Quatrième objectif, il faut favoriser la prise en compte du développement durable et la responsabilité des acteurs privés. À cet égard, il me paraît important de souligner qu'il faudra tenir compte des spécificités des PME pour que celles-ci puissent appliquer les mesures proposées, et ne pas penser uniquement aux grandes entreprises. Je songe notamment ici aux mesures, qui me paraissent tout à fait légitimes, visant à élargir au développement durable et à la protection de l'environnement les missions des comités d'entreprise et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Les points de convergence entre le groupe de travail sur la biodiversité et celui qui consacre ses réflexions aux modes de production durables sont heureusement nombreux, tant l'agriculture est le fruit d'une interaction forte de l'homme avec son environnement.
Après avoir souligné avec raison que la crise de la biodiversité est certes moins connue que celle du climat, mais qu'elle est tout aussi grave et surtout irréversible, le groupe de travail n° 2 a identifié 115 mesures, regroupées autour de quatre grands axes, permettant d'enrayer la perte de biodiversité.
La proposition d'instituer une « trame verte » et des corridors biologiques est conçue comme un instrument décentralisé d'aménagement durable du territoire. Il s'agit de préserver la biodiversité ordinaire et les fonctions des écosystèmes, en assurant les continuités et les proximités entre milieux naturels et en encourageant la densification urbaine.
Le problème qui reste peut-être posé est celui des critères juridiques attachés à ces concepts. Faut-il que le respect de la « trame verte » soit opposable aux tiers ? Cela donnerait évidemment une force beaucoup plus grande au dispositif. Cette question fait débat, mais elle mérite d'être étudiée à fond.
Par ailleurs, je me félicite de la présentation d'un ensemble de mesures visant à atteindre un bon état écologique pour les deux tiers des eaux de surface d'ici à 2015, en cohérence avec les objectifs de la directive-cadre. Il nous faut ainsi utiliser et renforcer les outils de la récente loi sur l'eau et les milieux aquatiques pour protéger les points de captage. Dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire. Peut-être conviendrait-il de davantage « sanctuariser » les points de captage et de faire en sorte que les pratiques culturales dans ces zones soient mieux maîtrisées, éventuellement en y imposant ou en y encourageant l'agriculture biologique. Il faut aussi avancer dans la voie de la constitution de réserves quand cela s'avère nécessaire.
Il est en outre indispensable de rattraper le retard accumulé dans l'application de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. Sur ce point, en tant que vice-président du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je puis témoigner que des retards inacceptables existent s'agissant de certaines de nos plus grosses stations d'épuration. Il nous faut donc étudier des mesures plus incitatives, en prévoyant peut-être des subventions dégressives, plus importantes en début de programme qu'à la fin, pour que les élus réagissent plus rapidement. C'est là un domaine extrêmement important pour l'avenir de notre milieu environnemental.
Je présenterai les mesures consacrées à l'agriculture en même temps que celles qui sont proposées par le groupe n° 4.
S'agissant de la structuration des actions en faveur de la biodiversité, je souscris à l'idée de la constitution d'une mission parlementaire pour expertiser la proposition de regrouper en une seule organisation traitant de la biodiversité - pourquoi ne pas créer une agence nationale ? - les très nombreux établissements publics et organismes nationaux existants.
En matière fiscale, il convient de substituer à une fiscalité qui a finalement tendance à favoriser la dégradation du milieu une fiscalité incitant à des comportements vertueux en termes de consommation d'espaces naturels ou de ressources vivantes.
Plus généralement, s'agissant du volet fiscal du Grenelle de l'environnement, l'application du principe d'un basculement à pression fiscale globale constante peut conduire à aggraver la situation de certaines catégories sociales défavorisées, d'où la nécessité de mettre à l'étude un certain nombre de mesures compensatoires. Cela étant, il est vrai que la fiscalité incite encore trop souvent à la dégradation de la biodiversité. Peut-être faut-il envisager la mise en oeuvre de nouvelles mesures : certains ont évoqué l'instauration d'une « écovignette », mais je sais que parler de fiscalité engendre toujours des débats passionnés...
Le groupe de travail insiste également, au travers d'un certain nombre de mesures, sur la nécessité de mieux connaître et faire connaître la biodiversité et les moyens de la préserver. Là encore, il faut renforcer la recherche scientifique, l'expertise, le partage des connaissances. En tant que président d'un parc naturel régional, je suis parfois quelque peu ébahi de la méconnaissance du milieu naturel par la population. Peut-être conviendrait-il de songer à renforcer l'enseignement des sciences naturelles au collège et au lycée !
Je voudrais enfin mettre en exergue la nécessité de s'appuyer sur le monde agricole afin d'enclencher un mouvement de transformation en profondeur de l'activité agricole.
Nombre d'agriculteurs ont largement fait évoluer leurs pratiques depuis une dizaine d'années et sont prêts à aller plus loin. Les organisations professionnelles agricoles ont participé de façon constructive - j'en ai été témoin - au Grenelle de l'environnement, et il faut s'en féliciter.
Parmi toutes les mesures proposées, je n'en citerai que quelques-unes pour illustrer ce propos qui se veut optimiste.
J'évoquerai ainsi la définition, dès 2008, de référentiels de certification, déclinés territoire par territoire, afin d'engager une démarche de certification des exploitations agricoles. Il me paraît intéressant d'encourager, par l'attribution d'un « bonus », les jeunes qui s'installent en choisissant le niveau maximal de certification et de proposer la qualification en haute valeur environnementale pour l'ensemble des exploitations des lycées agricoles. À cet égard, je pourrais donner des exemples quelque peu regrettables d'exploitations liées à des lycées agricoles ne présentant pas les meilleures garanties...
En ce qui concerne les labels administrés, tels que les appellations d'origine contrôlée et les labels rouges, on pourrait intégrer dans leurs cahiers des charges des caractéristiques environnementales à respecter un peu plus accentuées qu'elles ne le sont aujourd'hui.
Il faut également mener une action volontariste en faveur de l'agriculture biologique. On a longuement débattu de la part que celle-ci devrait atteindre dans la production totale : 5 %, 10 %, 20 % ? En tout état de cause, une part croissante de ce marché est couverte aujourd'hui par des produits importés. Il faut donc structurer les filières, développer des circuits courts et éventuellement revoir - la question mérite d'être posée - la réglementation applicable, qui semble beaucoup plus restrictive et exigeante en France que dans certains pays voisins qui nous vendent leurs produits.
Une autre priorité concerne la réduction des pollutions diffuses. Il est important de souligner que l'ensemble des acteurs s'accordent sur un objectif général de réduction. Le chiffrage de l'objectif et la définition des moyens de l'atteindre ne font pas consensus, c'est certain, mais je pense pour ma part qu'il faut au moins fixer un objectif chiffré. À court terme, il convient d'interdire les substances les plus dangereuses, à mesure que des solutions de rechange deviennent disponibles, ce qui suppose, à l'échelon communautaire, de faire reconnaître le principe de substitution.
Le débat reste ouvert sur la nécessité de compléter ce dispositif réglementaire en relevant le niveau de la redevance pour pollutions diffuses s'agissant des substances les plus dangereuses, afin de donner un signal économique fort.
D'autres questions importantes ont été abordées, qui méritent de faire l'objet d'une réflexion et de mesures urgentes.
Ont été par exemple évoquées les économies d'énergie liées à une meilleure isolation des bâtiments anciens et au respect de critères HQE - haute qualité environnementale - pour les nouveaux bâtiments, ainsi que la nécessité de mener une action forte pour promouvoir le transport collectif, en particulier ferroviaire, et le transport fluvial pour les pondéreux.
De nombreux groupes ont fait des propositions concrètes pour mieux maîtriser le foncier, éviter le gaspillage d'espaces agricoles. Ainsi, entre 40 000 et 60 000 hectares de terres agricoles sont perdus chaque année. Sur ce point aussi, il faut réfléchir aux moyens de contrer l'étalement urbain en utilisant un peu mieux ces outils que sont les plans locaux d'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale dans leur volet environnemental.
J'évoquerai maintenant rapidement les deux sujets qui fâchent.
S'agissant du nucléaire, beaucoup ont rappelé que la production d'électricité d'origine nucléaire permettait à la France d'émettre beaucoup moins de CO2 par habitant que d'autres pays européens voisins, mais la question du traitement des déchets nucléaires et celle du coût du démantèlement des centrales nucléaires obsolètes suscitent des controverses fortes. Il faut au moins, dans ce domaine, faire preuve de la plus grande transparence.
Quant à la question des OGM, elle a fait l'objet de débats que beaucoup, venus d'horizons politiques variés, ont qualifié de sérieux, d'approfondis et de fructueux. Le souhait que j'exprimerai cet après-midi est que le texte voté au Sénat soit examiné rapidement par nos collègues députés, en y intégrant les réflexions du groupe du Grenelle de l'environnement. L'attente n'a que trop duré !
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'écologie est véritablement devenue une question centrale pour l'avenir de notre société. Sommes-nous prêts à assumer cette réalité ? Il s'agit d'un virage rapide et radical à prendre. Les conséquences dramatiques des changements climatiques déjà en cours tendent à le prouver.
Trois options concomitantes sont à envisager.
La première, philosophique, à tendance morale, vise à la réforme des comportements individuels dans les gestes quotidiens. Chacun devra modifier ses comportements, au regard notamment de l'utilisation de l'eau, de la pollution de l'air ou de la lutte contre le bruit.
La deuxième option, politique, tend à l'établissement de lois, de règlements, de conventions, de normes, afin de réguler le marché en vue d'une meilleure prise en compte de l'environnement. La difficulté est de définir à quel endroit on place le curseur entre le contractuel et le coercitif. Il est vrai que parvenir à la conclusion d'un contrat est souhaitable, mais j'ai le sentiment que la coercition est parfois utile s'agissant d'enjeux majeurs, par exemple la protection des points de captage.
Enfin, la troisième option est celle de la voie scientifique, qui mène vers les énergies renouvelables et vers de nouvelles technologies permettant de réduire la consommation d'herbicides, de pesticides et d'intrants, ainsi que d'eau par des techniques de recyclage. Cependant, la science a des limites et ne peut tout résoudre, encore que j'aie le sentiment que, dans la recherche sur les variétés de semences, on a plutôt privilégié les variétés les plus productives, au détriment des variétés les plus rustiques. Peut-être conviendrait-il de réorienter les recherches.
Pour ne prendre qu'un exemple récent, certaines variétés de pommes de terre résistent mieux au mildiou que d'autres. Dans ce domaine, la réflexion doit être encore plus approfondie.
Nous sommes donc placés au pied du mur. Il faut bâtir un dispositif pragmatique qui ne déçoive pas les attentes fortes de la société, tout en sachant que les ruptures proposées pour réorienter la croissance et prendre en compte l'environnement nécessitent certes du temps, mais surtout des moyens financiers importants.
Je souhaite qu'à partir de ce diagnostic largement partagé se tienne un vrai débat sur les moyens à mettre en oeuvre pour que toutes ces préoccupations soient prises en compte de manière rigoureuse et sérieuse.