J'évoquerai d'abord les problèmes de forme.
D'une part, nous avons tout de même eu du mal à nous y retrouver. Il a fallu attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant que les règles du jeu ne soient définies, ce qui a dérouté les participants.
D'autre part, le rythme de travail imposé, surtout pendant la période estivale, a permis à des lobbies bien structurés et organisés d'entrer plus facilement dans la problématique, et ce au détriment d'un certain nombre d'autres acteurs, notamment institutionnels. Ainsi, l'Association des régions de France a éprouvé quelques difficultés à entrer dans cette mécanique.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, quelles que soient la qualité des travaux et la force des propositions du Gouvernement, l'enjeu est tel que l'implication de tous les partenaires sera indispensable pour faire bouger la société. Cela suppose donc de se rendre sur le terrain. Il faudra travailler au niveau local avec une vision globale. Il sera donc nécessaire de trouver les voies et les moyens pour associer étroitement les collectivités territoriales à la démarche.
Je voudrais à présent aborder les insuffisances sur le fond.
Tout d'abord, il est, me semble-t-il, nécessaire de clarifier le concept même de développement durable. Il y a un peu de philosophie à introduire dans la réflexion. Je ne suis pas sûr que tout le monde considère cette notion comme essentielle pour l'avenir de l'humanité. Je propose donc que l'on se réfère à la définition que donnait Mme Brundtland en 1987. Pour elle, le développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » L'humanité doit être et demeurer au centre de notre préoccupation.
Ensuite, et une telle insuffisance est d'autant plus lourde que nous nous sommes tous focalisés sur les aspects techniques ou économiques de la question, je voudrais mentionner les conséquences sociales, de la crise environnementale, d'une part, et de la mise en oeuvre de telle ou telle mesure destinée à améliorer la situation en matière d'environnement, d'autre part.
De ce point de vue, même si le dialogue qui semble se nouer entre les environnementalistes et les représentants du monde économique constitue un point positif, certains n'ont pas encore bien compris que la résolution de la crise environnementale pouvait représenter une chance pour notre économie. En effet, c'est l'occasion pour notre appareil industriel et agricole de trouver un nouveau souffle. C'est l'idée d'une « nouvelle frontière ». Or cela n'est pas encore évident pour tout le monde. À mon sens, le débat doit donc continuer.
Par ailleurs, j'ai eu le sentiment, et c'est une critique qui est collective, que la discussion était dominée par des préoccupations trop hexagonales. Or la crise de l'environnement est, à l'évidence, une crise planétaire. Elle ne peut donc trouver de réponse qu'au niveau planétaire, même si cela n'interdit nullement de prendre des initiatives à l'échelon local. Il y aura donc une nouvelle dimension à prendre en compte.
En outre, monsieur le ministre d'État, au cours de ces quelques semaines, la voix de l'État m'a semblé parfois fluctuante. Ainsi, pendant les réunions des groupes de travail, ses représentants avaient parfois tendance à vouloir freiner les initiatives, alors même que vous nous invitiez à l'« ouverture » et à la « rupture ». Il y a là une contradiction.
De surcroît, et je le dis très sereinement, il était tout de même curieux de fermer les gares de fret au moment où l'on nous demandait de réfléchir sur l'avenir de la planète et sur un nouveau mode économique.