaite à cet égard fixer avec vous un principe simple : l'État ne pourra rien proposer ni imposer s'il n'est pas capable de se l'appliquer à lui-même.
Très franchement, quand Nathalie Kosciusko-Morizet, Dominique Bussereau et moi-même avons organisé le bilan « carbone » de nos ministères, les bras nous en sont tombés en raison de notre peu de capacité à le réaliser !
Ces bilans « carbone », c'est-à-dire la possibilité de revisiter toute l'action d'un groupe humain, public ou privé, pour essayer de déceler dans son mode d'organisation les gains de productivité durable qui pourraient être réalisés, sont un outil de management extraordinaire. Toutes les entreprises qui s'y sont pliées volontairement jusqu'à présent en ont tiré des décisions de management améliorant leur compétitivité et leur productivité.
Il vous appartiendra d'arbitrer sur ces sujets majeurs au terme de la réunion finale concernant le Grenelle de l'environnement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous adresser trois messages en guise de conclusion.
Premièrement, je souhaite insister sur le rôle du Parlement à l'égard du Grenelle. Qu'on ne se méprenne pas, de nombreux sénateurs et sénatrices y ont participé à un titre ou à un autre. Pour autant, ni l'Assemblée nationale ni le Sénat ne sont un des collèges du Grenelle.
Le Parlement de la République française n'est pas une partie prenante opérationnelle directe, encore que, monsieur le président, le Sénat s'honorerait de faire son propre bilan « carbone », comme toute institution !
Sourires
Le Parlement est le lieu du vote de la loi, le lieu où se décident les grandes orientations de notre pays. C'est la raison pour laquelle il lui faudra débattre d'une grande loi d'orientation et de programme.
Deuxièmement, je veux souligner que notre action ne peut être isolée, car elle n'aurait pas de sens si elle n'était pas relayée sur le plan européen et international.
Nous avons, de ce point de vue, Nathalie Kosciusko-Morizet, Dominique Bussereau et moi-même, ainsi que l'ensemble du Gouvernement, une chance formidable. Nous sommes en effet à un moment de bascule, de rupture, avec la future présidence française de l'Union européenne, avec la conférence de Bali, avec l'après-Kyoto.
Nous vivons une période extraordinaire où les puissances publiques du monde sont interpellées sur ces sujets de grandes orientations et de gouvernances locales ou internationales.
Enfin, troisièmement, pour passer à l'action, il faut de la méthode, de l'organisation, de la ténacité. Il ne faut pas entretenir des conflits artificiels que la société française, elle-même, considère comme déjà dépassés. C'est une question de responsabilité et, au fond, de bon sens !
Le développement économique et la protection de l'environnement ne s'opposent pas. On sait au contraire que les économies qui auront agi le plus tôt seront plus compétitives que les autres.
La révision de nos critères de programmation des infrastructures ne signifie pas l'interruption de l'effort d'équipement de notre pays.
Le 24 septembre dernier, lors de la conférence sur les changements climatiques qui se tenait à New York, le Président de la République a rappelé qu'il fallait éviter de franchir le point de non-retour. Ce point de non-retour, en matière climatique, a été évalué à deux degrés en 2050 : si la température mondiale augmente en moyenne de deux degrés à cette échéance, nous serons incapables de revenir en arrière.
Il faut que nous prenions conscience de notre entrée dans un monde nouveau, le monde de la rareté : rareté d'un climat tempéré, rareté de l'eau, des capacités agricoles permettant de nourrir neuf milliards d'êtres humains et non plus six milliards et demi, rareté de l'oxygène, des ressources fossiles...
Quel que soit le débat, qu'il porte sur la vitesse, le pétrole, le charbon ou le gaz, nous consommons en tout état de cause plus que ne le permettent les capacités de renouvellement des écosystèmes. On peut discuter de la date et de l'heure, mais notre modèle est essentiellement fondé sur ce constat.
Nous avons donc l'obligation absolue d'anticiper, sans aucun catastrophisme, afin de disposer d'une économie plus sobre en besoins énergétiques. Le simple bon sens le commande.
Penser que le prix du baril de pétrole Brent sera de 80 dollars dans dix ans est évidemment absurde puisque l'on sera dans une phase descendante, quoi qu'il arrive. Pour des raisons humaines, stratégiques, géostratégiques, politiques ou militaires, il nous appartient d'organiser la mutation de la société française. Les 62 millions de Français que nous sommes ont les capacités de le faire, tous ensemble, dans la joie et la bonne humeur. Il nous est tout à fait possible de diviser par quatre nos besoins énergétiques.
Voilà ce dont il s'agit en réalité dans ce Grenelle. C'est pourquoi il était important que toutes les parties prenantes y participent. Nous avons pris le risque d'une certaine innovation démocratique et celui d'être critiqués tant sur la procédure, les méthodes que les délais, en sachant que tout ne sera jamais parfait.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons à bousculer quelques habitudes. Nous ferons preuve de fermeté sans nous laisser intoxiquer par les surenchères. Nous voulons être clairs, méthodiques, déterminés et responsables.
À Rio, Achim Steiner, directeur du programme des Nations unies pour l'environnement, dont personne ne conteste l'envergure ni le sens des responsabilités, a officiellement déclaré, après une présentation de notre Grenelle de l'environnement - les autres pays s'intéressent effectivement à ce que nous faisons -, devant soixante pays, que la France, avec le Grenelle, faisait office de laboratoire aux yeux du monde. « Souhaitons-lui bonne chance », a-t-il ajouté.
En effet, très franchement, vu d'un peu plus loin, si un pays tel que la France, qui dispose de tant de ressources naturelles, qui bénéficie d'un climat tempéré, qui a des rivières, des océans, des mers, des forêts, des intelligences, des capacités technologiques, qui a inventé le Conservatoire national des arts et métiers, qui jouit d'autant de richesses, ne peut pas prouver au monde que la croissance durable est possible, il y a du souci à se faire ! Mais comme je suis convaincu que, tous ensemble, nous y parviendrons, nous serons de nouveau, aux yeux du monde, une référence.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF, du RDSE et du groupe socialiste.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que président de la commission des affaires économiques, je ne peux que me féliciter de la forte implication de la Haute Assemblée dans le processus du Grenelle de l'environnement, voulu par le Président de la République.
Permettez-moi de rappeler, monsieur le ministre d'État, que, dès la mise en place du Gouvernement, et de votre ministère en particulier, qui est doté d'un très large périmètre - écologie, développement et aménagement durables -, j'ai demandé que les sénateurs soient formellement représentés au sein du Grenelle.
Au total, ce sont dix sénateurs qui ont participé aux différents groupes de travail : six ont été désignés par le président du Sénat et quatre ès qualités ; sept d'entre eux sont membres de la commission des affaires économiques.
Je tiens ici à saluer le travail remarquable effectué par nos collègues Jean-François Le Grand et Marie-Christine Blandin, respectivement président et vice-présidente du groupe de travail sur la biodiversité et les ressources naturelles et de l'intergroupe sur les OGM.
Je voudrais également rappeler le travail de Jean Bizet et Jean-Marc Pastor sur les OGM. Parallèlement à cette active mobilisation du Sénat au sein du Grenelle de l'environnement, j'ai souhaité que soit créé, au sein de la commission des affaires économiques, un groupe de suivi du Grenelle de l'environnement, présidé par Bruno Sido, Paul Raoult en étant le rapporteur.
Ce groupe avait deux composantes : d'une part, seize membres répartis à la proportionnelle des groupes politiques et, d'autre part, tous les sénateurs participant au Grenelle. Il a permis à la commission des affaires économiques d'être informée en amont et d'assurer des échanges coordonnés entre le. Sénat et les groupes de travail du Grenelle.
Il est évident que les enjeux portés par le Grenelle et les décisions qui en découleront auront un impact décisif sur de nombreux domaines relevant de la compétence de la commission des affaires économiques, à savoir l'environnement, l'eau, la biodiversité, les déchets, l'énergie, l'agriculture, le développement économique, le logement ou les innovations technologiques.
Nous aurons, pour nombre d'entre elles, à nous prononcer dans les mois qui viennent sur des modifications législatives et fiscales permettant de les mettre en oeuvre. Le Grenelle de l'environnement constitue bien un point de départ pour initier des changements majeurs dans les années à venir, et les sénateurs de la commission, qui suivent la plupart des volets de cet immense dossier, souhaitent s'engager résolument dans ce processus.
Sans entrer dans le détail des mesures très nombreuses adoptées par les groupes de travail, j'aimerais néanmoins évoquer des propositions de réformes structurelles émanant, d'ailleurs, de plusieurs groupes.
Je ferai tout d'abord une remarque de bon sens : il est certain que nous avons à réformer nos structures administratives et nos organismes consultatifs pour introduire de véritables ruptures dans les processus de décisions ; mais nous devons veiller, parallèlement aux propositions de créations qui seront faites, à rationaliser les structures existantes.
Le mal français subsiste, car nous sommes incapables de supprimer les structures inadaptées ou devenues obsolètes. Ainsi, si l'on décidait de l'élargissement de la composition et des missions du Conseil économique et social, ainsi que de la mise en place d'une conférence des élus sur le développement durable, le Conseil national du développement durable ne me paraîtrait pas devoir être maintenu.
Je souhaite aussi aborder très brièvement un thème qui constitue à mes yeux un enjeu majeur du Grenelle de l'environnement : l'impact du secteur des transports en matière de développement durable. Comme vous le savez, c'est le secteur des transports qui émet le plus de gaz à effet de serre en France - 26, 5 % des émissions -, et c'est aussi le secteur dont les émissions ont le plus progressé ces quinze dernières années : 22 % entre 1990 et 2005.
C'est dire que je suis convaincu, comme président d'une commission qui traite à la fois des transports et de l'environnement, qu'il est indispensable que le Grenelle de l'environnement débouche sur des propositions concrètes dans ce domaine et qu'intervienne un véritable changement des mentalités dans notre société.
Nous sommes véritablement à un tournant de la politique publique des transports. Le Grenelle de l'environnement a permis pour la première fois de confronter les analyses des différents acteurs : transporteurs, clients, usagers et défenseurs de l'environnement. II nous faut saisir cette opportunité pour aboutir à des résultats concrets et tangibles.
Notre commission a toujours été très attentive à ce dossier, comme le montre notre attachement de longue date aux transports ferroviaire et fluvial, ainsi qu'elle l'a encore rappelé à l'occasion de la discussion du dernier projet de loi de finances.
Je suis convaincu que la mise en place de transports plus efficaces et plus respectueux de l'environnement prendra du temps et sera coûteuse. C'est dans cette perspective que notre commission a mis en place une mission d'information, présidée par Francis Grignon, sur les infrastructures de transport terrestre et leur financement.
Ces travaux, dont les conclusions sont également attendues par le Gouvernement, devraient déboucher à la mi-2008 sur des pistes concrètes de nouveaux financements pour les infrastructures de transport, mais aussi sur des propositions d'amélioration du bilan environnemental de ce secteur.
Cet exemple, comme beaucoup d'autres que je pourrais prendre dans le domaine de l'agriculture, de l'énergie, du logement, illustre les liens étroits qu'entretiennent aujourd'hui l'économie et l'écologie. La demande de protection environnementale va créer de nouveaux métiers, de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises. Elle devrait susciter une offre de services qui peut être un moteur de croissance.
Mais il ne faut pas que ces nouvelles exigences s'imposent trop brutalement à nos entreprises car, sinon, on s'exposerait au risque de « casser » l'économie traditionnelle qui fait aujourd'hui la prospérité de notre pays et qui assure à nos concitoyens leur niveau de vie. S'il nous faut mettre de l'écologie dans l'économie, il nous faut aussi ne pas oublier de placer l'économie au coeur de l'écologie.
En cela, les réglages à opérer devront être réalisés de manière déterminée mais adaptée et mis en oeuvre avec intelligence et pragmatisme. L'écologie doit doper nos économies et assurer un développement durable de nos sociétés et de la planète, mais elle ne doit pas étouffer toute la croissance.
C'est pourquoi je me félicite de présider une commission où toutes ces questions sont imbriquées et où les décisions législatives savent toujours prendre en compte les deux visages du défi environnemental. Je me félicite aussi d'ailleurs, monsieur le ministre d'État, qu'à l'image de cette commission votre ministère ne soit pas cantonné aux seules questions d'environnement mais englobe aussi des secteurs comme l'énergie, le transport, ainsi que l'aménagement et le développement du territoire.
On ne pourra en effet progresser qu'en ayant une vision intégrée de ces questions qui, seule, permettra d'éviter les pièges des chapelles exclusives, qu'elles soient productivistes ou environnementales. Le Grenelle de l'environnement est d'ailleurs un magnifique exemple de l'intérêt de réduire l'espace qui sépare les tenants du tout économie et les tenants du tout écologie. Le dialogue entre les industriels et les associations vertes a permis, dans plusieurs groupes de travail, de dégager des solutions de compromis intelligentes.
Ce processus démontre ainsi avec brio que tous les secteurs de l'économie doivent intégrer la préservation de l'environnement dans leurs objectifs de développement.
C'est pourquoi, après la phase du dialogue et des débats, je suis convaincu qu'il faut nous engager fermement dans la mise en oeuvre d'une politique équilibrée qui allie préservation de notre environnement et développement de notre économie.
M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me félicite - et je l'en remercie - que le Gouvernement nous propose de débattre des propositions qui ont été élaborées par les groupes de travail du Grenelle de l'environnement et qui vont être soumises au débat public tout au long du mois d'octobre.
Il me paraît fondamental que la représentation nationale dans son ensemble soit informée et puisse réagir sur ces propositions. En effet, pour nombre d'entre elles, nous aurons à nous prononcer, dans les mois qui viennent, sur des modifications législatives et fiscales permettant de les mettre en oeuvre. Le Grenelle de l'environnement constitue bien un point de départ pour initier des changements majeurs dans les années à venir, et les sénateurs souhaitent s'engager résolument dans ce processus.
Dans le passé, ils se sont déjà impliqués dans des textes importants pour la préservation de l'environnement et la prise en compte du développement durable. On peut citer la loi constitutionnelle relative à la Charte de l'environnement, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, la loi relative à la transparence et la sécurité en matière nucléaire, la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, la loi relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux et la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
Sur l'initiative du président Jean-Paul Emorine, la commission des affaires économique a constitué un groupe de suivi que j'ai l'honneur de présider. Avec mon collègue Paul Raoult, rapporteur, nous avons procédé à de nombreuses auditions, qui vont d'ailleurs se poursuivre tout au long du mois d'octobre. Nos travaux sont fructueux et l'intérêt de nos collègues est réel.
Nous avons ainsi entendu les présidents ou vice-présidents des six groupes de travail, venus nous présenter la synthèse de leurs travaux. Ils ont été unanimes à souligner la qualité et la richesse des débats, sans sous-estimer la réalité des divergences, voire des oppositions fortes, sur certains des sujets abordés. Le premier acquis du Grenelle de l'environnement est certainement d'avoir réussi à faire travailler ensemble des interlocuteurs qui, en d'autres temps et dans d'autres enceintes, menaient des dialogues de sourds ou refusaient de se parler.
Cette réussite incontestable est certainement due à la volonté sans faille du Président de la République et du Gouvernement. Elle a été aussi permise par une évolution forte des mentalités et des opinions, comme vous le disiez, monsieur le ministre d'État. La prise de conscience est aujourd'hui générale tant sur le constat des atteintes graves portées à l'environnement que sur la nécessité de trouver des solutions innovantes et d'enclencher des changements majeurs.
Le programme d'auditions du groupe de suivi établi pour les mois de septembre et d'octobre va nous permettre d'entendre des représentants des différentes parties prenantes, c'est-à-dire des cinq collèges composant les groupes de travail.
Nous avons ainsi auditionné M. le ministre d'État et Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie pour faire des points d'étape sur le déroulement de la procédure. Ils nous ont rendu compte du rôle que l'État entendait jouer dans cette première phase : facilitateur d'idées, de dialogue et d'action collective. Il convenait, en effet, que les représentants de l'État participent à l'élaboration des propositions en mettant à disposition leurs capacités d'expertise, sans a priori ni parti pris. Au final, il est sûr que la mise en oeuvre de certaines des décisions du Grenelle de l'environnement imposera une modification du fonctionnement des administrations.
Au cours de ce cycle d'auditions, nous entendrons également les représentants des associations de collectivités territoriales, qui sont des acteurs incontournables. Depuis l'adoption des lois successives de décentralisation, les collectivités territoriales se sont fortement impliquées dans l'aménagement du territoire, l'urbanisme, les transports et la préservation de l'environnement, notamment la gestion de l'eau et des déchets. C'est sur elles que reposera la mise en oeuvre pratique de nombre de décisions adoptées à la fin du mois d'octobre. Il importe donc de recueillir leur point de vue.
Nous avons entendu les représentants du monde de l'entreprise, qui nous ont confirmé leur engagement actif dans le processus en soulignant que la problématique du développement durable constituait désormais une réalité incontournable pour les entreprises. Ils ont insisté sur la nécessité de ne pas « casser » la croissance économique, mais d'en réorienter le contenu et les modalités pour préserver l'environnement tout en dégageant les ressources nécessaires pour accompagner les mutations.
Nous avons aussi trouvé beaucoup d'intérêt à recevoir des représentants des différentes associations de protection de l'environnement réunies au sein du « groupe des neuf ». Elles ont interpellé les candidats à l'élection présidentielle sur la gravité de la situation en matière d'environnement, et l'organisation du Grenelle de l'environnement répond à leurs souhaits. Sans vouloir minimiser l'importance des débats qui restent encore ouverts sur des sujets aussi majeurs que l'énergie nucléaire, les organismes génétiquement modifiés ou les infrastructures de transport, je tiens à saluer leur volonté de participer de façon constructive aux processus de décision économique.
Je souhaite ensuite évoquer très brièvement le contenu des synthèses élaborées par les groupes de travail. Avec mon collègue Paul Raoult, nous nous sommes répartis la tâche. J'évoquerai donc, dans le temps qui me reste, les propositions des groupes de travail n° 1 et 6.
Le groupe de travail n° 6, intitulé « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l'emploi », se devait de proposer de nouveaux instruments macroéconomiques pour accompagner les changements profonds qui s'imposent à notre économie. Ses propositions s'articulent autour d'une double conviction, que je partage absolument.
Premièrement, il est possible de concilier la protection de l'environnement, le développement économique et le progrès social, grâce à une réorientation profonde de nos modes de production et de consommation offrant de nouvelles possibilités de développement économique et d'emploi.
Deuxièmement, il faut amorcer le découplage entre création de richesses et consommation d'énergies et de ressources naturelles non renouvelables, sans pour autant aboutir à la désindustrialisation de notre économie.
Les premières séries de mesures proposées portent sur l'amélioration et la diffusion d'indicateurs de développement durable, une meilleure information écologique sur les produits et les services ou encore la promotion d'une publicité responsable. Comme le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, j'émettrais une réserve quant à la mise en place d'un observatoire des impacts sur l'environnement et la santé, si cette création ne s'accompagnait pas d'une rationalisation drastique des organismes existant déjà dans ce domaine.
Une autre série de mesures intéressantes concerne la recherche et le développement des technologies favorables à l'environnement, ainsi que la sensibilisation et la formation à l'écologie et au développement durable. Je remarque d'ailleurs que, de façon unanime, quels que soient les thèmes dont ils avaient la charge, tous les groupes de travail insistent sur les efforts à consacrer en matière de recherche fondamentale et appliquée, de formation initiale et continue et d'actions de sensibilisation et d'éducation. Il y a là un énorme chantier.
S'agissant des outils économiques proposés en faveur de l'environnement, la mise en place d'une « contribution climat-énergie », sous la forme d'une taxe intérieure sur les émissions de carbone pour les secteurs non couverts par le marché européen de quotas de CO2, suscite encore de nombreuses questions qu'il faudra impérativement résoudre s'agissant, notamment, de l'assiette de la taxe, de son ajustement aux frontières et de son impact macroéconomique et sectoriel sur la compétitivité, l'emploi et le pouvoir d'achat.
Le groupe de travail n° 1 s'est consacré à la lutte contre le changement climatique et à la maîtrise de la demande d'énergie, en réaffirmant nos engagements souscrits à l'horizon 2050, et dès 2020 pour le programme des « 3x20 » fixé par le Conseil européen. Il a formalisé des propositions ambitieuses en matière de bâtiment, d'urbanisme et de transports, secteurs fortement émetteurs de CO2. Cela suppose la mobilisation de tous les acteurs et un panel de mesures le plus large possible.
On ne peut que souscrire à l'ensemble des propositions faites tant pour la rénovation des bâtiments existants que pour la construction. Mais, au-delà de la question, au demeurant essentielle, du financement des rénovations ou des surcoûts liés aux réglementations plus sévères, encore faudrait-il qu'existe une offre effectivement disponible en matériaux adaptés, en techniques de construction, en personnels qualifiés et formés à ces nouveaux enjeux. Il conviendra, par conséquent, de fixer des objectifs réalistes et réalisables.
S'agissant du secteur des transports, l'objectif affiché est de ramener, en 2020, le niveau des émissions de CO2 à leur niveau de 1990. Les questions se focalisent sur le rééquilibrage entre le transport routier de marchandises, le fret ferroviaire et les voies fluviales. Il faut bien entendu prendre garde à l'impact économique global et sectoriel des mesures envisagées, mais les modes de transport substitutifs à la route doivent être encouragés dans une démarche cohérente d'aménagement du territoire.
Enfin, sans pouvoir être exhaustif, j'évoquerai les propositions concernant les émissions moyennes de CO2 des véhicules automobiles et l'intégration du transport aérien dans le marché européen des quotas de CO2. Sur ces propositions comme sur celles qui sont avancées en matière de fiscalité écologique, il est indispensable que le débat soit porté au niveau communautaire. La présidence française de l'Union européenne de 2008 doit donc être soigneusement préparée dans cette perspective.
Enfin, je souhaite vous faire part de quelques suggestions de mon collègue Jean Bizet, membre du groupe n° 1 du Grenelle de l'environnement.
Selon lui, deux remarques s'imposent. D'une part, toute initiative doit être désormais prise en conformité avec la Charte de l'environnement, notamment son article 5, qui codifie le principe de précaution et devrait rassurer tout un chacun. D'autre part, il faut affiner le chiffrage financier de toute mesure et la situer dans le temps.
Cela étant, le Grenelle de l'environnement ne se terminera pas une fois sa dernière réunion achevée. Plusieurs des décisions qui seront arrêtées à la fin du mois d'octobre auront des implications législatives. Dans cette perspective, tous les sujets abordés sur lesquels un consensus existe pourraient faire l'objet d'une grande loi-cadre. Les points moins consensuels exigeront une décision politique forte.
À ce titre, je souhaiterais faire un bref commentaire sur trois sujets fondamentaux.
En matière de transports, un rééquilibrage en faveur du rail est indispensable pour le fret. Il doit être accompagné de la définition d'un grand sillon de transports ferroviaires et fluviaux.
Sur l'énergie, il faut rappeler que c'est grâce à l'énergie nucléaire que nous sommes un des plus faibles émetteurs européens de gaz à effet de serre, voire le plus faible, et que nous sommes capables de fournir de l'électricité à nos partenaires européens.
Quant aux biotechnologies, il faut distinguer le secteur du médicament, où les biotechnologies sont largement utilisées, de la chimie verte et de l'alimentaire. Dans ce dernier domaine, nous devons admettre la faible acceptation de la société. Par conséquent, il convient d'approfondir davantage la recherche pour nous prémunir de risques éventuels et faire oeuvre pédagogique. Mais nous devons aussi reconnaître que des passerelles existent pour l'ensemble des biotechnologies et que les enjeux de propriété intellectuelle sont réels, avec de fortes implications économiques.
Sur ce sujet précis, monsieur le ministre, pourquoi ne pas reprendre le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés adopté le 23 mars 2006 par le Sénat ? Il transpose la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et pourrait être élargi et complété par voie d'amendements devant l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre d'État, madame le secrétaire d'État, il nous reste désormais à transformer l'essai. La première phase du « Grenelle de l'environnement » a suscité beaucoup d'espoirs, d'attentes et de mobilisation : les programmes d'actions à mettre en place ne doivent pas les décevoir. Dans cette perspective, les maîtres mots qui devront guider notre action sont, me semble-t-il, sobriété, innovation, information, responsabilité et pragmatisme.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur l'initiative de son président, la commission des affaires économiques a constitué le groupe de suivi du Grenelle de l'environnement, dont je suis le rapporteur. Je tiens à remercier et à féliciter M. Jean-Paul Emorine de cette décision.
Mon ami Bruno Sido et moi-même avons déjà auditionné bon nombre d'intervenants. Parallèlement, j'ai participé aux réunions du groupe de travail n° 4, consacré aux modes de production et de consommation durables, en qualité de vice-président de la fédération des parcs naturels régionaux.
En introduction, je dirai quelques mots du groupe de travail n° 5 consacré aux institutions et à la gouvernance. Je ne cherche pas le moins du monde à nier le caractère novateur des propositions émises par les différents groupes de travail ; mais mon expérience de président de parc naturel régional m'incite à penser que ce type d'institution constitue un laboratoire d'expérimentation et d'innovation en matière de gouvernance, de bonnes pratiques et de valorisation des espaces naturels. Le Grenelle de l'environnement pourrait s'en inspirer.
Le groupe de travail n° 5 formule de nombreuses propositions très intéressantes pour inventer une démocratie écologique, soulignant qu'il est nécessaire de mieux combiner démocratie participative et démocratie représentative.
Cette démocratie écologique concerne les acteurs publics comme les acteurs privés et doit privilégier des modes décisionnels fondés sur la transparence, la participation, la délibération, les partenariats, la gestion intégrée et la responsabilisation des décideurs. Il me paraît important d'évacuer le climat de méfiance ou de défiance mutuelle et réciproque qui existe aujourd'hui.
Le contexte général est bien celui d'une approche globale conciliant protection et mise en valeur de l'environnement, développement économique et progrès social : quatre objectifs structurent de façon claire les propositions adoptées.
Le premier objectif, c'est la reconnaissance des partenaires de l'environnement par la définition d'un statut et par l'identification des institutions représentant les acteurs de la société civile qui devraient les accueillir. La principale mesure à cet égard concerne la réforme du Conseil économique et social, dont devrait être saisie la commission sur la réforme des institutions. Parallèlement, il convient d'examiner une réforme de la composition et du rôle des conseils économiques et sociaux régionaux.
S'agissant de la stratégie nationale du développement durable, dont la mise en place constitue le deuxième objectif, il me paraît tout à fait pertinent qu'elle puisse être validée par le Parlement. Je crois important de le souligner.
Nous avons également débattu des propositions tendant à mieux associer les différents niveaux de collectivités territoriales - départements, régions, communes, structures intercommunales -, qui mènent déjà une action souvent extrêmement importante dans le domaine de l'environnement et qui jouent un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire. La proposition d'instituer une conférence des élus découle de ce constat. Toutes ces propositions doivent s'accompagner d'une réflexion sur le Conseil national du développement durable, dont le maintien ne se justifierait plus si une telle architecture devait être retenue.
Le troisième objectif a trait au mode de prise des décisions publiques et recouvre des propositions sur l'accès à l'information environnementale, les expertises et la participation citoyenne à la décision publique.
Les mesures concernant les expertises devront être examinées avec soin, car plusieurs groupes de travail ont émis des recommandations similaires sur la nécessité d'expertises pluralistes, transparentes et accessibles à tous.
En outre, le besoin de formation d'experts est réel. Il faut certainement envisager la mise en place d'une haute autorité indépendante de médiation des conflits sur l'expertise et l'alerte. Cette proposition a fait débat au sein du groupe, mais je crois que nous devons la prendre en compte. Sur ce thème, j'évoquerai enfin la formation des commissaires-enquêteurs
Mme Dominique Voynet et M. Serge Lagauche applaudissent.
Quatrième objectif, il faut favoriser la prise en compte du développement durable et la responsabilité des acteurs privés. À cet égard, il me paraît important de souligner qu'il faudra tenir compte des spécificités des PME pour que celles-ci puissent appliquer les mesures proposées, et ne pas penser uniquement aux grandes entreprises. Je songe notamment ici aux mesures, qui me paraissent tout à fait légitimes, visant à élargir au développement durable et à la protection de l'environnement les missions des comités d'entreprise et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Les points de convergence entre le groupe de travail sur la biodiversité et celui qui consacre ses réflexions aux modes de production durables sont heureusement nombreux, tant l'agriculture est le fruit d'une interaction forte de l'homme avec son environnement.
Après avoir souligné avec raison que la crise de la biodiversité est certes moins connue que celle du climat, mais qu'elle est tout aussi grave et surtout irréversible, le groupe de travail n° 2 a identifié 115 mesures, regroupées autour de quatre grands axes, permettant d'enrayer la perte de biodiversité.
La proposition d'instituer une « trame verte » et des corridors biologiques est conçue comme un instrument décentralisé d'aménagement durable du territoire. Il s'agit de préserver la biodiversité ordinaire et les fonctions des écosystèmes, en assurant les continuités et les proximités entre milieux naturels et en encourageant la densification urbaine.
Le problème qui reste peut-être posé est celui des critères juridiques attachés à ces concepts. Faut-il que le respect de la « trame verte » soit opposable aux tiers ? Cela donnerait évidemment une force beaucoup plus grande au dispositif. Cette question fait débat, mais elle mérite d'être étudiée à fond.
Par ailleurs, je me félicite de la présentation d'un ensemble de mesures visant à atteindre un bon état écologique pour les deux tiers des eaux de surface d'ici à 2015, en cohérence avec les objectifs de la directive-cadre. Il nous faut ainsi utiliser et renforcer les outils de la récente loi sur l'eau et les milieux aquatiques pour protéger les points de captage. Dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire. Peut-être conviendrait-il de davantage « sanctuariser » les points de captage et de faire en sorte que les pratiques culturales dans ces zones soient mieux maîtrisées, éventuellement en y imposant ou en y encourageant l'agriculture biologique. Il faut aussi avancer dans la voie de la constitution de réserves quand cela s'avère nécessaire.
Il est en outre indispensable de rattraper le retard accumulé dans l'application de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. Sur ce point, en tant que vice-président du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je puis témoigner que des retards inacceptables existent s'agissant de certaines de nos plus grosses stations d'épuration. Il nous faut donc étudier des mesures plus incitatives, en prévoyant peut-être des subventions dégressives, plus importantes en début de programme qu'à la fin, pour que les élus réagissent plus rapidement. C'est là un domaine extrêmement important pour l'avenir de notre milieu environnemental.
Je présenterai les mesures consacrées à l'agriculture en même temps que celles qui sont proposées par le groupe n° 4.
S'agissant de la structuration des actions en faveur de la biodiversité, je souscris à l'idée de la constitution d'une mission parlementaire pour expertiser la proposition de regrouper en une seule organisation traitant de la biodiversité - pourquoi ne pas créer une agence nationale ? - les très nombreux établissements publics et organismes nationaux existants.
En matière fiscale, il convient de substituer à une fiscalité qui a finalement tendance à favoriser la dégradation du milieu une fiscalité incitant à des comportements vertueux en termes de consommation d'espaces naturels ou de ressources vivantes.
Plus généralement, s'agissant du volet fiscal du Grenelle de l'environnement, l'application du principe d'un basculement à pression fiscale globale constante peut conduire à aggraver la situation de certaines catégories sociales défavorisées, d'où la nécessité de mettre à l'étude un certain nombre de mesures compensatoires. Cela étant, il est vrai que la fiscalité incite encore trop souvent à la dégradation de la biodiversité. Peut-être faut-il envisager la mise en oeuvre de nouvelles mesures : certains ont évoqué l'instauration d'une « écovignette », mais je sais que parler de fiscalité engendre toujours des débats passionnés...
Le groupe de travail insiste également, au travers d'un certain nombre de mesures, sur la nécessité de mieux connaître et faire connaître la biodiversité et les moyens de la préserver. Là encore, il faut renforcer la recherche scientifique, l'expertise, le partage des connaissances. En tant que président d'un parc naturel régional, je suis parfois quelque peu ébahi de la méconnaissance du milieu naturel par la population. Peut-être conviendrait-il de songer à renforcer l'enseignement des sciences naturelles au collège et au lycée !
Je voudrais enfin mettre en exergue la nécessité de s'appuyer sur le monde agricole afin d'enclencher un mouvement de transformation en profondeur de l'activité agricole.
Nombre d'agriculteurs ont largement fait évoluer leurs pratiques depuis une dizaine d'années et sont prêts à aller plus loin. Les organisations professionnelles agricoles ont participé de façon constructive - j'en ai été témoin - au Grenelle de l'environnement, et il faut s'en féliciter.
Parmi toutes les mesures proposées, je n'en citerai que quelques-unes pour illustrer ce propos qui se veut optimiste.
J'évoquerai ainsi la définition, dès 2008, de référentiels de certification, déclinés territoire par territoire, afin d'engager une démarche de certification des exploitations agricoles. Il me paraît intéressant d'encourager, par l'attribution d'un « bonus », les jeunes qui s'installent en choisissant le niveau maximal de certification et de proposer la qualification en haute valeur environnementale pour l'ensemble des exploitations des lycées agricoles. À cet égard, je pourrais donner des exemples quelque peu regrettables d'exploitations liées à des lycées agricoles ne présentant pas les meilleures garanties...
En ce qui concerne les labels administrés, tels que les appellations d'origine contrôlée et les labels rouges, on pourrait intégrer dans leurs cahiers des charges des caractéristiques environnementales à respecter un peu plus accentuées qu'elles ne le sont aujourd'hui.
Il faut également mener une action volontariste en faveur de l'agriculture biologique. On a longuement débattu de la part que celle-ci devrait atteindre dans la production totale : 5 %, 10 %, 20 % ? En tout état de cause, une part croissante de ce marché est couverte aujourd'hui par des produits importés. Il faut donc structurer les filières, développer des circuits courts et éventuellement revoir - la question mérite d'être posée - la réglementation applicable, qui semble beaucoup plus restrictive et exigeante en France que dans certains pays voisins qui nous vendent leurs produits.
Une autre priorité concerne la réduction des pollutions diffuses. Il est important de souligner que l'ensemble des acteurs s'accordent sur un objectif général de réduction. Le chiffrage de l'objectif et la définition des moyens de l'atteindre ne font pas consensus, c'est certain, mais je pense pour ma part qu'il faut au moins fixer un objectif chiffré. À court terme, il convient d'interdire les substances les plus dangereuses, à mesure que des solutions de rechange deviennent disponibles, ce qui suppose, à l'échelon communautaire, de faire reconnaître le principe de substitution.
Le débat reste ouvert sur la nécessité de compléter ce dispositif réglementaire en relevant le niveau de la redevance pour pollutions diffuses s'agissant des substances les plus dangereuses, afin de donner un signal économique fort.
D'autres questions importantes ont été abordées, qui méritent de faire l'objet d'une réflexion et de mesures urgentes.
Ont été par exemple évoquées les économies d'énergie liées à une meilleure isolation des bâtiments anciens et au respect de critères HQE - haute qualité environnementale - pour les nouveaux bâtiments, ainsi que la nécessité de mener une action forte pour promouvoir le transport collectif, en particulier ferroviaire, et le transport fluvial pour les pondéreux.
De nombreux groupes ont fait des propositions concrètes pour mieux maîtriser le foncier, éviter le gaspillage d'espaces agricoles. Ainsi, entre 40 000 et 60 000 hectares de terres agricoles sont perdus chaque année. Sur ce point aussi, il faut réfléchir aux moyens de contrer l'étalement urbain en utilisant un peu mieux ces outils que sont les plans locaux d'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale dans leur volet environnemental.
J'évoquerai maintenant rapidement les deux sujets qui fâchent.
S'agissant du nucléaire, beaucoup ont rappelé que la production d'électricité d'origine nucléaire permettait à la France d'émettre beaucoup moins de CO2 par habitant que d'autres pays européens voisins, mais la question du traitement des déchets nucléaires et celle du coût du démantèlement des centrales nucléaires obsolètes suscitent des controverses fortes. Il faut au moins, dans ce domaine, faire preuve de la plus grande transparence.
Quant à la question des OGM, elle a fait l'objet de débats que beaucoup, venus d'horizons politiques variés, ont qualifié de sérieux, d'approfondis et de fructueux. Le souhait que j'exprimerai cet après-midi est que le texte voté au Sénat soit examiné rapidement par nos collègues députés, en y intégrant les réflexions du groupe du Grenelle de l'environnement. L'attente n'a que trop duré !
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'écologie est véritablement devenue une question centrale pour l'avenir de notre société. Sommes-nous prêts à assumer cette réalité ? Il s'agit d'un virage rapide et radical à prendre. Les conséquences dramatiques des changements climatiques déjà en cours tendent à le prouver.
Trois options concomitantes sont à envisager.
La première, philosophique, à tendance morale, vise à la réforme des comportements individuels dans les gestes quotidiens. Chacun devra modifier ses comportements, au regard notamment de l'utilisation de l'eau, de la pollution de l'air ou de la lutte contre le bruit.
La deuxième option, politique, tend à l'établissement de lois, de règlements, de conventions, de normes, afin de réguler le marché en vue d'une meilleure prise en compte de l'environnement. La difficulté est de définir à quel endroit on place le curseur entre le contractuel et le coercitif. Il est vrai que parvenir à la conclusion d'un contrat est souhaitable, mais j'ai le sentiment que la coercition est parfois utile s'agissant d'enjeux majeurs, par exemple la protection des points de captage.
Enfin, la troisième option est celle de la voie scientifique, qui mène vers les énergies renouvelables et vers de nouvelles technologies permettant de réduire la consommation d'herbicides, de pesticides et d'intrants, ainsi que d'eau par des techniques de recyclage. Cependant, la science a des limites et ne peut tout résoudre, encore que j'aie le sentiment que, dans la recherche sur les variétés de semences, on a plutôt privilégié les variétés les plus productives, au détriment des variétés les plus rustiques. Peut-être conviendrait-il de réorienter les recherches.
Pour ne prendre qu'un exemple récent, certaines variétés de pommes de terre résistent mieux au mildiou que d'autres. Dans ce domaine, la réflexion doit être encore plus approfondie.
Nous sommes donc placés au pied du mur. Il faut bâtir un dispositif pragmatique qui ne déçoive pas les attentes fortes de la société, tout en sachant que les ruptures proposées pour réorienter la croissance et prendre en compte l'environnement nécessitent certes du temps, mais surtout des moyens financiers importants.
Je souhaite qu'à partir de ce diagnostic largement partagé se tienne un vrai débat sur les moyens à mettre en oeuvre pour que toutes ces préoccupations soient prises en compte de manière rigoureuse et sérieuse.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 63 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été écrites sur le développement durable, notamment dans de nombreux rapports du Parlement, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Ces études représentent des milliers d'heures de travail, sans compter les centaines d'auditions des meilleurs spécialistes mondiaux qui ont été menées.
Au final, tous ces rapports ont souvent donné lieu à des propositions concrètes qui, pour la plupart, n'ont pas encore été appliquées. Rien que de très normal puisque, pour que ces propositions soient mises en oeuvre, il faut une volonté politique forte qui ne peut résulter que d'un très large consensus.
La rupture ne peut être engagée si la société dans son ensemble - c'est-à-dire l'opinion publique, les spécialistes de toute nature, les diverses associations, les entreprises, les collectivités locales, l'État et toutes les parties prenantes - n'y est pas préparée. C'est ce que le Grenelle de l'environnement a réussi à accomplir.
Monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, vous avez pris le risque - mais il est encore plus dangereux de ne rien faire ! - de réunir dans des groupes de travail des participants que tout séparait à l'origine, à l'image des organisations écologistes et des responsables économiques et politiques, y compris locaux.
Même si c'est moins vrai aujourd'hui, les élus locaux ont souvent considéré les militants associatifs comme des gêneurs irresponsables se préoccupant plus des papillons, des grenouilles ou des orchidées que du bonheur de la population. Les hommes politiques estimaient que leurs efforts vertueux maintenaient et développaient la compétitivité, l'emploi, les infrastructures, engendraient des impôts et des cotisations sociales, de la richesse, et donc du bien-être.
De leur côté, les écologistes considéraient comme inconscients ces prétendus responsables, et estimaient que les expertises scientifiques et technologiques - y compris celles de l'Académie des sciences, de l'Académie des technologies, du Centre national de la recherche scientifique, ou des instituts spécialisés - n'avaient pas été menées de façon indépendante. Cela a été dit, répété, et a correspondu à un état d'esprit, à une réalité sociologique.
Le Grenelle de l'environnement a réussi cette difficile gageure de faire d'anciens ennemis des partenaires.
Monsieur le ministre d'État, il faut souligner cette extraordinaire réussite, qui n'était pas prévisible. Vous avez eu raison de prendre ce grand risque ; désormais, les organisations écologistes parlent à tout le monde : industriels, élus locaux, paysans, et écologistes communiquent et se trouvent des points communs ! Bravo !
Nous avons beaucoup avancé, me semble-t-il, même si tout n'est pas résolu et n'est pas parfait. Il reste encore quelques points de grand désaccord qui n'ont pas été abordés, tels que le nucléaire, les grands équipements ou les biotechnologies.
Avant tout, il faudrait aussi approfondir la diffusion de la culture scientifique et technique, sujet qui n'a pas encore été évoqué ici. Madame Blandin, vous serez certainement d'accord avec moi sur ce point, car nous avons rédigé avec notre ami Ivan Renar un rapport d'information, au nom de la commission des affaires culturelles, sur ce sujet.
La diffusion de la culture scientifique et technologique est une nécessité absolue en France. Pour avancer, nous devons progresser sur ce point, et utiliser tous les moyens nationaux - parmi les meilleurs au monde -, et régionaux - tout ce réseau de petites associations fonctionnant avec des financements très limités - dont nous disposons. Mais, pour l'instant, nous n'avançons pas beaucoup.
Le ministère de l'éducation nationale doit aussi développer les sorties pédagogiques, les études, les visites d'usines de façon que cette culture scientifique, technique et économique puisse être diffusée le plus largement possible.
Pour comprendre cette information, encore faut-il s'appuyer sur une structure de base, qui semble encore malheureusement faire défaut à notre pays. Nous avons énormément d'atouts - cela a déjà été souligné -, mais il nous manque celui-là.
Il est urgent de traiter certaines priorités liées au changement climatique. Il faudra déjà beaucoup d'argent, mais il en faudra encore plus si nous attendons trop. Dans un rapport fait l'année dernière au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Claude Saunier et moi-même avions avancé des prévisions chiffrées en termes de coût, lesquelles se sont révélées identiques aux hypothèses avancées par un prix Nobel un an plus tard Pour être entendus, il nous aurait fallu avoir son titre !
Ces chiffres le démontrent, si nous ne faisons pas tout de suite les efforts nécessaires, il nous faudra en déployer de beaucoup plus importants par la suite. Ce sera catastrophique, car il sera trop tard. Il fallait tout de même le souligner.
D'ailleurs, ces efforts seront dans le même temps une source de croissance riche en emplois. En effet, il y a beaucoup de travail à réaliser dans le développement d'innovations dans le domaine de l'énergie, de la biotechnologie et de l'urbanisme. Dans ce dernier secteur en particulier, les études sont capitales, car la consommation d'espace qui résulte du développement quelque peu anarchique de l'urbanisation autour des villes, préjudiciable à la biodiversité, deviendra de plus en plus insupportable.
Monsieur le ministre d'État, en conclusion, je tiens à vous féliciter, et à vous encourager à poursuivre votre ouvrage !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Claude Saunier applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, en 2001, dans mon rapport sur l'ampleur des changements climatiques et de leurs causes, j'appelais déjà de mes voeux l'ouverture, au-delà du cercle des divers spécialistes, d'un vaste débat public seul capable, à mon sens, de susciter une prise de conscience pouvant entraîner les actions de très grande ampleur qui sont toujours indispensables pour enrayer le réchauffement climatique.
Je me réjouis donc de la tenue du Grenelle de l'environnement, où tous - associations, représentants du monde économique, collectivités locales, parlementaires, mais également citoyens - ont pu apporter leurs contributions, leurs propositions.
Depuis le pacte écologique de Nicolas Hulot, signé par les candidats à l'élection présidentielle, on peut même parler de prise de conscience écologique à l'échelle de la nation. La preuve en est que, pour la première fois, l'environnement figure parmi les trois préoccupations majeures des Français, après le chômage et la pauvreté, selon un sondage BVA réalisé en septembre dernier.
Nous sommes parvenus la semaine dernière à clore la première phase du Grenelle de l'environnement, avec la présentation des propositions des groupes de travail. Premier point positif, il y a désormais un consensus sur le constat suivant : le climat de la planète va probablement changer de manière assez sensible au cours du présent siècle, et ce en grande partie du fait des activités humaines et des retombées de la civilisation actuelle. Cela va inéluctablement modifier la situation d'individus, de régions, de pays et même de continents.
Autre avancée, il y a également un accord sur la nécessité de prendre des mesures structurelles et de modifier durablement nos comportements de consommation.
Enfin, nous sommes tous conscients de la nécessité d'agir vite et dans l'ensemble des secteurs de la vie économique. Tout cela est donc extrêmement positif.
Pour revenir sur les propositions des différents groupes de travail, celles-ci sont de deux types : des mesures visant à modifier nos comportements quotidiens, telles la réduction de dix kilomètres par heure de la vitesse maximale sur la route ou encore l'interdiction des ampoules à incandescence, et d'autres mesures que je qualifierai de structurelles, qui vont nécessiter un engagement financier important et un suivi de l'État.
C'est le cas notamment en ce qui concerne les infrastructures de transports. Nous sommes tous d'accord pour promouvoir un mode de transport durable, notamment pour le fret. Mais, pour cela, il est nécessaire de réorienter nos infrastructures de la route vers le rail, le transport fluvial et le cabotage. À cette fin, il est nécessaire de mettre en oeuvre une véritable politique de mise au gabarit de nos canaux, et de mener à bout des grands projets actuellement en cours.
De même, il est indispensable de repenser notre politique portuaire. Alors que notre pays possède l'une des façades maritimes les plus importantes d'Europe, nous n'arrivons pas à la valoriser.
C'est à l'aune de cette réorientation de nos politiques d'infrastructures de transports que sera jugée notre volonté réelle de lutter contre le réchauffement climatique. C'est à nous, parlementaires, de veiller à ce que ces orientations soient respectées dans les divers projets de loi qui nous seront soumis, à commencer par le prochain projet de loi de finances.
J'ajouterai que nombre des propositions qui ont été retenues sont connues depuis longtemps. Certaines d'entre elles étaient déjà présentes dans mon rapport de 2001. De plus, en ce qui concerne l'efficacité énergétique des bâtiments, j'avais proposé, lors de l'examen de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, d'instaurer un plan de réhabilitation énergétique du parc de bâtiments existants, proposition qui avait alors été repoussée. Que de temps perdu, alors qu'il y avait urgence à agir !
Cependant, je veux évoquer les quatre points d'achoppement majeurs qui demeurent : la place du parc nucléaire, l'utilisation des pesticides, un moratoire sur les OGM et, enfin, la place des incinérateurs, sur lesquels aucun consensus n'a pu être trouvé.
En ce qui concerne le nucléaire, il est important de rappeler que la France n'est pas mal placée en ce qui concerne les émissions de gaz, et ce grâce à l'importance de notre parc nucléaire. La France émet 40 % de moins de C02 que l'Allemagne, qui utilise fortement le charbon, et 35 % de moins que la Grande-Bretagne, qui se sert plutôt du gaz.
À cet égard, la France est un pays vertueux, qui fait preuve d'une certaine avance. Remettre en cause notre parc nucléaire serait donc irresponsable au regard du réchauffement climatique. L'énergie nucléaire est nécessaire pour que l'on puisse remplir nos engagements en matière de gaz à effet de serre. Pour autant, le nucléaire ne doit être qu'une énergie parmi d'autres. Il faut recentrer la production d'électricité d'origine nucléaire vers la demande de base, là où elle est imbattable. Parallèlement, il est primordial d'encourager les énergies renouvelables et de respecter nos engagements européens en la matière.
Concernant les OGM, la France ne doit pas adopter une position de repli et refuser tout ce qui y a trait.
D'une part, pour connaître les risques réels qu'ils présentent, il faut pouvoir les expérimenter. À cet égard, je déplore tous les actes visant à empêcher les chercheurs de faire de la recherche appliquée. D'autre part, un encadrement strict, une information publique, ainsi que des mesures d'isolement efficaces sont les éléments indispensables pour que des essais puissent avoir lieu et que des autorisations de mise en culture soient données.
En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau, les OGM pourront certainement apporter des réponses dans l'avenir, au même titre que les semences hybrides dans le passé. Laissons donc aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !
Par la suite, il sera indispensable de garantir la coexistence des cultures. Chaque culture, qu'elle soit traditionnelle, biologique ou OGM, a sa place et doit la conserver. Telle est la position que les sénateurs de l'Union centriste-UDF avaient défendue lors de l'examen du projet de loi relatif aux OGM et à laquelle ils restent attachés. Il faut permettre à chaque forme agriculture de vivre, à chaque agriculteur de choisir le type d'agriculture qu'il souhaite développer sur son exploitation, sachant que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle de son voisin.
Aujourd'hui, les mesures préventives visant à assurer la survie de l'agriculture traditionnelle et biologique sont trop modestes. Il faut agir sur deux points : d'une part, les mesures d'isolement doivent permettre de mieux lutter contre les disséminations possibles ; d'autre part, à l'exemple de ce qu'une loi avait prévu pour la production de semences de maïs, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où il ne serait pas possible de produire des OGM ?
Pour aller plus loin, il est sans doute nécessaire de prévoir des mesures contraignantes afin que les disséminations soient limitées sur les étapes en aval, à savoir la récolte, le stockage et le transport.
Plus succinctement, il faut reconnaître que, en ce qui concerne les pesticides, les agriculteurs ont fait des progrès considérables. Ce mouvement doit se poursuivre. Pour cela, il est nécessaire d'encourager les recherches en cours. Cependant, les effets de la diminution de la consommation des pesticides ne seront visibles sur la qualité des nappes phréatiques que dans l'avenir.
En ce qui concerne le traitement des déchets, l'enfouissement n'est pas une solution réaliste, à moins de vouloir faire une « archéologie des déchets ». Il est nécessaire de responsabiliser nos concitoyens, au besoin à l'aide de mesures fiscales, et de leur faire prendre conscience de l'importance du tri sélectif.
Par ailleurs, les nouvelles générations d'incinérateurs permettent de contrôler en temps réel les rejets dans l'atmosphère. Selon moi, il n'y a pas de raison de s'opposer à une incinération des déchets lorsqu'elle est contrôlée.
Monsieur le ministre d'État, il est nécessaire de mettre en place des mesures pratiques, afin que tout un chacun se sente partie prenante dans la préservation de notre planète. Les propositions faites par les groupes de travail, qui vont encore s'enrichir lors du débat à venir, vont dans le bon sens. Mais vous ne ferez pas l'économie d'une modification en profondeur de la façon dont les politiques publiques sont conçues. À cet égard, je pense, par exemple, au rôle du Conseil économique et social.
Il est également indispensable, monsieur le ministre d'État, que vous encouragiez la recherche tant sur les énergies renouvelables que sur les moteurs propres ou encore sur la séquestration du C02, domaine dans lequel beaucoup reste à faire.
J'attire également votre attention sur un secteur qui me tient particulièrement à coeur : la recherche océanographique. Nous ne connaissons pas les océans, alors qu'ils jouent un rôle déterminant dans l'évolution du climat.
Les années à venir vont nous conduire à revoir nombre de comportements dans nos modes de consommation. Le rapport Stern a sensibilisé la sphère économique aux conséquences possibles suivant les scénarios. Il contribue à la prise de conscience des décideurs économiques, voire financiers, qui bougent. Par contagion, les décideurs politiques commencent à raisonner autrement.
Il faut redire, parce que c'est la vérité, monsieur le ministre, que, malgré les fortes préoccupations environnementales, l'avenir n'est pas la croissance zéro. Si nous relevons le défi des nouveaux besoins et des nouvelles technologies, entre 300 000 et 350 000 emplois pourraient être créés, selon plusieurs études, à condition de faire les bons investissements. Ceux-ci devront être financés, par le privé, bien sûr, mais aussi grâce à des incitations publiques.
Permettez-moi de vous soumettre une idée, monsieur le ministre. J'habite le département de la Somme, où sont créées de nombreuses fermes éoliennes. Je me suis aperçu que, en dehors des campagnes de sensibilisation et des enquêtes réglementaires de toutes natures, l'acceptation sociétale de ces grandes machines dans le paysage était plus rapide sur les sites où les populations avaient pu participer financièrement aux coopératives créées pour la circonstance. Cela s'est fait dans plusieurs endroits et cela fonctionne. Il faut donc prendre des dispositions pour favoriser ce type de structures.
Je connais un peu le monde bancaire. À ce titre, j'attire votre attention sur une forme d'épargne socialement responsable dans les modes de consommation durable : l'investissement socialement responsable. Ce produit existe déjà et se développe vite. C'est la jonction logique pour passer des modes de production durable à des modes de consommation durable. De plus, c'est un axe de communication et de formation pour le grand public.
Vous ne manquez pas d'imagination, monsieur le ministre. Je souhaite donc que vous facilitiez le développement de ce type de flux financiers. Il s'agit aussi d'un mode de consommation intelligent d'un produit qui peut être efficace : l'épargne. En outre, cela peut aider la France à atteindre les objectifs de développement durable que nous souhaitons qu'elle se fixe rapidement.
Monsieur le ministre d'État, vous avez ouvert, sur l'initiative du Président de la République, un débat essentiel pour notre pays et pour la planète. Je vous en sais gré, car il est essentiel pour notre assemblée de pouvoir débattre de ce sujet.
Comme toute bonne idée, le Grenelle de l'environnement doit éviter un écueil de taille : il ne doit pas être un simple cahier des doléances écologiques et finir en testament des causes perdues ! Bien au contraire, il doit constituer une véritable force de propositions et d'actions collectives lisibles, viables et durables.
Je limiterai mon intervention à un thème, car le sujet est vaste, à savoir le problème de la gestion des OGM.
Les inquiétudes à ce sujet sont très grandes et d'autant plus fondées que le vivant est désormais la propriété de multinationales, que la lutte contre la faim dans le monde pourrait n'être qu'un prétexte fallacieux pour avoir recours aux OGM et que leur utilisation s'effectue aujourd'hui dans une totale opacité, qui interdit de connaître la localisation des surfaces cultivées, ainsi que les conséquences sur l'environnement de la dissémination de ces substances.
Dans un contexte international de mondialisation de l'économie, de recherche de rentabilité à tout prix et de profits faciles, je m'oppose, avec conviction et détermination, sans concession, aux manipulations et aux modifications génétiques du vivant, qu'elles concernent l'humanité tout entière ou notre environnement naturel.
Opposé depuis de nombreuses années à toute brevetabilité du vivant - il appartient au patrimoine inaliénable de l'humanité -, je considère que tant que la preuve scientifique et technique de la non-toxicité des OGM n'aura pas été faite à court terme, compte tenu des conséquences sanitaires qu'ils pourraient entraîner à long terme, il est urgent d'interdire toute manipulation transgénique, sauf, naturellement, dans le cadre de la recherche fondamentale. Ce n'est pas lorsque des désordres sanitaires et des dangers, pour l'heure insoupçonnés, résultant de maladies provoquées par des OGM, se développeront dans une ou deux générations, que l'on pourra faire marche arrière.
J'estime à cet égard que le Grenelle de l'environnement doit être l'occasion de rappeler les limites éthiques du développement des biotechnologies en matière agrochimique.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la nature est généreuse. L'homme en a toujours tiré plus de profits, grâce aux progrès liés aux investigations techniques.
Combien d'alcaloïdes, d'hétérosides ou autres substances issues du monde animal et végétal ont-ils permis de soulager ou de guérir les affections les plus graves ?
Je le répète : la nature est généreuse, mais elle n'aime pas être violée. Quand l'homme ne la respecte plus, elle organise sa propre défense. Quand l'homme imagine de nourrir des herbivores avec des farines animales, on sait ce qu'il advient.
Quand l'homme met au point chimiquement certains pesticides ou herbicides sans prendre la précaution d'effectuer des recherches approfondies sur leur innocuité, il favorise des accidents de reproduction cellulaire, dont on connaît les conséquences.
Alors ne jouons pas de nouveau les apprentis sorciers au motif qu'il s'agit de plantes et non d'humains et d'animaux ! Consacrons tous nos efforts à la recherche fondamentale, mais dans des conditions optimales de sécurité.
Pour ces raisons, je considère que les efforts financiers pour donner à la recherche fondamentale les moyens de s'intensifier doivent être aujourd'hui prioritaires.
À l'instar des recherches sur les virus endémiques, les recherches agronomiques sur les OGM doivent être réalisées spécifiquement en laboratoire, dans la plus parfaite sécurité des installations et des manipulations, afin de réduire au maximum les risques à la fois pour l'environnement et pour les personnes impliquées dans les processus de recherche.
En conclusion, je rappellerai quatre exigences qui doivent impérativement être satisfaites pour répondre à l'hostilité de quatre Français sur cinq - selon un sondage - à la commercialisation d'OGM sur notre territoire, commercialisation que Bruxelles vient d'autoriser.
Il faut d'abord imposer, dans les plus brefs délais, un moratoire sur les cultures en plein champ, impliquant l'interdiction de toute culture à l'air libre et de tout essai d'OGM en milieu ouvert.
Ensuite, l'utilisation des OGM doit être réservée à la culture en milieu confiné aux seules fins de la recherche fondamentale.
Par ailleurs, il faut réclamer que le contrôle des OGM soit confié à des laboratoires indépendants des multinationales. Je rentre d'une mission sénatoriale au Brésil. Nous n'avons pas, sur ce point, obtenu les renseignements et les apaisements que nous attendions.
Enfin, considérant que nous subissons déjà la présence de substances transgéniques dans notre alimentation, il faut exiger l'amélioration de la traçabilité des aliments grâce à l'étiquetage obligatoire de l'ensemble des produits alimentaires. Les consommateurs doivent être informés lisiblement de la présence d'OGM dans leurs aliments à base de lait, d'oeufs, de viande ou de produits dérivés, provenant d'animaux d'élevage nourris au soja ou au maïs transgéniques.
En effet, nos concitoyens ont le droit de savoir ce qu'ils ont dans leur assiette dès lors que plus de 20 millions de tonnes d'OGM entrent chaque année dans la chaîne alimentaire européenne, via l'alimentation animale.
Monsieur le ministre d'État, le Grenelle de l'environnement que vous avez appelé de vos voeux, avec le Président de la République, nous permettra de revisiter tous ensemble le « contrat naturel » si cher à Michel Serres. Comme tous nos compatriotes, j'en attends beaucoup.
À la puissance publique maintenant de jouer pleinement son rôle de garant écologique et de régulateur économique !
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre d'État, intervenant au nom du groupe socialiste, j'aborderai ce débat à la fois avec détermination, gravité, lucidité et humilité. Je pense d'ailleurs que cette attitude est assez largement partagée, comme en a témoigné votre propos introductif.
Les circonstances m'ont conduit à travailler sur la problématique du développement durable avec deux collègues, Joseph Kergueris, à l'occasion d'un rapport sur le pétrole demandé par la commission des affaires économiques, et Pierre Laffitte, avec qui je continue de travailler encore aujourd'hui. Nous nous sommes intéressés à cette problématique en nous interrogeant sur l'importance, l'enjeu et la réalité de la question.
Ayant d'abord travaillé sur le climat et l'énergie, puis sur la biodiversité, nous avons acquis, à l'issue de multiples rencontres, la conviction que, en effet, la situation est plus rude et plus grave, sa détérioration plus rapide, plus forte et plus importante qu'on ne pouvait l'imaginer il y a encore deux ou trois ans, lorsque nous avons engagé les débats.
Et, si Pierre Laffitte et moi-même avons pris cette initiative, c'était pour qu'une question d'une telle importance soit effectivement placée au coeur du débat présidentiel. À cet égard, du fait des circonstances - je ne pense pas seulement à la qualité de nos rapports, qui est évidente
Sourires
Pour avoir participé pendant deux jours aux travaux, je sais que l'interrogation politique, publique et collective sur l'avenir de la planète est aujourd'hui largement partagée.
Ainsi, lundi et mardi derniers, sur l'initiative du Parlement européen et de la Commission européenne, j'ai pris part à la première Rencontre parlementaire sur le changement climatique.
Comme tous les participants, j'ai été très satisfait de constater que des préoccupations jadis individuelles étaient désormais largement partagées. Il y a une véritable prise de conscience politique, chez nous comme dans l'ensemble de l'Europe. D'ailleurs, il s'agit peut-être d'un rattrapage du monde politique par rapport à nos concitoyens, qui étaient, me semble-t-il, un peu en avance sur nous au cours des derniers mois.
Les différents acteurs de ce dossier sont désormais d'accord pour considérer qu'il y a une crise environnementale majeure, qu'elle est très grave et très brutale et que son origine est entropique. De ce point de vue, les travaux du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, et le fait que la communauté scientifique internationale reconnaisse à plus de 90 % cette origine ont été des éléments déclencheurs dans la prise de conscience de nos concitoyens.
Toutefois, il reste une interrogation, que nous n'abordons pas encore très clairement, sur notre développement et sur la nature même de notre civilisation.
En effet, depuis la révolution industrielle, la civilisation moderne est fondée sur une aberration : en trois siècles, nous consommerons l'énergie fossile qui s'est accumulée depuis 600 millions d'années. Et certains s'étonnent encore que la « machine planétaire » subisse quelques difficultés !
Cette situation extrêmement grave nous amène donc à aborder de telles questions avec beaucoup de sérieux, de lucidité et d'honnêteté.
À ce sujet, permettez-moi d'exprimer mon point de vue sur le Grenelle de l'environnement avec franchise. Je tiens à rappeler, sans esprit polémique, qu'une telle initiative avait été proposée par les associations de défense de l'environnement, les organisations non gouvernementales - vous l'avez d'ailleurs mentionné, monsieur le ministre d'État - et que le principe en avait été accepté par la quasi-totalité des principaux candidats à l'élection présidentielle. Dans cette perspective, le Président de la République donne suite à un engagement qu'il avait pris à cette époque, ce qui est normal.
En France, nous avons peut-être parfois tendance à nous intéresser seulement à ce qui se passe chez nous. Or, pour avoir pris part pendant deux jours à des échanges au niveau européen, je pense que nous devons faire preuve d'un peu d'humilité. Si notre équipement, notamment le parc nucléaire, nous permet d'obtenir de bons résultats dans certains domaines - je pense également à la lutte contre les émissions de dioxyde de carbone -, nous avons encore d'importants progrès à accomplir en matière de normes d'habitat ou de récupération des déchets.
Cela dit, ayant moi-même participé de manière assez active au groupe de travail n° 2 du Grenelle de l'environnement, j'ai pu constater les incontestables aspects positifs de cette initiative.
D'abord, et cela a été évoqué, la démarche a permis l'instauration d'un véritable dialogue. Ainsi, j'ai vu des représentants de la Ligue pour la protection des oiseaux et des chasseurs siéger autour de la même table sans se tirer dessus !
Sourires
Ensuite, le diagnostic a fait l'objet d'un consensus immédiat. Il en a été de même de l'idée que la science ne pouvait pas tout régler. Certes, celle-ci peut nous apporter des éléments de réponse, mais la crise environnementale renvoie également à des interrogations sur notre organisation sociale et notre mode de fonctionnement. Il faudra donc associer sciences humaines et sciences dures pour faire évoluer la société.
Les différents participants ont donc affiché un véritable volontarisme et manifesté une prise de conscience des enjeux. Malgré certaines difficultés, notamment celles qui tenaient au calendrier - nombre de rencontres avaient lieu pendant les vacances -, la participation des acteurs concernés a été active. Des centaines de propositions ont pu être débattues.
En outre, et ce n'est pas secondaire, l'initiative a bénéficié d'une focalisation médiatique, ce qui a permis à nos concitoyens de mieux en appréhender les enjeux.
Toutefois, en dépit de ces aspects positifs, nombre d'insuffisances ont également été constatées. D'ailleurs, vous les avez vous-mêmes soulignées, monsieur le ministre d'État.
M. le ministre d'État acquiesce.
J'évoquerai d'abord les problèmes de forme.
D'une part, nous avons tout de même eu du mal à nous y retrouver. Il a fallu attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant que les règles du jeu ne soient définies, ce qui a dérouté les participants.
D'autre part, le rythme de travail imposé, surtout pendant la période estivale, a permis à des lobbies bien structurés et organisés d'entrer plus facilement dans la problématique, et ce au détriment d'un certain nombre d'autres acteurs, notamment institutionnels. Ainsi, l'Association des régions de France a éprouvé quelques difficultés à entrer dans cette mécanique.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, quelles que soient la qualité des travaux et la force des propositions du Gouvernement, l'enjeu est tel que l'implication de tous les partenaires sera indispensable pour faire bouger la société. Cela suppose donc de se rendre sur le terrain. Il faudra travailler au niveau local avec une vision globale. Il sera donc nécessaire de trouver les voies et les moyens pour associer étroitement les collectivités territoriales à la démarche.
Je voudrais à présent aborder les insuffisances sur le fond.
Tout d'abord, il est, me semble-t-il, nécessaire de clarifier le concept même de développement durable. Il y a un peu de philosophie à introduire dans la réflexion. Je ne suis pas sûr que tout le monde considère cette notion comme essentielle pour l'avenir de l'humanité. Je propose donc que l'on se réfère à la définition que donnait Mme Brundtland en 1987. Pour elle, le développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » L'humanité doit être et demeurer au centre de notre préoccupation.
Ensuite, et une telle insuffisance est d'autant plus lourde que nous nous sommes tous focalisés sur les aspects techniques ou économiques de la question, je voudrais mentionner les conséquences sociales, de la crise environnementale, d'une part, et de la mise en oeuvre de telle ou telle mesure destinée à améliorer la situation en matière d'environnement, d'autre part.
De ce point de vue, même si le dialogue qui semble se nouer entre les environnementalistes et les représentants du monde économique constitue un point positif, certains n'ont pas encore bien compris que la résolution de la crise environnementale pouvait représenter une chance pour notre économie. En effet, c'est l'occasion pour notre appareil industriel et agricole de trouver un nouveau souffle. C'est l'idée d'une « nouvelle frontière ». Or cela n'est pas encore évident pour tout le monde. À mon sens, le débat doit donc continuer.
Par ailleurs, j'ai eu le sentiment, et c'est une critique qui est collective, que la discussion était dominée par des préoccupations trop hexagonales. Or la crise de l'environnement est, à l'évidence, une crise planétaire. Elle ne peut donc trouver de réponse qu'au niveau planétaire, même si cela n'interdit nullement de prendre des initiatives à l'échelon local. Il y aura donc une nouvelle dimension à prendre en compte.
En outre, monsieur le ministre d'État, au cours de ces quelques semaines, la voix de l'État m'a semblé parfois fluctuante. Ainsi, pendant les réunions des groupes de travail, ses représentants avaient parfois tendance à vouloir freiner les initiatives, alors même que vous nous invitiez à l'« ouverture » et à la « rupture ». Il y a là une contradiction.
De surcroît, et je le dis très sereinement, il était tout de même curieux de fermer les gares de fret au moment où l'on nous demandait de réfléchir sur l'avenir de la planète et sur un nouveau mode économique.
En l'occurrence, le message politique était plus que douteux.
Pour terminer, vous me permettrez d'émettre quelques propositions très simples, afin que nous puissions trouver collectivement un nouveau souffle à la démarche.
Premièrement, nous devons véritablement nous appuyer sur les collectivités territoriales. À cet égard, la notion de contrat fondé sur la « conditionnalité environnementale » me semble une piste tout à fait utile. En effet, il faudra que l'État et les collectivités territoriales trouvent les modalités d'une association claire. Certes, chacun gardera sa liberté, mais devra également prendre part à ce qui relève d'un impératif national.
Deuxièmement, monsieur le ministre d'État, vous ne pourrez pas vous dispenser de donner des gages à l'opinion publique, et ce dès le projet de loi de finances pour 2008. Il faudra des actes forts, impliquant des engagements financiers dès les premières semaines.
Troisièmement, et je crois que vous êtes d'accord, il faudra rendre au Parlement une place centrale dans la réflexion sur la nouvelle politique. Nous préconisons l'ouverture d'un chantier législatif sous la forme de l'élaboration d'une grande loi-cadre dès le premier semestre de l'année 2008. En effet, il faut, me semble-t-il, poser les fondements d'une réorientation de l'ensemble des grandes politiques nationales.
Quatrièmement, et je terminerai par cette proposition, il sera, je le crois, nécessaire d'affirmer les positions novatrices de la France au plan international. Nous en avons déjà l'occasion au niveau européen, mais il faut, me semble-t-il, aller plus loin, notamment au niveau de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et du Fonds monétaire international, le FMI. À cet égard, peut-être pourrons-nous profiter des circonstances actuelles.
Sourires
Nous le voyons, le chantier est immense. Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, soyez assurés que nous continuerons d'être vigilants, mais également constructifs. À présent, la balle est dans votre camp.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'aucune intervention ne doit excéder dix minutes. Or vous venez de vous exprimer pendant quinze minutes, mon cher collègue.
J'en appelle donc à la discipline de chaque orateur pour respecter le temps de parole qui lui est imparti.
M. Roland du Luart remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.
Monsieur le ministre d'État, le 6 juillet dernier, vous avez lancé un grand débat national pour définir les enjeux de l'écologie et du développement durable. Dans cette perspective, ont été mis en place six groupes de travail, qui sont chargés d'émettre des propositions concrètes. De nombreuses réunions ont ainsi été organisées.
Le 27 septembre dernier, des mesures concrètes ont été présentées. Ensuite, le Parlement a été amené à débattre du Grenelle de l'environnement. La discussion a débuté hier à l'Assemblée nationale et se continue aujourd'hui au Sénat.
Certes, les difficultés d'organisation ont été nombreuses.
Mais - je tiens à le préciser à M. Saunier - elles ont tout de même été surmontées tant bien que mal.
En l'occurrence, il fallait déterminer les organisations non gouvernementales représentatives, établir les listes de participants, constituer les groupes et choisir les thèmes qui seraient abordés.
Paradoxalement, les contraintes de calendrier ont peut-être permis de densifier le débat. Depuis le 27 septembre, nous avons en effet une centaine d'actions opérationnelles sur la table. Ainsi, les éléments sont prêts pour amorcer une véritable rupture et un changement de paradigme.
Concernant la démocratie extraparlementaire, disons que les groupes de travail ont associé la représentation nationale, traditionnellement souveraine, à une concertation avec la société civile, et non l'inverse... Certains députés ont pu s'offusquer de cette démocratie extraparlementaire. Les sénateurs, un peu moins, si l'on en juge par la contribution importante fournie par leurs représentants au sein du Grenelle.
Cet élan est en tout cas facilité par l'extraordinaire maturité écologique des Français ; cette participation citoyenne dans une forme organisée l'a parfaitement reflété.
Permettez-moi de relever quelques propositions qui ont été formulées au sein des groupes de travail auxquels je n'ai pas participé et qui me semblent particulièrement intéressantes.
Le premier groupe propose de diviser par cinq la consommation énergétique des constructions neuves d'ici à cinq ans et de basculer à moyen terme vers des bâtiments à énergie positive. Cette dernière proposition, ambitieuse, est réalisable, nous le savons, puisqu'elle est pratiquée outre-Rhin, dans un quartier entier de la ville de Freiburg.
S'agissant du deuxième groupe, permettez-moi de relever son idée d'introduire un critère « biodiversité et carbone » dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Commençons à introduire cette dimension très positive dans les financements !
En ce qui concerne le troisième groupe, je retiendrai l'interdiction des produits phytosanitaires les plus dangereux, bien que le délai de cinq ans qui a été retenu me paraisse bien trop long.
Pour le quatrième groupe, je relève la démarche de certification ou notation environnementale pour les exploitations agricoles.
Le cinquième groupe - plusieurs d'entre nous l'ont évoqué - a souligné l'intérêt de transformer le Conseil économique et social en « Conseil du développement durable ».
Le sixième groupe, auquel j'ai eu la chance de participer, avait pour mandat de dégager les voies de nouveaux modes de développement écologiques favorables à l'emploi et à la compétitivité. Je trouverais d'ailleurs intéressant qu'une synthèse du rapport de Jean-Pierre Landau sur les instruments économiques du développement durable soit rendue publique.
Au final, le sixième groupe a listé huit programmes et une vingtaine d'actions. Les mesures les plus visibles sont : l'instauration d'un indicateur de croissance qui constituerait une solution alternative au PIB, la généralisation des étiquettes environnementales, l'instauration d'une taxe carbone aux frontières et la création d'une contribution domestique baptisée « climat-énergie », dont l'assiette reste à préciser ; je citerai aussi l'instauration d'un péage kilométrique poids lourds et la vignette automobile, ou « éco-pastille », modulée sur les émissions de CO2 des voitures.
Je voudrais souligner à mon tour l'excellente ambiance de travail qui a régné ainsi que l'effort remarquable du président Roger Guesnerie et des rapporteurs pour parvenir à faire la synthèse de propositions variées.
Deux convictions étaient en tout cas très largement partagées dans le groupe : premièrement, on peut concilier environnement et développement économique ; deuxièmement, cette conciliation passe par une réorganisation profonde de nos modes de production et de consommation. Il n'y a donc pas eu de tabous !
Permettez-moi de rappeler trois propositions que j'ai formulées à titre personnel et qui répondent au principe « pollueur-payeur », en allant plus loin dans le développement des éco-redevances et l'intégration des coûts cachés liés à la pollution, parfois appelés, en termes quelque peu technocratiques, les « externalités ». La facture cachée de la pollution finit toujours par être réglée, mais pas forcément par les bons acteurs, et pas forcément au juste coût.
Mes propositions vont dans le sens d'une affectation claire des recettes tirées des redevances au financement de solutions alternatives et compatibles avec un développement durable pour entrer dans un cercle écologiquement vertueux.
Premier point d'application : les déchets. Il s'agit d'intégrer dès le prix de vente d'un produit le coût global de son élimination. J'ai préconisé de revoir la politique des déchets, afin que, plus systématiquement, le coût d'un produit industriel incorpore la totalité de son cycle de vie, de sa conception à son élimination physique. Un tel dispositif nous permettrait de favoriser l'éco-conception.
Deuxième point d'application : les pesticides. Je voudrais plaider ici pour des mesures vraiment dissuasives. Au-delà des interdictions qui ont été évoquées, il faudrait revoir tout de suite à la hausse les taux de la redevance pour pollutions diffuses de l'eau par les pesticides. On me dit que c'est trop tôt, qu'il faut attendre les premiers résultats de la loi sur l'eau qui vient d'être votée, que l'on doit observer les premiers effets de l'éco-conditionnalité des aides de la politique agricole commune, qu'il vaut mieux compter sur le volontariat et la contractualisation que sur la contrainte...
Mais permettez-moi, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, de continuer à tirer la sonnette d'alarme ! La France est le troisième utilisateur mondial de produits phytosanitaires. Nous avons une obligation communautaire de restaurer la qualité des eaux d'ici à 2015 et les pesticides constituent le principal polluant de l'eau. C'est également la principale préoccupation environnementale de nos concitoyens.
Les redevances sont loin de couvrir l'ensemble des coûts cachés des pesticides pour la nature et la santé de l'homme. De plus, elles ne sont pas assez dissuasives. L'inertie des milieux aquatiques est terrible. Les atteintes à la biodiversité et à la santé humaine sont de plus en plus certaines. Elles relèvent de moins en moins du principe de précaution et de plus en plus du principe de prévention.
Les agriculteurs sont d'ailleurs les premières victimes des effets néfastes des produits phytosanitaires. Il ne s'agit pas de stigmatiser la profession. Les consommateurs eux-mêmes doivent s'interroger. Lorsque la pomme que l'on achète est tellement brillante que l'on peut se voir dedans, c'est à quel prix ! Elle a alors subi entre huit et quinze traitements suivant les conditions climatiques et sanitaires. Acceptons de revoir nos attentes en termes de calibrage et d'apparence au profit de nouvelles exigences qualitatives et gustatives.
Troisième point d'application du principe pollueur-payeur : les poids lourds. J'ai souhaité réaffirmer fortement la nécessité d'instaurer rapidement un péage kilométrique pour les poids lourds.
Il faut dire qu'en Alsace nous sommes bien encadrés, entre la Suisse, qui applique déjà ce dispositif, et l'Allemagne, qui vient de l'adopter récemment. Nous profitons d'ailleurs du report de la circulation des poids lourds.
Les groupes de travail n° 1 et 6 se sont intéressés à l'éco-redevance ; ils affichent cette mesure dans leur programme d'actions.
Nous pouvons nous appuyer sur la directive Eurovignette pour mettre en place le dispositif, cela a été dit. Nous pourrions rattraper ainsi l'expérimentation alsacienne, adoptée en décembre 2005, et dont les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, voire l'appliquer tout de suite à la France entière.
Pour éviter tout risque de distorsion de concurrence, je voudrais, comme Bruno Sido l'a proposé, que nous appliquions immédiatement cette mesure au niveau européen, même si nous connaissons la difficulté des prises de décision sur les questions ayant trait à la fiscalité, du fait de l'application de la règle de l'unanimité. Il existe quelques résistances en Europe, mais la prochaine présidence française devrait nous permettre d'avancer dans ce domaine.
Après ces trois propositions, je voudrais évoquer quelques points qui me semblent devoir être améliorés.
M. Jean-Paul Emorine rappelait tout à l'heure la part des transports dans les émissions de gaz à effet de serre et leur taux de croissance tout à fait inquiétant.
Permettez-moi de souligner que le Grenelle de l'environnement n'a pas fait de propositions très concrètes pour garantir le financement du réseau ferré. Je pense en particulier aux lignes ferroviaires à grande vitesse. Le TGV n'émet que 5, 7 grammes de CO2 par voyageur et par kilomètre, contre 111 grammes pour le transport individuel par la route et 180 grammes pour le transport aérien !
Cher Dominique Bussereau, au nom des Strasbourgeois, je suis très heureuse de dire que, depuis le 9 juin dernier, nous pouvons circuler en ne contribuant qu'à l'émission de 5, 7 grammes de CO2 par kilomètre. Le rapport est de un à trente par rapport au transport aérien ! Le réseau français de lignes à grande vitesse doit continuer à être développé, or cela ne ressort pas très clairement des débats actuels.
Le deuxième thème qui me semble prioritaire, vous n'en serez pas surpris, monsieur le ministre d'État, c'est le financement des transports publics urbains.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la pollution atmosphérique, le bruit, la congestion automobile, il est indispensable d'opérer un transfert modal de la voiture particulière vers les transports doux. Les groupes de travail n° 1 et 6 ont émis des idées intéressantes, mais il s'agit de trouver des modalités de financement durable. Je forme le souhait que, d'ici à la fin du Grenelle de l'environnement, nous ayons des engagements précis.
Je fais l'hypothèse que, dans le domaine des transports de pondéreux, l'éco-redevance sur le transport routier permettra de financer le fret ferroviaire, ainsi qu'un plan d'urgence pour redonner un positionnement économique viable à ce mode de transport aujourd'hui en grande difficulté.
Il s'agit donc pour nous tous de trouver des ressources nouvelles, pérennes, pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. L'AFITF pourrait être tout naturellement le réceptacle de ces ressources. Je me permets un peu tristement de rappeler qu'une occasion a été perdue, voilà quelques années, de faire de l'AFITF le récipiendaire de l'ensemble des titres des sociétés d'autoroute.
Sur la question des OGM, il faut entendre le profond malaise de l'opinion française et les critiques sur l'absence de transparence et de débat. Il y a bien eu un projet de loi, mais le Parlement n'est pas allé jusqu'au bout de la navette parlementaire. Les efforts déployés par notre collègue Jean-François Le Grand n'ont pas permis d'obtenir un consensus.
Pour ma part, je suis favorable au moratoire sur les cultures en plein champ, tout en continuant, bien sûr, les travaux de recherche. Cependant, je ne suis pas persuadée de l'innocuité des OGM pour la santé des consommateurs ni de leur utilité en matière environnementale dans leurs usages actuels.
Enfin, je voudrais souligner, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, que l'eau a peut-être été trop absente de ces débats. Je n'ai pas compris l'absence de groupe spécifique sur la problématique de l'eau, même si celle-ci a été abordée, ici et là, dans les groupes n° 2, 3 et 4. Quelques groupes transversaux ont été constitués sur les déchets et les OGM, mais pas sur l'eau. Or la restauration de la qualité de l'eau est un thème stratégique. Le pilotage de la politique de l'eau, monsieur le ministre d'État, nécessite en outre une réforme en profondeur.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre.
Il y aura, en termes de décision publique, un avant et un après le Grenelle de l'environnement. Vous avez en effet décidé en engageant cette démarche, monsieur le ministre d'État, de mettre à plat l'ensemble des enjeux de l'écologie et du développement durable, d'en faire clairement une priorité des politiques publiques et de faire largement participer à ce débat la société civile, sans court-circuiter le Parlement.
Vous avez fait le choix, réussi, de rassembler autour d'une même table des acteurs parfois très opposés ; ils ont discuté, ils se sont écoutés. Vous avez recensé l'ensemble des actions possibles en seulement trois mois. Je tiens à saluer ici la force de cette démarche.
Cher Jean-Louis Borloo, cher Dominique Bussereau, chère Nathalie Kosciusko-Morizet, nous connaissons votre ténacité et votre détermination. Je crois, chers collègues, que nous pouvons indiquer aux membres du Gouvernement qu'ils peuvent compter sur l'engagement du Sénat pour contribuer à l'élaboration des textes et des réponses nécessaires face aux défis qu'ils ont décidé de relever.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans une rentrée morose et parfois marquée par des débats vifs, pour ne pas dire houleux, au Sénat, le débat d'aujourd'hui sur le Grenelle de l'environnement offre une pause et l'occasion d'une échappée vers l'avenir.
Pour un moment, nous quittons les sujets du quotidien pour penser à la planète, à notre planète, et revenir aussitôt à notre quotidien. Mais nous revenons le regard neuf, comme lavé des scories, des préjugés et des facilités qui trop souvent surdéterminent nos décisions.
Oui, l'initiative du Grenelle de l'environnement, malgré son intitulé quelque peu restrictif, est heureuse dans son principe et, jusqu'ici, efficace dans son déroulement.
J'ai lu avec intérêt les synthèses des groupes de travail. J'y ai constaté la hauteur de vues et la confrontation des points de vue divergents. C'est une bonne base de départ. Qu'en sortira-t-il au moment des décisions politiques ? Évidemment, là est toute la question.
Dans le peu de temps qui m'est imparti et puisque Pierre Laffitte a traité le sujet avec sa hauteur de vue habituelle, je n'aborderai qu'un seul thème, et encore très partiellement, à savoir le changement climatique et la maîtrise de la demande d'énergie, sous l'angle de l'urbanisme durable.
En effet, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, une révolution des esprits et un changement de nos pratiques est en train de cheminer, que vous impulsez et dynamisez.
Le lien entre l'urbanisme et le développement durable constituait un chantier jusqu'ici inentamé, ou presque. Grâce au Grenelle de l'environnement, il devient manifeste pour l'opinion publique. Le réseau des élus qui s'était déjà impliqué dans ces questions peut désormais s'y consacrer pleinement.
Dans la synthèse du premier groupe de travail, j'ai lu avec bonheur, notamment, qu'il était temps de rendre largement autosuffisantes en matière énergétique nos résidences principales et secondaires. J'ai noté avec satisfaction que le moment était venu de lutter contre l'étalement urbain qui dévore nos paysages et couvre la France d'un habitat pavillonnaire sans âme, sans qualité architecturale et gaspilleur d'énergie. Enfin, j'ai été heureux de retrouver dans ce document la notion d'éco-quartier, dont certains maires se sont emparés voilà quelques années, dans l'indifférence ou le scepticisme des décideurs.
Toutefois, ces trois orientations supposent une prise de conscience qui, pour une part, reste à accomplir, ainsi qu'un soutien sans faille aux maires, aux présidents de conseils généraux et aux présidents de conseils régionaux qui se sont portés à la pointe de ce combat. Et bien sûr se pose aussitôt le problème d'une nouvelle répartition des ressources financières entre les collectivités territoriales.
Mes chers collègues, nous ne nous en tirerons pas en votant l'exemption de l'impôt local, sur le foncier bâti par exemple, pour tout habitat qui répondrait aux normes de la HQE, la haute qualité environnementale, car ce serait prendre le risque de limiter les initiatives, les chantiers et les avancées aux seules villes riches.
Faute de temps, je ne lancerai qu'une idée : l'une des pistes à explorer pourrait être une refonte ambitieuse de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, qui reste la première ressource de nos collectivités.
L'introduction d'un critère HQE dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement constituerait un geste significatif et efficace.
M. Pierre Laffitte acquiesce.
Pour conclure, monsieur le ministre d'État, je rappellerai que c'est grâce à votre action, précédée, il est vrai, de celle des ONG, que, pour la première fois, nous pouvons parler d'urbanisme durable dans l'enceinte du Sénat sans donner le sentiment d'être hors sujet. Ne serait-ce que pour cette raison, je vous adresse un grand merci.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lancement d'une véritable politique environnementale ou thérapie de groupe ? Les avis sont partagés.
En organisant le Grenelle de l'environnement, le Président de la République montre qu'il a bien compris l'inquiétude de l'opinion publique face aux atteintes portées à l'environnement. Est-ce à dire qu'il est prêt à mettre en place une véritable politique environnementale publique pour répondre à cette préoccupation ? C'est toute la question.
Désignée pour représenter le Sénat dans le collège des collectivités territoriales, j'ai participé volontiers à ces travaux. C'était pour moi une exigence démocratique, car là où se trouvent les forces vives de la société civile, les politiques se doivent d'être présents - même si, j'y reviendrai, l'exercice peut être critiqué.
Je ferai quelques remarques. Sur la forme, tout d'abord, le terme de « Grenelle », même s'il est issu d'une proposition des ONG ou des associations, me semble impropre au regard de l'histoire.
En effet, le véritable Grenelle constitua une avancée historique pour le pouvoir d'achat, les conditions de travail et la représentation des salariés. S'il s'agit de souligner l'urgence environnementale, je suis d'accord ; mais si, finalement, les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous aurons inutilement confondu les références historiques, me semble-t-il. On parle aujourd'hui d'un Grenelle de l'insertion. Y aura-t-il des Grenelle sur tous les sujets ? Ce serait un peu abusif, à mon avis.
Surtout, les partenaires qui se trouvent autour de la table n'ont pas le même statut. Certains disposent de budgets, d'autres non. Tous ne peuvent s'engager - puisque ce verbe a été employé -, au sens contractuel du terme. Et pour tout dire, je crains qu'une nouvelle charge ne vienne peser sur les collectivités territoriales si l'on n'alloue pas à ces dernières les moyens correspondants. J'insiste sur ce point : oui à la proximité, mais pas sans la solidarité ni la péréquation des moyens. Les collectivités savent faire et elles font déjà beaucoup, mais sans moyens nouveaux elles ne pourront pas supporter de nouvelles charges.
Monsieur le ministre d'État, dans votre intervention liminaire vous avez rejeté le « tout-fiscalité », mais vous avez souligné aussi le besoin de moyens. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ? Ce n'est pas seulement l'affaire de l'État, affirmez-vous. Certes, mais pour ma part, je soutiendrai que c'est aussi l'affaire de l'État !
Quant à la méthode utilisée, elle illustre une nouvelle forme de gouvernance, qui s'appuie sur l'opinion et se construit en lien direct avec la société civile. Elle traduit la reconnaissance d'un statut d'interlocuteur, voire de décideur, pour les acteurs intermédiaires. Sans doute faudra-t-il s'interroger sur la qualité et la légitimité de ces nouveaux intervenants. Comment construire leur représentativité durable par le biais d'une autorité reconnue ? La question de la responsabilité des uns et des autres se pose, en tout cas.
En ce qui concerne les objectifs, le texte fondateur est la déclaration du Président de la République du 21 mai dernier, qui succédait à la nomination d'un ministre d'État chargé de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. Il s'agit de mots et d'actes forts ! J'ai même entendu parler de refonder une politique, réaliser une révolution écologique, produire autrement, changer nos modes de vie. Diable ! S'agirait-il d'une conversion ?
Sourires
Précisément, ce sont nos modes de production et de consommation qui sont en cause, car ils obéissent, de plus en plus, à une logique financière qui conduit à diminuer les investissements, à réduire les coûts salariaux, à considérer comme une charge inadmissible les précautions nécessaires à la sécurité et à la protection de l'environnement - en tout cas, tel était le discours tenu jusqu'à présent.
Si je ne doute pas de la capacité du Président de la République à bousculer les gens et à forcer la marche - c'est même l'une de ses spécialités ! -, je suis très sceptique quant à sa volonté de contraindre les acteurs économiques et le patronat à prendre en compte les intérêts sociaux et environnementaux du pays ; ces derniers mois, d'ailleurs, il a surtout cherché à alléger leur contribution à l'effort collectif.
Monsieur le ministre d'État, vous allez sans doute me trouvez soupçonneuse, mais l'expérience rend méfiant : je suis d'un pays en Lorraine où les mineurs et leurs descendants paient toujours pour une exploitation minière et sidérurgique prédatrice qui a laissé des sites pollués, des terrains encore aujourd'hui inconstructibles, dont certains menacent de s'effondrer, comme à Moutiers, en Meurthe-et-Moselle, et des territoires financièrement exsangues sous le poids des réparations à réaliser.
Jusqu'à présent, les politiques de droite ont toujours produit les mêmes effets. Par parenthèse, mes chers collègues, les petits pois donneront peut-être un jour des haricots, mais il faudra vraiment manipuler très fortement la génétique !
Sourires.
Plus précisément, les politiques mises en oeuvre par la droite ont toujours minimisé leurs conséquences environnementales et sociales, qu'elles refusaient de prendre en compte au nom de la rentabilité et de la productivité. Monsieur le ministre d'État, comment pouvez-vous, aujourd'hui, prétendre vouloir agir autrement ?
J'ai encore en mémoire nos débats lors de l'examen de la loi sur l'eau, auquel nombre de nos collègues ici présents ont participé. Or, vous le savez bien, les lobbies de toute sorte ont pesé afin de restreindre la portée de ce texte, qui allait trop loin à leur goût. Allez-vous désormais rompre avec cette façon de procéder ? Pour ma part, je ne demande que cela !
Le développement durable suppose une refonte radicale de nos modes de production et de consommation, mais aussi une lutte sans merci contre les inégalités grandissantes entre les peuples et entre les personnes.
En effet, la majorité des activités polluantes sont aujourd'hui délocalisées dans les pays pauvres. Chez nous, ce sont les mêmes personnes qui cumulent une mauvaise alimentation, un logement insalubre et des conditions de vie et de travail difficiles, voire dangereuses pour la santé.
Le respect de l'environnement et celui de l'homme sont intimement liés. Telle est notre conviction. Or, sauf à changer son logiciel de base, je ne vois vraiment pas comment la majorité actuelle pourrait mettre en cohérence ses déclarations et ses actes !
J'illustrerai mon propos à l'aide de plusieurs exemples. Ainsi, le groupe de travail sur les OGM a fait plusieurs propositions, avec lesquelles nous sommes d'accord d'ailleurs, telles que la remise en cause du seuil de 0, 9 % d'OGM à partir duquel l'étiquetage est obligatoire, l'instauration d'une haute autorité pluridisciplinaire et indépendante chargée d'évaluer les intérêts et les risques des OGM, la création d'une ligne pérenne réservée à ces OGM dans le budget de l'Agence nationale de la recherche.
Tout cela est bel et bien, mais la véritable question est de savoir comment développer la recherche, en mesurant ses impacts sans pour autant disséminer les OGM. En effet, nous savons bien qu'une fois la dissémination réalisée plus personne ne pourra revenir en arrière ! C'est cette irréversibilité, notamment, qui est inacceptable et que nous refusons. C'est pourquoi nous demandons un moratoire sur les OGM, ce qui ne signifie pas qu'il faille arrêter la recherche - au contraire, il en faut plus.
Monsieur le ministre d'État, qu'allez-vous faire ? Nous vous avons senti le Gouvernement très hésitant et partagé sur ce sujet. Voudrez-vous, pourrez-vous résister à la pression des lobbies de l'agro-alimentaire ? L'avenir nous le dira. Ajoutons que le candidat Nicolas Sarkozy s'est prononcé contre un moratoire sur les OGM. En tout cas, nous devrons exprimer clairement, à travers une loi, la volonté du pays sur cette question.
Mes chers collègues, on ne peut traiter des OGM sans évoquer également l'agriculture. Or, comme le montrent les débats tenus alors, la dernière loi d'orientation agricole a donné le coup de grâce à la multifonctionnalité de l'agriculture. Elle a ouvert la porte à l'entrée de capitaux extérieurs, qui échappent au contrôle des agriculteurs. Nous avons accepté une injuste répartition des aides, dont 80 % reviennent à 20 % des agriculteurs. Enfin, la loi d'orientation agricole pousse au rendement à tout prix, alors qu'il faudrait privilégier une agriculture durable en limitant l'utilisation des pesticides ainsi que la consommation d'eau.
Les milieux agricoles prétendent qu'ils sont prêts à s'engager à certaines conditions. Bien entendu, rien ne se fera sans eux, et encore moins contre eux, mais il est temps d'inverser la tendance et d'avancer.
Naturellement, cette vision de l'agriculture a laissé de côté les productions biologiques, considérées comme anecdotiques. En France, le moins que l'on puisse dire est que la culture biologique n'a pas été soutenue par les pouvoirs publics. L'idée avancée par l'un des groupes de travail est d'augmenter les surfaces consacrées à l'agriculture biologique et de promouvoir les circuits courts de commercialisation, car s'il faut s'interroger sur la production, il est aussi nécessaire de travailler sur la commercialisation.
Le résultat des politiques menées jusqu'à présent, ce sont des prix non rémunérateurs pour les paysans et des produits frais trop chers pour les familles, surtout celles qui ont de faibles revenus.
Monsieur le ministre d'État, quand arrive le moment de s'engager, cette question divise vos rangs puisqu'une partie des élus UMP, invoquant l'augmentation du prix des repas, affirment que leurs budgets ne leur permettent pas de soutenir le projet des « cantines bio ».
Il s'agirait pourtant d'une mesure utile pour créer la demande et faire naître un marché. N'agissons-nous pas de cette façon pour les productions énergétiques non rentables ? Pour ces dernières, nous savons ajouter l'argent nécessaire, donc nous pouvons en faire autant avec le bio.
Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué en d'autres lieux votre intérêt pour cette question. J'espère que vous poursuivrez dans ce sens.
Ces réflexions m'amènent tout naturellement à évoquer les biocarburants. Selon le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, connu pour ses travaux sur la dégradation de la couche d'ozone, les agrocarburants pourraient contribuer à accroître les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, la plupart des agrocarburants seraient plus polluants que les combustibles traditionnels, exception faite de la canne à sucre !
Que déciderons-nous ? Quel rôle allons-nous assigner à l'agriculture ? Production alimentaire ? Production énergétique ? Les deux ? Dans quelles conditions ?
Il faut accroître la recherche et mieux évaluer l'efficacité environnementale et énergétique de ces productions. Plus de recherche et plus de transparence : voilà ce dont nous avons besoin.
Changement climatique, agriculture, OGM, pesticides, prix du blé, agrocarburants, ressource en eau, tout est lié. Peut-on se contenter de prendre seulement quelques mesures ? Ne faut-il pas plutôt revoir l'ensemble du système ?
Les scientifiques s'accordent à dire que les changements climatiques sont certains. C'est l'activité humaine qui a amplifié et accéléré le phénomène. La machine Terre, les espèces, ce que l'on appelle les écosystèmes, n'ont plus le temps de s'adapter, la machine se grippe et nous assistons à une désynchronisation des éléments constitutifs de cette machine.
La question des agrocarburants me conduit à aborder la problématique des modes de transports. La réduction de notre consommation d'énergie issue des hydrocarbures passe par la promotion des transports collectifs en utilisant l'énergie la moins polluante. Des investissements publics sont nécessaires pour développer ces transports sur l'ensemble du territoire.
À l'inverse, vous n'avez eu de cesse de fermer les services publics de proximité. La SNCF ferme des gares et des points de desserte ; on démonte des lignes de chemins de fer dites non rentables. Ce faisant, c'est un patrimoine que l'on brade, sans voir qu'il sera impossible de revenir en arrière. Or il faut des mesures fortes pour favoriser le report modal de la route vers le rail. Cela ne se fera pas sans intervention publique.
Récemment, le groupe communiste républicain et citoyen a dénoncé les décisions prises par la SNCF de fermer 262 points de desserte de fret pour les wagons isolés à partir du 30 novembre prochain. Les marchandises vont évidemment se retrouver sur la route.
Le transport de fret par voie ferrée et par voie fluviale est la réponse au transport des marchandises sur l'ensemble du pays. Telle est notre conception de l'aménagement du territoire. Allez-vous remettre en cause les décisions prises ? Dans le même temps, il faudra bien poser la question de l'internalisation des coûts externes négatifs du transport. Il y a bien une différence entre le ferroviaire qui participe au financement des infrastructures et le routier qui ne paie rien. Là encore, comparons ce qui doit être comparé pour avoir une idée plus juste de la situation.
Je souhaite maintenant évoquer le dossier REACH. Certes - et c'est important -, la nouvelle réglementation européenne sur les substances chimiques comporte de belles avancées : ce ne sont plus les pouvoirs publics qui devront prouver la toxicité des substances chimiques utilisées, mais il incombera aux industriels de démontrer que celles-ci sont sans danger. Pour autant, comment justifier que les entreprises soient autorisées à continuer d'utiliser des substances reconnues très dangereuses, même si des produits de substitution moins nocifs existent sur le marché ?
Ma question est donc la suivante : la France va-t-elle demander un renforcement des mesures REACH au risque de déplaire à l'industrie chimique ? Mon collègue et ami Francis Wurtz a dit que REACH était à la fois une belle illustration de ce que l'Europe pourrait être et une malheureuse confirmation de ses contradictions.
Je terminerai en évoquant les cancers provoqués par une exposition aux substances dangereuses. Le Bureau international du travail estime à 1, 7 million le nombre de travailleurs qui meurent chaque année d'une maladie professionnelle, ce qui représente presque 5 000 décès par jour.
Or les directions d'entreprises ont encore le droit de garder secrètes les informations dont elles disposent sur l'éventuelle toxicité des substances chimiques produites dans une quantité inférieure à dix tonnes par an, ce qui est le cas de la grande majorité d'entre elles. Après le terrible précédent de l'amiante, il est essentiel de les responsabiliser afin que la santé des salariés soit protégée.
Il a d'ailleurs été proposé de donner de nouvelles compétences au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur la formation des élus et sur de nombreux points. J'espère que ces mesures seront mises en place.
Le temps qui nous a été imparti ne me permet pas de porter une appréciation sur l'ensemble des mesures proposées. En parler aujourd'hui me semble d'ailleurs prématuré, puisque personne - sinon peut-être quelques initiés - ne sait ce qui sera décidé et retenu.
Tout ce qui permettra une avancée sera évidemment bienvenu. Mais, avant de parler de nouvelle politique environnementale ou de révolution, il est urgent d'attendre. De nombreuses préconisations sont intéressantes, certaines méritent d'être précisées, il faudra les hiérarchiser.
Je tiens surtout à souligner aujourd'hui l'importance et la qualité du travail effectué dans cette première phase. Les participants ont accepté la règle du jeu avec beaucoup d'enthousiasme mais aussi de lucidité. Je veux saluer particulièrement le savoir et le savoir-faire des associations environnementales qui ont apporté leur travail et leur expertise. Tous les collèges ont effectué un travail constructif.
En revanche, sur le fond, les démarches sont différentes : certains pensent que le marché peut infléchir ses choix si c'est son intérêt et si l'opinion publique le demande. C'est sans doute vrai à la marge. Mais cela permettra-t-il pour autant d'arrêter la machine infernale qui met toute la planète et tant de peuples en souffrance ? Permettez-moi d'en douter. Seule une volonté politique forte, s'appuyant sur le service public et l'intervention citoyenne, au nom de l'intérêt général, dans une logique de solidarité, dans un cadre national, européen et international, permettra de renverser la tendance. C'est notre conviction la plus profonde.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans ce débat sur le Grenelle de l'environnement, je souhaite souligner combien toute mesure nouvelle en matière de développement durable ne peut se concevoir sans une articulation étroite avec une recherche fondamentale de long terme.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi de m'appuyer sur les recherches conduites dans les régions polaires.
Comme vous le savez depuis votre passage au Groenland, monsieur le ministre d'État, ces recherches sont du plus haut intérêt. J'ai pu moi aussi en prendre toute la mesure à l'occasion d'une mission d'audit de cinq semaines sur le continent antarctique organisée à la fin de l'année 2005. En effet, j'ai le privilège d'être le premier parlementaire à m'être rendu à l'endroit de notre planète où s'élabore la connaissance des archives de l'évolution du climat, sur la base Concordia au dôme C, au coeur du continent antarctique, appelé le « continent des extrêmes » en raison de la rudesse des conditions de survie. Cette mission d'expertise, effectuée dans le cadre d'un rapport sur la recherche en milieu polaire pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, m'a permis de prendre conscience de la responsabilité qui nous incombe en matière d'efficience dans l'utilisation de nos énergies, comme de l'urgence à ouvrir des perspectives autour des énergies renouvelables.
Si je prends appui sur la recherche en milieu polaire, c'est parce que ce sont en grande partie les découvertes qui ont été réalisées aux pôles qui expliquent notre débat d'aujourd'hui. J'en prendrai trois exemples : la couche d'ozone, le climat et la biodiversité.
Le protocole de Montréal de 1987, dont nous avons célébré le vingtième anniversaire voilà quelques semaines, apparaît comme un modèle de mobilisation de la communauté internationale en matière de développement durable. En effet, il a permis d'organiser l'élimination progressive des CFC et d'autres substances nuisibles à l'ozone stratosphérique afin de revenir dans quelques dizaines d'années à un état naturel. On s'est même aperçu récemment que les gains induits en termes d'effet de serre étaient nettement plus importants que ceux qui étaient attendus du protocole de Kyoto s'il était parfaitement appliqué !
Or, mes chers collègues, il faut se rappeler que le trou de la couche d'ozone a été découvert en Antarctique aux cours de recherches fondamentales ne portant pas directement sur ce sujet.
Pour la connaissance du climat ensuite, le legs des recherches en milieu polaire n'est pas moins important. On peine à se figurer la faiblesse de nos connaissances avant que ne soient exploitées par les scientifiques les carottes de glace issues des forages antarctiques de Vostok et de Concordia. Celles-ci et d'autres encore contiennent les archives infalsifiables du climat et de l'atmosphère de notre planète depuis près d'un million d'années. En effet, les microbulles d'air qu'elles contiennent sont autant d'atmosphères fossiles rendant compte des conditions du passé. La composition physico-chimique de la glace et les isotopes des différents atomes sont autant de thermomètres permettant de remonter le temps.
Or ce sont ces recherches qui permettent de montrer, par comparaison avec l'état naturel, l'influence de l'homme au cours des dernières décennies, et de prévoir l'avenir par l'étalonnage des modèles climatiques.
En matière de biodiversité enfin, les pôles sont de véritables sentinelles des changements en cours.
En raison du phénomène d'amplification polaire qui veut que la hausse de la température soit environ deux à trois fois plus rapide aux hautes latitudes que dans nos régions tempérées, l'environnement polaire connaît des bouleversements rapides faisant peser une menace directe sur les espèces qui y vivent. Les études les plus récentes montrent qu'une hausse de seulement 0, 3 degré Celsius de la température de l'océan peut conduire à une baisse de 10 % de certaines populations de manchots !
Certes, le manchot empereur ou l'ours blanc sont de splendides animaux, mais cela suffit-il pour vouloir les préserver ? Dans le fond, mes chers collègues, pourquoi financer la recherche sur ces animaux, alors qu'il y a tant à faire sur le cancer et d'autres maladies qui nous touchent si durement ?
C'est justement parce que ces animaux nous apportent des solutions. Vous serez surpris d'apprendre que l'étude du système digestif du manchot nous a déjà permis d'améliorer considérablement la lutte contre les maladies nosocomiales, si dangereuses dans nos hôpitaux. Ces mêmes recherches offrent des perspectives extrêmement prometteuses pour la lutte contre le cancer. Ces animaux ont des métabolismes très particuliers leur permettant de faire face aux conditions extrêmes dans lesquelles ils vivent.
La recherche sur la biodiversité est un domaine majeur insuffisamment connu et exploité. Chaque espèce est un trésor unique dont nous ne mesurons que trop rarement l'importance.
Ainsi, je souhaite vivement que le débat public engagé à l'occasion de ce Grenelle de l'environnement soit l'occasion de prendre pleinement la mesure de l'apport décisif de la recherche fondamentale pour nos sociétés, que ce soit dans les sciences de l'univers ou dans les sciences de la vie. Ces recherches ont changé et changeront notre manière de vivre et de voir le monde.
« Nous ne sommes savants que de la science présente », écrivait Montaigne. Au moment où nous réfléchissons à l'avenir de nos sociétés, préparons le futur de la science, car il ne peut y avoir de développement durable sans développement de la science.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est une première dans notre pays : depuis maintenant trois mois, l'État et les représentants de la société civile se sont réunis autour d'une même table pour réfléchir ensemble à une nouvelle approche qui place le développement de notre société dans une perspective durable.
La préparation de ce Grenelle de l'environnement est une occasion unique de fonder un véritable pacte écologique, qui donnera aux générations futures la chance de vivre dans un environnement préservé et un monde plus équilibré.
Nous le constatons, les ressources de notre planète s'épuisent et nous franchissons chaque jour un seuil critique dans leur consommation et leur dégradation. Le temps presse.
Dans ce contexte, la prise en compte de cette fragilité croissante autant qu'inquiétante est cruciale et la reconnaissance des écueils de notre développement économique désormais essentielle.
Cette révolution écologique est aussi culturelle. Elle demande à chacun de changer de comportement dans sa relation personnelle à l'environnement, que ce soit dans son travail, dans ses loisirs, dans ses habitudes de déplacement comme dans ses gestes quotidiens les plus simples.
L'action publique associée à la mobilisation de tous est au coeur de ce débat. Et c'est précisément sur ce point que je souhaite développer mon propos. En effet, la refonte de notre politique de l'environnement nécessite une action collective qui doit s'inscrire dans un cadre tout aussi nouveau, celui d'une démocratie écologique et d'une nouvelle gouvernance.
Cette gouvernance environnementale fut d'ailleurs le maître mot du sommet mondial sur le développement durable qui eut lieu à Johannesburg en 2002, comme il l'avait été du livre blanc présenté par l'Union européenne en 2001. Cette gouvernance environnementale fut aussi l'objet des travaux du groupe de travail remarquablement présidé par Mme Nicole Notat et auquel j'ai eu le plaisir de participer.
Pour assurer une meilleure efficacité des actions et une meilleure cohérence des décisions, les éléments clefs d'une bonne gouvernance écologique doivent être réunis : l'accès à l'information, l'accès à l'expertise, l'évaluation préalable, la participation du public à la décision, la responsabilisation des acteurs. C'est sur ces bases que ce groupe de travail a proposé une série de mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas car notre collègue Paul Raoult les a déjà présentées.
Ces propositions m'amènent néanmoins à vous faire part de quelques réflexions relatives aux politiques territoriales, puis aux aspects institutionnels du développement durable.
Les collectivités, par la nature des compétences qu'elles exercent, sont au coeur de cette gouvernance environnementale, notamment les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale, qu'il s'agisse de la gestion de l'eau, de la gestion des déchets, de la gestion de l'espace, du droit des sols, de l'urbanisme, pour ne citer que ces exemples... Ces compétences en matière d'environnement s'exercent le plus souvent en partenariat avec les départements, les régions, les agences de l'eau et l'État.
Cependant, force est de constater qu'à l'exception de quelques expérimentations locales la lisibilité de ces pratiques est insuffisante. En effet, les partenariats institutionnels sont organisés plus au coup par coup sur des projets ponctuels que sur des axes stratégiques dont on pourrait évaluer les résultats à long terme. Or c'est bien dans le cadre de programmes concertés et contractualisés que l'on peut mesurer l'efficacité dans le temps des actions engagées.
Cette démarche a déjà été expérimentée avec les chartes départementales d'environnement sur la base de contrats de cinq ans signés entre les départements et l'État. Elles avaient été très appréciées sur le terrain et avaient permis aussi de mobiliser tous les acteurs locaux autour de thèmes fédérateurs adaptés à chaque territoire. J'ai en ma possession la charte départementale du Cantal, qui a permis de réaliser plus de 30 millions d'euros d'actions. Je me ferai un plaisir de vous l'offrir tout à l'heure.
Les agendas 21 locaux, initiés par le sommet de la terre de Rio en 1992, permettent de définir, à partir d'un diagnostic de territoire, un programme stratégique d'actions en faveur du développement durable. Ils ont vocation à répondre aux grands enjeux environnementaux et aux attentes des acteurs du territoire qui participent à leur élaboration.
Ces agendas 21, comme les chartes départementales, sont en phase avec les nouvelles notions de gouvernance. Ils sont bâtis, en garantissant un juste équilibre entre l'action publique et la participation réelle des acteurs du territoire, sur la base d'un engagement contractuel.
Mais, il faut bien le reconnaître, ces démarches sont trop peu nombreuses. Seuls 200 agendas 21 existent dans notre pays aujourd'hui, malgré l'engagement des associations d'élus, notamment de l'Association des maires de France, pour les promouvoir. Aucune charte départementale de l'environnement n'a été cosignée par l'État depuis plusieurs années.
Il manque, en effet, le nerf de la guerre : l'accompagnement de l'État et son engagement financier au côté des collectivités locales pour encourager ces politiques de partenariat. C'est un point très important car les collectivités font preuve de volontarisme en la matière et les effets levier d'une contribution de l'État seraient évidemment déterminants.
Mais pour que ce partenariat avec l'État soit efficace sur le terrain, dans un contexte réglementaire de plus en plus contraignant, il faut aussi que les collectivités disposent d'un interlocuteur identifié, d'un guichet unique de l'administration dans chaque département pour faciliter l'instruction des dossiers.
Or, sur ce point, le constat est aujourd'hui plus que mitigé car les nombreuses consultations de services interviennent à l'échelon départemental pour certaines, régional pour d'autres, voire national. Ce sont autant de démarches qui perturbent les calendriers et qui nuisent à la lisibilité de l'action de l'État.
Une organisation territoriale déconcentrée des services de l'État dans chaque département, instaurée autour du préfet, et la mise en oeuvre d'un budget opérationnel pour toute question touchant au développement durable seraient donc de nature à améliorer considérablement les relations entre l'État et les collectivités. Une telle mesure favoriserait en outre une meilleure évaluation des résultats obtenus.
Enfin, la sensibilité environnementale du public et sa volonté d'être plus associé aux politiques de développement durable menées par les collectivités sont aujourd'hui une réalité.
Dans ce contexte en pleine évolution, l'amélioration de l'information et la transparence des décisions deviennent donc incontournables. C'est en outre un moyen efficace d'éviter des contentieux qui perturbent considérablement la vie locale et qui sont dus à des malentendus qu'il serait pourtant possible de dissiper.
Pour cela, une réforme des enquêtes publiques - tout comme l'indispensable formation des commissaires enquêteurs évoquée précédemment - favorisant la concertation et l'information en amont des projets est sans doute nécessaire. Cette méthode existe déjà dans les procédures d'élaboration des documents d'urbanisme. Elle a fait ses preuves et pourrait donc être facilement mise en place dans certaines enquêtes publiques qui touchent particulièrement la population.
J'en viens aux aspects institutionnels des politiques de développement durable.
L'adoption de la Charte de l'environnement a permis de poser les principes constitutionnels qui doivent guider une gouvernance écologique. C'est donc une nouvelle stratégie nationale de développement durable qui, comme dans nombre de pays d'Europe, constitue la clef de voûte de la mise en cohérence de nos politiques publiques.
Dans cette perspective, le groupe de travail sur la gouvernance écologique a proposé d'associer les acteurs représentatifs de la protection de l'environnement aux travaux du Conseil économique et social pour favoriser leur contribution à l'élaboration des politiques publiques.
Mais il faut rappeler que l'implication des différents niveaux de collectivités locales est tout aussi essentielle dans la mise en oeuvre des politiques de développement durable sur le terrain. Cette contribution s'exerce aujourd'hui au sein du Conseil national du développement durable, le CNDD, au côté des partenaires environnementaux et de l'État.
Aussi, dans cette hypothèse, une représentation des collectivités ou de leurs associations d'élus au sein d'un organisme consultatif - à l'image du comité des régions à l'échelon européen - s'avérerait indispensable. Ce comité d'élus, qui pourrait aussi prendre la forme d'un CNDD réformé, garantirait la consultation des élus au même titre que celle des acteurs environnementaux au sein du Conseil économique et social.
La Charte de l'environnement précise aussi : « Les politiques publiques doivent promouvoir le développement durable. »
Cette affirmation nous conduit aujourd'hui à envisager au sein des deux assemblées parlementaires la création d'une commission ou d'une délégation de l'environnement pour veiller à la mise en oeuvre des politiques publiques de développement durable.
Enfin, pour assurer une mise en oeuvre réelle du développement durable à une échelle appropriée, les régions, les départements, les EPCI et les communes doivent pouvoir s'engager ensemble aux côtés de l'État.
Ce partenariat nécessite l'exercice de compétences partagées qui devront faire l'objet de nouvelles dispositions législatives. C'est bien leur mise en réseau qui conditionnera l'efficacité de l'action publique territoriale.
Je ne peux terminer ce propos sans rappeler que la construction d'une démocratie écologique ne peut se concevoir en dehors de l'Europe. En effet, n'oublions pas que 80 % du droit français de l'environnement dépend directement du droit européen. Sur ce point, force est de reconnaître que nous avons beaucoup de travail.
Monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au-delà des aspects que j'ai évoqués succinctement, le chantier qui s'ouvre nous concerne tous parce qu'il conditionne l'avenir de nos enfants et les grands équilibres naturels de notre planète. Chacun d'entre nous en est bien conscient et la qualité des débats qui ont eu lieu dans les groupes de travail l'a prouvé.
Maintenant, à partir d'un constat qui est partagé, nous devons converger tous ensemble vers un consensus ambitieux, dépassant les corporatismes, les préjugés, les opinions politiques. Ce consensus peut être exemplaire et faire école en Europe et dans le monde. Ce ne sera pas une utopie si chacun, dans son domaine, y contribue en faisant preuve de responsabilité solidaire face à cet enjeu universel.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au-delà de la seule problématique environnementale, le développement durable est devenu un enjeu fondamental dans le débat sur l'avenir des sociétés humaines. Chacun en est maintenant persuadé. Qu'il s'agisse des organisations écologistes, bien sûr, mais également des associations de protection du cadre de vie, de défense des consommateurs, des organisations syndicales de salariés et du patronat, des entreprises, des milieux agricoles, tous ont intégré l'idée que le développement durable pouvait être non seulement une contrainte, mais aussi une véritable opportunité économique.
Il s'agit donc de faire face à plusieurs défis qui nous imposent de modifier nos comportements et de réorienter notre modèle de développement. Nous avons une obligation de réussite, qui dépasse les clivages politiques et impose de mobiliser tous les talents.
Le contexte était donc favorable au lancement d'un grand débat avec un ensemble de partenaires qui, au niveau national au moins, n'avaient pas toujours eu l'occasion de se rencontrer, de se parler, de s'écouter. C'est en remettant au coeur du processus l'exigence démocratique que le Grenelle de l'environnement a fait preuve de sa pertinence.
Cependant, avant de nous féliciter ou non de sa réussite, il faudra bien attendre sa clôture, vos décisions et leurs implications.
L'une de nos principales craintes, à nous, représentants des collectivités locales - à titre personnel, j'ai représenté l'Association des régions de France au Grenelle de l'environnement -, est de vous voir transférer des responsabilités supplémentaires sans moyens adéquats, et je ne parle pas seulement des moyens financiers. Voilà pourtant bien des années que nombre d'entre nous sont engagés, par le biais d'actions concrètes, dans la promotion du développement durable.
Parmi ces collectivités, les régions, dans la limite de leurs compétences et avec des budgets serrés - c'est la norme -, ont dépassé le stade de l'incantation et sont dans le « faire ». En moyenne, elles ont augmenté leur budget consacré à l'environnement de 20 % et ont développé des politiques ambitieuses dans tous les secteurs. Notons la mise en place d'agendas 21, le soutien aux constructions ou aux rénovations en vue de répondre aux normes HQE, les aides aux économies d'eau et au maintien de sa qualité, les aides aux économies d'énergie, aux agricultures respectueuses de l'environnement, la promotion de circuits courts et de repas « bio » dans les lycées, le développement très significatif du nombre et de la qualité des TER. Ce sont autant de mesures proposées par les groupes de travail.
Dans ces domaines, comme dans beaucoup d'autres, une sorte de « politique par la preuve » démontre le rôle stratège de nombre de collectivités et confère ainsi aux régions et aux départements une responsabilité importante. Encore faut-il que le Gouvernement reconnaisse et valorise réellement leurs actions et leur place, en clarifiant les compétences de chacune de ces collectivités et en leur donnant les moyens de mener à bien leurs missions. J'espère que tel sera le cas lors des débats décentralisés.
Cette demande récurrente nécessite de repenser les modes de financement de leurs compétences et les règles fiscales. À cette occasion, il serait souhaitable que cessent les contradictions les plus flagrantes, comme l'affectation d'une part de la TIPP aux régions, alors même que ces dernières encouragent le recours aux transports collectifs et sont donc partie prenante à la réduction de la consommation de carburants. Du fait de ce mode de financement, plus les régions sont efficaces, plus elles voient se réduire leurs ressources.
Plus globalement, dans le domaine fiscal, nous ne pourrons faire l'impasse d'une réflexion approfondie et générale ni sur la possibilité d'internaliser les surcoûts sociaux et environnementaux, ni sur le problème central, à savoir qui doit payer ? Est-ce le consommateur, le citoyen, le producteur, les entreprises, le réseau de la grande distribution ? Il faudra bien, à un moment ou à un autre, reconsidérer le principe pollueur-payeur en remontant jusqu'à la source des profits.
Je n'ai évidemment pas le temps d'énumérer toutes les propositions sérieuses, concrètes, réalistes, présentées par les représentants des collectivités que sont l'AMF, l'ADF, et surtout l'ARF. Cette dernière, en raison de la précipitation dans laquelle a été organisé le Grenelle de l'environnement n'a pu transmettre ses propositions qu'au moment où les groupes présentaient déjà leurs conclusions. J'espère très sincèrement qu'il sera quand même tenu compte des contributions de ces associations, car c'est bien dans la proximité et grâce au rôle moteur des collectivités que le développement durable pourra devenir une réalité sur l'ensemble du territoire français. La réorientation de notre modèle de développement ne passera que par une revitalisation de la décentralisation.
En attendant, il faudra accélérer l'exécution des contrats de projets et, peut-être, envisager la négociation de compléments à ces contrats pour renforcer les actions en faveur d'un développement et d'un aménagement plus durables ; je vous rappelle que lors de la négociation, l'État, en l'occurrence le ministère de l'aménagement du territoire, avait diminué son budget de 50 % sur cette ligne.
Il faudra aussi organiser, car c'est indispensable, une meilleure cohérence entre les diverses politiques publiques, notamment celles de l'État.
N'y a-t-il pas urgence à signer les décrets d'application de textes qui vont dans le bon sens, comme celui qui concerne les modalités d'application d'un dispositif contenu dans l'article 40 de la loi de finances rectificative, voté au Sénat le 18 décembre 2006 à la suite de l'adoption de l'un de nos amendements, présenté par notre collègue Jean-Marc Pastor, qui reconnaissait le rôle de la biomasse dans le traitement des déchets ménagers et assimilés par méthanisation, selon le principe du bioréacteur ?
N'y a-t-il pas urgence également à faciliter les démarches administratives en ce qui concerne cette même méthanisation dans le circuit agricole ? Actuellement, les bonnes volontés sont présentes en grand nombre mais se heurtent à un délai d'au moins trois ans entre le commencement de l'étude du projet et le début de sa réalisation.
Bien sûr, les grandes tendances et les orientations des politiques environnementales dépendent également de la communauté européenne, voire de l'international à travers l'OMC, surtout dans le domaine des productions agricoles, et cette dimension a parfois été peu ou pas présente lors des premiers débats.
Pourtant, l'année prochaine va voir se dessiner les nouvelles propositions concernant la PAC, et les orientations prises auront un impact très fort sur l'avenir de notre agriculture. Il n'est pas sûr, par exemple, que la suppression des jachères aille dans le bon sens en ce qui concerne la biodiversité. Même les chasseurs ont fait connaître leur opposition à leur suppression totale.
De la volonté du Gouvernement dans les négociations dépendra le maintien ou non d'un grand nombre de nos exploitations et l'aménagement équilibré de nos territoires. La régionalisation des aides pourrait contribuer à favoriser une approche plus équilibrée des soutiens en les adaptant aux enjeux environnementaux et économiques locaux et en encourageant davantage toutes les formes de production qui vont dans le sens du développement durable.
Une politique offensive à l'égard des productions génétiquement modifiées, prenant la forme d'un moratoire ou d'une loi - le Gouvernement en prendra la responsabilité à un moment où la biodiversité n'a jamais été autant menacée - suppose un soutien actif aux productions certifiées et aux réseaux oeuvrant pour la promotion des filières respectueuses de l'environnement, de la diversité, de la santé et des équilibres Nord-Sud.
Avant de conclure, je souhaite me faire le porte- parole de mon collègue d'outre-mer Claude Lise, qui considère que ces territoires ont été tenus à l'écart du Grenelle de l'environnement, alors même que leur participation aurait dû s'imposer comme une évidence - vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre d'État -, compte tenu de la richesse de leur biodiversité ainsi que de la situation préoccupante créée aux Antilles par l'usage de pesticides et des menaces qui pèsent sur les écosystèmes.
Pour bien connaître ces territoires, je peux dire qu'en Martinique aussi le conseil général n'a cessé d'innover : agenda 21, pôle de référence en matière de prévention des risques naturels sismiques, montée des eaux, phénomènes de houle ou de raz-de-marée, gestion de la biodiversité, organisation d'un colloque international sur le réchauffement climatique.
Claude Lise souhaite, comme beaucoup d'entre nous, que votre démarche n'ignore pas ces initiatives et les avancées déjà réalisées localement.
En conclusion, et au-delà de la seule logique de communication, je souhaite, ainsi que les membres de mon groupe, que les moyens politiques et financiers soient rapidement précisés, car nous avons une responsabilité collective sur les propositions, mais vous assumerez ensuite, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, avec l'ensemble du Gouvernement, l'entière responsabilité soit d'une véritable réorientation de vos politiques, soit de quelques mesures marginales, donc peu efficaces ou financées par d'autres.
Si vous vous engagez vers ce qui nous paraît être le bon choix, les collectivités territoriales seront à vos côtés pour réussir le pari du développement durable, et mon groupe s'en réjouira, tout en étant - c'est son rôle - très attentif à son évaluation et à sa prise en compte dans l'ensemble de vos politiques.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, trois minutes d'intervention, vous l'aurez compris, ne peuvent donner lieu qu'à un témoignage.
Nous n'héritons pas de nos parents, nous empruntons à nos enfants, c'est classique !
De nombreux instruments votés par l'ONU et ses divers démembrements ont évoqué la responsabilité des générations présentes à l'égard des générations futures.
Voilà cinq ou six ans, nous rentrions du sommet de la terre à Johannesburg... Vous vous rappelez : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ! Mon mari, Daniel Goulet, vous recevait ici même, madame la secrétaire d'État, pour vous parler d'un projet qui lui tenait déjà à coeur - en Normandie, nous sommes têtus ! -, celui de la création d'une commission pour les générations futures. Monsieur le ministre d'État, toutes les opérations que vous suggérez aujourd'hui, il faudra bien les institutionnaliser !
Cette commission serait formée au sein de nos institutions. Elle pourrait constituer une pièce intéressante dans le nouveau dispositif que le Président de la République veut mettre en place. Elle procéderait à une évaluation systématique et a priori des politiques qui vont être exercées, c'est-à-dire qu'elle pourrait statuer en matière d'environnement, de sécurité alimentaire, de choix énergétiques, de démographie, d'éducation, de bioéthique. Il s'agit donc d'institutionnaliser l'étude d'impact préventive, car nous n'avons aucun moyen, ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale, d'avoir cette évaluation. Évaluer à mi-parcours ou après coup serait tout de même un peu dommage. Il serait extrêmement intéressant d'avoir cette évaluation a priori. La composition et les pouvoirs de cette commission dépendront évidemment de ce que vous voudrez en faire.
Gouverner c'est prévoir, et non pas travailler au gré d'événements en général tragiques : chiens méchants, manèges fous, abus de sucrerie et de responsabilisations en tous genres, tous aléas compensés par un législateur aux aguets de sa cote de popularité et des sondages.
La commission pour les générations futures permettrait de protéger les générations futures en étant composée de non élus, plus préoccupés par l'avenir de ces générations futures que par leur réélection.
Je ne doute pas, monsieur le ministre d'État, que vous étudierez avec bienveillance l'implantation dans notre ossature juridictionnelle, administrative et législative de cette commission, que nous avons appelée de nos voeux bien des fois et qui doit être une commission à part entière. C'est dans nos institutions, au quotidien, qu'il faut imprimer notre souci de développement durable et de protection des générations futures.
« Victoire de l'optimisme sur l'expérience ! », telle est la formule qu'employa Henri VIII lors de son sixième mariage. Je puis reprendre à mon compte cette phrase célèbre, car je suis persuadée, monsieur le ministre d'État, que cette proposition vous séduira et que vous réagirez avec enthousiasme, volonté et promptitude.
Monsieur le ministre d'État, invité de nos journées parlementaires à Nantes la semaine dernière, vous avez tressé une couronne de lauriers aux écologistes, particulièrement aux Verts, dont le travail a contribué à sensibiliser la société à la réalité, à la gravité, à la complexité de la crise écologique. Vous avez affirmé que notre pays avait changé, que nos citoyens aspiraient à vivre mieux et se disaient à une écrasante majorité prêts à adopter d'autres comportements. Ce qui n'était pas possible hier est désormais à notre portée.
Je vous crois, monsieur le ministre d'État ; quand je vous écoute, je bois du petit-lait, et je ne souhaite qu'une chose : que vous réussissiez.
Pour réussir, la première des vertus nécessaire, c'est la lucidité.
La mutation vers une société conciliant gestion responsable des ressources, justice sociale et efficacité économique sera tout sauf simple et consensuelle. Je sais que vous n'êtes pas de ceux qui en tireraient argument pour ne rien faire du tout.
Elle sera tout sauf simple, parce que, la bonne volonté des acteurs économiques et des citoyens étant acquise, il sera difficile de leur demander de changer si des alternatives concrètes, accessibles, ne sont pas mises en place. Il ne suffira pas d'encourager nos concitoyens à laisser chaque fois que c'est possible leur voiture au garage si les bus sont rares et bondés, si les projets de transport public restent dans les cartons faute de financement.
L'amputation sévère de la marge de manoeuvre budgétaire de l'État à laquelle il a été procédé cet été sans aucune contrepartie sociale et environnementale constitue une faute grave. Il y avait de quoi financer des TGV, des tramways, des bus en site propre, des logements sociaux bien isolés, des tunnels ferroviaires pour franchir les Alpes ou les Pyrénées, les trains remplaçant les camions.
Cette mutation sera tout sauf consensuelle. En effet, la transformation en profondeur des façons de vivre, de produire, de travailler, de consommer, va heurter des intérêts puissants, remettre en cause des rentes de situation, parce qu'on ne pourra pas faire tout et son contraire : concilier l'inconciliable, donner satisfaction à ceux qui, depuis toujours, s'arrogent le droit de consommer, sans les payer à leur juste prix, de l'eau, de l'air, de l'espace, de l'énergie, des matières premières, ceux qui font payer par d'autres les conséquences sanitaires, sociales et environnementales de leurs activités polluantes et dont le profit n'est pas - c'est un euphémisme ! - largement partagé par tous, ceux enfin qui, en situation de quasi-monopole et sur la base de contrats léonins, facturent à prix fort les services rendus en matière de dépollution.
Comment ne pas s'alarmer alors que remontent au créneau les lobbies les plus divers, dans les ministères, dans les médias, auprès des parlementaires, avec la complicité active de quelques-uns d'entre eux ? Ils détestent qu'on le leur rappelle, mais nous savons tous nommer ceux qui représentent de façon parfois explicite les intérêts de tel ou tel secteur d'activité. Selon les cibles, on mettra en avant le caractère dérisoire des politiques nationales, on fera du chantage à l'emploi, on négociera des délais, on fera mine de craindre le désaveu des citoyens à quelques mois d'échéances électorales, forcément sensibles.
La tâche de ces lobbies serait moins facile si le Président de la République et le Gouvernement n'avaient pas constamment donné l'impression de décider au coup par coup, sous la pression des habitudes, des clientèles, des amis politiques : le réacteur EPR se construit, tout comme l'incinérateur de Fos-sur-Mer, le ministre de l'agriculture s'abstient à Bruxelles sur un dossier d'autorisation d'OGM, donnant ainsi toute latitude à la Commission européenne de prendre la décision à sa place.
Où est alors la cohérence entre les ministères et, au sein de chacun d'eux, entre les politiques, entre l'État au niveau central et l'État au niveau local, entre l'État et ses établissements publics ?
Est-il normal, monsieur le ministre d'État, que les préfets réunissent les services qui instruisent les autorisations d'extension d'élevage avant même que ne se tiennent les réunions des comités départementaux d'hygiène ?
Savez-vous que plusieurs des experts chargés par l'AFSSE, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, d'un rapport sur l'impact sanitaire des téléphones mobiles avaient un lien professionnel avec les grands opérateurs ?
À quoi rime le discours sur le ferroutage quand la SNCF, incapable d'assurer le transport de wagons isolés, envisage de fermer 262 gares ?
Pourquoi la Commission nationale du débat public n'a-t-elle toujours pas de président ?
Les mesures suggérées par le groupe de travail sur les questions de gouvernance vont dans le bon sens. Elles permettraient de mieux reconnaître la place des associations, de garantir le pluralisme de l'expertise et de protéger les lanceurs d'alerte, de décider de façon plus transparente et plus argumentée.
Malheureusement, le groupe de travail reste timide pour ce qui concerne l'organisation de l'État lui-même, au niveau central et au niveau territorial, et la répartition des compétences. Il ne dit rien, ou presque, de ce cancer qu'est la corruption ou de la nécessité de revoir les procédures et contrats de délégation de service public.
Il faut que l'État donne l'exemple, qu'il transpose sans finasser les directives européennes, qu'il respecte lui-même la loi, la loi « littoral », la loi « montagne », la loi sur les études d'impact, la loi sur l'eau, et qu'il les fasse respecter avec une police de l'environnement digne de ce nom et une inspection des installations classées dotée d'effectifs suffisants.
Le terme de « Grenelle » est passé, dîtes-vous, monsieur le ministre d'État, dans le langage commun. C'est vrai ; encore faut-il admettre qu'il y a un doute sur le sens de ce terme. En 1968, dont j'assume sans problème l'héritage - comme vous, j'en suis sûre -, il s'agissait d'une vraie négociation. Aujourd'hui, il s'agit d'un dialogue inédit, de qualité, même s'il a été mené au pas de charge, même si les participants ne disposaient pas tous de la même connaissance des dossiers. On reconnaît les nouveaux convertis à leur enthousiasme et à l'ardeur avec laquelle ils accordent du crédit à des solutions magiques sans en identifier les effets pervers - je pense bien sûr au biocarburant, qu'il vaudrait mieux qualifier d'agrocarburant - avec l'espoir que tout cela reste indolore et ne dérange pas trop le business.
Ce dialogue a permis de valider un diagnostic, d'identifier un certain nombre de mesures consensuelles, gagnant-gagnant. On peut raisonnablement espérer qu'elles seront mises en oeuvre. Il a permis aussi de dresser le constat de désaccords persistants.
Qui arbitrera ? Le Président de la République, avez-vous dit. Je ne suis pas parfaitement rassurée, pas seulement parce qu'il ne se déplace qu'en avion au lieu de prendre le train, pas seulement parce qu'il confirme à tous les grands élus - sur ce point, il n'est pas vraiment différent de son prédécesseur - le caractère prioritaire de leur projet de rocade et de contournement routier, à Bordeaux, à Strasbourg et ailleurs, pas seulement parce qu'il propose de vendre des centrales nucléaires urbi et orbi, mais aussi parce que les décisions qui sortiront du Grenelle de l'environnement doivent être engagées, portées par tous les partenaires si nous voulons qu'elles survivent aux arbitrages budgétaires, à l'inertie administrative, au découragement même de ceux qui seront chargés de les mettre en oeuvre.
Avant de conclure, je veux, monsieur le ministre d'État, attirer votre attention sur l'espoir suscité par le Grenelle de l'environnement dans l'outre-mer.
On aime célébrer la beauté des paysages de ces régions, la richesse de la biodiversité, la fécondité des océans, la fertilité des sols. La réalité est tout autre : empoisonnement des sols par le chlordécone et le paraquat, prolifération des déchets, orpaillage sauvage, déforestation, embouteillages monstrueux, trafic d'espèces protégées.
On vous attend aux Antilles pour engager les îles des Caraïbes vers un développement plus responsable. Harry Durimel vous l'a demandé ; je veux vous entendre ici confirmer la promesse que vous avez faite.
Je vous envie, car vous avez un défi magnifique à relever ; je vous plains aussi, parce que j'ai écouté les interventions des députés, hier, à l'Assemblée nationale, comme celles de mes collègues sénateurs, cet après midi. J'ai mesuré à quel point le soutien de certains de vos amis politiques se limitait pour l'essentiel à de grandes envolées lyriques de caractère général, assorties de recommandations de prudence : n'empêchez pas les voitures de rouler ! Attention aux aliments « bio » dans les cantines ! Ne pénalisez pas nos entreprises !
Je vous souhaite sincèrement beaucoup de courage, car il vous en faudra !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, depuis trois mois, nous vivons avec le Grenelle de l'environnement, depuis trois mois, nous vivons une expérience originale, unique et passionnante de débat collectif.
Jeudi 27 septembre, la phase préparatoire du Grenelle de l'environnement s'est achevée par la présentation des propositions des six groupes de travail réunis depuis le 16 juillet dernier.
La parole est maintenant donnée à nos concitoyens, qui seront, je l'espère, nombreux à s'exprimer sur ces propositions sous forme de consultations publiques organisées sur Internet ou à travers des débats régionaux avant la remise définitive, vers la fin du mois d'octobre, d'un plan d'action de vingt à trente mesures validées après qu'un consensus aura été obtenu.
J'ai personnellement participé aux travaux du Grenelle de l'environnement au sein du groupe n° 3, intitulé « instaurer un environnement respectueux de la santé », et de l'intergroupe « déchets ».
Suivant les recommandations de ce dernier, mon intervention se concentrera sur deux points essentiels : d'une part, la nécessité d'une nouvelle loi de programmation sur la gestion des déchets, dans le souci d'une meilleure gouvernance écologique, d'autre part, l'impérieuse nécessité de mieux prendre en compte l'essor de l'acteur incontournable du développement durable qu'est l'intercommunalité, ce qui a été souligné par la quasi-totalité des participants au Grenelle de l'environnement.
En effet, 80 % des communautés, qu'elles soient de communes, d'agglomération ou urbaines, sont chargées de la gestion des déchets tandis que 42 % d'entre elles ont compétence en matière d'assainissement. Elles ont également très largement investi la compétence plus générale de « protection et de mise en valeur de l'environnement ». Cette montée en puissance se traduit aujourd'hui par une prise en charge, par l'intercommunalité, de la plus grande part des dépenses environnementales.
L'intercommunalité joue, en outre, un rôle prépondérant dans l'exercice de toutes les compétences liées au développement durable. Cela concerne non seulement l'ensemble des documents de programmation, notamment les schémas de cohérence territoriale, les plans de déplacements urbains et les programmes de l'habitat, mais aussi les transports urbains, l'approvisionnement en eau potable ou le traitement des eaux usées, sans parler des plans climat-énergie territoriaux, qui, monsieur le ministre d'État, commencent effectivement à se mettre en place.
Vous le voyez, mes chers collègues, l'intercommunalité est, de fait, devenue un acteur pivot et incontournable de la « gouvernance écologique territoriale », en assurant un lien de coordination entre les communes, une fonction de médiation avec les acteurs de la société civile et un rôle de « porte-parole » légitime d'un territoire auprès des échelons supérieurs que sont les départements, les régions, l'État et l'Europe. Son rôle croissant dans l'organisation des services environnementaux, la planification et la maîtrise d'ouvrage des grands projets l'exposent néanmoins aux forts risques contentieux liés aux questions environnementales.
Il est donc impératif d'améliorer le pilotage des politiques environnementales locales et les mécanismes de concertation, pour rendre plus efficients les dispositifs existants. Il s'agit, notamment, de simplifier les enquêtes publiques, dans lesquelles bien peu parviennent à se retrouver, et de clarifier les responsabilités réglementaires. Dans le domaine des polices de l'environnement, personne ne sait plus qui est responsable, tant l'émiettement de ces polices est important. Il importe aussi de définir le rôle respectif des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l'État. Cela passera par une meilleure définition des prérogatives dévolues aux services déconcentrés de l'État par rapport à celles des collectivités locales, par la désignation de véritables chefs de file dans les différentes politiques environnementales et par la mise en cohérence du pouvoir de police avec la compétence d'organisation du service public environnemental.
Mes chers collègues, dans la mesure où un effort de clarification des compétences est nécessaire, il convient simplement de prendre en compte ce qui a été mis en place avec succès sur le territoire : à cet égard, l'intercommunalité devrait ainsi être investie d'un véritable rôle de chef de file en matière de développement durable.
Monsieur le président du conseil général de la Haute-Marne, je n'oublie pas que je m'exprime devant le Sénat, ...
... dont je connais l'attachement, attachement que je partage, aux communes et aux élus municipaux.
Cela étant, communes et intercommunalités ne sont pas en opposition, bien au contraire.
C'est ce que viennent de réaffirmer, durant deux jours et devant quatre ministres, dont vous-même, monsieur le ministre d'État, les 1 300 élus intercommunaux rassemblés à la Maison de la Chimie à l'occasion de leur 18e convention nationale.
L'intercommunalité n'est que le prolongement de la commune et, j'ose le dire, constitue l'avenir de nombreuses municipalités. Elle n'est donc jamais en opposition avec la commune : d'ailleurs, comment pourrait-elle l'être, puisque ses élus sont aujourd'hui exclusivement des élus municipaux, qui ont jugé indispensable de s'unir, pour mieux exercer, ensemble, certaines compétences ?
Mes chers collègues, les réalités du terrain sont souvent en avance par rapport à leur prise en compte institutionnelle. J'espère que le Sénat ne restera pas à la traîne sur ces questions. À cette fin, je vous propose aujourd'hui de reconnaître le fait intercommunal et de lui donner la place qui lui revient pour relever les grands défis du xxie siècle.
J'en viens au traitement des déchets.
Le service de collecte, de traitement et d'élimination des déchets ménagers figure parmi les services publics qui ont connu, au cours des dix dernières années, les mutations les plus importantes : développement de l'intercommunalité - je n'y reviens pas -, modernisation des équipements, exigence accrue de qualité environnementale manifestée par nos concitoyens, évolution des filières dédiées, modification des modes de financement, ce sont autant de facteurs - et je pourrais en citer bien d'autres ! - qui ont modifié en profondeur l'organisation de ce service public.
Malgré ces bouleversements majeurs, le cadre législatif n'a pratiquement pas évolué. La loi française relative aux déchets date de 1975, et sa dernière refonte de 1992. Si certains objectifs de la loi de 1992 sont d'ailleurs aujourd'hui atteints, à l'image de l'éradication des décharges brutes, d'autres nécessitent une réactualisation au vu des importantes modifications intervenues depuis quinze ans.
Monsieur le ministre d'État, l'élaboration d'un nouveau cadre légal de la gestion des déchets s'avère donc nécessaire et est rendu d'autant plus indispensable par l'adoption de la nouvelle directive européenne sur les déchets, que nous devrons de toute façon transposer dans le droit français.
Une loi de programmation sur les déchets permettrait de définir les nouvelles orientations d'une politique ambitieuse, sur le plan non seulement de leur gestion, mais aussi de leur réduction, avec des objectifs chiffrés en matière de prévention, de recyclage, de valorisation organique, matière ou énergétique.
À ce moment de mon discours, monsieur le ministre d'État, je me dois de vous rappeler une évidence. Nous le savons bien, en l'absence d'un cadre précis, quantifié et, il faut le dire, contraignant, trop de bonnes résolutions restent, par habitude nationale, des voeux pieux.
C'est d'ailleurs ce que le Président de la République a indiqué récemment à certains d'entre nous.
Nous devons donc mettre en place une politique volontariste de prévention et de réduction de la production de déchets en appliquant, sans état d'âme, non pas le principe « pollueur-payeur », mais le principe « producteur-payeur ». Ce principe de responsabilité élargie du producteur, qui consiste à faire prendre en charge l'élimination des déchets par les producteurs de biens devenus déchets, est reconnu unanimement comme le moyen le plus pertinent de responsabiliser tous les acteurs concernés. Une nouvelle loi cadre renforcerait et clarifierait ce dispositif en répartissant les responsabilités juridiques, notamment entre le producteur du produit et le producteur du déchet.
Par ailleurs, si les filières dédiées se sont multipliées depuis 1992, les collectivités espèrent vraiment qu'elles seront mieux organisées et mieux articulées. Il serait d'ailleurs très profitable de les associer plus étroitement à l'élaboration des modalités de leur mise en oeuvre et de leur financement.
Enfin, monsieur le ministre d'État, il est indispensable de refonder le système de financement de la gestion des déchets, sujet auquel tant les élus que nos concitoyens, contribuables locaux, sont très sensibles.
La mise aux normes des équipements destinés au traitement des déchets, la modernisation de la collecte, le développement de nouvelles filières pèsent fortement sur le coût global du service, qui a, je le rappelle, plus que doublé en quinze ans, passant de 80 euros la tonne en 1990 à 165 euros en 2005. Or l'organisation actuelle du financement de la gestion des déchets pèse trop lourdement sur le contribuable et pas assez sur l'industriel et donc sur le consommateur. Cela n'incite naturellement aucun des deux à améliorer son comportement et n'entraîne pas de diminution de la production des déchets, diminution pourtant annoncée comme l'une des priorités par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis quinze ans.
Les modes de financement doivent être revus avec réalisme et volontarisme. Je rejoins en cela l'une des conclusions formulées de manière quasi unanime par les membres de l'intergroupe Déchets, pour lesquels une telle mesure est prioritaire. La taxe et la redevance présentent des inconvénients si importants que l'on est en droit de se demander pourquoi elles sont toujours en vigueur. Il faut manifestement les réformer en profondeur, voire inventer purement et simplement un autre système.
Nous devons repenser également les soutiens des éco-organismes, car le financement des filières dédiées, qu'il s'agisse des emballages, des pneus, des produits dangereux ou des déchets électroniques, reste incomplet et peu transparent. Le principe de responsabilité élargie du producteur doit s'y appliquer. Il faut procéder à une remise à plat du fonctionnement des éco-organismes et faire en sorte que les collectivités locales soient associées plus étroitement à l'élaboration de leur mise en oeuvre et de leur financement.
L'optimisation de la gestion des déchets, en termes de collecte, de valorisation, de traitement, mais aussi de réduction de la production représente un enjeu majeur de la préservation et de l'amélioration de notre environnement. Face à cet enjeu, les acteurs institutionnels locaux que sont les communes et les intercommunalités sont confrontés, ensemble, à d'importants défis techniques, économiques et d'information.
Monsieur le ministre d'État, il est impératif et urgent de soutenir tous les acteurs concernés grâce à une nouvelle loi de programmation ambitieuse sur la gestion des déchets. Saisissons l'opportunité historique et politique qui nous est offerte par le Grenelle de l'environnement pour en hâter l'élaboration, l'adoption et la mise en oeuvre. Vous avez d'ailleurs pu constater à quel point Mme Voynet était impatiente de voir aboutir un certain nombre de sujets !
Sourires
Je sais maintenant que je ne suis plus seule à défendre l'environnement !
M. Dominique Braye. Nous contribuerons ainsi efficacement à la qualité de notre environnement, à la santé de nos concitoyens, à la préservation de nos ressources naturelles et énergétiques. J'en suis persuadé, ce sera faire oeuvre utile pour le développement durable d'une société écologiquement responsable.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Nous voici dans une phase décisive du Grenelle de l'environnement. Il s'agit d'engager la conversion écologique de la France, et il faudra choisir. La vie quotidienne des Français doit changer et, vous avez eu raison de le dire, monsieur le ministre d'État, ce n'est pas forcément plus difficile de vivre « écolo » que de vivre « jetable ». Cependant, avant de parvenir à vos fins, il vous faudra résoudre trois problèmes de taille : premièrement, comment réussir sans investissement massif de l'État ? Deuxièmement, comment réussir à atteindre les objectifs par la seule incitation, c'est-à-dire sans contrainte ? Troisièmement, comment avancer dans le bon sens sans modifier considérablement la donne dans nos territoires ?
S'agissant des investissements, vous savez que les chantiers les plus nécessaires en matière de transports s'annoncent aussi comme les plus coûteux : je pense plus particulièrement au développement du fret et aux transports en commun en site propre en milieu urbain. Le « plan fret » passe au minimum par le rattrapage du retard accumulé dans l'entretien des infrastructures secondaires et par la réalisation des projets ferroviaires et maritimes programmés lors du CIADT, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, qui s'est tenu en 2003, programme évalué, à l'époque, à 20 milliards d'euros.
En matière d'offre de transports en commun, si les grandes villes ont accompli de véritables miracles ces dernières années, compte tenu de l'évaporation des aides de l'État, les banlieues et les villes moyennes ont été les grandes oubliées des programmes d'équipement. Les experts du Grenelle de l'environnement évaluent ainsi à près de 40 milliards d'euros les investissements nécessaires d'ici à 2020 pour que les bons résultats obtenus en matière de report modal à Lille, à Nantes, à Lyon puissent être étendus à toute la France.
Au total, ce sont donc au minimum 60 milliards d'euros qu'il faudra trouver pour financer tous ces investissements. Les collectivités n'y arriveront pas toutes seules, d'autant que nombre d'entre elles ont déjà utilisé toutes leurs marges de manoeuvres en matière de versement « transports ». Il est donc temps de dénicher de nouvelles ressources dynamiques locales, pour qu'avec l'aide de l'État, avec, au besoin, l'intervention de l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, mais une AFITF aux missions rénovées et aux objectifs en matière de développement durable clairement affichés, les régions et les communautés d'agglomération soient en mesure d'engager, enfin, les grands travaux nécessaires.
Pour ces ressources nouvelles, monsieur le ministre d'État, je vous invite à utiliser à plein le droit à l'expérimentation permis par la Constitution. Ce sera aussi l'occasion pour notre économie de créer entre 60 000 et 100 000 emplois, et ce sans compter les emplois induits sur le long terme.
Dans le domaine du logement, mon inquiétude est d'une autre nature : fixer des objectifs, c'est bien ; inciter fortement tout le monde à les atteindre, ce serait mieux. On le sait, en France, 63 % du parc de logements existant a été construit avant 1975. Ce sont ainsi 19 millions de logements qui ne sont soumis à aucune norme d'isolation ni à aucune limitation en termes de consommation d'eau.
Pour ces logements, deux propositions ont plus particulièrement attiré mon attention : la création d'outils bancaires adaptés et l'obligation de rénovation à la mutation. Si elles ne font pas la une des médias, elles ont toutefois ma préférence, à une ou deux conditions près. Il ne suffira pas, en effet, de créer de nouveaux outils bancaires, comme l'a prouvé la malheureuse expérience du livret de développement durable. Non, ce sont les prêts immobiliers qu'il faut faire évoluer, pour permettre la prise en compte des nouveaux critères en matière d'économies d'énergie et d'eau.
Dans cet esprit, c'est l'éco-conditionnalité des aides à l'accession à la propriété qui doit devenir la règle. Parallèlement, la production autonome d'énergie à usage domestique doit être encouragée, non seulement pour les propriétaires habitants, mais aussi pour les bailleurs, au bénéfice des locataires. L'obligation de rénovation à la mutation peut sembler radicale, mais c'est le seul moyen de rendre cette rénovation incontournable.
Je ne sous-estime pas l'importance des politiques d'accompagnement à mettre en place pour certains propriétaires ni les efforts nécessaires pour que la filière, aujourd'hui à la peine, s'adapte à la demande. Mais un tel programme générera lui aussi plus de 100 000 emplois directs non délocalisables, ce qui est une bonne chose. Je suis certain que vous serez sensible à cet argument, comme tous les décideurs publics.
J'ajouterai quelques mots à propos des bâtiments neufs.
Vous nous proposez une « rupture technologique » avec, en point de mire, la généralisation de la construction à énergie positive en 2020. Il faut reconnaître que c'est ambitieux !
Mais comment atteindre de tels objectifs sans rendre obligatoire l'éco-conditionnalité des permis de construire ?
Comment pensez-vous résoudre l'équation du surcoût écologique et de la production de logement abordable sans le soutien financier des collectivités et de l'État ?
Enfin, comment l'État s'assurera-t-il que, chaque année, les obligations seront remplies ?
L'effort financier consenti par les propriétaires de nouvelles habitations pourrait être compensé par un allégement de la fiscalité locale, notamment de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier bâti. Une telle mesure, qui aurait l'avantage de ne pas entraîner de diminution des recettes actuelles des collectivités locales, peut faire l'objet d'une écoute attentive de la part des élus locaux.
Ces questions m'amènent à évoquer le troisième de vos soucis, monsieur le ministre.
À l'instar de l'association France Nature Environnement, FNE, je me réjouis que l'on envisage de rendre obligatoires les plans climats territoriaux dans les agglomérations et de conditionner l'urbanisation à la desserte en transports collectifs.
Mais permettez-moi d'être un peu moins optimiste que FNE sur l'avenir de ces propositions.
Vous le savez, monsieur le ministre d'État, pour aboutir sur ces points, il vous faudra accomplir une révolution que personne n'ose attaquer de front : modifier en profondeur la distribution des compétences locales et changer, parallèlement, le droit et la maîtrise de la destination des sols. Vous devrez faire en sorte que l'intercommunalité, reconnue par tous les acteurs du Grenelle de l'environnement comme la bonne échelle de décision en matière d'aménagement, devienne enfin l'autorité organisatrice de l'aménagement durable.
Les politiques publiques de l'aménagement ne seront durables que si elles sont coordonnées. Et elles seront coordonnées si elles sont conduites à la bonne échelle par des collectivités qui disposent de tous les leviers pour agir. La maîtrise foncière fait tout : elle permet, notamment, de programmer la réalisation d'infrastructures de transport en commun, la densification urbaine ou l'implantation des entreprises.
Vos propositions ne seront crédibles que si elles s'accompagnent des modifications législatives et règlementaires nécessaires à leur application.
Serez-vous « le » ministre qui fera enfin en sorte que les plus-values réalisées par les propriétaires fonciers et immobiliers de notre pays, dont le capital est valorisé par les décisions publiques locales, contribuent au financement de la ville, notre espace public partagé ?
Vous avez une occasion extraordinaire de faire bouger les choses dans les territoires : donner plus de responsabilités aux intercommunalités, mais aussi faire évoluer le droit et la fiscalité de l'urbanisme pour que les comportements vertueux se généralisent et soient encouragés.
Monsieur le ministre d'État, le consensus est réel. Il y a quelques années, certains de vos prédécesseurs et d'autres responsables politiques incitaient nos concitoyens, comme vous aujourd'hui, à changer leur vision de l'avenir et de la planète, préconisant une modification de nos modes économiques de production ; ils se heurtaient souvent à la raillerie, à l'obscurantisme. L'évolution actuelle des mentalités, notamment le fait que 93 % de nos concitoyens se disent prêts à faire un effort pour l'environnement, c'est aussi leur victoire. Je souhaite que nous ne les oubliions pas.
Espérons également que les conversions tardives et quelque peu rapides de ceux qui estimaient, à l'époque, que les questions environnementales, c'était du vent, ne soient pas fugaces mais durables. Monsieur le ministre d'État, ne faites pas le chemin à moitié !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, partager des idées, c'est, on peut l'espérer, les renforcer. L'exercice auquel nous nous plions aujourd'hui va dans ce sens. L'ouverture de ce grand débat national a le mérite, entre autres, de rappeler que ces questions ne sont pas l'affaire des seuls spécialistes puisque 93 % des Français se disent prêts à faire des efforts pour préserver l'environnement.
Les travaux conduits au cours de cette première phase, au sein des six groupes de travail, ont permis de porter au débat de nombreuses propositions. Je salue, en particulier, la participation de nos collègues Jean-François Le Grand et Marie-Christine Blandin, qui ont présidé le groupe n° 2, « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles ». Rapporteur pour avis des crédits de l'écologie, au nom de la commission des affaires culturelles, je suis particulièrement attentif à la politique de préservation de notre patrimoine naturel.
Nous avons mis en place des outils remarquables, qui suscitent une très large adhésion ; je pense, bien sûr, aux parcs et réserves naturels, mais aussi à la grande « loi littoral » et à l'action du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, le CELRL. Les travaux du Grenelle de l'environnement devraient être l'occasion, si nécessaire, de clarifier les objectifs que nous avons fixés et d'identifier les cibles prioritaires.
Le succès repose sur un équilibre subtil : concilier les exigences de protection de la nature et de valorisation des territoires, mais aussi de leur aménagement. L'une des propositions du groupe n° 2 est de créer une « trame verte nationale », c'est-à-dire un réseau des espaces naturels de l'ensemble du territoire. Si cette proposition représente une opportunité de lutter contre la fragmentation de ces espaces, je ne peux qu'y souscrire. J'y reviendrai en évoquant la question de l'étalement urbain.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, sur un aspect quelque peu oublié jusqu'à présent dans les débats : la question du paysage. Il s'agit pourtant d'une dimension essentielle et transversale de toute politique de développement durable, sur le plan tant de la beauté de l'environnement que de la sauvegarde de la diversité.
Les associations de protection du paysage ont regretté de ne pas avoir été plus impliquées dans la première phase du Grenelle de l'environnement. Je souhaite que leur voix puisse être entendue à l'occasion de la phase de consultations qui se poursuit en régions.
À de nombreuses reprises, j'ai interpellé vos prédécesseurs, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, sur la problématique de la dégradation du paysage, pas seulement naturel mais aussi urbain, notamment à l'occasion de mon rapport sur les « entrées de ville ».
Les paysages sont en effet un trait d'union entre la nature et la culture. Prendre en compte cette dimension garantit la cohérence de nos démarches. C'est pourquoi, tout en soutenant les objectifs fixés en termes de production d'énergies renouvelables, j'ai souligné l'an passé, à l'occasion du débat budgétaire, la nécessité de promouvoir un développement choisi des éoliennes sur notre territoire.
La question des paysages m'amène naturellement au thème de l'étalement urbain, sur lequel je souhaite attirer votre attention.
Le groupe n° 1, « lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande énergétique » propose, dans son rapport, des mesures concrètes contre l'étalement urbain, c'est-à-dire contre le développement rapide et anarchique des surfaces urbanisées, en particulier en périphérie des villes. Le rapport du groupe n° 2 sur la biodiversité recommande même d'inciter à une « densification urbaine de qualité ». Ces propos sont lourds de conséquences, mais il convient d'y réfléchir.
En effet, même si la France reste l'un des pays les moins densément peuplés en Europe, notre ressource foncière n'est pas illimitée. Le développement de l'urbanisation récente l'a déjà bien entamée, et souvent de manière inconsidérée. Le rythme auquel nous consommons l'espace rural est très préoccupant : 60 000 hectares de zones agricoles ou naturelles sont remplacés, chaque année, par des zones artificialisées. Ce phénomène ne touche plus seulement les périphéries des capitales régionales et le littoral, comme dans le Calvados, avec les conséquences que nous connaissons sur la fréquence des inondations ; il touche aussi les régions les plus rurales.
Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre d'État, il nous faut trouver des « solutions innovantes, concrètes et raisonnables ».
Le groupe de travail n° 1 propose donc d'élaborer une « loi pour une gouvernance adaptée à la mobilité durable », donnant notamment aux pouvoirs publics de nouveaux outils : une obligation d'étude d'impact et de programmation préalable de transports en commun adaptés ainsi qu'une meilleure articulation des différentes politiques dans les documents d'urbanisme. Il est même question de « zones de densification environnementales », dotées de coefficients d'occupation des sols majorés à proximité immédiate des transports en commun.
Le groupe n° 4, « adopter des modes de production et de consommation durables », propose également des pistes pour densifier les zones bâties. Voilà de beaux sujets pour les plans locaux d'urbanisme, les PLU, et peut-être même pour les schémas de cohérence territoriale, les SCOT ! Mais n'oublions pas le goût de nos concitoyens et mesurons bien le coût des études.
Il est vrai que le coût énergétique de l'étalement urbain est très élevé du fait de l'accroissement des déplacements, en majorité automobiles. Il est également plus difficile d'isoler et de chauffer les constructions de faible densité.
Mais l'étalement a bien d'autres conséquences néfastes que le réchauffement climatique et l'épuisement de nos ressources énergétiques : l'émiettement des zones construites et, par conséquent, le morcellement de l'habitat naturel menacent la biodiversité. Cet émiettement constitue une entrave à la reproduction entre les différentes populations d'une même espèce et risque de réduire la diversité biologique. La qualité des biotopes passe ainsi par leur continuité.
De même, l'équilibre écologique de nos ressources en eau est en jeu. Le développement de la maison individuelle pose aussi le problème de l'assainissement et de son coût. Doit-il être collectif ou contrôlé par les services publics d'assainissement non collectif, les SPANC ? Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ne s'en sortent plus et on repousse les échéances posées dans la loi sur l'eau.
Enfin, les conséquences sur l'agriculture ne doivent pas être oubliées.
On oppose souvent, à tort, performance économique et protection de l'environnement, notamment en matière d'agriculture. En l'occurrence, l'étalement urbain menace les deux : d'une part, il conduit parfois à entraver la circulation des engins agricoles, d'autre part, l'ensemble du monde agricole exprime la crainte de voir disparaître peu à peu les espaces agricoles.
La demande de produits alimentaires augmente. L'autonomie de l'Europe redevient une question d'actualité et notre pays y joue un rôle de premier ordre. Il ne faut pas l'oublier !
Toutes ces questions vont exiger des réponses à long terme, qui passent, d'abord, par une analyse lucide des causes de l'emballement de l'étalement urbain.
À mon sens, il ne faut pas se limiter à mettre en cause la seule demande. Certes, nos concitoyens préfèrent la maison individuelle. Mais c'est souvent parce que l'offre en matière de logement collectif ne répond pas à leurs aspirations. Le collectif est devenu trop cher et le prix du foncier n'est pas seul en cause : il faut compter avec les coûts de construction et de gestion. Il est aujourd'hui plus avantageux de construire des petits lotissements, qui deviennent, de ce fait, le modèle de développement dominant.
Certains pourraient s'étonner d'entendre aujourd'hui un plaidoyer en faveur de la densification, tant celle-ci est associée dans les esprits à un cadre de vie dégradé, coupé du vivant. Pourtant, c'est seulement en redonnant envie de vivre ensemble, dans des logements collectifs à haute qualité environnementale, que l'on répondra, à la fois, aux aspirations de nos concitoyens et aux impératifs environnementaux. Il faut rendre économiquement rationnel le choix d'investir dans des logements collectifs ou contigus et recréer la rue, avec un grand R. Car la rue, c'est la vie !
Vous l'avez dit, monsieur le ministre d'État, la croissance durable est possible. C'est même son caractère durable qui sera la condition de la croissance.
Il en va de même pour un urbanisme durable. Dilapider l'espace rural est irréversible. Réparer les erreurs d'une urbanisation non maîtrisée est toujours difficile et coûteux. On voit aussi combien il est difficile de traiter les maux nés du modèle des grands ensembles construits dans les années soixante et soixante-dix. Si l'on n'y prend garde, il pourrait s'avérer tout aussi difficile de revenir sur les conséquences néfastes de l'étalement urbain actuel.
Je compte sur vous, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, pour mettre en oeuvre les stratégies nécessaires afin que la ville cesse de ramper et se relève.
Il faudra passer de la première phase du Grenelle de l'environnement aux réalisations concrètes. Dans le domaine du développement durable, l'urbanisme reste, à mon avis, l'outil privilégié dont disposent les maires. Il faudra donc veiller à associer plus étroitement les élus à l'occasion de la phase de consultations qui se poursuit en régions. C'est la décentralisation qui leur en a confié la compétence. L'urbanisme ne doit cependant pas perdre sa dimension régalienne.
Votre grand ministère d'État est au croisement de ces choix. C'est une grande et difficile mission qui vous est confiée. Le débat que vous avez organisé est l'occasion pour chacun de confronter ses options avec la réalité et d'avancer sur le chemin complexe du développement durable. Mais n'oublions jamais que le développement durable doit reposer équitablement sur ses trois piliers : écologique, économique et social.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le temps qui m'est imparti dans ce débat m'oblige à me concentrer sur deux thèmes qui font l'actualité de la Guadeloupe : la pollution des sols et le traitement des déchets.
Si le rapport du professeur Dominique Belpomme a eu un retentissement médiatique particulier, il n'est pourtant pas le premier à donner l'alerte sur les conséquences néfastes de l'utilisation du chlordécone dans les sols de la Guadeloupe et de la Martinique.
Compte tenu de la gravité de la situation, c'est une question qui doit faire l'objet d'une attention particulière au sein du Grenelle de l'environnement. Je ne m'étendrai donc pas sur l'historique de la pollution des sols antillais.
Je considère en outre qu'il n'est plus seulement temps de dénoncer les responsabilités, ni même de les rechercher : il est temps de réparer.
On sait que la molécule a été interdite aux États-Unis dès 1976, mais qu'il a fallu attendre 1990 pour que sa commercialisation soit interdite en France, et qu'une dérogation de trois ans a prolongé son utilisation dans les départements d'outre-mer jusqu'en 1993.
Mais l'on sait surtout, et toutes les études s'accordent sur ce point, que la présence du chlordécone dans l'environnement persiste plusieurs dizaines d'années. Ainsi, un rapport sur le chlordécone du Programme des Nations unies pour l'environnement de novembre 2006 concluait que le chlordécone « peut, du fait de sa propagation atmosphérique à longue distance, avoir des effets nocifs appréciables sur la santé humaine et l'environnement qui justifient la prise de mesures au niveau mondial ».
Aussi, dans un contexte de prise de conscience du risque écologique, notamment sur la santé, la pollution des sols de la Guadeloupe et de la Martinique ne saurait être minimisée, pas plus qu'elle ne devrait être dramatisée.
La situation exige un devoir de transparence vis-à-vis des populations : l'étendue de la pollution doit être identifiée, car, incontestablement, la médiatisation de la pollution des sols antillais a réveillé de nombreuses questions et de nombreuses inquiétudes.
La plupart de ces interrogations sont encore sans réponses, laissant place à toutes sortes d'interprétations, toutes plus effroyables les unes que les autres.
Au-delà, la contamination des sols antillais a aussi des répercussions sur l'économie de ces îles, en particulier sur le tourisme et sur l'agriculture.
Pour gérer les conséquences, il faut un plan d'action qui tienne compte de l'historique de la pollution par le chlordécone. Les sols contaminés doivent être répertoriés avec exactitude. Une réflexion doit être menée sur la reconversion des sols cultivés contaminés, par exemple par la culture hors sol, et une indemnisation des agriculteurs envisagée.
S'agissant de la consommation, la traçabilité des produits doit permettre de sécuriser les consommateurs.
Par ailleurs, pour connaître l'impact sur la santé, une étude épidémiologique doit permettre d'établir l'existence ou non d'une relation de causalité entre certaines pathologies prévalant en Guadeloupe et en Martinique et l'ingestion des produits contaminés par le chlordécone.
Vous l'aurez compris, la catastrophe écologique qui touche la Guadeloupe et la Martinique engendre un certain nombre de dommages collatéraux qui justifient une approche écologique transversale.
J'en terminerai par la question du traitement des déchets.
En Guadeloupe, le traitement des déchets est une problématique épineuse qui se place, elle aussi, dans une perspective de développement durable.
Il aura fallu deux ans de procédure pour arriver à doter l'archipel guadeloupéen d'une organisation de traitement des déchets respectueuse de l'environnement et adaptée aux contraintes locales. L'organisation à laquelle nous avons abouti favorise la réduction des tonnages à traiter et le développement des filières de recyclage associant valorisation biologique et énergétique.
Le traitement des déchets, qui est un enjeu encore plus crucial en milieu insulaire, nécessite un engagement financier exceptionnel de tous les pouvoirs publics à l'image des collectivités départementales, régionales et communales.
Je veux donc attirer l'attention du Gouvernement sur l'urgence d'un engagement de l'État pour permettre la concrétisation de ce projet environnemental ainsi que sur la nécessité d'assouplir les procédures.
Monsieur le ministre d'État, les deux sujets que je viens d'aborder devant vous sont de taille, mais j'aurais pu aussi parler de biodiversité et d'énergies renouvelables. Je reste pour ma part persuadé que ce sont là des thématiques qui devraient pouvoir trouver leur place dans le cadre de la réflexion écologique prospective dont vous avez pris l'initiative avec le Grenelle de l'environnement.
C'est dans cette optique que, par courrier, je vous ai demandé la tenue en Guadeloupe d'un atelier décentralisé du Grenelle de l'environnement afin de trouver sur place des solutions aux conséquences catastrophiques de la pollution des sols par le chlordécone. J'espère que votre réponse sera positive.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Nicolas Sarkozy a voulu faire de la question environnementale un enjeu national. On peut dire que c'est réussi.
Dans un cadre inédit, les intervenants du Grenelle de l'environnement ont travaillé dans un esprit conforme au souhait du Président de la République : l'objectif est de rendre compatible la sauvegarde de la planète et la croissance nécessaire au bon fonctionnement de nos démocraties modernes.
D'aucuns considéraient l'assemblage impossible ; le dialogue - une fois n'est pas coutume ! - a eu raison de certaines divergences.
L'état de la planète exige une véritable rupture écologique. Notre environnement est en danger et des avancées réelles et mesurables sont nécessaires au niveau tant mondial que national. Chacun se sent concerné par les enjeux environnementaux et la prise de conscience populaire sans précédent ouvre des perspectives d'avenir extrêmement prometteuses. Pour la première fois, le diagnostic climatique ne fait plus débat et la protection de la planète transcende les appartenances partisanes comme les considérations sociales et culturelles.
Point majeur de divergence, le dossier des OGM suscite les plus vives réactions au détriment de l'information éclairée des citoyens.
Je rejoins largement les auteurs du rapport du groupe de travail sur les OGM du Grenelle de l'environnement lorsqu'ils incitent la communauté scientifique à bâtir « une science qui réponde aux questions que se pose la société ».
Comment faire la part des choses entre les chercheurs qui homologuent les plants transgéniques et les manifestations parfois violentes des anti-OGM ? Nos concitoyens exigent la vérité et la transparence sur ce sujet.
Par ailleurs, en tant qu'élu d'Île-de-France, je ne peux que m'inquiéter du mauvais état du parc immobilier francilien, qui est le plus « énergivore » de France. Le bâti constitue un vecteur d'émission de gaz à effet de serre trop longtemps sous-estimé. Malheureusement, le DPE, c'est-à-dire le diagnostic de performance énergétique, ne remplit pas pleinement son rôle.
Souvent considéré par le contribuable comme une taxe injustifiée, le DPE manque de clarté tant en termes de notation des bâtiments que d'information de la population.
La constitution d'un Haut conseil de l'expertise permettra certainement de planifier les critères de notation du bâti et d'établir un cahier des charges opérationnel destiné à uniformiser les pratiques et les tarifs du diagnostic.
Le parc immobilier est au coeur des préoccupations écologiques. En effet, 40 % de l'énergie produite en France est consommée par les ménages pour leurs besoins domestiques. Dans ce sens, je souscris à l'initiative qui vise à ouvrir un immense chantier de rénovation des bâtiments anciens pour réduire la consommation courante de 20 % dans les bâtiments tertiaires et de 12 % dans les bâtiments résidentiels en cinq ans.
Mon expérience d'élu local me pousse cependant, monsieur le ministre d'État, à solliciter une mutation importante des métiers du bâtiment, aujourd'hui largement « distancés » en ce qui concerne les problématiques de protection environnementale.
Maire de Neuilly-Plaisance, en Seine-Saint-Denis, j'ai fait récemment l'expérience de la création d'une crèche municipale aux normes « haute qualité environnementale » - crèche à l'inauguration de laquelle je vous invite d'ailleurs, le 10 novembre prochain, madame, messieurs les ministres - et je dois dire que l'appel d'offres a viré au cauchemar du fait du manque flagrant d'expérience des entreprises et des cabinets d'architecte en matière environnementale : après un premier appel d'offres infructueux, nous avons reçu lors de l'appel d'offres suivant des propositions émanant de trois entreprises et qui allaient du simple au triple.
Aussi serait-il souhaitable de mettre en place un organisme chargé d'apporter une assistance technique et administrative aux entrepreneurs dans l'établissement des études, des devis et des délais à tenir ainsi que dans la réalisation des travaux.
Par ailleurs, un volet « formation » doit voir le jour afin de sensibiliser les futurs acteurs du secteur aux méthodes de la construction durable.
À l'image de l'écoquartier londonien de Beddington Zero Energy Development, ou BedZED, il faut développer un plan volontariste de construction d'habitats respectueux de l'environnement. Cette initiative doit être poussée dans toutes les communes qui projettent d'engager des programmes immobiliers d'ampleur.
Par ailleurs, Paris et la région d'Île-de-France doivent jouer le rôle de « moteur » en termes de réalisations architecturales innovantes et écologiques. La capitale est malheureusement très en retard. Si le monde entier consommait autant que les Parisiens, trois planètes ne suffiraient pas à fournir les besoins énergétiques !
S'agissant des bâtiments neufs, je note avec intérêt la volonté manifestée dans le cadre du Grenelle de l'environnement de porter la part des constructions à basse consommation à 30 % environ à l'horizon 2012. Cet engagement doit s'accompagner d'une nouvelle appréciation des critères d'édification. En effet, l'extension du parc immobilier entraîne une hausse de la pollution. Plus une ville est étendue, plus elle consomme d'espace naturel et plus elle impose de recourir à des moyens de circulation polluants.
L'Institut français de l'environnement déplore cette boulimie d'espace qui ne semble pas se justifier dans les chiffres : tandis que la population a progressé de 11 % au cours des vingt dernières années, la minéralisation des terres a augmenté de 40 % !
L'enjeu est double : répondre à la crise du logement tout en respectant l'exigence écologique.
Par ailleurs, la mondialisation nous pousse à poser la question du codéveloppement environnemental.
La croissance africaine, à peine inférieure à 6 %, risque de faire basculer un continent entier dans les travers de nos sociétés industrialisées. L'état d'urgence doit être décrété.
Dans le cadre du partenariat qui lie ma ville à l'île de Nosy Be à Madagascar, un projet de rénovation d'une école va être entrepris au plus près des enjeux d'écodéveloppement et en association avec l'ADEME, qui apportera son expertise technique à l'installation des panneaux solaires et à la rénovation des équipements. Par ailleurs, nous avons avec le CIRAD, le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, un projet très avancé de production de biocarburants.
Il faut favoriser et multiplier les codéveloppements de ce type, mais les collectivités locales, de plus en plus nombreuses, qui se lancent dans l'aventure se sentent bien seules. Il faut les aider, madame, messieurs les ministres, et pas nécessairement financièrement.
Le Président de la République a consacré une partie de sa première visite au Gabon à la lutte contre la déforestation. Je suis en adéquation avec cette démarche. L'adaptation des populations et des pays les plus vulnérables aux changements climatiques est une priorité absolue trop souvent absente de nos préoccupations nationales.
Le Président de la République a décidé d'engager 430 millions d'euros d'aide publique dans le financement de projets écoresponsables à destination des pays en voie de développement. Cette initiative démontre son engagement total en faveur du codéveloppement.
Monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, l'existence du monde tel que nous le connaissons est comptée et nos débats témoignent de cette prise de conscience politique salutaire bien que tardive, mais le plus dur reste à accomplir : convertir les études et les débats en réalité tangible !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens d'abord à exprimer publiquement mes profonds remerciements aux différentes organisations non gouvernementales écologistes qui, après avoir proposé le concept de Grenelle de l'environnement, se sont pleinement investies et ont ainsi permis des avancées substantielles.
L'essentiel de mon propos étant axé sur la question des OGM, je tiens à saluer ici les avancées issues de la phase préparatoire du Grenelle de l'environnement.
En tant qu'agronome, ingénieur du génie rural des eaux et des forêts, je salue également la reconnaissance officielle - certes tardive - des disséminations qui menacent les cultures agricoles traditionnelles, biologiques ou non.
En effet, la réalité des contaminations par des cultures OGM avait été constamment niée par le gouvernement précédent...
C'est d'ailleurs de ce déni de réalité, aggravé par les carences du droit positif français, que résulte l'assignation en justice de l'État par la commune de Wattwiller, commune dont je suis maire : le ministre de l'agriculture avait refusé en 2006 d'établir à titre préventif des périmètres de protection autour des parcelles en cultures biologiques, précisément cadastrées sur le ban communal.
La proposition de créer une Haute autorité sur les biotechnologies constitue une autre avancée significative des travaux préparatifs du Grenelle de l'environnement. Elle mettrait enfin un terme au monopole de la commission du génie biomoléculaire, dont les dysfonctionnements sont désormais reconnus publiquement.
Cette Haute autorité devrait permettre un changement radical de cap, avec la mise en oeuvre des expertises nécessaires, c'est-à-dire d'expertises transversales, contradictoires et indépendantes, sous réserve, évidemment, que les financements adaptés, à la charge des pétitionnaires créateurs d'OGM, « suivent » effectivement !
La dernière avancée, essentielle mais pour l'instant parfaitement formelle, réside dans la reconnaissance du droit à produire sans OGM.
Il est temps, en effet, d'apporter à tous les producteurs traditionnels et apiculteurs, à ceux qui jouissent d'un label comme à ceux qui n'en disposent pas, la garantie de la liberté de produire sans OGM.
De même, chacun doit se voir garantir la liberté de consommer dans son assiette des produits sans OGM.
Alors que plusieurs États européens ont décidé de ne pas ouvrir en grand les vannes de la culture d'OGM en plein champ, la France ne peut plus se permettre de continuer à refuser d'assurer la protection concrète attendue par toutes celles et tous ceux qui ne veulent pas voir leurs récoltes contaminées.
Je veux insister sur ce point : la liberté d'entreprendre doit être garantie ! En l'occurrence, celle des transgéniculteurs - les producteurs d'OGM - se heurte manifestement à la liberté d'entreprendre de ceux qui produisent sans OGM.
Bis repetita placent, monsieur le ministre d'État, je me permets donc de rappeler ici un célèbre discours prononcé par Lacordaire dès le xixe siècle, qui déclarait en substance : dans un monde de forts et de faibles, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui protège.
Le projet de loi adopté au Sénat, à l'issue d'un travail approfondi, que l'Assemblée nationale avait été incapable de conduire, est présenté par certains de nos collègues comme le fondement de toute réforme. Je crois que c'est une erreur, car ce texte contient des insuffisances rédhibitoires : l'absence de transparence, le non-respect du principe de précaution inscrit dans notre Constitution, ainsi que le non-respect d'un certain nombre d'exigences minimales définies par les directives 1998/81/CE et 2001/18/CE.
Aujourd'hui, grâce au Grenelle de l'environnement, le contexte sociétal a bien évolué en comparaison de celui qui prévalait en 2006. Il semble en être de même en ce qui concerne les positions adoptées par certains membres du Gouvernement, y compris par vous-même, monsieur le ministre d'État.
En revanche, ce qui n'a pas changé, c'est le refus des OGM par les Français : 86 % d'entre eux demeurent défavorables à leur diffusion massive dans l'environnement.
En conséquence, le Grenelle de l'environnement me paraît être une opportunité sans précédent d'élaborer un nouveau projet de loi enfin en phase avec les attentes de la société et respectant le cadre législatif européen.
Évitons toute confusion, toute précipitation dans la rédaction d'une loi. Il convient de lancer enfin ce grand débat contradictoire tant attendu en abordant les aspects scientifiques, techniques et éthiques. Il permettra d'atteindre concrètement les objectifs que j'évoquais tout à l'heure : la liberté de consommer et la liberté de produire sans OGM.
Néanmoins, soyons clairs, une telle orientation législative ainsi que l'assurance du caractère démocratique du Grenelle de l'environnement exigent une véritable « rupture » : cessez de laisser les lobbies industriels et financiers ainsi que certains lobbies agricoles productivistes continuer à dicter leur loi, y compris au monde de la recherche, comme ils ont toujours pu le faire jusqu'à présent !
Monsieur le ministre d'État, nous attendons des propositions concrètes, précises, afin que cette « rupture » si nécessaire ne se limite pas aux intentions affichées, mais devienne effective.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'interviens aujourd'hui avec beaucoup de plaisir, car le thème de l'environnement et de la biodiversité m'est cher.
Utilisateur du milieu naturel en tant que chasseur, pêcheur et randonneur, j'ai appris à apprécier le bonheur que peut nous apporter la nature, tout en mesurant la fragilité des écosystèmes, dont nous n'appréhendons pas toujours la complexité, face à l'impact des hommes.
Je tiens à féliciter le Président de la République et le Gouvernement d'avoir pris l'initiative du Grenelle de l'environnement et de vous en avoir confié la responsabilité, monsieur le ministre d'État. Vous montrez clairement aux Français l'intérêt de l'État pour l'environnement et une volonté de développement durable, et ce dans toute la France, y compris en outre-mer, ce dont je me réjouis. N'ayant pas de connaissance approfondie de tout l'outre-mer, je me contenterai de parler de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Des études ont été menées récemment pour permettre aux habitants de l'archipel de mieux mesurer les richesses que représente la biodiversité de nos îles. En effet, le recul de spécialistes venant de l'extérieur, du continent, nous permet de mieux découvrir notre faune et notre flore. Saint-Pierre-et-Miquelon étant le plus petit territoire de la République, la gestion raisonnée de notre biodiversité y est presque plus importante, le moindre déséquilibre entre les espèces pouvant rapidement avoir des conséquences, parfois lourdes.
Loin de moi l'idée de faire table rase du passé, mais depuis le temps où nos ancêtres élevaient et cultivaient pour subsister, bien des choses ont évolué. L'environnement est aujourd'hui plus utilisé pour les loisirs que pour subsister, contrairement à autrefois, d'où parfois un manque d'attention, qui, dans certains cas, peut nuire au milieu et, par voie de conséquence, à nous-mêmes.
Je me réjouis que, au cours de ce Grenelle, Saint-Pierre-et-Miquelon ait été mis en évidence, notamment grâce à notre éminent collègue Jean-François Le Grand. J'ai maintenant l'assurance que cette collectivité territoriale de l'Atlantique Nord-Ouest, dont l'intérêt environnemental est reconnu non seulement sur un plan national, mais aussi à une échelle internationale, ne sera pas oubliée et qu'elle sera même valorisée à l'avenir.
Outre notre richesse halieutique, qu'il convient évidemment de préserver, nous possédons la seule forêt boréale de tout le territoire français.
Parmi la grande diversité faunistique, signalons également que 130 000 couples de pétrels océaniques ont élu domicile à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui nous place parmi les premières populations mondiales. Autre petit exemple de richesse : la flore n'offre pas moins de cent espèces d'orchidées.
Je n'entrerai pas plus dans le détail sur ces atouts, qui ont parfaitement été soulignés par la mission conjointe du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables et du Muséum d'histoire naturelle, complétée par des scientifiques représentant tous les aspects de la biodiversité. Elle doit remettre son rapport sous peu. J'en profite d'ailleurs pour remercier ces scientifiques de leur qualité à la fois technique et humaine.
J'aimerais simplement insister sur notre forêt boréale unique, qui mérite que nous y prêtions une attention toute particulière en raison de sa fragilité. Elle doit être préservée, et ce en concertation avec tous les habitants, tous les usagers attachés à cette nature. C'est d'ailleurs en cela que j'approuve tout à fait la démarche du Grenelle de l'environnement, qui consiste à consulter la société civile et le grand public. Cette méthode est certainement un gage de réussite.
Je suis personnellement convaincu de l'intérêt de la préservation de la biodiversité. L'avenir même de la planète, donc de l'homme, en dépend. Ce message, nous avons le devoir en tant qu'élus de le porter auprès des populations locales. Cela implique que des changements pourraient intervenir dans notre vie quotidienne, ce qui n'est pas toujours facile à faire passer.
Pour étayer ce message, il faut qu'une véritable stratégie soit établie, accompagnée d'écoute et de pédagogie, afin de bien faire comprendre et admettre qu'une gestion raisonnée de l'environnement ne s'inscrit pas dans la rigueur ou les privations, mais bien au contraire dans une durabilité afin de préserver une qualité de vie et d'encourager un développement économique pour les générations futures, donc pour nos enfants.
Nous devons tout faire afin de démontrer que l'environnement peut être générateur d'économie. Cette gestion doit donc s'accompagner de moyens humains et financiers suffisants, à la hauteur de nos ambitions ainsi que de l'urgence à laquelle nous sommes confrontés.
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous me rassurer sur le fait que Saint-Pierre-et-Miquelon aura les moyens nécessaires de mettre en oeuvre cette politique environnementale et de devenir une plateforme de rencontres et d'échanges avec ses voisins canadiens, en accueillant des missions et en organisant des conférences thématiques ? Tous ces éléments permettront à l'archipel de devenir un pôle d'excellence français dans le Nord-Ouest Atlantique.
J'en profite pour souligner le contexte favorable de cette préservation et de cette valorisation de notre environnement. En effet, à la suite de ma mission de coopération régionale avec le Canada, des spécialistes canadiens ont clairement formulé leur volonté de travailler avec des organismes français tels que l'IFREMER sur l'impact des océans, en l'occurrence le Nord-Ouest Atlantique, sur le réchauffement climatique. D'ailleurs, sur mon initiative, une première rencontre de scientifiques a eu lieu dans l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon au début du mois de juillet dernier.
Monsieur le ministre d'État, la biodiversité outre-mer est véritablement une richesse et une chance pour la France. Cela implique donc la mise en oeuvre d'un véritable plan d'accompagnement et de valorisation.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, le ministre d'État, Jean-Louis Borloo, le secrétaire d'État chargé des transports, Dominique Bussereau, et moi-même nous voudrions remercier tous ceux qui ont participé à ce débat et qui se sont particulièrement impliqués dans cette première phase du Grenelle de l'environnement. Nous espérons qu'ils continueront à s'impliquer lors de la deuxième et de la troisième phases et même dans les groupes de suivi.
Nous remercions également le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, le président du groupe de suivi, Bruno Sido, et le rapporteur, Paul Raoult, du travail qu'ils ont accompli.
Nous remercions enfin les sénateurs membres du groupe de suivi et tous ceux qui ont participé aux ateliers. Je pense à Jean Bizet, à Fabienne Keller, à Marcel Deneux, à Claude Saunier, à Évelyne Didier, à Pierre Laffitte, à Jean-François Le Grand, à Marie-Christine Blandin, à Dominique Braye, à Jean-Pierre Vial et à Pierre Jarlier.
Ce n'est pas un hasard si les sénateurs sont aussi présents sur ces thèmes. Les travaux de la Haute Assemblée en la matière sont en effet anciens. Nous avons évoqué tout à l'heure le rapport d'information sur l'évaluation de l'ampleur des changements climatiques rédigé en 2001 par Marcel Deneux, qui a été un pionnier. Il y a également eu plus récemment le rapport de Pierre Laffitte et de Claude Saunier ainsi que, à l'occasion de travaux plus informels, l'excellent travail de Jean-François Le Grand et de Marie-Christine Blandin sur la biodiversité.
Jean-Louis Borloo, Dominique Bussereau et moi-même nous apprécions cette présence du Sénat dans le Grenelle de l'environnement. Nous participons toujours très volontiers aux auditions qu'il organise. Nous souhaitons que cette présence se poursuive, car nous avons besoin de la Haute Assemblée pour les suites législatives éventuelles à donner au Grenelle de l'environnement, ainsi que de son regard sur les différentes propositions issues des ateliers. Nous avons également besoin du regard des Français. C'est pourquoi nous allons à leur rencontre par le biais de la consultation sur Internet et au travers des forums régionaux qui commenceront demain soir.
Nous avons noté l'intérêt que vous portez à la méthode du Grenelle de l'environnement. Ce point a été évoqué notamment par Pierre Laffitte, Gérard Delfau et Pierre Jarlier.
Nous avons également entendu les réticences qui ont été émises ; je pense en particulier à l'intervention d'Évelyne Didier, que j'ai personnellement interprétée comme un appel à l'action.
C'est vrai, Claude Saunier et Odette Herviaux l'ont dit, le calendrier est extrêmement contraint. En ce sens, le Président de la République nous a demandé que la troisième phase du Grenelle de l'environnement - la table ronde - ait lieu avant la fin du mois d'octobre. Comme l'a précisé Fabienne Keller, un calendrier contraint est aussi une façon de densifier le débat. Nous essayons d'en faire une opportunité.
Il est difficile de tout reprendre tant vos interventions sont riches et les sujets du Grenelle nombreux.
Toutefois, je voudrais dire en écho à ceux qui ont évoqué le rôle des collectivités locales - j'ai noté les interventions de Dominique Braye, de Claude Saunier, d'Odette Herviaux et de Thierry Repentin - que le ministre d'État, le secrétaire d'État chargé des transports et moi-même nous sommes très attentifs à cet aspect. Nous avons d'ailleurs récemment reçu le collège des collectivités territoriales. Nous poursuivons de façon très étroite les contacts. Plusieurs mesures, dont certaines sont très innovantes, ont été proposées par les ateliers, telle une modulation de la dotation globale de fonctionnement sur des critères environnementaux.
Sur tous ces sujets, un consensus se dégage pour constater que les collectivités françaises ont encore relativement peu d'autonomie pour développer des politiques avant-gardistes en matière d'environnement. En Espagne, par exemple, les collectivités territoriales peuvent décider que toutes les nouvelles constructions seront équipées de chauffe-eau solaires. En France, actuellement, ce n'est pas possible. Nous pouvons certainement poursuivre dans cette direction-là.
J'ai également entendu l'appel à rationaliser l'action de l'État sur l'environnement dans les régions. Ce point a notamment été évoqué par MM. Pierre Jarlier et Dominique Braye.
Le prochain grand chantier du ministre d'État est la réorganisation du ministère. Ce chantier est déjà lancé, avec pour horizon le mois de décembre. La création de ce grand ministère verra le rapprochement d'administrations qui, traditionnellement, avaient beaucoup de mal à se parler. C'est en quelque sorte l'esprit du Grenelle de l'environnement appliqué à l'administration. C'est une chance également pour l'efficacité des services déconcentrés et donc pour le service aux collectivités territoriales, le contact avec les collectivités territoriales, le travail conjoint sur ces différents enjeux.
Plusieurs orateurs ont évoqué le problème de la fiscalité environnementale, à travers les problématiques du transport, de l'habitat, de l'urbanisme - je pense notamment aux interventions de M. Paul Raoult, de Mme Fabienne Keller et de Mme Odette Herviaux.
Mme Fabienne Keller a dit que la facture de la pollution finit toujours par être payée par quelqu'un, mais pas forcément par les bons acteurs. La formule m'a semblé juste.
En matière de fiscalité environnementale, il y a deux écueils.
Le premier est la fiscalité de financement. Avoir en ligne de mire de nouvelles recettes, envisager l'environnement comme un prétexte agréable pour lever de nouveaux impôts, c'est évidemment peu cohérent avec l'objectif environnemental. En effet, quand on crée de nouveaux impôts, on recherche une assiette large et des taux faibles. L'intérêt est d'avoir une assiette qui ne se réduise pas. Or la fiscalité environnementale a pour objet, au contraire, de faire disparaître progressivement les comportements polluants.
Le second écueil est la fiscalité punitive : on taxe le pollueur parce qu'il est pollueur et qu'il agit mal. Or ce dernier n'a pas toujours d'autre possibilité.
Nous travaillons, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, à des mesures qui mettraient en place une véritable fiscalité environnementale incitative, avec deux objectifs : d'une part, faire évoluer les comportements là où il existe une solution de remplacement et, d'autre part, promouvoir une alternative là où une fiscalité bien ciblée pourrait l'aider à émerger.
Je pense notamment à une alternative technologique, et je réponds là à M. Christian Gaudin. La technologie et la science sont bien intégrées dans cette démarche du Grenelle de l'environnement, mais comme des outils au service d'un développement plus juste et plus durable.
Je dirai un mot sur les OGM. J'ai bien entendu les suggestions de M. Jean Bizet exprimées par M. Bruno Sido. M. Jean Bizet a appelé à mettre en cohérence notre politique avec la Charte de l'environnement, notamment avec le principe de précaution. Cette proposition est évidemment douce à l'oreille de l'ancien rapporteur de la Charte de l'environnement.
Le sujet des OGM a été diversement évoqué par MM. Marcel Deneux et Philippe Darniche, Mme Fabienne Keller et M. Jacques Muller. Ils ont en effet exprimé des points de vue différents.
Nous avons entendu l'appel lancé pour reprendre le travail du Sénat.
Il existe en tout cas actuellement dans les groupes du Grenelle de l'environnement, à la fin de cette première phase de travail, un accord sur le fait que la situation actuelle est peu satisfaisante. La transposition de la directive par décret, intervenue au printemps dernier afin d'éviter une amende de Bruxelles - évidement, il est toujours désagréable d'avoir à payer une amende -, n'a pas permis au débat démocratique d'aller jusqu'à son terme.
Les participants de l'inter-groupe OGM du Grenelle de l'environnement partagent assez largement le désir de recourir à la voie législative. Il faut y voir un hommage au Parlement, notamment au Sénat qui a déjà eu l'occasion d'examiner un texte sur les organismes génétiquement modifiés.
Ce qui est certain, c'est qu'une telle loi devrait permettre de clarifier enfin les mesures de coexistence, la refonte des commissions d'évaluation, dont certaines sont à bout de souffle ou provisoires depuis des années, et le régime de responsabilité juridique en matière de dissémination.
Il faut évoquer aussi, pour être complet, l'urbanisme et le bâtiment.
Je remercie M. Thierry Repentin de son intervention, notamment pour les idées qu'il a développées sur les prêts immobiliers. Il est en effet aberrant que le niveau d'endettement maximal soit le même selon qu'on achète un logement de mauvaise qualité, pour lequel on paiera des charges considérables, ou un logement de très grande qualité, pour lequel les charges seront faibles. En effet, la capacité à rembourser est à l'évidence bien différente suivant la qualité énergétique du bien que l'on acquière.
MM. Ambroise Dupont, Gérard Delfau et Christian Demuynck ont également évoqué ces sujets.
S'agissant du bâtiment, il est possible de conduire des politiques très positives pour l'emploi.
Un des orateurs a parlé de 100 000 emplois non délocalisables si nous réussissions à mettre en place un grand projet de rénovation thermique du bâtiment. Ce serait évidemment une opportunité.
Il me semble d'ailleurs que nous devrions, ensemble, essayer de regarder également ce Grenelle de l'environnement comme une opportunité pour l'économie et pour l'emploi.
M. Jean-Paul Emorine a évoqué une offre de services moteur de croissance. Il a parlé, bien sûr, de mettre l'écologie au coeur de l'économie, mais également de placer l'économie au coeur de l'écologie. M. Bruno Sido a aussi abordé ce thème.
Oui, il existe des emplois dans le secteur de l'environnement. Oui, il y a des emplois à créer dans ce secteur. C'est une part de la réponse aux besoins de financement.
Nous sommes appelés à opérer toute une mutation de l'économie, voire de la société. Il doit s'agir véritablement d'une refondation de nos politiques.
Il faudra certes prendre des mesures, y compris des mesures sectorielles, mais également trouver des financements. Cependant, nous devons aussi garder à l'esprit comme point de mire une croissance plus riche en environnement et en emplois.
Actuellement, le secteur de l'environnement représente environ 500 000 emplois en France. L'Allemagne en compte trois fois plus. Nous devons au moins combler ce retard.
Bref, construire cette nouvelle économie, c'est prendre les devants pour demain.
Tout cela se fera ensemble, dans le respect des particularités de chacun - je pense notamment à l'outre-mer et aux interventions sur ce thème de M. Jacques Gillot, de Mmes Dominique Voynet et Odette Herviaux et de M. Denis Detcheverry.
La grande richesse de l'outre-mer nous crée une obligation, notamment sa grande richesse en termes de diversité biologique qui fait de la France l'une des premières puissances mondiales dans ce domaine. J'utilise à dessein le mot « puissance » car la diversité biologique est certainement pour le monde de demain un argument de la puissance.
Je le disais hier à l'Assemblée nationale : cette richesse de l'outre-mer impose un devoir pour la France, et c'est un devoir envers l'humanité tout entière.
En conclusion, j'accueille avec M. le ministre d'État, Jean-Louis Borloo, et M. secrétaire d'État chargé des transports, Dominique Bussereau, les voeux de réussite qui ont été formés des deux côtés de l'hémicycle respectivement par Mme Fabienne Keller et par Mme Dominique Voynet. Nous les recevons avec beaucoup de plaisir et d'attention. Nous comptons aussi sur vous. Merci à tous !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Nathalie Kosciusko-Morizet a répondu pour l'équipe que nous formons avec Dominique Bussereau qui, lui, est chargé de toute la gestion, du rêve des infrastructures du nouveau siècle. Il est présent du début à la fin.
Je dirai simplement quelques mots sur notre état d'esprit.
D'abord, nous sommes conscients que nous travaillons dans une chaîne : il y a eu des gens avant nous. Nous savons que, pour certaines décisions, le temps n'était pas venu ; il est peut-être maintenant venu. Je souhaiterais qu'ils n'en tirent ni aigreur ni volonté de surenchérir, mais qu'ils éprouvent une profonde satisfaction.
Ensuite, nous le savons, nous devrons à la fois combattre des habitudes faciles et éviter des surenchères. Nous nous comporterons de façon responsable et nous ne serons les otages ni des uns ni des autres. Nous avons suffisamment d'orgueil et assez peu de vanité dans cette affaire.
Enfin, nous savons pertinemment que certains sujets sont globaux et relèvent de notre système qui repose sur les énergies fossiles et le jetable. Ces débats, importants et qui progressent, ne doivent pas nous empêcher de prendre les mesures concrètes immédiates.
En d'autres termes, notre état d'esprit est assez simple : ce qui est difficile, nous le faisons immédiatement ; l'impossible prendra un peu plus de temps !
Applaudissements.
Je remercie les intervenants de la qualité du débat
Je constate que le débat est clos.
La déclaration du Gouvernement sera imprimée sous le numéro 15 et distribuée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.