Monsieur le ministre d'État, vous avez ouvert, sur l'initiative du Président de la République, un débat essentiel pour notre pays et pour la planète. Je vous en sais gré, car il est essentiel pour notre assemblée de pouvoir débattre de ce sujet.
Comme toute bonne idée, le Grenelle de l'environnement doit éviter un écueil de taille : il ne doit pas être un simple cahier des doléances écologiques et finir en testament des causes perdues ! Bien au contraire, il doit constituer une véritable force de propositions et d'actions collectives lisibles, viables et durables.
Je limiterai mon intervention à un thème, car le sujet est vaste, à savoir le problème de la gestion des OGM.
Les inquiétudes à ce sujet sont très grandes et d'autant plus fondées que le vivant est désormais la propriété de multinationales, que la lutte contre la faim dans le monde pourrait n'être qu'un prétexte fallacieux pour avoir recours aux OGM et que leur utilisation s'effectue aujourd'hui dans une totale opacité, qui interdit de connaître la localisation des surfaces cultivées, ainsi que les conséquences sur l'environnement de la dissémination de ces substances.
Dans un contexte international de mondialisation de l'économie, de recherche de rentabilité à tout prix et de profits faciles, je m'oppose, avec conviction et détermination, sans concession, aux manipulations et aux modifications génétiques du vivant, qu'elles concernent l'humanité tout entière ou notre environnement naturel.
Opposé depuis de nombreuses années à toute brevetabilité du vivant - il appartient au patrimoine inaliénable de l'humanité -, je considère que tant que la preuve scientifique et technique de la non-toxicité des OGM n'aura pas été faite à court terme, compte tenu des conséquences sanitaires qu'ils pourraient entraîner à long terme, il est urgent d'interdire toute manipulation transgénique, sauf, naturellement, dans le cadre de la recherche fondamentale. Ce n'est pas lorsque des désordres sanitaires et des dangers, pour l'heure insoupçonnés, résultant de maladies provoquées par des OGM, se développeront dans une ou deux générations, que l'on pourra faire marche arrière.
J'estime à cet égard que le Grenelle de l'environnement doit être l'occasion de rappeler les limites éthiques du développement des biotechnologies en matière agrochimique.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la nature est généreuse. L'homme en a toujours tiré plus de profits, grâce aux progrès liés aux investigations techniques.
Combien d'alcaloïdes, d'hétérosides ou autres substances issues du monde animal et végétal ont-ils permis de soulager ou de guérir les affections les plus graves ?
Je le répète : la nature est généreuse, mais elle n'aime pas être violée. Quand l'homme ne la respecte plus, elle organise sa propre défense. Quand l'homme imagine de nourrir des herbivores avec des farines animales, on sait ce qu'il advient.
Quand l'homme met au point chimiquement certains pesticides ou herbicides sans prendre la précaution d'effectuer des recherches approfondies sur leur innocuité, il favorise des accidents de reproduction cellulaire, dont on connaît les conséquences.
Alors ne jouons pas de nouveau les apprentis sorciers au motif qu'il s'agit de plantes et non d'humains et d'animaux ! Consacrons tous nos efforts à la recherche fondamentale, mais dans des conditions optimales de sécurité.
Pour ces raisons, je considère que les efforts financiers pour donner à la recherche fondamentale les moyens de s'intensifier doivent être aujourd'hui prioritaires.
À l'instar des recherches sur les virus endémiques, les recherches agronomiques sur les OGM doivent être réalisées spécifiquement en laboratoire, dans la plus parfaite sécurité des installations et des manipulations, afin de réduire au maximum les risques à la fois pour l'environnement et pour les personnes impliquées dans les processus de recherche.
En conclusion, je rappellerai quatre exigences qui doivent impérativement être satisfaites pour répondre à l'hostilité de quatre Français sur cinq - selon un sondage - à la commercialisation d'OGM sur notre territoire, commercialisation que Bruxelles vient d'autoriser.
Il faut d'abord imposer, dans les plus brefs délais, un moratoire sur les cultures en plein champ, impliquant l'interdiction de toute culture à l'air libre et de tout essai d'OGM en milieu ouvert.
Ensuite, l'utilisation des OGM doit être réservée à la culture en milieu confiné aux seules fins de la recherche fondamentale.
Par ailleurs, il faut réclamer que le contrôle des OGM soit confié à des laboratoires indépendants des multinationales. Je rentre d'une mission sénatoriale au Brésil. Nous n'avons pas, sur ce point, obtenu les renseignements et les apaisements que nous attendions.
Enfin, considérant que nous subissons déjà la présence de substances transgéniques dans notre alimentation, il faut exiger l'amélioration de la traçabilité des aliments grâce à l'étiquetage obligatoire de l'ensemble des produits alimentaires. Les consommateurs doivent être informés lisiblement de la présence d'OGM dans leurs aliments à base de lait, d'oeufs, de viande ou de produits dérivés, provenant d'animaux d'élevage nourris au soja ou au maïs transgéniques.
En effet, nos concitoyens ont le droit de savoir ce qu'ils ont dans leur assiette dès lors que plus de 20 millions de tonnes d'OGM entrent chaque année dans la chaîne alimentaire européenne, via l'alimentation animale.
Monsieur le ministre d'État, le Grenelle de l'environnement que vous avez appelé de vos voeux, avec le Président de la République, nous permettra de revisiter tous ensemble le « contrat naturel » si cher à Michel Serres. Comme tous nos compatriotes, j'en attends beaucoup.
À la puissance publique maintenant de jouer pleinement son rôle de garant écologique et de régulateur économique !