Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 4 octobre 2007 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Il s'agirait pourtant d'une mesure utile pour créer la demande et faire naître un marché. N'agissons-nous pas de cette façon pour les productions énergétiques non rentables ? Pour ces dernières, nous savons ajouter l'argent nécessaire, donc nous pouvons en faire autant avec le bio.

Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué en d'autres lieux votre intérêt pour cette question. J'espère que vous poursuivrez dans ce sens.

Ces réflexions m'amènent tout naturellement à évoquer les biocarburants. Selon le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, connu pour ses travaux sur la dégradation de la couche d'ozone, les agrocarburants pourraient contribuer à accroître les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, la plupart des agrocarburants seraient plus polluants que les combustibles traditionnels, exception faite de la canne à sucre !

Que déciderons-nous ? Quel rôle allons-nous assigner à l'agriculture ? Production alimentaire ? Production énergétique ? Les deux ? Dans quelles conditions ?

Il faut accroître la recherche et mieux évaluer l'efficacité environnementale et énergétique de ces productions. Plus de recherche et plus de transparence : voilà ce dont nous avons besoin.

Changement climatique, agriculture, OGM, pesticides, prix du blé, agrocarburants, ressource en eau, tout est lié. Peut-on se contenter de prendre seulement quelques mesures ? Ne faut-il pas plutôt revoir l'ensemble du système ?

Les scientifiques s'accordent à dire que les changements climatiques sont certains. C'est l'activité humaine qui a amplifié et accéléré le phénomène. La machine Terre, les espèces, ce que l'on appelle les écosystèmes, n'ont plus le temps de s'adapter, la machine se grippe et nous assistons à une désynchronisation des éléments constitutifs de cette machine.

La question des agrocarburants me conduit à aborder la problématique des modes de transports. La réduction de notre consommation d'énergie issue des hydrocarbures passe par la promotion des transports collectifs en utilisant l'énergie la moins polluante. Des investissements publics sont nécessaires pour développer ces transports sur l'ensemble du territoire.

À l'inverse, vous n'avez eu de cesse de fermer les services publics de proximité. La SNCF ferme des gares et des points de desserte ; on démonte des lignes de chemins de fer dites non rentables. Ce faisant, c'est un patrimoine que l'on brade, sans voir qu'il sera impossible de revenir en arrière. Or il faut des mesures fortes pour favoriser le report modal de la route vers le rail. Cela ne se fera pas sans intervention publique.

Récemment, le groupe communiste républicain et citoyen a dénoncé les décisions prises par la SNCF de fermer 262 points de desserte de fret pour les wagons isolés à partir du 30 novembre prochain. Les marchandises vont évidemment se retrouver sur la route.

Le transport de fret par voie ferrée et par voie fluviale est la réponse au transport des marchandises sur l'ensemble du pays. Telle est notre conception de l'aménagement du territoire. Allez-vous remettre en cause les décisions prises ? Dans le même temps, il faudra bien poser la question de l'internalisation des coûts externes négatifs du transport. Il y a bien une différence entre le ferroviaire qui participe au financement des infrastructures et le routier qui ne paie rien. Là encore, comparons ce qui doit être comparé pour avoir une idée plus juste de la situation.

Je souhaite maintenant évoquer le dossier REACH. Certes - et c'est important -, la nouvelle réglementation européenne sur les substances chimiques comporte de belles avancées : ce ne sont plus les pouvoirs publics qui devront prouver la toxicité des substances chimiques utilisées, mais il incombera aux industriels de démontrer que celles-ci sont sans danger. Pour autant, comment justifier que les entreprises soient autorisées à continuer d'utiliser des substances reconnues très dangereuses, même si des produits de substitution moins nocifs existent sur le marché ?

Ma question est donc la suivante : la France va-t-elle demander un renforcement des mesures REACH au risque de déplaire à l'industrie chimique ? Mon collègue et ami Francis Wurtz a dit que REACH était à la fois une belle illustration de ce que l'Europe pourrait être et une malheureuse confirmation de ses contradictions.

Je terminerai en évoquant les cancers provoqués par une exposition aux substances dangereuses. Le Bureau international du travail estime à 1, 7 million le nombre de travailleurs qui meurent chaque année d'une maladie professionnelle, ce qui représente presque 5 000 décès par jour.

Or les directions d'entreprises ont encore le droit de garder secrètes les informations dont elles disposent sur l'éventuelle toxicité des substances chimiques produites dans une quantité inférieure à dix tonnes par an, ce qui est le cas de la grande majorité d'entre elles. Après le terrible précédent de l'amiante, il est essentiel de les responsabiliser afin que la santé des salariés soit protégée.

Il a d'ailleurs été proposé de donner de nouvelles compétences au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur la formation des élus et sur de nombreux points. J'espère que ces mesures seront mises en place.

Le temps qui nous a été imparti ne me permet pas de porter une appréciation sur l'ensemble des mesures proposées. En parler aujourd'hui me semble d'ailleurs prématuré, puisque personne - sinon peut-être quelques initiés - ne sait ce qui sera décidé et retenu.

Tout ce qui permettra une avancée sera évidemment bienvenu. Mais, avant de parler de nouvelle politique environnementale ou de révolution, il est urgent d'attendre. De nombreuses préconisations sont intéressantes, certaines méritent d'être précisées, il faudra les hiérarchiser.

Je tiens surtout à souligner aujourd'hui l'importance et la qualité du travail effectué dans cette première phase. Les participants ont accepté la règle du jeu avec beaucoup d'enthousiasme mais aussi de lucidité. Je veux saluer particulièrement le savoir et le savoir-faire des associations environnementales qui ont apporté leur travail et leur expertise. Tous les collèges ont effectué un travail constructif.

En revanche, sur le fond, les démarches sont différentes : certains pensent que le marché peut infléchir ses choix si c'est son intérêt et si l'opinion publique le demande. C'est sans doute vrai à la marge. Mais cela permettra-t-il pour autant d'arrêter la machine infernale qui met toute la planète et tant de peuples en souffrance ? Permettez-moi d'en douter. Seule une volonté politique forte, s'appuyant sur le service public et l'intervention citoyenne, au nom de l'intérêt général, dans une logique de solidarité, dans un cadre national, européen et international, permettra de renverser la tendance. C'est notre conviction la plus profonde.

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