Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 4 octobre 2007 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Débat sur une déclaration du gouvernement

Jean-Louis Borloo, ministre d'État :

Nous devons hiérarchiser nos priorités, qu'il s'agisse des émissions de gaz à effet de serre ou des pollutions diverses qui portent atteinte à notre santé.

Bien sûr, il faut engager un vaste plan de maîtrise de la consommation d'énergie, car la meilleure des énergies est celle que l'on ne consomme pas, avec, en toile de fond, cette idée assez simple : la réduction de la demande est la voie la plus efficace et la moins coûteuse pour réduire notre facture énergétique.

Il faut bien entendu commencer par les secteurs où les gisements d'économies à réaliser sont les plus importants. C'est à l'évidence le cas du bâtiment - 42 % de notre consommation d'énergie -, des transports, et de l'outre-mer.

Nous disposons en effet, avec l'outre-mer, de toutes les capacités de l'autonomie énergétique. Il n'est pas normal d'avoir calqué le modèle de la Réunion, de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et, un peu plus loin, de la Polynésie sur notre modèle centralisé.

En matière de biodiversité, d'autonomie énergétique, de déchets et de transport, il faudra, en tout état de cause, développer un programme spécifique, particulier, puissant.

L'outre-mer doit devenir une vitrine mondiale du développement durable. Il en a toutes les richesses. La France possède grâce à lui 8 % de la biodiversité dans le monde, et nous avons les capacités de démontrer une autonomie d'énergie durable.

On sait aussi que les transports collectifs joueront un rôle clef. Derrière ce terme, se cache une refondation de notre politique des transports.

Il ne s'agit pas seulement de programmer de nouvelles infrastructures. Il s'agit au contraire de faciliter la mobilité des personnes et des marchandises par des modes de transport faiblement émetteurs : la voie fluviale, le transport maritime, le rail et les transports en commun.

Il faudra simultanément une offre de services nouveaux, une organisation plus concurrentielle du secteur et une nouvelle façon de programmer nos infrastructures. Il faudra plus de tramways et de trains de fret là où leur compétitivité globale est meilleure que celle des autres modes de transport, notamment la route ou l'avion.

S'y ajoutera un volet technologique, indispensable pour réduire les pollutions des véhicules, combiné à une évolution de la réglementation.

La biodiversité doit devenir une nouvelle dimension de l'action publique, non seulement outre-mer, mais aussi sur l'ensemble de notre territoire et de nos côtes.

On sait aujourd'hui que l'extinction de certaines espèces n'est pas une question secondaire. C'est un sujet central pour l'avenir de l'humanité.

Il faudra également aider nos compatriotes à mieux consommer. Il s'agit d'apporter des réponses simples, très opérationnelles et qui ne coûtent pas plus cher que d'autres à la question que tout le monde se pose : comment faire au quotidien pour protéger l'environnement ?

C'est tout l'enjeu du débat sur les étiquettes « carbone », sur les écolabels, sur la limitation du nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, sur le développement des produits bio, etc.

On le voit bien, il s'agit à la fois de questions de santé, de pouvoir d'achat, de réduction des coûts. Il ne s'agit pas seulement de questions énergétiques et de constitution de nouvelles filières, notamment agricoles.

Enfin, il faudra engager - et c'est un objectif que je partage avec Michel Barnier - une réflexion sur l'avenir de l'agriculture.

Je veux que l'on cesse d'opposer artificiellement l'agriculture et l'écologie. Là comme ailleurs, elles se complètent naturellement.

Notre filière agro-alimentaire est l'un des atouts majeurs de l'économie française. Il ne faut pas la fragiliser ; il faut préserver sa capacité à valoriser sa production tout en respectant l'environnement.

Cet équilibre est essentiel. Il explique, d'ailleurs, les orientations qui se dessinent dans le rapport du groupe 4 du Grenelle de l'environnement.

Nous avons une obligation de résultat en matière de qualité de l'eau et de santé : cela suppose - vous le constaterez en lisant de manière approfondie les résultats du groupe 4 - un accord pour les mutations sur les nouveaux itinéraires agro-productifs, une réduction des pesticides dont seules l'ampleur et les modalités sont discutées, ainsi que des moyens d'accompagnement.

Il en est d'ailleurs de même pour les produits polluants, en général, notamment ceux qui figurent sur la liste aujourd'hui connue des produits les plus difficiles et délicats. Nous travaillons à des processus d'interdiction à court terme.

Beaucoup d'autres sujets sont encore sur la table, comme la nécessité de rattraper le retard inacceptable de notre pays en matière d'assainissement : 146 stations d'épuration, dont certaines figurent parmi les plus grosses de notre pays, ne sont pas, et de très loin, en conformité, ce qui représente 36 millions d'équivalent habitant !

Je souhaite que le Grenelle de l'environnement soit l'occasion de lancer un grand plan de rénovation de notre système d'assainissement, avec des objectifs précis et quantifiés sur l'état d'avancement des travaux.

Enfin, l'État doit se montrer exemplaire à chaque occasion et sur chaque action. Je souhaite à cet égard fixer avec vous un principe simple : l'État ne pourra rien proposer ni imposer s'il n'est pas capable de se l'appliquer à lui-même.

Très franchement, quand Nathalie Kosciusko-Morizet, Dominique Bussereau et moi-même avons organisé le bilan « carbone » de nos ministères, les bras nous en sont tombés en raison de notre peu de capacité à le réaliser !

Ces bilans « carbone », c'est-à-dire la possibilité de revisiter toute l'action d'un groupe humain, public ou privé, pour essayer de déceler dans son mode d'organisation les gains de productivité durable qui pourraient être réalisés, sont un outil de management extraordinaire. Toutes les entreprises qui s'y sont pliées volontairement jusqu'à présent en ont tiré des décisions de management améliorant leur compétitivité et leur productivité.

Il vous appartiendra d'arbitrer sur ces sujets majeurs au terme de la réunion finale concernant le Grenelle de l'environnement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous adresser trois messages en guise de conclusion.

Premièrement, je souhaite insister sur le rôle du Parlement à l'égard du Grenelle. Qu'on ne se méprenne pas, de nombreux sénateurs et sénatrices y ont participé à un titre ou à un autre. Pour autant, ni l'Assemblée nationale ni le Sénat ne sont un des collèges du Grenelle.

Le Parlement de la République française n'est pas une partie prenante opérationnelle directe, encore que, monsieur le président, le Sénat s'honorerait de faire son propre bilan « carbone », comme toute institution !

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