Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 4 octobre 2007 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Mais - je tiens à le préciser à M. Saunier - elles ont tout de même été surmontées tant bien que mal.

En l'occurrence, il fallait déterminer les organisations non gouvernementales représentatives, établir les listes de participants, constituer les groupes et choisir les thèmes qui seraient abordés.

Paradoxalement, les contraintes de calendrier ont peut-être permis de densifier le débat. Depuis le 27 septembre, nous avons en effet une centaine d'actions opérationnelles sur la table. Ainsi, les éléments sont prêts pour amorcer une véritable rupture et un changement de paradigme.

Concernant la démocratie extraparlementaire, disons que les groupes de travail ont associé la représentation nationale, traditionnellement souveraine, à une concertation avec la société civile, et non l'inverse... Certains députés ont pu s'offusquer de cette démocratie extraparlementaire. Les sénateurs, un peu moins, si l'on en juge par la contribution importante fournie par leurs représentants au sein du Grenelle.

Cet élan est en tout cas facilité par l'extraordinaire maturité écologique des Français ; cette participation citoyenne dans une forme organisée l'a parfaitement reflété.

Permettez-moi de relever quelques propositions qui ont été formulées au sein des groupes de travail auxquels je n'ai pas participé et qui me semblent particulièrement intéressantes.

Le premier groupe propose de diviser par cinq la consommation énergétique des constructions neuves d'ici à cinq ans et de basculer à moyen terme vers des bâtiments à énergie positive. Cette dernière proposition, ambitieuse, est réalisable, nous le savons, puisqu'elle est pratiquée outre-Rhin, dans un quartier entier de la ville de Freiburg.

S'agissant du deuxième groupe, permettez-moi de relever son idée d'introduire un critère « biodiversité et carbone » dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Commençons à introduire cette dimension très positive dans les financements !

En ce qui concerne le troisième groupe, je retiendrai l'interdiction des produits phytosanitaires les plus dangereux, bien que le délai de cinq ans qui a été retenu me paraisse bien trop long.

Pour le quatrième groupe, je relève la démarche de certification ou notation environnementale pour les exploitations agricoles.

Le cinquième groupe - plusieurs d'entre nous l'ont évoqué - a souligné l'intérêt de transformer le Conseil économique et social en « Conseil du développement durable ».

Le sixième groupe, auquel j'ai eu la chance de participer, avait pour mandat de dégager les voies de nouveaux modes de développement écologiques favorables à l'emploi et à la compétitivité. Je trouverais d'ailleurs intéressant qu'une synthèse du rapport de Jean-Pierre Landau sur les instruments économiques du développement durable soit rendue publique.

Au final, le sixième groupe a listé huit programmes et une vingtaine d'actions. Les mesures les plus visibles sont : l'instauration d'un indicateur de croissance qui constituerait une solution alternative au PIB, la généralisation des étiquettes environnementales, l'instauration d'une taxe carbone aux frontières et la création d'une contribution domestique baptisée « climat-énergie », dont l'assiette reste à préciser ; je citerai aussi l'instauration d'un péage kilométrique poids lourds et la vignette automobile, ou « éco-pastille », modulée sur les émissions de CO2 des voitures.

Je voudrais souligner à mon tour l'excellente ambiance de travail qui a régné ainsi que l'effort remarquable du président Roger Guesnerie et des rapporteurs pour parvenir à faire la synthèse de propositions variées.

Deux convictions étaient en tout cas très largement partagées dans le groupe : premièrement, on peut concilier environnement et développement économique ; deuxièmement, cette conciliation passe par une réorganisation profonde de nos modes de production et de consommation. Il n'y a donc pas eu de tabous !

Permettez-moi de rappeler trois propositions que j'ai formulées à titre personnel et qui répondent au principe « pollueur-payeur », en allant plus loin dans le développement des éco-redevances et l'intégration des coûts cachés liés à la pollution, parfois appelés, en termes quelque peu technocratiques, les « externalités ». La facture cachée de la pollution finit toujours par être réglée, mais pas forcément par les bons acteurs, et pas forcément au juste coût.

Mes propositions vont dans le sens d'une affectation claire des recettes tirées des redevances au financement de solutions alternatives et compatibles avec un développement durable pour entrer dans un cercle écologiquement vertueux.

Premier point d'application : les déchets. Il s'agit d'intégrer dès le prix de vente d'un produit le coût global de son élimination. J'ai préconisé de revoir la politique des déchets, afin que, plus systématiquement, le coût d'un produit industriel incorpore la totalité de son cycle de vie, de sa conception à son élimination physique. Un tel dispositif nous permettrait de favoriser l'éco-conception.

Deuxième point d'application : les pesticides. Je voudrais plaider ici pour des mesures vraiment dissuasives. Au-delà des interdictions qui ont été évoquées, il faudrait revoir tout de suite à la hausse les taux de la redevance pour pollutions diffuses de l'eau par les pesticides. On me dit que c'est trop tôt, qu'il faut attendre les premiers résultats de la loi sur l'eau qui vient d'être votée, que l'on doit observer les premiers effets de l'éco-conditionnalité des aides de la politique agricole commune, qu'il vaut mieux compter sur le volontariat et la contractualisation que sur la contrainte...

Mais permettez-moi, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d'État, de continuer à tirer la sonnette d'alarme ! La France est le troisième utilisateur mondial de produits phytosanitaires. Nous avons une obligation communautaire de restaurer la qualité des eaux d'ici à 2015 et les pesticides constituent le principal polluant de l'eau. C'est également la principale préoccupation environnementale de nos concitoyens.

Les redevances sont loin de couvrir l'ensemble des coûts cachés des pesticides pour la nature et la santé de l'homme. De plus, elles ne sont pas assez dissuasives. L'inertie des milieux aquatiques est terrible. Les atteintes à la biodiversité et à la santé humaine sont de plus en plus certaines. Elles relèvent de moins en moins du principe de précaution et de plus en plus du principe de prévention.

Les agriculteurs sont d'ailleurs les premières victimes des effets néfastes des produits phytosanitaires. Il ne s'agit pas de stigmatiser la profession. Les consommateurs eux-mêmes doivent s'interroger. Lorsque la pomme que l'on achète est tellement brillante que l'on peut se voir dedans, c'est à quel prix ! Elle a alors subi entre huit et quinze traitements suivant les conditions climatiques et sanitaires. Acceptons de revoir nos attentes en termes de calibrage et d'apparence au profit de nouvelles exigences qualitatives et gustatives.

Troisième point d'application du principe pollueur-payeur : les poids lourds. J'ai souhaité réaffirmer fortement la nécessité d'instaurer rapidement un péage kilométrique pour les poids lourds.

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